lundi 24 août 2009

Billet N°8 - En mer, du Tage à Porto Santo (Archipel de Madère)



Du Samedi 22 au Lundi 24 Août 2009

La fin de notre séjour à l’entrée du Tage verra l’intervention des Canadairs portugais venus éteindre l’incendie qui ravage les collines aux environs de Lisbonne. Ils écopent leurs tonnes d’eau à deux cent mètres de notre bateau, et leur ballet vrombissant mais désolant se poursuit pendant des heures…

Nous n’allons pas cette fois à Lisbonne, y étant passé récemment d’une part à bord du Queen Elizabeth 2 avec Barbara, d’autre part avec les enfants au retour des Açores avec notre Land Rover Papa Tango Charlie.

Marin a profité de ces journées de mouillage laborieux sur rade de Cascais pour améliorer sa conduite de l’annexe Caribe (3,40m et Yamaha 15 CV). Je l’ai lâché progressivement sur l’engin, et il aime çà ! Il me demande même d’aller s’entraîner sur la zone de mouillage, à petite vitesse (interdiction de déjauger !), et en échange, je lui demande de me rapporter des infos sur les bateaux au mouillage, histoire de construire son instruction maritime.
Il découvre ainsi son premier catamaran Wharram, du genre polynésien, et je lui explique avantages et inconvénients de la formule. Il détecte aussi un voilier breton, un Maracuja en aluminium, et nous faisons ainsi notre première rencontre du voyage, Didier et Isabelle, partis de Lorient, et leur chien Marac, une espèce qui intéresse toujours autant Adélie (à qui j’ai du promettre l’acquisition d’un clébar familial à la fin du voyage)!

Je rédige la note d’infos aux parents et amis sur la communication avec le voilier Jangada, qui part d’un cyber-café vers ses destinataires, puis nous changeons de mouillage pour cause de feu d’artifice de la Marine portugaise…

A 06H00 du matin Samedi 22, pendant que tout mon petit monde dort encore, je relève le mouillage et mets le cap sur le farol de l’Ilheu da Cima, à 475 milles de là. Ile de Porto Santo, à 20 milles au nord-est de Madère.
Le vent était soutenu au mouillage ces derniers jours, mais les fichiers de vent pris la veille sur le site américain U Grib d’une part, Maxsea Chopper d’autre part, concordent et annoncent un vent de secteur nord 25/30 nœuds mollissant à 20 nœuds dans les 12 heures. Idéal pour faire route vers Madère.

En réalité, une fois la bouilloire de l’embouchure du Tage et les deux premières dizaines de milles passées, le vent monte progressivement pour s’établir finalement à 40/45 nœuds…

Aïe !

Le paysage change, le terrain de jeu devient accidenté, et les premiers visages de l’équipage apparus furtivement retournent rapidement à leurs bannettes. Force 8, rafales à 9. J’étrenne les 2 premiers ris, la mer se creuse, 4 , 5 puis 6 mètres de creux…

On est partis, la mer est formée, hors de question de faire demi-tour, le vent apparent est par le travers tribord, pas si mal, c’est certes assez inconfortable, et très humide, mais je sais que, malgré l’erreur de prévision météorologique, le vent va mollir de toute façon dans les 24 heures.
Le bateau marche bien sous voilure de gros temps , une dizaine de nœuds en moyenne, mais parfois il accélère et pointe à 16, 17 nœuds… Le problème, c’est que dans la piaule, ça tape et ça rince copieux (les catas ne sont jamais assez hauts sur l’eau de ce point de vue, il faudrait au moins 1,20m de hauteur au-dessus de l’eau sous nacelle).

Journal de bord, version Barbara :

« Sale journée, beaucoup trop de vent, force 8/9. Le bateau s’agite, accélère, freine subitement, un pas sur le côté, un pas de l’autre côté, mon estomac suit le même rythme effréné, résultat : mal fichue, nauséeuse, moral qui chute, « que fais-je dans cette galère ? », tout bouge dans le bateau, aucun plaisir d’être là… j’ai peur. Heureusement, le Captain assure pour 4 ! ».

Version Olivier : euh… baptême du feu pour mon petit équipage familial !

Journal de bord du Dimanche 23 Août, par Barbara :

« Olivier a assuré toute la nuit ! encore du vent, beaucoup de vent. D’un commun accord avec Marin, on reporte les festivités de son anniversaire à … plus tard ! Marin a 12 ans aujourd’hui ! Equipage toujours aussi nauséeux, on dort toujours beaucoup, et Olivier assure toujours autant. Les repas se résument à de la semoule, de la purée, des pâtes… Moral moyen. Olivier est heureux, son bateau marche bien. Nombre de milles parcourus en 24 heures : 220. »

Le vent a commencé à mollir, la mer aussi. Dès l’aube, et toute la journée, je pense à ma mère, Ivane, que j’aimais beaucoup : aujourd’hui, cela fait 15 ans qu’elle est partie, sous mes yeux. Je crois que malgré les difficultés, elle aurait aimé ma petite famille.

Sans doute moins notre voyage, qui allait éloigner ses petits-enfants, mais elle l’aurait su inéluctable et aurait tu son inquiétude.

De là haut, voyez-vous, Maman, notre petite embarcation chahutée sur les flots ?

L’aube de la deuxième nuit de mer est moins accidentée, mais encore animée. Le beau temps revient progressivement. Barbara a passé la nuit avec Adélie, en travers dans la couchette double, pour être mieux calées. Dans la journée, on attrape à la ligne tribord notre première daurade coryphène, plutôt petite (45 cms), mais bon… 1 partout.

Une tortue marine malencontreusement placée sur notre trajectoire est renversée sans ménagement par l’étrave tribord et chahutée par le flotteur. L’eau se réchauffe, c’est clair, nous sommes passés à 17/18°C.

Marin confectionne lui-même son gâteau d’anniversaire au chocolat, et déballe ses cadeaux embarqués à La Rochelle : une boîte surprises, une paire de docksides, une BD, le DVD de Largo Winch, etc…

Le Captain a institué une prime (un coup à boire à terre) pour celui qui apercevrait le premier sur l’horizon la ligne de crêtes de Porto Santo. C’était la méthode employée par les Capitaines des voiliers d’Henri le Navigateur pour motiver les équipages à découvrir de nouvelles terres.

Sans mérite, à 17,5 milles de distance, c’est le Captain qui gagne pour cette fois !

La nuit étoilée tombe, le farol da Cima crache ses éclats, les 475 milles ont été parcourus en 2 jours et 18 heures.

L’ancre chute devant l’immense plage blanche de Porto Santo, le moral de l’équipage, lui, remonte.

Le baptême du feu est terminé, on est arrivé dans nos premières véritables îles.

Le Captain est content de son équipage, et de son bateau.

Il est minuit.

Olivier


Canadair sur rade de Cascais



Rinçage dans la piaule!



Le beau temps est revenu, ça va mieux!



Après le coup de vent...



... on trouve des calamars sur le pont!



Marin a 12 ans!



Happy birthday la Galinette!