samedi 27 février 2010

Billet N°46 - Abattage en carène à Chaguaramas (Trinidad) -par Olivier

Du 17 au 22 Février 2010


Hommage a Yaya au grand cœur…

Depuis la traversée Canaries- Cap Vert, pendant laquelle j’avais détecté un jeu un peu trop important dans les paliers inférieurs de gouvernail, nous nous demandions où j’allais bien pouvoir sortir notre catamaran de l’eau, pour remédier au mal. C’est que, une fois quittées les côtes européennes, les engins capables de sortir un catamaran de 8,60 m de large se font rares.

A Dakar, où nous avions reçu les paliers de rechange en provenance de Marans, rien, et dans le Nordeste brésilien, rien non plus.

J’avais donc jeté mon dévolu sur les chantiers de la baie de Chaguaramas, à Trinidad, bien équipés, et autour desquels on trouve pas mal de fournisseurs et de services pour réparer les bateaux.

En Afrique, sur les fleuves Saloum et Casamance, et plus encore en Guyane, les carènes se recouvrent, malgré l’antifouling, de nombre d’organismes vivants, crustacés ou végétaux, qui finissent par freiner sensiblement les voiliers. Un carénage s’imposait de toute façon avant la traversée de l’océan Pacifique, histoire de nettoyer les flotteurs et de les recharger, à prix d’or, en antifouling érodable.

Et puis, comme toujours sur les voiliers en voyage, la liste des points à traiter pendant l’arrêt technique commençait à s’allonger.

Pour changer ces paliers, les safrans doivent être démontés. Cela peut se faire à la limite à flot, mais c’est dangereux pour les mèches, et si on veut vraiment voir ce qui se passe, il faut sortir le bateau de l’eau.

Je connaissais déjà le chantier Peake pour y avoir laissé en hivernage un grand monocoque, et c’est finalement le seul sur la place qui dispose d’un travelift suffisamment large pour sortir Jangada.

Mais quand je (re-) découvre l’engin et sa darse de béton, je m’inquiète pour la largeur, et shangaïe illico Marin pour aller la mesurer. Résultat : ça va rentrer, mais au chausse-pied !

Je passe une demi-journée à préparer la dépose des deux safrans. Sur Jangada, l’appareil à gouverner est très bien fait : 3 paliers par mèche, un pilote automatique électrique à tribord, un autre hydraulique à babord, 3 bras de mèches en sus des 2 qui officient sur le pont arrière…

Il va falloir que tout ça « tombe » tout seul au moment où le travelift va hisser le bateau à plus de 5 mètres en l’air ! Les mèches, à elles seules, mesurent 3 mètres de long…

J’ai recruté les 4 autres skippers pour aider à la fois à la manœuvre d’entrée dans la darse et à la dépose des safrans.

Tout se passe nickel chrome.

Mais un cinquième homme de main est lui aussi présent : Yaya !

Yaya au grand cœur…Yannick de son prénom.

Et sans Yaya, les cinq jours de l’arrêt technique de Jangada à Chaguaramas n’auraient pas été les mêmes.

Il serait plus court d’indiquer ce que Yaya n’a pas fait dans sa vie, plutôt que ce qu’il a fait.

Marin marchand, breton de son état, équipier de Kersauzon, constructeur naval, grand voyageur surtout, Yaya est pour l’heure à Trinidad chef de projet du refitting d’un grand catamaran de 100 pieds, d’ailleurs passé par le chantier de Rochefort il y a quelques années.

Mais comme ledit grand yacht est en instance de chargement sur un cargo, Yaya va nous faire bénéficier pendant 1 semaine de sa connaissance de Port of Spain, et surtout de celle de la zone des chantiers navals de Chaguaramas, et de tous les fournisseurs nautiques qui y sévissent.

Nous trouverons ainsi en peu de temps et quelques allées et venues motorisées tout ce dont nous avons besoin pour mener à bien notre petit arrêt technique dans les 5 jours du forfait imparti par le chantier.

De l’antifouling Micron 66 (5 gallons) aux boulons inox de 8 x 100 pour les bras de mèche, en passant par le dérouillant-passivant et la nouvelle bouilloire (la précédente a rendu l’âme au bout de 6 mois de service, merci le made in China … !), nous avons appris à connaître la zone technique de Chaguaramas comme nos poches.

