Billet N°106 – Arrivée au Vanuatu, île de Tanna,

Dimanche 8 au Jeudi 12 Mai 2011.


Textes Barbara
Photos Olivier

Après un trop bref mais plaisant passage aux îles Loyauté, nous arrivons à peine 24 heures de mer plus tard, en provenance de Lifou (Iles Loyauté), dans la baie de Port-Résolution sur l’île de Tanna, dans l’archipel de Vanuatu.

Et là, le contraste avec la riche et prospère Nouvelle-Calédonie est assez saisissant…

Nous retrouvons avec plaisir l’accueil spontané des îliens isolés. Les rapports entre eux et nous sont sains, pas de manifestations excessives, le respect réciproque est la règle. On troque poissons et livres d’enfants contre fruits et légumes des jardins. Leur vie communautaire est suffisamment forte et équilibrée pour que le passage des voiliers de voyage n’altère pas leur système de fonctionnement ancestral, qui semble perdurer plutôt sereinement.

Pas d’idéalisation, ni de sensiblerie déplacée de ma part, les habitants de Tanna doivent aussi avoir leurs tourments et leurs peines, et je serais bien incapable de vivre à leur façon dans leur tribu. Mais cependant force est d’admettre que leur mode de vie souligne à quel point nous avons perdu de vue chez nous les liens de solidarité de la vie en collectivité qui sont si plaisants, si forts et si naturels chez eux.

Bel enseignement du voyage que de découvrir les richesses des autres et de reconnaître ses propres défauts et faiblesses.

Mais avant de vous raconter Tanna en photos, quelques informations pratiques sur le Vanuatu !

Connu sous le nom précédent de Nouvelles-Hébrides, l’archipel a été rebaptisé Vanuatu, le 30 juillet 1980, date de son accession à l’indépendance.

Avant 1980, le Vanuatu était sous administration conjointe de la France et du Royaume-Uni, c’était le « condominium » des Nouvelles-Hébrides, en place de 1906 à 1980. Ces îles océaniennes étaient alors la seule colonie gérée conjointement par les deux puissances coloniales !

Situé au nord-est de la Nouvelle-Calédonie, l’archipel de Vanuatu compte une douzaine de grandes îles (Espiritu Santo, Malekula, Éfaté, Erromango, Tanna etc.) et environ quatre-vingts petites îles ou îlots, qui dessinent sur la carte une sorte de « Y ». Le pays est situé dans une des zones volcaniques les plus actives du monde, au sud-ouest de la ceinture de feu du Pacifique. Certains volcans sont actifs toute l'année comme le Yasur sur Tanna, d’autres sont sous-marins : on retrouve leurs résidus de lave, qui flottent, jusqu'en Nouvelle Calédonie !

En 2008, la population était estimée à 215 000 Ni-Van, comme on nomme les habitants de l’archipel. Les seuls mouvements d’immigration des Ni-Van concernent la Nouvelle-Calédonie toute proche, en général pour travailler dans les mines de nickel.

L’isolement ancestral du reste du monde et l'isolement inter-îles, qui perdure encore aujourd’hui, a « permis » à la population des 83 îles de développer jusqu'à 120 langues et dialectes différents… Le Vanuatu est donc le pays possédant la plus forte densité linguistique au monde, avec 108 langues distinctes ! Et trois langues officielles pour 215 000 citoyens. Ces dernières sont l'anglais et le français, les deux langues héritées de la colonisation, et le bichelamar, le seul dialecte local compris dans toutes les îles.

Visite en images de Port-Resolution, à Tanna, au Vanuatu.

La première impression compte toujours et la nôtre fut particulièrement bonne et prometteuse…

Barbara




Photo1 : Premier contact avec un Ni-Van, Stanley, sur sa frêle embarcation.

C’est le petit frère du chef du village, Johnson. Il semble mandaté par la tribu pour venir accueillir les voiliers au mouillage. Son doux sourire et sa réserve nous séduisent d’emblée.

Photo 2 : Le village est typique et authentique. Il s’organise autour d’une grande esplanade herbeuse, chaque famille au sens large (plusieurs générations et par fratrie) occupe une partie du village avec ses cases.

Photo 3 :Quand la famille s’agrandit par un mariage, une naissance etc… on construit une case supplémentaire.

Les cases sont traditionnelles, la charpente est en bois, les murs en feuilles de pandanus, les toits en feuilles de cocotiers.

Photo 4 : Les cases s’organisent autour d’un foyer à même le sol, où les repas sont préparés par les femmes en famille.

Photo 5 : Comme toujours dans les îles isolées, la récupération d’objets et leur reconversion sont naturelles et légitimes. Ici le capot d’un voilier qui s’était échoué dans la baie fait office de fenêtre.

Photo 6 : Un jour par semaine est dévolu aux travaux collectifs de la tribu, le reste de la semaine, les Ni-Van s’occupent de leur propre jardin. Lors de notre passage, le travail collectif du mardi consistait à faucher la grande esplanade du village, au coupe-coupe et à la serpe! Tous les villageois sont mis à contribution, enfants, adultes et vieillards et tous manient avec dextérité la machette !

Photo 7 : Les petits s’amusent à se cacher dans l’herbe fraîchement coupée, dans une belle lumière de fin de journée.

