mardi 31 mai 2011

MESSAGE N°1 – TRAVERSEE de la MER de CORAIL

Mercredi 1er Juin 2011 -
Distance parcourue (route directe) : 118 milles
Distance à l’arrivée (route directe) : 732 milles


Hier soir, le soleil s’est couché sur un horizon chargé de nuages sombres, tandis que le profil élevé de l’île d’Espiritu Santo s’éloignait doucement sur l’arrière. Route sur un moteur à régime lent toute la nuit, avec grand-voile haute et parfois solent, pour capter les petites risées éparses. Adélie a dormi avec sa maman à babord, et les deux garçons à tribord. Nuit calme pour moi dans le carré, à veiller les grains de pluie, quelques risées faiblardes, et un bateau de pêche. J’ai plutôt bien dormi pour une première nuit de mer. Vers 02H00 du matin, la mer était tellement calme et lisse que les étoiles se reflétaient dans l’eau, tout autour du bateau, dans une danse lente et féerique, singulière.

Au lever du jour, dès que Marin est sorti de sa bannette, nous avons affalé la GV, la corne, insuffisamment appuyée par le vent, passait de temps à autre d’un bord sur l’autre avec fracas. Je n’aime pas ça. Un train de houle, venu d’on ne sait où dans le sud, a cueilli l’équipage au réveil... Petit roulis à peine atténué par le gennaker envoyé jouer le rôle du modérateur. Dans la matinée, une petite brise de secteur nord nous a décidés à renvoyer de la toile, et nous avons marché à

5/6 nœuds jusqu’à midi, ce qui était inespéré. Une ligne de grains bien noirs nous est tombée dessus juste après le déjeuner (Menu : riz Honda – je l’appelle ainsi parce qu’il faut démarrer le petit groupe électrogène pendant 20 minutes pour faire fonctionner le rice-cooker, gros consommateur d’électricité 220 V - et salade d’avocats). A l’heure ou j’espérais pouvoir me faire une petite sieste, le temps s’est détérioré, un ris dans la GV, et à abattre dans le fort du vent et de la pluie, pour reprendre la route entre deux grains. Puis, ô surprise, tout à coup j’aperçois une trombe, une trombe en formation, là, sous le vent, dans le grain qui vient de nous quitter quelques minutes auparavant. A peut-être 2 ou 3 milles sous notre vent.

Nous observons le phénomène pendant quelques minutes, la mer fume au droit du grand tuyau qui monte vers le ciel, puis la trombe disparaît. Elle n’a duré que 5 à 6 minutes. Bon, ben c’est pas tout à fait le temps qui était prévu… Et ma sieste, elle a un coup dans l’aile, ma sieste !

Olivier

MESSAGE N°0 – TRAVERSEE de la MER de CORAIL

 Mardi 31 Mai 2011 – Appareillage d’Espiritu Santo pour les Louisiades.

Au mouillage de Luganville, île d’Espiritu Santo, Vanuatu, c’est la mi-journée, ce dernier jour de Mai, avec 9 heures de décalage horaire en avance sur la France. Timothée (qui nous a rejoint à Port-Vila pour 5 semaines de croisière à bord de

Jangada) et moi revenons des formalités de « clearance ». Nous quittons le Vanuatu après plus de trois semaines de séjour.

Le Vanuatu qui restera pour nous l’une des bonnes surprises de ce voyage autour du monde. Le peuple des Ni-Vans s’est montré avec nous extrêmement chaleureux et accueillant. Vivant avec peu, et rien de superflu, les villageois du Vanuatu semblent avoir trouvé dans leurs îles volcaniques et verdoyantes un bonheur simple au milieu d’une nature omniprésente, dense mais généreuse Fruits et légumes dans les jardins, bétail domestique ou cochons sauvages, eau douce à volonté (car il pleut souvent au Vanuatu !), sacro-saint coupe-coupe, vie familiale et villageoise, respect de l’autorité de l’aîné et rites coutumiers, la vie traditionnelle au Vanuatu nous a séduits. Avec l’annexe, Tim et moi avons remonté à tâtons la petite rivière qui passe à proximité du marché aux fruits et légumes de Luganville. Nous y avons acheté taros, épinards, citrons verts, papayes, bananes, ananas, fruits de la passion … en prévision de la traversée vers les Louisiades et de notre séjour là-bas, loin de tout. Les appros lourds (packs de lait australien, 10 kg de farine des Fiji, 20 boites de beurre en conserve de Nouvelle-Zélande, et tout le reste…) avaient été faits la veille. Pendant ce temps, à bord, c’est la dernière séance de CNED de l’année scolaire pour Marin et Adélie. Depuis quelques temps déjà, on sentait un certain relâchement, probablement partiellement et involontairement provoqué par l’arrivée à bord de Timothée, le 16 Mai, à Efate. Quelle joie ce fut pour nous tous de voir se poser sur la piste de Port-Vila le Boeing d’Air Vanuatu en provenance de Sydney ! Presque un an que Tim nous avait quittés à Raiatea ! La prof générale a néanmoins tenu à finir le programme, et ce matin, peut-être avec un petit poil d’avance, elle a décrété la fin de l’année scolaire à bord de Jangada. Ce qui fait que lorsque Tim et moi rentrons à bord, nous entendons des cris joyeux et imprévus du style : « Yeeh !!! On est en vacances ! On est en vacances ! ». Nous préparons l’appareillage, saisissons l’annexe au poste de mer, et levons l’ancre vers midi. En route pour la Mer de Corail ! La Mer de Corail, c’est cette étendue d’océan, située tout à l’ouest du Pacifique, et qui baigne au nord la Papouasie Nouvelle-Guinée et ses archipels, au nord-est les îles de Micronésie et l’archipel des Salomons, à l’est celui du Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie, et au sud les côtes nord-orientales de l’Australie. Les nombreux récifs coralliens de cette région ont donné son nom à la Mer de Corail. Outre la Grande Barrière australienne, on y trouve aussi, entre autres, le Grand Lagon Nord de Nouvelle-Calédonie, les Récifs d’Entrecasteaux, les récifs du Détroit de Torrès, et ceux qui débordent, très loin dans le sud-est, la Papouasie Nouvelle-Guinée.

Nous mettons le cap au 286, vers l’archipel des Louisiades, ainsi nommé par Bougainville, en l’honneur de son roi, Louis XV.

Distance à parcourir jusqu’à la passe sud-est du lagon de Tagula Island : 850 milles. Le vent est très faible, quasi inexistant, mais, chose rare, nous avons un timing à respecter (Tim reprend un avion le 25 Juin à Port-Moresby pour la France), alors, malgré les prévisions météo qui nous annoncent 3 jours de calmes dans la première partie du parcours, nous avons décidé de prendre la mer pour gagner dans l’ouest, lentement et avec l’aide d’un moteur, jusqu’à ce que nous trouvions un semblant d’alizé. Pas l’idéal, mais nous n’avons pas trop le choix. Alors, cap sur les Louisiades, une myriade d’îles et de récifs qui font partie de la Papouasie Nouvelle-Guinée ! En plus des requins et des serpents marins de l’ouest du Pacifique, il va falloir apprendre à nous méfier, dans cet archipel du bout du monde, d’une autre catégorie de charmantes bestioles, plus dangereuses encore : les crocodiles marins, qui, là comme sur la côte nord de l’Australie toute proche, y sont nombreux et doivent aussi manger à leur faim… Les pirates, quant à eux, seront à l’ordre du jour (façon de parler !) juste après, lorsque nous arriverons le long des côtes de Papouasie Nouvelle-Guinée. Mais, de ce fait, notre séjour en Papouasie sera réduit au strict minimum. Des Louisiades, nous rejoindrons directement Port-Moresby (et son yacht-club colonial et sécurisé) pour 48 heures, y accompagnerons Tim à l’aéroport, et reprendrons la mer pour le Détroit de Torrès sans nous attarder dans cette ville classée au cinquième rang des villes … les plus dangereuses du monde ! Allez, haut les cœurs !