Yaya conduira ces dames au supermarché de Port of Spain, surveillera pour le compte de leurs maris l’échauffement des cartes bleues, négociera les prix chez les shipchandlers, divisera par deux le prix du litre de diesel pour les accros du bidon (soit 20 centimes d’euro), nous fournira l’insecticide local total killer, nous apportera des Carib bien fraîches à l’heure la plus chaude de nos journées de travail, mettra la main au rouleau de peinture, nous emmènera à sa cantine, et même, en fin de chantier, quand la victoire sur la liste des points techniques « à traiter sans faute » sera acquise, dans la piscine de son hôtel.

Yaya nous fera mettre de côté en Martinique les filtres de déssalinisateur introuvables à Trinidad et sans lesquels les Tuamotus seraient pour nous un désert aride, il organisera à distance le remplacement au Marin du câble inox de martingale de Jangada (qui tient l’étai, et donc le mât…), dont trois torons sont rompus au niveau du sertissage tribord.

(Jangada est un catamaran particulièrement large, donc puissant, entendez par là qu’il a une forte stabilité, laquelle soumet le gréement, la mâture et les voiles, à des efforts importants.)

Nous remontons les safrans et remettons Jangada à l’eau, propre comme un sou neuf, après un mega-lessivage général orchestré en famille.

Yaya, merci à toi de t’être trouvé sur notre chemin à Trinidad, et … à bientôt en Matinik !

Mais une ombre se dessine au tableau : depuis le début de notre séjour à Trinidad, des informations assez alarmistes s’échangent entre voiliers voyageurs sur l’augmentation sensible d’ actes de piraterie violents constatés contre les voiliers en escale sur la côte nord et dans les petites îles du large du Venezuela. Les journaux s’en font l’écho, des avis sont affichés dans les bureaux des chantiers. Le grand responsable semble bien être le gouvernement vénézuélien lui-même, et son président, Hugo Chavez, dont la « révolution bolivarienne » et le populisme n’ont pas que des bons côtés, tant s’en faut, et encouragent de fait ces actes non réprimés.

Notre programme initial prévoyait, au départ de Trinidad, de faire route vers l’ouest et le Canal de Panama en passant par les Testigos, la Blanquilla, Las Roques, Los Aves, des destinations autrefois (il y a encore un an…) agréables et sans histoires.

Plusieurs récits détaillés d’attaques récentes contre des voiliers dans ces îles, et une agression à la machette d’une extrême violence contre l’un de nous, un soir à proximité du chantier, nous font prendre à regrets la décision commune de ne pas aller tenter le diable chez des gens pour qui la vie humaine a si peu de valeur.

En ce qui nous concerne, nous décidons d’un lot de consolation aux Tobago Cayes (Grenadines), sur la route de la Martinique, où nous devons désormais impérativement nous rendre pour aller chercher nos filtres de watermaker et remplacer le câble de martingale qui menace notre mâture d’horizontalité…

Et, après la Martinique, puisque nous n’irons pas au Venezuela, nous allons essayer d’aller à Carthagène en Colombie, sur la route du Canal.

Nous faisons une liste, qui s’allonge très vite, des tas de choses que nous pourrons faire en Martinique… de la visite chez un chirurgien-dentiste pour Adélie et Marin, à l’expédition des évaluations du CNED, en passant par l’achat de la dernière BD de Tramp (chère au Capitaine)

ou celui du dernier numéro de Multicoques Magazine, où, paraît-il, on parle de la récolte du vin de palme en Casamance par l’équipage de Jangada ! Et puis, comment le passer sous silence, ce sera évidemment l’occasion d’un pèlerinage solennel sur les marches de la mairie du Diamant (tu t’en souviens Timothée, toi qui nous aspergeait de grains de riz, et vous chers Olivier et Emmanuelle ?), où le 20 Avril 1996, j’épousais Barbara sous le soleil de l’île aux fleurs !

Adieu Chaguaramas ! nous laissons le pétrole flotter à la surface de ta baie et …

Cap au nord ! en route pour les Cayes, et Petit Tabac !

Olivier
Jangada entre tout juste dans la darse du travelift de Peake Yacht Services...

Mauvais temps pour les berniques!

Anniversaire de Zéphyr à bord de Jangada, à Chacachacare.

Rare, 5 couples, 5 voiliers, 10 enfants, en escale à Trinidad, avant que nos routes ne se séparent...

Nous utilisons les taxi-co de Trinidad, en respectant les consignes...

Sur le chantier, les enfants ont construit leur cabane...

