Du Vendredi 13 au Mercredi 18 Mai 2011.
Texte Barbara
Photos Olivier
Après notre passage sur l’île de Tanna, nous abordons plus au nord les rivages de l’île d’Erromango, au Vanuatu.
Dans les années 1820, la découverte de bois de santal à Erromango attire dans cette île des marchands souvent peu scrupuleux, dont l’arrivée entraîne de nombreux conflits sanglants avec la population autochtone. Sur les traces des santaliers, des missionnaires anglicans et presbytériens s’installent dans l’île dès 1830. Certains d’entre eux connaissent un destin tragique comme les révérends John Williams et James Harris, massacrés, cuisinés, assaisonnés et mangés par la population du village de Dillon’s Bay en 1839, à Erromango. C’est là que nous avons décidé de jeter l’ancre.
Nous débarquons en fin de journée. Il nous faut franchir la barre de la petite rivière le long de laquelle le village est établi. Le temps est gris et humide, cela n’empêche pas les habitants du village de venir nous accueillir, en nous indiquant où amarrer l’annexe. Nous saluons ces mélanésiens souriants et leur chef Jonas. Olivier et Marin ont pêché deux très gros thons entre Tanna et Erromango, nous en offrons un au village. Le chef se chargera de le partager avec la tribu. Les villageois semblent apprécier cette façon d’arriver.
C’est alors que nous faisons la connaissance de Joseph, qui parle un bon français. Celui-ci nous propose de visiter le village situé tout en longueur le long de la rivière où les enfants s’amusent à pêcher et les femmes lavent le linge. Joseph nous montre l’école du village et nous présente sa femme, la « directrice ». Le lendemain nous y déposerons des livres pour enfants et des manuels scolaires.
Le courant passe bien avec Joseph, sympathique et ouvert.
Incontestablement les souvenirs de voyage les plus marquants seront, pour moi, toujours associés à des rencontres. Entrer en contact avec les locaux, créer un lien et partager un peu de leur vie pour mieux la connaître et la comprendre, change radicalement la donne quant à la découverte du lieu et me permet de fixer mes souvenirs. Inversement dans les endroits où la magie de la rencontre n’aura pas eu lieu, mes souvenirs auront tendance à s’estomper ou à se mélanger avec d’autres.
Erromango, je m’en souviendrai comme étant l’île de Joseph, devenu notre ami.
Deux jours plus tard, Joseph embarque avec nous à bord de Jangada pour Port-Vila, la capitale du Vanuatu, située sur l’île voisine d’Efate, où il ira se faire soigner ses pauvres dents qui le font souffrir depuis des mois. Pendant la traversée, nous apprenons à Joseph à jouer au Hano, un jeu d’adresse que nous avons appris aux Loyauté. Joseph nous battra tous très vite. A Port-Vila, pendant notre escale, chaque soir à la tombée de la nuit, rendez-vous sera pris avec Joseph pour aller boire le kava entre hommes. C’est une marque d’amitié que de boire ensemble le kava, et Joseph tient absolument à partager ce rituel avec Olivier, puis avec Olivier et Timothée lorsque celui-ci nous aura rejoint.
Le dernier jour à Port-Vila, Joseph vient déjeuner à bord, il dit aux enfants qu’il espère bien qu’ils reviendront un jour le voir dans son île d’Erromango. Nous savons bien, entre adultes, que la probabilité de se revoir est infime. Mais les enfants sont gages d’avenir et d’espoir.
Nous sommes vraiment émus de nous quitter, mais à la mode mélanésienne, toute en retenue, on se salue.
Merci Joseph pour cette belle rencontre !
Barbara
Photo 1 :
Joseph, 51 ans, souffre depuis des mois de maux de dents. Il nous demande de l’embarquer pour Port-Vila, (capitale du Vanuatu, sur l’île d’Efate), notre prochaine destination, afin qu’il puisse consulter un dentiste et se faire certainement arracher deux des quatre chicots qui lui restent. Les liaisons inter-îles au Vanuatu sont rares, et les îliens sont parfois vraiment isolés.
Jonas le chef du village a fabriqué deux frondes pour les enfants. Pendant la traversée, Joseph aide Marin et Adélie à les assembler.
Photo 2 :
Fait unique depuis notre départ de la Rochelle, la traversée Erromango/Efate se fera au moteur sur une mer d’huile, 13h00 de moteur! Si le capitaine peste, les enfants sont ravis, ils peuvent disputer des parties de Hano avec Joseph sur le trampoline. Ce jeu mélanésien ressemble un peu à la pétanque de chez nous. Il s’agit d’un jeu d’adresse qui consiste à faire glisser des graines de Hano (nom donné à ces grosses graines marron aux îles Loyauté) et à les positionner le mieux possible par rapport à une ligne. Incontestablement Joseph est le plus habile de nous tous, il est sacré champion du Pacifique au Hano !
Photo 3 :
Marin et Adélie disputent de nombreuses parties de Hano avec Joseph. Ce dernier a deux grands fils qui font leurs études, l’un aux Tonga, l’autre au Fidji. Il n’y a pas d’université au Vanuatu. Si l’on veut poursuivre ses études, il faut alors quitter le pays, le risque…ne pas y revenir. Joseph n’a pas vu ses deux garçons depuis 3 ans. Le coût des études est élevé, le billet des avions aussi. Joseph exploite à Erromango quelques hectares de bois de santal pour financer les études de ses fils.
Photo 4 :
Jospeh affirme pourtant que ces fils reviendront un jour à Erromango, c’est là qu’est leur terre, et dans la culture mélanésienne, l’attachement à la terre et à la famille est viscéral. Il n’est pas inquiet pour ses vieux jours, ses fils s’occuperont de lui, comme lui s’est occupé de ses parents.
Pourvu que Joseph pense juste et que ses fils n’aient pas perdu de vue la coutume (la tradition) dans leurs îles lointaines, parmi les « savants ».
Photo 5 :
Arrivés à Port-Vila le samedi soir tard, Joseph reste dormir à bord. Il doit séjourner chez une nièce, mais il n’a pas eu la possibilité de la prévenir. Le dimanche matin, nous nous rendons à la messe, celle-ci sera dite dans un mélange d’anglais- français- bichelamar (langue locale). Les femmes sont assises à gauche, vêtues de leur robe missionnaire, les hommes à droite dans leur tenue endimanchée.
Photo 6 :
Le marché de Port-Vila est bien achalandé, il est ouvert 24 heures sur 24, excepté le dimanche. On trouve des légumes : concombres, taros, ignames, avocats, choux chinois, épinards locaux, herbes aromatiques, et fruits : papayes, fruits de la passion, pamplemousses, oranges, citrons, cocos. A Port-Vila, il y a également de nombreux « chinois » et 3 supermarchés « Au Bon Marché », bien fournis mais excessivement chers. Ce ne sont que des produits importés, 2,5 fois plus chers qu’en Nouvelle Zélande !
Photo 7 :
A Port-Vila, nous récupérons Timothée venu passer 5 semaines de vacances à bord de Jangada. La fratrie est bien heureuse de se retrouver après une année de séparation !