Olivier

Billet N°110 –Archipel du Vanuatu - Deux ou trois choses que j’ai apprises sur …

 Fin Mai 2011 –
…le rite coutumier du kava et celui du saut du N’gol…


Le Kava…

A l’heure où le soleil décline sur l’archipel du Vanuatu, on voit chaque soir, dans tous les villages insulaires, les hommes se diriger, comme mus par un même instinct secret, vers le nakamal. Ils s’y retrouvent pour boire le kava. Dans les villages, le rite est immuable, codifié, même s’il connaît quelques variantes, surtout au niveau de la préparation. A Port-Vila, la capitale, même si la coutume subit quelques entorses, les rues s’éclaircissent à la tombée de la nuit, les hommes montent dans les hauts de la ville, ils vont boire le kava dans les « kava bars ».

Le kava est la boisson traditionnelle des hommes de l’archipel du Vanuatu. Du fait de l’émigration des Ni-Vans dans les archipels voisins, le rite du kava est aussi connu aux Fiji et en Nouvelle-Calédonie. Le kava y est alors préparé à partir d’extraits secs de kava. Mais rien ne vaux le kava frais, bien sûr. Le kava est un élément prépondérant de la coutume au Vanuatu. Sa consommation relève presque d’un acte social, dans la vie du village. Il est entouré de légendes, dont la principale est celle-çi :



« Il y a très longtemps, la nuit ne succédait pas au jour, elle n’existait pas encore. Les hommes buvaient alors un kava rouge, et lorsqu’ils étaient fatigués, ils s’endormaient au soleil. Le dieu Kalpapen décida de leur donner le vrai kava. Puis il leur envoya une cigale pour chanter le soir, et un coq pour chanter le matin. Il transperça alors le soleil avec un roseau pour le chasser, et la nuit s’abattit sur les îles. Kalpapen avait créé l’alternance jour-nuit, et il demanda aux hommes de célébrer chaque soir ce passage en se réunissant pour boire le kava. »



Le kava est un arbuste endémique des Vanuatu (Piper Methysticum, de la famille des poivriers), d’1,50 à 2 mètres de hauteur, dont les racines coupées en petits morceaux, broyées, puis trempées dans l’eau donnent, après filtration, cette boisson grisâtre au goût tellement particulier, âcre et terreux, que le premier réflexe est souvent de la détester.

L’arbuste en lui-même est relativement chétif, mais son rhizome est très développé, pesant de 10 à 15 kg. Certaines terres, au Vanuatu, sont plus propices que d’autres au développement du kava. De ce fait, certains villages ont du kava en abondance (et le vendent pour la consommation de Port-Vila), d’autres doivent l’acheter aux villages voisins. A Tanna, la coutume veut que les racines soient mâchées, plutôt que broyées, puis crachées dans une feuille de bananier… Laissée quelques heures au soleil, la pâte ainsi obtenue est mélangée avec de l’eau puis filtrée.

C’est pour cette raison, vous me comprendrez peut-être, que j’ai préféré attendre Efate et Port-Vila pour que notre ami Joseph d’Erromango m’initie, un soir, au rite du kava, dans l’obscurité des hauteurs de la ville. Là, les racines sont broyées avec des petites machines à hacher, alors que dans la plupart des villages, elles sont broyées au pilon dans un mortier.

Le kava contient des substances anxiolytiques et anesthésiantes. A forte dose, le kava est hypnotique, mais si les Ni-Vans ne rateraient pour rien au monde l’heure journalière du kava, ils ne semblent pas en abuser, 2 ou 3 shells (demi coque de noix de coco, ou bol) étant la quantité généralement absorbée. Au-delà, l’effet anesthésiant du kava devient plutôt un effet somnifère. Sa consommation, même régulière, est réputée ne pas entraîner de problèmes de dépendance ou d’accoutumance.

Les sensations apparaissent quelques minutes après l’absorption du kava, pour disparaître totalement une dizaine d’heures après, avant le réveil du lendemain donc.

En Occident, le kava est utilisé en pharmacologie, à doses homéopathiques, sous forme d’infusion pour lutter contre le stress, l’anxiété, et la dépression. Sa consommation libre est cependant interdite dans de nombreux pays, dont la France, en raison, officiellement, de risques d’hépatites. Au Vanuatu, partager le kava est un signe d’amitié, de paix entre les hommes. Pour respecter la coutume qui accompagne naturellement de calme et de sérénité le rite de l’absorption du kava dans les villages du Vanuatu, je n’ai pas réalisé d’images lorsque j’ai été invité à y participer, parfois en compagnie de Timothée.

Préparer le kava est assez simple, mais demande près d’une heure. A partir du pied de l’arbuste coupé, on garde les racines et seulement le début des tiges aériennes (l’ensemble peut se conserver jusqu’à deux semaines en l’état). Enlever l’écorce et la terre avec de l’eau.

Découper les racines en petits cubes et les faire tremper dans une bassine d’eau. Broyer les morceaux de kava au pilon dans un mortier jusqu’à l’obtention d’une pâte verdâtre. Mélanger cette pâte avec de l’eau propre pour faire infuser. En général, les Ni-Vans mettent les morceaux de kava dans un sac de riz, et le sac à tremper dans une bassine d’eau. Pour extraire correctement la substance active, l’opération de broyage de la pâte se répète 2 ou 3 fois après infusion.

Enfin, le liquide obtenu est simplement filtré par passage à travers un tissu : le kava est prêt.

A la tombée de la nuit, la coutume veut que les hommes se retrouvent au nakamal, une case tribale tabou, au centre du village, en général interdite aux femmes. Pendant ce temps, ces dernières s’occupent des enfants et préparent le dîner, vous l’aviez deviné, non ? A Port-Vila, les nakamals des villages ont été remplacés par les « kava bars ».

Placés à l’écart de la ville, en plein air, les kava bars sont plongés dans la quasi obscurité, et on y observe un silence quasi-total, n’y échangeant que quelques mots à voix basse. Par contre, on y entend beaucoup cracher… Les petites échoppes qui sont installées autour de ce nakamal citadin ne vendent que du kava, préparé dans une grande bassine l’après-midi même, et servi à la louche. Il n’est pas rare d’y rencontrer des blancs, qui viennent soit consommer sur place, soit acheter leur kava journalier. Et aussi des femmes blanches, qui peuvent ici impunément transgresser, c’est toléré sans difficulté, la coutume sexiste en vigueur dans les villages… Une fois servi dans le shell, le kava vous est donné par votre ami Ni-Van de la main droite. On s’éloigne un peu pour retrouver l’obscurité, souvent on se tourne plus ou moins à l’abri des regards et on boit le kava ensemble, d’un trait, cul sec ! Rien à voir avec un bon whisky ! On repose alors le shell, qui sera simplement rincé à l’eau, avant de resservir.