Fin de chantier...


Joli travail de l'équipage!
Retour à l'eau...
... et en route pour de nouvelles aventures!

Billet N°45-Carnaval à Port of Spain (Trinidad)par Olivier

15 et 16 février 2010


Mais où sont donc passés les steel-bands ?

Nous quittons le joli mouillage de Crown Point à Tobago en début de nuit, le Samedi 13 Février, cap sur Trinidad. Le courant et le vent nous portent vers le sud-ouest sur les 60 milles de ce parcours tranquille, sous un ciel magnifiquement étoilé.

Au petit matin, nous nous engageons dans la Boca de Monos, la passe étroite la plus orientale des Bouches du Dragon, par lesquelles le Golfe de Paria communique, au nord, avec la Mer des Caraïbes.

Sur le canal 72 de la VHF, nous sommes attendus, pas moins de 4 voiliers connus sont à l’écoute, chacun avec un couple et 2 enfants ! Le programme de la journée s’en trouve immédiatement modifié, mouillage à l’île de Chacachacare, à quelques lieues marines de la baie de Chaguaramas, notre destination.

5 voiliers au mouillage, 5 couples et 10 enfants (et Yaya, personnage clef de Trinidad), tous en voyage, 3 pour une année autour de l’Atlantique, un quatrième pour un vagabondage dans l’est-Pacifique, et le dernier…, pour un tour du monde, si Dieu le veut !

Tant de choses peuvent arriver en chemin.

Le soir, nous gagnons le mouillage de la baie de Chaguaramas, la zone des chantiers navals de Port of Spain, la capitale de l’île et du petit état de Trinidad (et Tobago).

Le chantier Peake Yacht Services nous a confirmé par e-mail la sortie d’eau de Jangada dans son travelift de 150 tonnes pour le Mercredi 17 à 09H00.

Lendemain de Carnaval… Pourvu que tout le staff du chantier ait retrouvé ses esprits…

Pour l’heure, la fièvre monte dans la ville, à une dizaine de kilomètres plus à l’est, le battement rythmé des basses émises par des sonos monstrueuses nous parvient jusqu’au mouillage, porté par l’alizé.

Nous sommes à Trinidad pour le Carnaval !

Autant vous le dire tout de suite : n’achetez pas un billet d’avion pour venir au Carnaval de Trinidad. Il n’en vaut plus la peine. Même s’il reste le plus grand carnaval des Antilles.

« A huge, joyful, carefree celebration » disent les jounaux de Port of Spain, où tout s’arrête de fonctionner pendant 5 jours, minimum.

Désolé de revenir trente années en arrière : j’ai eu la chance d’y participer, en 1981. C’était alors, probablement, le plus grand show du monde !

Passé à Brest dire bonjour à Michel Jaouen (le bon Père) de retour d’un convoyage aux Iles du Cap Vert, je me retrouve, sans l’avoir imaginé une seconde, à bord du trois-mâts Bel-Espoir II, 10 jours plus tard, et 3 ans après y avoir effectué mon service militaire, à rempiler pour une traversée de l’Atlantique, comme Capitaine.

Ce qui m’a conduit, après 4 semaines de mer, au Carnaval de Trinidad !

A l’époque, je vous le dis, le Carnaval était grandiose. Un prodigieux délire humain.

Quelque chose comme 160 00 participants qui, pendant 5 jours, jouaient un hymne débridé à la couleur, à la musique, à l’érotisme et à l’imagination.

Mais Trinidad a bien changé depuis qu’on y exploite le pétrole off-shore, aux portes du Venezuela, le grand voisin, également gros producteur.

Et les sonos surpuissantes montées sur des gros camions (une technique copiée sur celle des « trios electricos » des carnavals brésiliens) ont remplacé les « steel bands » qui jouaient, avec des centaines de musiciens à pied, des calypsos endiablés…

Pour tout vous dire, les « steel pans », les fameux drums (fûts de pétrole de 200 litres, retaillés et accordés) de Trinidad, sont même devenus rares au Carnaval …de Trinidad !!!

Tout fout le camp!

Ces culs de fûts métalliques, façonnés par de vrais musiciens-métallos, orfèvres de l’accord à la soudure, avaient créé la musique originale de Trinidad, le calypso joué par les steel-bands sur des steel-pans.