Photo 8 : Stanley nous fait visiter son jardin. Chaque famille possède plusieurs jardins autour du village. Ils vivent en auto subsistance.

Ici Stanley coupe des feuilles de chou local, une espèce d’épinard, très bon.

Les légumes sont essentiellement du tarot, de l’igname (légume sacré en Mélanésie), du manioc. Pour les fruits, prolifèrent citrons, bananes, papayes, goyaves, noix de coco…

Photo 9 : Il y a beaucoup d’enfants au village, et je fais remarquer à Marin et Adélie combien ils semblent heureux. Tous petits ils sont toujours portés, câlinés par une grande sœur, une mère, une tante, une grand-mère, puis lorsqu’ils deviennent plus grands ils sont toujours en bande à courir, pêcher, et s’amuser.

De sorte que de la naissance à la mort, ils ne seront jamais isolés, mais toujours entourés.

Photo 10 : Au second plan, le volcan Yasur. Le Yasur fut découvert par le capitaine James Cook en 1774, qui observa un petit cône de cendres (hauteur 350 m) dont le cratère produisait à intervalles réguliers de petites explosions. Quelques 250 ans plus tard, le scénario est identique : comme le Stromboli en Europe, le Yasur est en éruption presque permanente.

Photo 11 :Le cône de cendre du volcan actif de Tanna. Le lendemain de notre arrivée à Tanna, nous devons faire notre entrée sur le territoire. Les bureaux de douanes et d’immigration se situent à Lenakel, petit port exposé de l’autre côté de l’île. Pour nous y rendre nous utiliserons un des trois 4X4 du village pour traverser l’île. Ainsi nous passerons au pied du volcan et pourrons l’admirer également de haut. L’accès à son cratère est malheureusement devenu excessivement onéreux (taxe du gouvernement) et verrouillé depuis le début de l’année. Il faut désormais passer par des tours opérateurs assermentés.

Photo 12 :Heureusement pour nous le chauffeur du 4X4, David, connaît bien son affaire, car la piste pour se rendre à Lénakel est parfois très endommagée…Nous mettrons 6 heures aller-retour pour traverser l’île. Chaque tribu doit entretenir la partie de la piste qui traverse ses terres.

Photo 13 : Ce sera l’occasion de partager la benne du 4X4 avec d’autres Ni-Van rigolards et souriants. Sur cette piste souvent défoncée, pas de transport en commun, à part ces quelques rares 4X4 qui appartiennent aux villages. Heureusement il ne pleuvra pas ce jour là.

Photo 14 : Station service à Lenakel ! Une petite case en bambou et en feuilles de cocotier, 2 bidons de « mazout ».

Photo 15 : Les Ni-Van sont particulièrement souriants.

Photo 16 : Marché à Lenakel sous le grand banian aux racines aériennes.

Photo 17 : A Lenakel, les femmes portent des robes missionnaires colorées.

Photo 18 : Sur le chemin du retour, le 4X4 s’arrête souvent devant les petits étalages pour que les passagers achètent leurs fruits et légumes et le fameux kava (racine d’une espèce de poivrier qui donne une boisson euphorisante et à usage cérémoniel). Marin en profite pour acheter des arachides.

Photo 19 : Sur les hauteurs de la plage, se trouve une forêt de pandanus, dont l’usage des feuilles est courant dans la vie de tous les jours aux Vanuatu : nattes, murs des cases, paniers, etc…

Photo 20 : Après l’école, les enfants courent se baigner à la plage.

Photo 21 : En fin de journée, les femmes préparent le dîner et mettent à cuire les ignames directement dans les pierres chaudes. Avec Adélie nous partageons un agréable moment avec cette femme du village.

Photo 22 : Marin joue au foot avec les enfants après l’école. Pendant notre voyage je constaterai souvent qu’avoir des enfants et arriver quelque part avec son propre voilier, sont deux facteurs favorisants un bon accueil chez les autochtones.

Photo 23 : L’école du village à dominante anglaise. Il y a toutefois un professeur de français nommé par le gouvernement pour enseigner notre langue. Je lui donnerai quelques livres de Marin et d’Adélie. Il sera particulièrement content, il manque cruellement de moyens mais pas de motivation !

Photo 24 : Qu’y a-t-il de plus beau qu’un sourire d’enfant au Vanuatu ?


• Après avoir été en contact avec les marchands et les missionnaires chrétiens à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, de nombreux Mélanésiens, qui avaient conservé leur religion traditionnelle, ont répondu de façon originale au choc culturel occidental en élaborant une forme de religion syncrétique,( système religieux qui tend à faire fusionner plusieurs croyances religieuses), dont à Tanna le « culte du cargo », croyance selon laquelle arrivera un jour un navire chargé de biens matériels. Ce culte a été entretenu par le souvenir d’opulence laissé par les bases américaines installées dans l’Ouest Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale.


• La production agricole est peu commerciale, un peu de coprah, oignons, ignames, fruits… mais c’est principalement le café qui est exporté de Tanna. Le sol est fertile mais la plus grande part des cultures est à l’usage du clan dans les jardins coutumiers (igname, banane, kava, taro, maïs, manioc, canne à sucre…)