Après les crachats et autres raclements de gorge libérateurs, on va s’asseoir sur un banc de bois, en silence, ou bien en échangeant peu de mots, et on écoute le kava entrer dans son corps. Le premier effet est quasi immédiat : la langue et les lèvres se trouvent légèrement anesthésiées. Mais il faut avoir bu le 2ème shell et attendre quelques minutes pour ressentir vraiment l’effet relaxant, anxiolytique, et presque somnifère du kava.

Un soir de Mai, à Port-Vila, notre ami Joseph, venu de son île voisine d’Erromango à bord de Jangada pour se faire arracher une dent (une douleur dentaire persistante qu’il traite depuis 2 mois … au kava bien

sûr) décide de m’emmener dans un « kava bar ». Nous gagnons un quartier populaire de la ville sur une colline déjà baignée dans l’obscurité. Je ne suis pas inquiet car Joseph, spécialisé dans la culture du bois de santal à Erromango, vient souvent à Vila à la demande des planteurs blancs, pour dispenser ses conseils, et il ne manque jamais l’occasion d’aller faire un tour dans les kava bars lorsqu’il ne peux se rendre au nakamal de son village de Dillon’s Bay. Il connaît bien les lieux.

D’autre part, dans la société des Vanuatu, le respect des anciens est très marqué. A 51 ans, Joseph est un ancien, et moi … a fortiori. A un moment, nous quittons la petite route et entrons dans une espèce de cour ombragée, très sombre, silencieuse. Quelques tables et chaises, quelques bancs de bois. Au fond, une petite dizaine de minuscules échoppes faites de quelques planches sommairement assemblées, à peine éclairées. Dans chaque échoppe, une personne, homme ou femme, avec une bassine de kava, une louche, et des bols posés sur un petit comptoir. Joseph a ses habitudes. Il m’entraîne dans l’une d’entre elles, et commande 2 shells de kava. Nous nous éloignons, nous retournons, et Joseph me dit de vider le bol d’un trait. Pas le choix, je m’exécute, mais le goût du kava est franchement infect. Je m’accroche. Je repose mon bol à la suite de Joseph, puis il m’emmène cracher à quelques mètres le long d’une haie.

Je fais comme Joseph, je crache en me raclant la gorge, bruyamment, je crache comme je n’ai jamais craché ! Nul besoin de me forcer, l’arrière-goût du kava est tellement amer que mes glandes salivaires se sont emballées. Puis nous nous assoyons sur un petit banc, dans la pénombre. Sous la voûte étoilée de la nuit, il fait bon, et le lieu est calme. D’autres consommateurs indigènes arrivent, et effectuent le même rituel. Au bout de quelques instants, je ressens les premiers effets du kava, agréables, relaxants. Joseph m’entraîne aussitôt boire mon 2ème shell. Je lui rappelle que je m’arrêterai là, et donc lui fera de même, par courtoisie. Quelques minutes plus tard, je me trouve dans cet état de sérénité et d’apaisement physique et mental qui me rappelle les instants précédant une opération chirurgicale, lorsqu’on vous a fait la première injection de liquide anesthésique, mais pas encore celle qui vous endort pour de bon… Je crois qu’avec un 3ème shell, je chercherai un petit coin pour dormir… Nous restons un quart d’heure assis à côté l’un de l’autre, Joseph et moi, en silence, à consommer notre nouvelle amitié. Puis nous redescendons vers le port. Joseph me laisse à notre annexe, lui rentre chez son frère. Plus tard, lorsqu’il nous aura

rejoints, Joseph et moi emmènerons à son tour Timothée au kava bar de

Port-Vila, pour son initiation.

La magie du kava réside pour beaucoup dans le contexte qui entoure sa consommation. Pour Timothée et moi, boire le kava quelques jours plus tard au nakamal du village de Saint-Joseph, sur l’île de Pentecôte, en compagnie du vieux chef Alexandre et de trois de ses fils, ce fût un moment de voyage fort.



Le saut du N’gol…



Le saut du N’gol (on dit aussi Gol, Gaul ou Naghol) est certainement le rite indigène le plus spectaculaire du Vanuatu. En français on parle de plongeon terrestre, en anglais de land diving. Ce rite initiatique réservé aux jeunes garçons et plus encore aux jeunes hommes passant à l’âge adulte a peut-être été pratiqué dans d’autres îles des anciennes Nouvelles-Hébrides, mais depuis des décennies, il n’a subsisté que dans le sud de l’île de Pentecôte. Et plus exactement dans trois villages de la côte sud-ouest de l’île, dont deux sont anglophones et un seul francophone. Le saut du N’gol, qui est lié dans la coutume à la récolte de l’igname - le légume le plus prisé dans ces îles – mais aussi à la qualité de la fibre végétale utilisée pour le saut, n’est pratiqué que pendant 2 mois environ, de mi-Avril à mi-Juin. Il a normalement lieu aussitôt après la récolte des premières ignames. Nous nous sommes renseignés lors de notre passage à Lamap (Port-Sandwich) sur l’île de Malekula. Le village francophone qui nous intéresse s’appellerait Rangusuksu ou encore Saint-Joseph, et il serait situé dans l’une des baies les plus sud de la côte ouest de Pentecôte. Nous sommes à la bonne saison, et à bord de Jangada, nous décidons de rallier Pentecôte et de localiser ce village. Nous quittons la baie de Port-Sandwich et le mystère de son grand requin mangeur d’hommes, faisons route sur le nord de l’île d’Ambrym en traversant le panache de fumées éruptives de son puissant volcan, et jetons l’ancre quelques heures plus tard dans Homo Bay, au sud de Pentecôte. Mais, à terre, nous découvrons un village anglophone, et l’on nous indique que Saint-Joseph est plus au nord, à quelques 2 heures de marche par la piste côtière. Le lendemain, nous appareillons vers le nord et j’envoie Timothée et Marin, mes deux fistons, enquêter le long du rivage auprès des pirogues de pêche et des indigènes, souvent des enfants, que l’on aperçoit sur la grève. Par VHF, ils me guident, et nous finissons par mouiller devant le village de Rangusuksu (Saint-Joseph), dans Wali Bay, que l’on n’aperçoit pas du bord, car il est établi à quelques centaines de mètres à l’intérieur du rivage, en bordure d’une ravissante petite rivière. Nous sommes accueillis par Joachim, l’un des fils du chef du village, Alexandre, que nous allons saluer. Le chef, comme beaucoup d’anciens, parle un bon français, et nous apprécions de séjourner dans un village où pratiquement tout le monde, enfants compris, parle notre langue. Ici les villageois sont tous catholiques. Ce village est très propre, les cochons en liberté n’y sont pas bien vus, les poules rares, tout est bien tenu. La présence de la rivière à proximité et l’abondance de l’eau douce propre y sont sans doute pour beaucoup. Mais on sent aussi dans la conversation des villageois l’empreinte positive laissée ici par l’ancienne présence française. Il semble que le chef, le vieil Alexandre, ait su garder pour la vie au village les bons côtés de l’enseignement colonial qu’il a connu dans sa jeunesse, en oubliant les moins bons. Nous donnons quelques habits d’enfants, quelques livres pour Horatio l’instituteur, que le chef distribuera. Nous recevons en échange des pamplemousses, des fruits de la passion, des avocats. Les garçons jouent au foot tous les soirs avec les jeunes du village, les filles jouent au volley, et très vite, chacun connaît notre prénom. Au mouillage, le matin, quand nous ne nous rendons pas assez vite à terre à cause de la séance de CNED des enfants, ceux du village, qui sont en vacances eux pour 2 semaines, se rassemblent sur la plage de galets et appellent sans cesse « Timothée ! Marin ! Adélie ! » avec un accent inimitable mais tellement attachant ! Chaque matin, vers 06H00, un enfant m’attend sur la plage avec un pain frais confectionné pour nous par le chef. Nous sommes acceptés par la tribu, et Joachim, probablement chargé par son père de cette mission, nous fait savoir que nous pouvons rester plusieurs semaines à proximité du village : nous sommes les bienvenus. Cela fait chaud au cœur. Il faudrait pouvoir rester plusieurs semaines, effectivement, pour mieux partager, un temps, la vie simple mais heureuse et généreuse, de ce petit village de Pentecôte. Hélas… Joachim nous apprend que Vendredi, il y aura le saut du N’Gol. Nous avons aperçu la tour de saut, à l’écart du village, sur les premières pentes de la montagne, en lisière de la jungle. Mais le saut du N’Gol est un rite coutumier, entouré de tabous, et nous n’avons pas tenté d’aller la voir de plus près. Nous n’en parlons pas trop, mais nous sommes très curieux d’assister à cet incroyable spectacle.