Les pauvres, à la peau de préférence noire, après l’ère de l’esclavage dans les plantations sucrières, et avant celle du pétrole, avaient inventé une autre façon de vivre la musique, avec des instruments moins chers que les instruments conventionnels.

Michel Jaouen, jésuite de son état, pragmatique de tempérament, et dont je connaissais bien l’appréciation du Carnaval, disait à peu près ceci :

« Le grand danger qui menace un carnaval, c’est l’amélioration du niveau de vie. Le carnaval de Caracas s’est effiloché à cause du pétrole. Maintenant, les vénézuéliens viennent ici. Ceux de Rio ou de Salvador ne tiennent vraiment que par les favelas et les quartiers pauvres de ces cités. Le carnaval a toujours été le défoulement majeur qui permet de supporter les misères quotidiennes. Pendant quelques jours, c’est l’oubli. Ni riche, ni pauvre, ni cocu, ni malade, ni chômeur. Play mass ! Nous sommes tous des dieux ! »

Je partage globalement son avis.

Mais, biensûr, on ne va pas reprocher aux habitants de Port of Spain d’avoir vu leur niveau de vie augmenter sensiblement avec la manne du pétrole et l’activité des chantiers navals…

On ne va pas leur recommander de rester pauvres pour nous offrir un beau carnaval !

Il n’empêche, les deux conséquences les plus voyantes dans les rues de la ville pendant le Carnaval sont le nombre de gros 4x4 rutilants, et la quasi disparition des steel-bands à pied, remplacés par ces gros trucks sponsorisés qui ont à bord des milliers de watts de puissance sonore, et quelques synthétiseurs…sans oublier deux ou trois donzelles largement dénudées, animées d’ondulations plutôt lascives.

Plus riches, les citoyens de Trinidad ont viré les steel-bands et les drums au profit des groupes électrogènes et des synthés. Et le Carnaval a tendance à tourner à la beuverie sexy, plutôt disco.

Pas de doute, il a beaucoup perdu de son attrait.

J’ai acquis la conviction au fil du temps que plus on est riche, moins on sait faire la fête…

Le Carnaval dure cinq jours.

Dès le « vendredi gras » c’est l’élection des « King and Queen of the Bands ».

Le « samedi gras », c’est « Panorama », le carnaval des enfants. La rue est à eux, à leurs écoles, et à leurs associations sportives.

Le « dimanche gras », c’est le « all mass », carnaval de rue, populaire, informel, bruyant. Les vrais costumes du Carnaval sont encore au secret. Mais les décibels font des petits avec les watts. Le maître-mot, c’est « jump », danser.

Pas compliqué a priori, mais là encore, il semble que plus on a la peau noire, mieux on sait danser, au moins sur ces rythmes-là.

Les deux vrais jours du « Carnival » (Trinidad et Tobago a surtout connu la colonisation anglaise, mais Tobago a eu aussi une période française), ceux sont le lundi et le mardi.

Le lundi, c’est « J’ouvert », en français, l’ouverture officielle. La fête continue, et le spectacle, entendez costumé, commence.

Et le mardi, c’est le d-day du Carnaval, the « Parade of the Bands », le défilé officiel des bands.

Le jour le plus coloré, le plus intense, le plus sonore.

Au Carnaval de Trinidad, à peu près tout est permis, mais malgré tout là encore, moins qu’auparavant.

Couleurs, imagination, fantasmagorie, paillettes, plumes, masques, petites culottes, et pas mal d’érotisme.

La mémoire de Bob Marley est très présente dans les couches populaires, davantage par les idéaux qu’il véhiculait que par son reggae, puisque Trinidad a sa propre musique, le calypso. Les dreadlocks fleurissent sous les bonnets de laine rouge vert et jaune des rastas.

L’alcool coule à flot, bières Carib ou Stag, rhum blanc ou vieux de toutes les Antilles, whisky et vodka. Les caniveaux sont jonchés de canettes, de bouteilles, et les trottoirs de fêtards dont on ne sait pas très bien s’ils sont morts ou vivants. Mais de toute façon saouls.

La ganja (la marijuana) embaume les rues de Port of Spain pendant ces jours très permissifs.

L’exutoire est en place.

Mais la police est très présente.

Car le Carnaval a toujours été, aussi, le théâtre d’une certaine violence : règlement de comptes (à la machette, ou par balles, les deux méthodes sont prisées ici), vols, viols.

Il n’y a pas que des anges derrière les arbres de Queen Savannah Park.