Le matin du jour J, j’amène en cadeau notre réchaud à gaz utilisé en Nouvelle-Zélande lors de notre périple en Land-Rover dans l’île Sud. Il nous servait jusque là à faire griller nos tartines de pain le matin, quand il y en a. Je l’offre à Rogatien, le chef du saut du N’Gol au village, et lui montre comment s’en servir. Il me confirme qu’il pense pouvoir faire recharger la bouteille à Luganville, sur l’île d’Espiritu Santo. Le deal lui va. Bientôt, on nous demande de nous aligner près de la case du chef. Des jeunes filles nous passent un collier de fleurs d’hibiscus. Puis Rogatien nous offre à chacun une noix de coco à boire, dont je me régale. Les villageois se dirigent vers le site du saut, nous les suivons. J’ai indiqué aux enfants qu’il fallait profiter de ces moments rares pour s’en mettre plein les yeux. Assister au saut du N’Gol à Rangusuksu, nous n’y aurons pas droit tous les jours ! Les femmes, comme souvent ici au Vanuatu, sont en retrait. Le saut, bien que la légende semble indiquer qu’il ait été inventé par une femme, est devenu, depuis, une histoire d’hommes.

La légende la plus fréquente raconte qu’un homme du sud de Pentecôte maltraitait sa femme, en la séquestrant principalement. Elle tenta de s’enfuir plusieurs fois de la case. Mais, à chaque fois, son mari la rattrapait. Lors de sa dernière escapade, elle grimpa en haut d’un cocotier, ou d’un banian, on ne sait plus. La voyant au faîte de l’arbre, l’homme commença d’y grimper, pour la rattraper. Mais on ignore s’il se lança dans cette entreprise de son plein gré, ou s’il fût défié par son épouse… (Une variante bien de chez nous évoque aussi l’éventualité d’une initiative décidée à l’insu de son plein gré, voire à l’issue de son plain gré, mais c’est une autre légende, cycliste celle-là). Celle-ci (l’épouse, vous suivez, hein ?), sans que son mari ne s’en rende compte, s’était attachée des lianes aux chevilles, et quand il fût sur le point de la rejoindre, elle sauta dans le vide. Il existe une variante (et probablement plusieurs !) selon laquelle la femme invite l’homme à sauter après elle si vraiment il la désire, comme quoi l’amour, enfin bref… ! Constatant que sa femme avait sauté sans se faire mal, mais sans comprendre pourquoi ( !), l’homme sauta à son tour, mais se tua. Hé !hé ! Il devait sans doute être un petit peu con, ce villageois, ou très amoureux, ce qui parfois, et en certaines circonstances, revient au même, non ?

Les hommes décidèrent de reprendre en main cette prouesse féminine, pour indiquer à leurs épouses qu’ils ne seraient plus jamais dupes, et de la perfectionner : c’est ainsi que le saut du N’Gol devint, dans le sud de Pentecôte, un rite coutumier aussi spectaculaire qu’initiatique marquant le passage courageux des garçons à l’âge adulte.

Mais si le N’Gol est bien l’ancêtre du saut à l’élastique, tenté pour la première fois en 1979 par les anglais du Dangerous Sports Club de Bristol sur le pont de Clifton Bridge, et mis au point ensuite en Nouvelle-Zélande, un élément fondamental différencie les deux types de saut, outre de nombreux aspects liés à la sécurité : les lianes attachées aux chevilles des sauteurs de Pentecôte n’ont à peu près aucune élasticité !!! La chute du sauteur est (brutalement) freinée au ras du sol par la rupture de la plateforme de saut lors de la tension brutale des lianes et par la flexion de la tour. Dans la coutume, le saut n’a lieu que si la récolte d’ignames est bonne, car dans la culture des villageois, il existe un lien entre la la qualité des ignames et la souplesse et la solidité des lianes utilisées pour le saut. Mais, contradictoirement, les villageois pensent aussi que même si les conditions de pluie et d’ensoleillement n’ont pas été idéales lors des derniers mois, le saut favorisera la récolte d’ignames… Le saut procure aussi aux jeunes gens du village l’occasion de parader devant les femmes, de montrer leur courage, et le cas échéant de rendre public leurs éventuels différends avec certains membres de la communauté villageoise. Le rite du saut est ainsi très présent à l’esprit de tous les villageois, tout au long de l’année, et il n’est pas rare de voir les enfants construire de petites plateformes de saut près de la plage, où ils s’amusent à prendre les postures des vrais sauteurs du village.

L’emplacement de la tour doit répondre à 2 critères principaux :

présenter une pente suffisamment raide au niveau de la zone d’atterrissage des sauteurs, mais en même temps offrir une zone suffisamment plate à proximité immédiate de la tour pour permettre les danses et les chants qui accompagnent le saut. La tour elle-même, construite entièrement avec des rondins de bois ligaturés avec des fibres végétales, est érigée autour d’un arbre-support (koro) dont les branches ont été coupées. Un cocotier, ou un banian. La tour, qui mesure environ 50 pieds (15 mètres) à Rangusuksu, est haubannée par des lianes aux arbres environnants. Elle ne sert qu’une seule saison. Des écorces de bananiers entourent les pieds de la tour, pour amortir le choc de retour d’un sauteur qui aurait raté son saut et qui viendrait les percuter. L’ensemble de la tour est construit avec l’aide de machettes et de couteaux dont les Ni-Vans font un usage permanent. La zone d’atterrissage des sauteurs se situe dans la pente en abord de la tour, une pente dont l’inclinaison est choisie et si besoin re-travaillée. Sa surface de terre est rendue meuble sur une profondeur de 30 cm environ pour amortir les chocs, et cette opération se répète après chaque saut.