Pour temporiser les excès, les moyens sont variés : cela va de la police montée (à cheval), matraque à la main, jusqu’au dirigeable ultra-moderne, qui plane majestueusement au-dessus de la ville pendant toute la durée du Carnaval, et dont la nacelle climatisée est bourrée, paraît-il, de caméras.

Pour notre part, nous irons au Carnaval les lundi et mardi, avec les enfants, en restant en groupe, et en rentrant avant la nuit.

Marin et Adélie découvrent, prudemment au début, ce grand défoulement collectif. Je leur recommande de se boucher les oreilles devant l’empilement des enceintes qui débitent des centaines de décibels, à vous faire exploser les tympans.

Adélie observe avec envie les costumes à paillettes multicolores, et se met à ramasser de çi de là de quoi se faire sa propre parure de carnaval. Elle y arrivera ! Marin regarde avec étonnement toutes ces filles légèrement vêtues dont la vertu, pendant le Carnaval, ne semble pas être le premier objectif…

Ce qui les étonne le plus, ce sont les camions-toilettes, intercalés avec les trucks des sonos, des semi-remorques qui avancent au pas, comme tout le carnaval, et qui sont chargés d’une vingtaine de cabines WC, libres d’accès.

Une banderole résume la situation : « organised confusion ».

Allez, je vous joins mes meilleures images du Carnaval 2010 à Trinidad !

Olivier
L'un des derniers steel-bands traditionnels du Carnaval de Port of Spain.

Les pans, les drums musicaux de Trinidad.

Carib, notre bière préférée à Trinidad!

Beauté locale...

Autre beauté locale...

Et une autre beauté locale...

D'autres beautés locales...

Beauté locale fraîche et en forme...

Beauté locale fatiguée, mais touchante...

Joli sourire de Trinidad

Adélie et ses petites amies, Océanie et Julie.

A quoi peux bien penser...

...une petite fille de 11 ans au Carnaval de Trinidad

samedi 20 février 2010

Billet N° 44 – relâche à l’île de Tobago (Barbara)

Lundi 8 – Samedi 13 février :


Quand nous sommes arrivés lundi 8 février en fin de journée à Tobago après 3 jours ½ de mer en provenance des Iles du Salut en Guyane, un lâcher prise et une douce quiétude m’envahirent.

C’est souvent rétrospectivement que l’on réalise l’état dans lequel on se trouvait précédemment. Les derniers mois de navigation n’ont pas été toujours si simples, une première transatlantique pour moi, une remontée du Nordeste brésilien qui n’est pas des plus hospitalier pour les voiliers, des vents soutenus, une sortie délicate de Degrad de Cannes à Cayenne…de la mer et des mouillages souvent instables dans les rivières avec un fort courant, bref mes sens demeuraient toujours en alerte, je n’étais jamais vraiment complètement détendue. Je me sentais souvent petite chose devant la nature et en mer.

Alors cette arrivée à Tobago (au sud de l’arc antillais, près de la côte vénézuelienne) m’a fait du bien ! Après avoir passé la nuit au mouillage à Scarborough, ville principale de l’île pour faire rapidement dès le lendemain matin les papiers d’entrée sur le territoire auprès des services d’immigration et des douanes, nous filons dans un très joli mouillage à Crown Point, au sud ouest de l’île.

Quel bonheur d’entendre les enfants pousser de véritables cris de joie à la vue des eaux cristallines, de la plage de sable blanc, des cocotiers. Pour eux c’est leur premier contact avec les îles comme dans les livres d’images. Une jolie baie abritée, un mouillage qui tient, de beaux voiliers, et nous voilà tous à l’eau autour du bateau, avec palmes, masques, on plonge, replonge, on saute, resaute, on y reste des heures dans cette eau bleue transparente, jusqu’à plus soif.

A la nuit tombée le ti-punch préparé par Olivier est juste nickel. Il ne fait pas trop chaud, une douce brise ventile le bord et les moustiques sont absents.

Pendant ces 5 jours nous apprécierons la douceur de vivre de Tobago, petite île peu fréquentée des Antilles car à l’écart du circuit classique. Pour l’anecdote, Daniel Defoe y a situé son roman, Robinson Crusoe. Les habitants de Tobago sont aimables et paisibles, plutôt rastas cools. Nous n’avons pas besoin de courir pour les appros et tout semble fonctionner à bord donc pas de bricolage outre mesure, juste du CNED le matin, qui se passe plutôt tranquillement avec une pause baignade à la récré.

Nous louons une voiture pour faire le tour de l’île et découvrir l’intérieur. Une jolie balade nous permettra de remonter le lit d’une rivière avec des paliers en cascades et des baignades rafraîchissantes.

On goûte les plats créoles dans les bouibouis et on rapporte des doggy bags à bord compte tenu des portions conséquentes servies. Donc même la cuisinière a été en vacances pendant son séjour à Tobago !

Une douce escale qui fait du bien à tous et qui nous fait renouer avec les plaisirs du bateau au mouillage et en mer bleue.

En fait c’était un peu comme des vacances…

Barbara
Eaux turquoises, sable blanc et cocotiers...

Cabane colorée de Tobago

Marin retrouve les joies des vagues.

Ballade en annexe, avec les lycras de Mamina.

Captain Oliver, dont les cheveux repoussent doucement...

Cascades Argyle Waterfall

Douches naturelles

vendredi 12 février 2010

Billet N° 43 – Aux îles du Salut, en Guyane - par Adélie (avec Papa)

les Mercredi 3 et Jeudi 4 Février 2010


Cent ans de bagne… par Adélie (avec Papa)

Le Mercredi 3 Février, nous appareillons de Degrad des Cannes, et de sa rivière boueuse.

Le bateau garde les traces de son séjour en Amazonie française. Il est sale, la flottaison est marron, des algues et des coquillages se sont accrochés sur les carènes, la poussière amenée par les grains de pluie s’est déposée partout, et des micro-organismes ont noirci le pont. En Guyane, la nature est forte. Dans le long chenal de sortie, la mer est formée, les vagues déferlent. Nous passons entre le Père et la Mère, les îlots qui encadrent l’approche du port de Cayenne. Les fonds sont faibles, 5 à 6 mètres, et ils ne dépasseront pas 10 mètres jusqu’aux îles du Salut, à une trentaine de milles plus à l’ouest.

Il y a des grains, de la pluie, et du vent, et ça bouge…

Bienvenue au bagne… !!!

Un peu d’histoire…. (par Papa)

Les îles du Salut ont au nombre de trois : l’île Royale tout d’abord, 28 hectares (on en fait le tour en une heure par le sentier côtier), l’île Saint-Joseph ensuite, 20 ha, et l’île du Diable enfin, 14 ha. Les îles du Salut sont situées à 10 milles de la côte de la Guyane, juste en face de Kourou.

Nous avons fait une première visite de l’île Royale l’après-midi même de notre arrivée, puis le lendemain matin, nous en avons fait le tour par le sentier côtier, et le guide officiel de l’île nous a raconté en détails l’incroyable histoire du bagne.

En 1965, le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) en est devenu propriétaire, pour 1 franc symbolique. Les îles sont en effet situées sous la trajectoire des fusées lancées depuis le CSG, dont on aperçoit les tours de lancement depuis les îles. Une station de télémesure de la trajectoire des lanceurs est d’ailleurs installée sur l’île Royale ; elle a pris la place de l’ancien hôpital des bagnards, qui a été rasé…

Le nom des îles remonte à une expédition de 1763, sous Louis XV, dont l’objectif était de tenter un peuplement de la lointaine Guyane, qui, déjà, n’avait pas une très bonne réputation en métropole. Le nom de l’île Royale fut donné à l’île principale en l’honneur du Roi, celui de Saint-Joseph parce que c’était le protecteur sollicité pour l’expédition, et enfin le nom d’île du Diable fut donné à la moins accessible des 3 petites îles, couverte d’une épaisse végétation et bordée de roches noires volcanique battues par des flots inhospitaliers.

A cause de la mortalité extrêmement élevée, cette expédition fut un échec.

A partir de 1850, les trois bagnes maritimes métropolitains de Brest, Rochefort et Toulon sont pleins à craquer : 5500 bagnards s’y entassent.

Napoléon III, en 1852, accepte la solution que la Marine lui propose : vider les bagnes de métropole et envoyer le plus grand nombre possible de bagnards dans ce lointain territoire de Guyane, où sévissent des fièvres mortelles, et que personne ne parvient à exploiter.

Le 31 Mars 1852, la frégate « L’Allier » quitte la métropole avec 301 condamnés à la « transportation » et aux « travaux forçés ».

Après 40 jours de mer, elle arrive au mouillage de l’île Royale le 10 Mai suivant : c’est le début d’un siècle de bagne en Guyane.