A proximité de la tour mais à l’opposé de la zone d’atterrissage des sauteurs est aménagée une aire de danse, plutôt horizontale elle. C’est là que se tiennent les hommes du village, les anciens dont le chef au premier rang, les hommes plus jeunes ensuite. Tous essentiellement habillés d’un … étui pénien… les anciens portant des armes symboliques et cérémonielles en bois. Les jeunes garçons du village sont présents, dans la même tenue. Le rite du saut est accompagné de chants et de danses. A Rangusuksu, c’est Alexandre, le chef du village, qui menait les chants, dont l’intensité vocale varie en fonction de l’état de préparation du sauteur sur la tour, pour connaître un paroxysme dans les instants qui précèdent le saut. Pour les sauts les plus hauts, il existe d’ailleurs un dialogue entre le sauteur et les danseurs/chanteurs, le sauteur recherchant l’encouragement de tous les villageois avant le plongeon. Les chants sont émaillés de cris qui répondent à ceux émis en haut de la tour par le sauteur. Nous avons constaté que seules les 3 plus vieilles femmes du village, habillées d’une jupe végétale passée autour des reins, étaient admises à danser en arrière des hommes. La tour est équipée de plusieurs petites plateformes de saut en bois, confectionnées à terre et fixées ensuite à la tour, à différents niveaux. La première, utilisée par les jeunes garçons, se situe à environ 5 mètres de hauteur. Les suivantes sont positionnées tous les 3 mètres à peu près. La plateforme la plus élevée, réservée à l’élite des sauteurs, est fixée tout en haut de la tour, à environ 15 mètres au-dessus du sol. Avec le dénivelé de la zone d’atterrissage, 2 à 3 mètres, c’est donc un saut d’au moins 18 à 19 mètres que la tête du sauteur effectuera, puisqu’il plonge vers le sol tête en avant ! Les lianes réservées aux sauts sont choisies dans la forêt, coupées puis roulées pour être emmenées, préparées puis fixées à la tour. Leur diamètre est proportionnel au poids du sauteur et à la hauteur du saut.

La longueur utile des lianes est soigneusement calculée pour que la tête du sauteur effleure le sol en fin de saut… !!! Les extrémités des lianes qui seront attachées aux chevilles des sauteurs sont partagées au couteau en fins rubans végétaux qui doivent rester souples et humides.

Ils sont enrobés pour ce faire dans des feuilles de sega, enlevées avant le saut. Ce sont 3 jeunes garçons, d’environ 6 à 7 ans qui commencèrent à sauter en premier. Inutile de vous dire qu’avec notre conception des choses à nous, le simple fait de voir ces enfants à qui deux hommes attachaient les lianes aux pieds et qui s’apprêtaient à sauter dans le vide vers le sol la tête la première me donna surtout l’envie de repartir en courant immédiatement…Sur les 3 jeunes sauteurs, 2 renoncèrent finalement devant l’épreuve, malgré les chants et les cris d’encouragement des aînés. Ils ne furent pas vilipendés par les anciens, mais je constatai, au coup de machette un peu rageur qui trancha les lianes que ce renoncement avait quelque peu énervé les deux hommes qui venaient de passer quelques dix minutes à chaque fois à nouer soigneusement les lianes autour de leurs chevilles. Le troisième sauta courageusement, mais sa poussée des pieds ne fut pas assez forte, et il s’aplatit sur le sol trop près des pieds de la tour, les lianes s’étant insuffisamment tendues. Il se releva tout aussi courageusement, aidé par les deux hommes présents autour de la zone d’atterrissage, sans trop de dégâts, mais il s’était bel et bien « gaufré » dans la terre meuble. Les sauts aux étages supérieurs furent logiquement plus réussis, mais c’est celui de Joseph, 18 ans, l’un des meilleurs sauteurs du village, qui couronna le rite. Joseph, tout en muscles, que j’ai interrogé après son saut, maîtrise parfaitement son art et il aime sauter. Il dit ne pas avoir d’appréhension avant le saut, et pourtant il est resté au moins 10 minutes sur la plateforme la plus élevée tout là-haut, lianes nouées aux chevilles, dans des postures naturellement esthétiques. Tantôt en relation vocale avec le groupe des danseurs/chanteurs. avec qui il échangeait des cris particuliers, tantôt dans une forme de méditation incantatoire tournée vers le ciel, Joseph nous a offert un spectacle à couper le souffle. Imaginez le courage qu’il faut pour plonger vers le sol, tête la première, bras repliés le long du corps, depuis une plateforme de bois située à l’équivalent de 5 ou 6 étages au-dessus du sol ! Juste avant le saut, le chant et la danse sont montés en puissance et Joseph s’est élancé dans le vide au paroxysme de la parade. Un saut impeccable, parfait, dont l’issue est d’une brutalité inouïe. Au ras du sol, les lianes se tendent (l’une est ajustée quelques petits centimètres plus longue que l’autre) en fouettant l’air, le rappel du sauteur vers le pied de la tour est d’une violence extrême, à se demander comment les articulations, tendons, ligaments et autres vertèbres tiennent le coup. Le sauteur touche le sol de tout son long lors de son rappel vers la tour, mais la qualité du saut, outre la perfection du geste et celle de la trajectoire, se juge à la faible distance, quelques centimètres, à laquelle la tête du sauteur vient effleurer le sol avant le rappel des lianes. Lors de la tension brutale des fibres végétales, le support en bois de triangulation qui soutient la plateforme de saut casse (son haubanage de sustentation vers le haut est quant à lui coupé d’un coup de machette dès que les pieds du sauteur ont quitté la plateforme), ce qui provoque un premier amortissement, puis c’est le sommet de la tour qui fléchit imperceptiblement sous l’effort. En quelque sorte, un peu de souplesse dans un monde de brutes, mais aucune élasticité… Joseph, tu nous auras vraiment étonné par ton incroyable courage…

Olivier

• Photo 1 - A quelques centaines de mètres du village de Rangusksu, dans le sud de l’île de Pentecôte, au Vanuatu (ex-Nouvelles-Hébrides), une étonnante tour de bois ligaturés par des liens végétaux s’élève vers le ciel, sur les premiers contreforts de la forêt tropicale.



• Photo 2 - L’équipage de Jangada, qui séjourne au mouillage devant le village depuis plusieurs jours, et qui a noué des liens d’amitié avec le chef du village, Alexandre, et ses fils, est convié ce matin Vendredi à assister à un rite qui semble remonter à la nuit des temps : le saut du N’gol. Mais lorsque, arrivés sur les lieux par un étroit sentier, nous apercevons les jeunes garçons du village dont certains se préparent semblent-t-il à sauter, nous sommes inquiets et perturbés. J’ai l’estomac noué…


• Photo 3 – La tour est construite autour du tronc d’un cocotier dont le faîte a été coupé à la machette, l’outil principal des Ni-vanuatus. Les hommes ont pratiquement en permanence à la main leur coupe-coupe, très aiguisé, et si ce n’est pas leur machette, c’est un long couteau effilé. Sur le premier niveau de saut de la tour, un enfant se prépare à sauter.


• Photo 4 – Cet enfant, après avoir beaucoup hésité, ne sautera finalement pas. Aucun reproche ne lui sera fait. Il devra progressivement maîtriser sa peur…


• Photo 5 - Pour celui-ci, c’est parti, mais son saut sera perfectible. Il se « gaufrera » dans la terre meuble, sans trop de mal apparemment.


• Photo 6 – Rogatien, le chef du saut du N’Gol à Rangusuksu. Au premier plan à droite, Horatio, l’instituteur du village.





• Photos 7 à 10 – Saut depuis une plateforme intermédiaire…


• Photo 11 – A l’atterrissage, deux hommes aident le sauteur à se relever et tranchent ses lianes pour le libérer.


• Photo 12 – La zone d’atterrissage est travaillée après chaque saut pour rester très meuble.