Le bagne s’installe d’abord aux îles du Salut, puis à l’îlet La Mère, au large de Cayenne.

La corvée la plus dure pour les bagnards, c’est la « corvée de roche » : extraire, à la seule force des bras, la pierre qui sert à construire les nombreux bâtiments du bagne, et la route reliant Cayenne à Saint Laurent du Maroni.

Le taux de mortalité constaté chez les bagnards est immédiatement très élevé : entre 25 et 40% sur 5 ans.

15 000 bagnards vont mourir dans la construction de cette route…

En 1856, une partie du bagne est détachée à Saint Georges de l’Oyapock, à la frontière avec le Brésil. C’est le bagne forestier, plutôt pire que celui des îles, à cause des dangers de la forêt et des fièvres qui y sévissent.

Cinq ans après l’arrivée des premiers bagnards aux îles du Salut, la colonie pénitentiaire de saint Laurent du Maroni, sur le fleuve du même nom, est créée, et devient la « capitale »du bagne guyanais. Nous sommes en 1857.

Mais la mortalité des bagnards est tellement élevée en Guyane que l’on finit par s’en émouvoir en métropole, et dès 1864, un nouveau bagne est ouvert en Nouvelle-Calédonie, qui durera 35 ans.

A partir de 1891, l’activisme de ceux qu’on appellera les « anarchistes » (prisonniers politiques) conduit à la création de quartiers disciplinaires sur l’île Saint-Joseph : 4 blocs de 30 cachots y sont installés.

Ils avaient mauvaise réputation.

Pendant toutes ces années, de 550 à 600 bagnards séjourneront en permanence sur les îles du Salut.

Au total, la Guyane sera peuplée, pendant la période du bagne, de 5500 à 6000 bagnards.

De 1895 à 1899, Alfred Dreyfus, injustement condamné, séjournera aux îles, reclus sur l’île du Diable, avec d’autres prisonniers politiques, pendant 4 ans et 4 mois.

En 1930, à l’époque de l’Indochine française, le bagne annamite de Poulo Condor est surpeuplé. Un navire dépêché par le gouvernement ramènera depuis la province d’Annam vers la Guyane une pleine cargaison de bagnards indochinois, à l’origine d’une grande partie de la population asiatique de Guyane.

En 1931, un proxénète d’origine ardéchoise, Henri Charrière, qui a « ses affaires » à Paris, tue un autre proxénète : sombre histoire de règlement de comptes. Il est condamné par la suite à la réclusion à perpétuité et se retrouve dans une section forestière du bagne, proche de Cayenne. Il réussit à s’en échapper avec une pirogue à voile, en 1944, et gagne la Guyana britannique. L’histoire, très romancée, de Papillon, est née.

En 1938, la loi du 22 Juin, votée par l’Assemblée, met fin à la « transportation ». Les 600 derniers bagnards précédemment condamnés quittent le pénitencier de Saint Martin de Ré le 27 Novembre 1938, à destination de la Guyane. Ce sera le dernier convoi.

Mais l’une des périodes les plus dures qu’ait eu à affronter les bagnards fut celle de la deuxième guerre mondiale. Les restrictions budgétaires, la pénurie de denrées alimentaires, l’absence de médicaments a fait grimper en flèche la mortalité des bagnards.

De 3000 en 1939, ils ne sont plus que 1000 en 1945…

Certains ont mis à profit les troubles de la guerre pour s’évader. Mais beaucoup n’ont pas survécu aux maladies non traitées.

En 1945, le monde découvre l’existence des camps de concentration nazis. L’opinion publique, en France, n’est pas très fière de son bagne, même si les raisons de l’enfermement et les conditions de détention ne sont évidemment pas les mêmes. Elle ne veut plus entendre parler du bagne guyanais, de sinistre réputation.

Fin 1946, l’Assemblée vote la fin des « travaux forçés », et en 1948, la fermeture du bagne. Les installations des îles du Salut sont abandonnées, puis pillées.

Le bagne fermera définitivement en 1953, à Saint Laurent du Maroni.

Les îles retournent alors à leurs cocotiers et à leurs fougères, jusqu’à ce que le CNES en hérite, et les réhabilite, à partir de 1965 donc. Ses efforts se concentrent sur l’île Royale, Saint-Joseph a été confiée à la Légion Etrangère, et l’île du Diable, à … elle-même.