• Photo 13 – Les jeunes hommes du village, tous sauteurs. Au centre, Joseph, réputé le meilleur d’entre eux.


• Photo 14 – Joseph s’isole pour se préparer à sauter de la plus haute plateforme de la tour. Il est déjà dans son « trip ».






• Photos 15 à 19 – Le saut de Joseph, impeccable et impressionnant de courage.

lundi 30 mai 2011

Billet N°109 – Escale à Rangusuksu, île de Pentecôte, Vanuatu

du Mardi 24 au Samedi 28 mai 2011.

Texte Barbara
Photos Olivier

L’île de Pentecôte est surtout connue au Vanuatu pour sa manifestation coutumière spectaculaire : le saut du Gaul. Après avoir construit une tour de branchages d'une vingtaine de mètres de hauteur (soit 8 étages environ), hommes et enfants de sexe masculin se jettent dans le vide avec, pour seules attaches, deux lianes végétales enroulées autour des chevilles. Nous voulions absolument assister à ce spectacle, et décidons donc de nous rendre sur l’île de Pentecôte à quelques milles à une trentaine de milles au nord-est de Malekula. (Un prochain billet sera consacré exclusivement à ce rite exceptionnel auquel nous avons eu la chance d’assister).

Nous jetons l’ancre à Wali Bay, devant le petit village de Rangusuksu (nom local) ou Saint- Joseph. 300 âmes. Il a fallu que nous cherchions un peu le long de la côte pour localiser ce village sur lequel nous avions pu avoir des informations précieuses. Rangusuksu est francophone, alors qu’à moins de 10 kilomètres de là où nous nous étions arrêtés une première fois (Homo Bay) le village était complètement anglophone ! Surprenant héritage du condominium franco-britannique…

Le village est particulièrement animé, les 111 enfants de l’école sont en vacances, et passent leur journée sur la plage à s’amuser. Vers 15h30 tous les jeunes du village se rassemblent sur le grand terre-plein qui borde le rivage, pour des parties de foot endiablées pour les garçons et de volley-ball pour les filles. Le niveau est élevé. Ils jouent tous les jours ! Tous s’entraînent avec ferveur pour les réjouissances de la fête de l’Indépendance qui auront lieu au cours de la semaine du 30 juillet prochain.

Ce village n’est constitué que de cases traditionnelles, excepté une toute petite église en dur, récemment construite par les hommes du village sous l’impulsion du Chef Alexandre. L’église Saint-Joseph remplace l’ancienne chapelle en bois, détruite.

Rangusuksu est très propre, pas de cochons domestiques ici, peu de poules, les hommes vont chasser le cochon sauvage dans la montagne avec leur lance et leurs machettes pour subvenir aux besoins du village. Du coup les jardins sont fleuris, et les fruits et légumes préservés poussent à proximité des cases.

Rangusuksu est un village vraiment gai, paisible et très joli. De plus la météo est enfin plus clémente, il pleut moins et nous avons le plaisir de nous baigner à nouveau.

Tour du village en images.

Photo 1 :


Mouillage devant le village de Rangusuksu (ou Saint-Joseph), baie de Wali Bay, île de Pentecôte, Vanuatu. La plage est constituée de petits galets blancs. L’eau est à 28 degrés, cela fait un moment que nous ne nous sommes pas baignés, ( au dernier mouillage à Malekula, la baie était infestée de requins…). Du coup ici on se rattrape et on reste des heures dans l’eau.



Photo 2 :
Les 111 ( !!!) enfants du village sont en vacances, ils en profitent pour passer leur journée dans l’eau. Ici, ils savent bien nager, les plus téméraires viendront jusqu’au bateau à la nage, d’autres en pirogue. Nous leur prêtons le kayak et le petit radeau pneumatique de pêche, ils sont ravis et s’amuseront beaucoup avec.


Photo 3 :
Le village de Rangusuksu est particulièrement bien situé, une rivière borde les habitations. Une source d’eau douce affleure à un endroit bien précis de la rivière où seulement là, les enfants vont boire. La partie aval de la rivière est réservée aux femmes et aux enfants le soir pour se laver, la partie amont aux hommes. Dans la journée les lavandières frottent leur linge. J’irai laver mon linge dans cette eau claire. Mais ce sont surtout les petites filles du village qui voudront le faire à ma place.


Photo 4 :
Adélie et ses nouvelles amies. Les blonds cheveux d’Adélie plaisent beaucoup aux filles du village, qui y passent souvent leurs mains avec plaisir, la coiffent et lui mettent des fleurs. C’est une vraie chance de ne pas avoir attrapé de poux, tous les habitants en sont couverts et se grattent le cuir chevelu sans cesse…



Photo 5 :
Les enfants sont très souriants, extrêmement obéissants et réservés. L’autorité de l’aîné est scrupuleusement respectée dans la structure sociale Ni-vanuatu. Même Marin et Adélie sont bluffés de voir les enfants quitter immédiatement le terrain de foot sur un simple sifflement des plus grands.


Photo 6 :
Voici Pio, un petit garçon espiègle et particulièrement attachant. Sa maman me précisera fièrement qu’il est le premier de sa classe.



Photo 7 :
En fin de journée alors que les grands jouent au foot et les grandes au volley, les petits se rassemblent sous les arbres et font des jeux de main en récitant des comptines : « Bleu, Blanc, Rouge, 1, 2, 3, Quelle est jolie Fanfan, domino lala, etc… », je me régale en leur compagnie.


Photo 8 :
Voici Alexandre, le chef respecté du village. Il a sept fils et deux filles, et une foultitude de petits enfants. Je remarquerai que les pères et les grands pères sont très affectueux avec leurs enfants. Très souvent ils les portent, les consolent. Et les enfants se réfugient souvent auprès d’eux. Ici une de ses petites filles fait un geste courant, elle se gratte la tête…pleine de poux !


Photo 9 :
La quiétude du village de Rangusuksu, pas l’électricité, ni d’eau courante, ni de voiture, ni de bruit, ni de pollution, ni de magasin, ni de télévision, ni de…, un havre de paix.


Photo 10 :
Les femmes et les enfants sont chargés des corvées de bois sec pour la préparation des repas. Chaque famille possède une case qui fait office de cuisine salle à manger pièce commune, et deux autres cases pour dormir, l’une pour les femmes et les enfants, l’autre pour les hommes.



Photo 11 :
La vie communautaire bat son plein. Je n’ai jamais rencontré quiconque qui paraissait isolé, dépressif ou neurasthénique. La solidarité, l’entraide sont ici des valeurs communément partagées.



Photo 12 :
La nonchalance et le temps de vivre sont parfois déroutants pour nous, habitués à courir, même si depuis deux ans ce n’est plus vraiment notre cas…Les Ni-vanuatu ont un rythme immuable jour après jour, mois après mois, année après année, siècle après siecle ! Ils vivent vraiment au jour le jour et profitent pleinement du présent.



Photo13 :
Voici l’école fleurie du village, 4 grandes cases traditionnelles, une par classe.


Photo 14 :
A Rangusuksu le kava pousse très bien. Alors les hommes en font sécher pour en faire commerce, le kava sera expédié à Port Vila, la capitale, pour être réduit en poudre et expédié ensuite aux Fidji, en Nouvelle Calédonie, où il est également consommé par les Ni-Vanuatu émigrés mais également les populations locales depuis quelque temps.

Au Vanuatu, en revanche le kava est consommé frais évidemment ! Dans les villages, uniquement par les hommes.