Au total, entre le premier convoi de 1852 et le dernier, celui de 1938, plus de 52 000 bagnards auront connu la transportation et les travaux forcés en Guyane.

Mon escale aux îles du Salut, à travers 28 photos… (par Adélie)

• Photo 1 : Nous avons mouillé à l’île St Joseph à côté du carbet des légionnaires.

• Photo 2 : On suppliait Papa de nous déposer sur le coffre mais quand il a fallu rentrer à la nage et que Papa disait qu’il y avait « quelques petits requins inoffensifs », on a moins rigolé…
Sur un coffre, à l'île Saint-Joseph. Papa nous criait faites les pingouins!

• Photo 3 : Petite ballade autour de l’île Royale et vue sur l’île du Diable.

• Photo 4 : Ce grand bâtiment était l’hôpital des surveillants des bagnards. Le toit, détruit récemment par une tornade, a été reconstruit par le CNES.

• Photo 5 : Tous les bagnards allaient à la messe le dimanche après s’être lavés et s’être habillés correctement. Elle a été décorée par un bagnard, George Lagrange, qui représentait les têtes des autres bagnards a la place de celles des anges.

• Photo 6 : La maison des Sœurs en ruines. C’était aussi l’hôpital des femmes.
Ce qui reste de la maison des Soeurs, 60 ans après la fermeture du bagne.

• Photo 7 : Le phare de l’île Royale à côté de l’hôpital des surveillants.

• Photo 8 : Maman, Marin et moi devant l’hôpital des surveillants.

• Photo 9 : Cachot ouvert dans le quartier de la réclusion.

• Photo 10 : Cellules individuelles dans le quartier de la réclusion.
Le quartier de la réclusion, à Royale.

• Photo 11 : Bagnard très recherché et très méchant !!!
La porte de cachot reconstituée pour le film Papillon, à Royale.

• Photo 12 : Emplacement de la guillotine des bagnards au milieu du quartier de la réclusion.
Les plots de support de la guillotine, dans le quartier des condamnés, sur l'île Royale.

• Photo 13 : L’île du Diable inaccessible et à l’état sauvage.
L'île du Diable, difficile d'accès, est retournée à sa solitude.

• Photo 14 : Un iguane bronze tranquillement au soleil…
D'étranges animaux habitent les îles du Salut!

• Photo 15 : Il vaudrait mieux s’en aller, il n’a pas l’air commode celui-là…

• Photo 16 : Un mélange de marmotte et de gros rat… Les îles pullulent d’ agoutis qui aiment les noix de cocos (voir photo17).
... des agoutis, qui savent...

• Photo 17 : Un trou d’agouti dans une noix de coco.
... découper les noix de coco nickel chrome!

• Photo18 : Pendant la visite d’une des nombreuses cellules, deux petits singes sont venus nous rendre visite.
... des singes...

• Photo 19 : Ce perroquet dit « ara » a attaqué Papa pendant qu’il essayait de le photographier !!!
...des aras d'Amazonie, et aussi des rats!

• Photo 20 : Après être tombées, les noix de coco prennent racine dans la terre pour donner vie à de nouveaux cocotiers !
Les cocotiers ont envahi les îles, depuis la fermeture du bagne.

• Photo 21 : Voici le carbet de la Légion à l’île St Joseph.
Le carbet de la Légion Etrangère, sur l'île Saint-Joseph.

• Photo 22 : Le chemin pavé de l’île St Joseph.
Le chemin du plateau, à Saint-Joseph.

• Photo 23 : Les ruines du bagne de St Joseph où était enfermés les « très très méchants ».
Ruines du bagne à Saint-Joseph.

• Photo 24 : Le « dortoir » des bagnards se fait envahir par la végétation. Ils accrochaient leurs hamacs au crochets de fer sur les cotés.
La nature reprend progressivement ses droits, à Saint-Joseph.

• Photo 25 : Le cimetière des surveillants et leurs familles sur l’île St Joseph. Beaucoup sont des enfants.
Le cimetière de l'île Saint-Joseph.

• Photo 26 : La petite plage de St Joseph.
La jolie petite plage de Saint-Joseph.

• Photo 27 : Un bagnard essaie d’attraper des noix de cocos et vous montre très fièrement qu’il a réussi à enlever ses menottes.
Marin apprend à grimper au cocotier!

• Photo 28 : Un autre bagnard hisse le drapeau de la liberté !!!
Le bagne n'existe plus, vive la liberté!