Photo 15 :
Voici un tas de racines de kava qui partira dans un Nakamal (bar à kava) de Port Vila pour être consommé. Un bateau est attendu pour venir chercher la marchandise. Il devait passer le lendemain de notre arrivée, mais lorsque nous sommes partis 5 jours plus tard, le bateau n’était toujours pas venu…



Photo 16 :
Préparation du kava pour la consommation quotidienne des hommes du village.



Photo 17 :
Pio, petit Ni-vanuatu, gai et déluré.
Surtout conserve toujours ton caractère enjoué mon petit bonhomme!



Photo 18 :
Les enfants du village sont fascinés par l’annexe, le bateau, notre matériel etc…
Nous nous posons alors l’éternelle question et dilemme de savoir jusqu’où notre passage dans un village comme St-Joseph peut dégrader un équilibre de vie qui est si fragile face à la déferlante de la « civilisation »…

Billet N°108 : Escale à Port Sandwich, île de Malekula

du Jeudi 19 au Mardi 24 Mai 2011.
Texte : Barbara Photos : Olivier

Une fois Timothée accueilli à l’aéroport de Port-Vila, ainsi que trois jours plus tard son 2ème sac qui s’était égaré au cours du voyage Paris-Londres-Bangkok-Sydney-Port-Vila, une fois aussi les visas obtenus au consulat local pour nos futures escales en Papouasie-Nouvelle-Guinée dans quelques semaines, nous quittons Port-Vila , capitale du Vanuatu, pour nous rendre à Malekula, deuxième île par sa taille de l’archipel.

Nous jetons l’ancre au petit matin dans la baie très abritée de Port-Sandwich à proximité du village de Lamap, où comme à l’accoutumée au Vanuatu nous sommes accueillis avec beaucoup de gentillesse par les habitants.

Parmi eux, il y a Roch qui aime les livres et qui a une bibliothèque particulièrement bien fournie. Il échange volontiers ses livres avec les bateaux de passage. Je n’échangerai finalement pas mais je lui en offrirai une bonne quinzaine. Cela m’émeut de trouver cette bibliothèque inespérée à Port-Sandwich et de rencontrer son propriétaire amoureux des livres. Je ne veux pas ponctionner ses étagères. Et puis j’ai largement de quoi lire encore à bord. Olivier qui fait la chasse au poids sur le bateau est satisfait du deal…

Roch présente malheureusement une cataracte sur les deux yeux, ce qui l’handicape considérablement pour lire. En octobre il doit aller à Port-Vila, où une équipe d’ophtalmologistes indonésiens doit venir pour soigner les yeux malades des Ni-vanuatu. Roch espère alors recouvrer la vue.

Il y a également Didier et son petit fils Julien, dont il est si fier. Il faut dire que Julien est malin et espiègle comme tout. C’est Didier qui, outre notre guide de navigation qui mentionne lui aussi des accidents, nous confirmera qu’il ne faut malheureusement surtout pas se baigner dans la baie de Port-Sandwich, où vit un grand requin qui a déjà attaqué deux enfants qui y ont tous deux laissés la vie, ainsi que des pirogues, qui portent les traces des attaques de l’animal. Toute la population vit avec cette contrainte, c’est en effet le seul rivage où l’on ne verra pas les enfants s’amuser dans l’eau.

Il y a aussi la femme de Didier, Marcelline, qui nous préparera le lap-lap, plat de base au Vanuatu.

Une fois de plus, cette escale aura été riche en rencontres et en découvertes.

Le Vanuatu est un archipel qui, s’il n’offre pas des plages de sable banc et des lagons translucides de cartes postales, est habité par un peuple ô combien attachant dont on se souviendra longtemps, à bord de Jangada, comme faisant partie des plus belles rencontres de notre voyage..
Reportage en photos de l’escale à Port-Sandwich, sur l’île de Malekula, au Vanuatu.
Barbara


Photo 1 :

Bien trop rares sont les bateaux inter-îles au Vanuatu. Les îles semblaient mieux desservies avant l’indépendance. Aujourd’hui les îliens profitent souvent des voiliers de passage pour se rendre d’une île à l’autre.

Voici une exception à la règle, cette goélette vient ravitailler le village de Lamap, à Malekula.


Photo 2 :
Une jolie rivière, du nom de Murder River (l’équipage d’une frégate française s’y est fait massacrer…) se jette dans la Baie de Port-Sandwich. Nous remonterons son cours au milieu de la végétation luxuriante. Adélie ne quitte plus sa fronde, fabriquée par Jonas et assemblée par Joseph d’Erromango. Elle atteindra rarement ses cibles, les petits oiseaux sont trop rapides pour elle.


Photo 3 :
Au retour de la balade, Marin sur le kayak se fait tracter par l’annexe. Attention à ne pas tomber, de gros requins rôdent dans la baie…


Photo 4 :
L’habitat sur le chemin du village de Lamap situé à l’entrée de la baie. Les cases traditionnelles y sont encore largement majoritaires, noyées dans des écrins de verdure. Ici dans ce village de Malekula, les cochons sont excessivement nombreux, signe de richesse. Ils vivent en liberté dans le village, font de gros dégâts dans le sol, et obligent alors les villageois à cultiver leurs jardins fort éloignés de leurs cases, parfois jusqu’à deux heures de marche du village.


Photo 5 :
Les habitants de Malekula tirent encore quelques revenus de la fabrication du coprah (chair de noix de coco séchée à l'air libre).



Photo 6 :
Adélie, Timothée, Olivier et Didier. Bientôt à la tombée de la nuit, les hommes vont aller boire ensemble le kava. Ici comme dans la majorité des villages que nous avons visités, le chef interdit le kava aux femmes.


Photo 7 :
Voici Julien, le petit fils de Didier. Ce sont ses grands parents qui l’élèvent. Ses parents sont partis travailler à Port-Vila. Julien arbore une polaire de Jangada, trop petite pour Marin puis pour Adélie. J’apprécie l’idée qu’elle sera encore utile pour les enfants du village.


Photo 8 :
Voici le lap-lap préparé par Marcelline, la femme de Didier. C’est le plat de base des Ni-vanuatu. En revenant des jardins, les femmes rapportent des fagots de bois sec et des paniers remplis de fruits et de légumes. Etalées sur des nattes, des feuilles de bananiers passées brièvement sur le feu pour être assouplies, servent de récipients. Les ignames, taros et bananes sont soigneusement râpés, modelés en galettes rondes enrichies parfois de morceaux de porc ou de poisson.


Photo 9 :
Les feuilles de bananiers savamment pliées garantissent l’étanchéité de chaque paquet solidement maintenu par un lien végétal. Elles sont ensuite placées au milieu du foyer puis recouvertes entièrement de pierres volcaniques chauffées à blanc. Puis le tout est recouvert d’une couche de grandes feuilles sur lesquelles est jetée de la terre. Cela formera un dôme pour permettre une cuisson à l’étouffée de plusieurs heures.


Photo 10 :
Une fois cuit et découvert, le lap-lap est arrosé de lait de coco fraîchement pressé. Ce plat savoureux est particulièrement nourrissant.

Photo 11 :
La table est dressée, le plat est servi, nous sommes conviés à partager ce repas traditionnel.


Photo 12 :
Le soleil ne brille malheureusement pas tous les jours au Vanuatu, beaucoup de pluie et de grains violents dans cette partie ouest de l’océan Pacifique, encore à cette période de l’année, bien que théoriquement la saison des pluies soit terminée. Mais cela n’altère pas la joie de Timothée, Marin Adélie qui se sont retrouvés récemment, après une longue année de séparation.

dimanche 29 mai 2011

Billet N°107 Joseph, le Ni-Van d’Erromango

Du Vendredi 13 au Mercredi 18 Mai 2011.
Texte Barbara
Photos Olivier

Après notre passage sur l’île de Tanna, nous abordons plus au nord les rivages de l’île d’Erromango, au Vanuatu.

Dans les années 1820, la découverte de bois de santal à Erromango attire dans cette île des marchands souvent peu scrupuleux, dont l’arrivée entraîne de nombreux conflits sanglants avec la population autochtone. Sur les traces des santaliers, des missionnaires anglicans et presbytériens s’installent dans l’île dès 1830. Certains d’entre eux connaissent un destin tragique comme les révérends John Williams et James Harris, massacrés, cuisinés, assaisonnés et mangés par la population du village de Dillon’s Bay en 1839, à Erromango. C’est là que nous avons décidé de jeter l’ancre.

Nous débarquons en fin de journée. Il nous faut franchir la barre de la petite rivière le long de laquelle le village est établi. Le temps est gris et humide, cela n’empêche pas les habitants du village de venir nous accueillir, en nous indiquant où amarrer l’annexe. Nous saluons ces mélanésiens souriants et leur chef Jonas. Olivier et Marin ont pêché deux très gros thons entre Tanna et Erromango, nous en offrons un au village. Le chef se chargera de le partager avec la tribu. Les villageois semblent apprécier cette façon d’arriver.

C’est alors que nous faisons la connaissance de Joseph, qui parle un bon français. Celui-ci nous propose de visiter le village situé tout en longueur le long de la rivière où les enfants s’amusent à pêcher et les femmes lavent le linge. Joseph nous montre l’école du village et nous présente sa femme, la « directrice ». Le lendemain nous y déposerons des livres pour enfants et des manuels scolaires.

Le courant passe bien avec Joseph, sympathique et ouvert.

Incontestablement les souvenirs de voyage les plus marquants seront, pour moi, toujours associés à des rencontres. Entrer en contact avec les locaux, créer un lien et partager un peu de leur vie pour mieux la connaître et la comprendre, change radicalement la donne quant à la découverte du lieu et me permet de fixer mes souvenirs. Inversement dans les endroits où la magie de la rencontre n’aura pas eu lieu, mes souvenirs auront tendance à s’estomper ou à se mélanger avec d’autres.

Erromango, je m’en souviendrai comme étant l’île de Joseph, devenu notre ami.

Deux jours plus tard, Joseph embarque avec nous à bord de Jangada pour Port-Vila, la capitale du Vanuatu, située sur l’île voisine d’Efate, où il ira se faire soigner ses pauvres dents qui le font souffrir depuis des mois. Pendant la traversée, nous apprenons à Joseph à jouer au Hano, un jeu d’adresse que nous avons appris aux Loyauté. Joseph nous battra tous très vite. A Port-Vila, pendant notre escale, chaque soir à la tombée de la nuit, rendez-vous sera pris avec Joseph pour aller boire le kava entre hommes. C’est une marque d’amitié que de boire ensemble le kava, et Joseph tient absolument à partager ce rituel avec Olivier, puis avec Olivier et Timothée lorsque celui-ci nous aura rejoint.

Le dernier jour à Port-Vila, Joseph vient déjeuner à bord, il dit aux enfants qu’il espère bien qu’ils reviendront un jour le voir dans son île d’Erromango. Nous savons bien, entre adultes, que la probabilité de se revoir est infime. Mais les enfants sont gages d’avenir et d’espoir.

Nous sommes vraiment émus de nous quitter, mais à la mode mélanésienne, toute en retenue, on se salue.

Merci Joseph pour cette belle rencontre !

Barbara


Photo 1 :

Joseph, 51 ans, souffre depuis des mois de maux de dents. Il nous demande de l’embarquer pour Port-Vila, (capitale du Vanuatu, sur l’île d’Efate), notre prochaine destination, afin qu’il puisse consulter un dentiste et se faire certainement arracher deux des quatre chicots qui lui restent. Les liaisons inter-îles au Vanuatu sont rares, et les îliens sont parfois vraiment isolés.

Jonas le chef du village a fabriqué deux frondes pour les enfants. Pendant la traversée, Joseph aide Marin et Adélie à les assembler.


Photo 2 :
Fait unique depuis notre départ de la Rochelle, la traversée Erromango/Efate se fera au moteur sur une mer d’huile, 13h00 de moteur! Si le capitaine peste, les enfants sont ravis, ils peuvent disputer des parties de Hano avec Joseph sur le trampoline. Ce jeu mélanésien ressemble un peu à la pétanque de chez nous. Il s’agit d’un jeu d’adresse qui consiste à faire glisser des graines de Hano (nom donné à ces grosses graines marron aux îles Loyauté) et à les positionner le mieux possible par rapport à une ligne. Incontestablement Joseph est le plus habile de nous tous, il est sacré champion du Pacifique au Hano !


Photo 3 :
Marin et Adélie disputent de nombreuses parties de Hano avec Joseph. Ce dernier a deux grands fils qui font leurs études, l’un aux Tonga, l’autre au Fidji. Il n’y a pas d’université au Vanuatu. Si l’on veut poursuivre ses études, il faut alors quitter le pays, le risque…ne pas y revenir. Joseph n’a pas vu ses deux garçons depuis 3 ans. Le coût des études est élevé, le billet des avions aussi. Joseph exploite à Erromango quelques hectares de bois de santal pour financer les études de ses fils.


Photo 4 :
Jospeh affirme pourtant que ces fils reviendront un jour à Erromango, c’est là qu’est leur terre, et dans la culture mélanésienne, l’attachement à la terre et à la famille est viscéral. Il n’est pas inquiet pour ses vieux jours, ses fils s’occuperont de lui, comme lui s’est occupé de ses parents.

Pourvu que Joseph pense juste et que ses fils n’aient pas perdu de vue la coutume (la tradition) dans leurs îles lointaines, parmi les « savants ».


Photo 5 :
Arrivés à Port-Vila le samedi soir tard, Joseph reste dormir à bord. Il doit séjourner chez une nièce, mais il n’a pas eu la possibilité de la prévenir. Le dimanche matin, nous nous rendons à la messe, celle-ci sera dite dans un mélange d’anglais- français- bichelamar (langue locale). Les femmes sont assises à gauche, vêtues de leur robe missionnaire, les hommes à droite dans leur tenue endimanchée.



Photo 6 :
Le marché de Port-Vila est bien achalandé, il est ouvert 24 heures sur 24, excepté le dimanche. On trouve des légumes : concombres, taros, ignames, avocats, choux chinois, épinards locaux, herbes aromatiques, et fruits : papayes, fruits de la passion, pamplemousses, oranges, citrons, cocos. A Port-Vila, il y a également de nombreux « chinois » et 3 supermarchés « Au Bon Marché », bien fournis mais excessivement chers. Ce ne sont que des produits importés, 2,5 fois plus chers qu’en Nouvelle Zélande !


Photo 7 :
A Port-Vila, nous récupérons Timothée venu passer 5 semaines de vacances à bord de Jangada. La fratrie est bien heureuse de se retrouver après une année de séparation !