mardi 18 mai 2010

Billet N°60 – Dans le lagon des Gambier

Du Lundi 3 au Mardi 17 Mai 2010


1ere semaine Les Gambier ou la sérénité retrouvée…

A peine une tête d’épingle sur la carte de la Polynésie Française, loin, très loin de Tahiti, ce minuscule archipel a à peine 1 500 habitants, il est situé a 1 700 kms de Papeete, idéal pour me remettre des dernières semaines de mer. Rares sont les voiliers tourdumondistes qui y font escale, car l’archipel des Gambier est situé hors de la route classique (les voiliers optent plus généralement pour les Marquises en venant des Galapagos), nous sommes juste une petite dizaine de bateaux au mouillage devant le village de Rikitea. Les températures sont plus fraîches, on supporte facilement un pull en soirée (la nuit tombe malheureusement trop tôt, vers 18h00), mais elles sont idéales pour randonner, les sentiers sont nombreux sur l île principale. Les paysages sont constitués de petites montagnes, de forêts de pins, de mélèzes, une barrière corallienne, des îlots, des cocotiers, des hibiscus, des fleurs de frangipaniers, et bien entendu des tiarés, la fleur endémique au parfum si subtil de Polynésie.

Nous sommes arrivés un lundi matin et reprenons doucement pied. Beaucoup de CNED, pour une mise à jour obligatoire compte tenu du retard accumulé pendant la traversée, mais également de jolies ballades, des matchs de foot pour Marin avec les enfants du village après l'école. Hier soir nous avons participé à la fête du village et c était super, joyeux, festif, un spectacle de qualité du groupe de danse de l île, avec tamouré, vahinés en pagne de coco, de beaux tanés (les hommes) tatoués. Ce matin messe, de belles robes blanches longues, des couronnes de fleurs qui embaument, des chants religieux aigus et rythmés en mangarévien, les fameux himénés, ...bref vous l’aurez compris, je retrouve la Polynésie avec un immense plaisir, tout me charme et me séduit. Certes cet archipel est sans doute bien différent de l'idée que l’on se fait habituellement de Tahiti et de ses îles luxuriantes, mais justement arriver ici en premier, sur ce rustre petit caillou, m’apaise, c est une petite porte pour entrer dans le grand Pacifique Sud, et c est juste ce dont j’avais besoin. Les habitants commencent à nous sourire, un peu sur la réserve avec les gens de bateau, toujours de passage, alors à quoi bon s’attacher pensent-ils à juste titre. Pour lier connaissance, les enfants sont de vrais sésames, Marin qui joue avec les enfants au foot, et Adélie qui se met des fleurs d'hibiscus à l’oreille, ont vite été repérés.

Pour les appros, cela reste quand même compliqué, pas de distributeur de billets de banque sur l’île et trois petites épiceries aux rayons vides, la goélette « NUKUHAU » est pourtant venue ravitailler l île avant hier, mais tout part directement chez l'habitant. Alors on racle les fonds de tiroirs du bord et on continue à manger nos conserves de poisson avec du riz. En revanche on ramasse des pamplemousses délicieux dans les jardins, des citrons verts et des goyaves sauvages sur les sentiers.

2ème semaine aux Gambier Mauvais temps acharné…

Lundi 10 mai, je cours fissa à la poste du village poster les évaluations du CNED qui auront un léger retard à l arrivée en France, la postière m’indique en effet un délai d’acheminement de 15 jours minimum… Puis nous appareillons sous le soleil pour visiter les autres îlots du lagon. Premier mouillage entre Mékiro et Akamaru. Nous débarquons à Akamaru en annexe et découvrons l’imposante église Notre Dame de la Paix, construite, toutes proportions gardées, à l image de la cathédrale de Chartres, avec un clocher double, précédée d’une allée fleurie… Pour comprendre la présence surprenante de cet édifice sur l’îlot d’Akamaru où vivent aujourd’hui seulement deux familles, il faut remonter au XIXème siècle. En 1834 fut en effet fondée aux Gambier la première mission catholique de Polynésie. Le père Laval, le supérieur de la mission devint en peu de temps le nouveau chef de l’archipel et imposa de facto une quasi théocratie sur les îles. En quelques décennies, le père Laval changea complètement la physionomie des Gambier, il fit construire de larges chemins, une imposante cathédrale, neuf églises ou chapelles, des tours de guet, des quais, etc… Mais il avait peu de respect pour les coutumes et traditions ancestrales des mangaréviens. En proie à une hostilité grandissante de la population, Laval dut s’exiler à Tahiti en 1871.

A Akamaru nous trouvons une jolie petite plage de sable blanc. Heureusement que nous nous y sommes baignés car dès le lendemain le temps se détériore. Nous changeons de mouillage et nous dirigeons vers un autre îlot, Agakauitai, immédiatement au sud de l’île de Taravai, dans un ravissant site abrité. L’approche est délicate, entre les récifs coralliens à fleur d’eau. Mais ceux-ci nous protègent ensuite de la mer du large, que l’on voit déferler avec violence sur la barrière corallienne. Le coup de vent a levé une grosse houle, et les brisants qui déferlent nous rappellent le Finistère les jours de grand mauvais temps d’hiver… A terre nous faisons la connaissance d’Hervé et de Valérie, mangarévien et tahitienne avec leur petit garçon Alan. Ils sont installés à Taravai depuis quelques années, ils cultivent la terre qui est particulièrement fertile où tout pousse pour ceux qui s’en donnent la peine. Hervé et Valérie sont curieusement les seuls de l’archipel à produire et à vendre leurs fruits et légumes (patates douces, fruits de l’arbre à pain ou uru, avocats, pamplemousses, goyaves, etc…), les autres mangaréviens se contentant d’attendre la goélette qui vient de Tahiti.

Les cinq jours suivants, nous restons cloîtrés dans le carré du bateau, les vents se déchaînent (rafales à 45 Nds), pluies torrentielles, nous n’avons jamais vu ça aussi longtemps. Heureusement les 70 mètres de chaîne du mouillage tiennent bon. Nous ressortons les vestes de quart Musto, les polaires, les couettes. Les enfants font du CNED, beaucoup de CNED, regardent des DVD, beaucoup aussi, on prend le thé en mangeant des gâteaux avec les équipages des deux autres bateaux au mouillage, nos amis Patrick et Annie d’ « Eglantine », et Andy et Rhian, un couple anglais qui naviguent sur un voilier en ferro-ciment acheté à Ushuaïa. Andy est guide de haute montagne, et Rhian est scientifique spécialisée dans la climatologie, ils ont tous deux séjourné en Géorgie du Sud et en Antarctique, et ont des connaissances communes avec Olivier. Les journées passent ainsi, on se croirait en novembre en Ecosse, les paysages qui nous environnent et que l’on aperçoit entre deux grains violents, le confirment.

Nous tentons une sortie pour rendre visite sur la rive à Edouard et Denise, tahitiens retraités, qui ont choisi Taravai et l’isolement pour leurs vieux jours. Ils nous offrent avec naturel et générosité des cœurs de palmiers, des herbes aromatiques, des papayes. Cette gentillesse spontanée nous touche beaucoup.

Dimanche 16 mai, les vents toujours forts mais qui ont tourné nous incitent à retourner au mouillage mieux abrité de Mangareva (l’île principale) devant le village de Rikitea. Du bateau, des sons de musique polynésienne nous parviennent, nous enfilons nos cirés et partons à terre. Nous assistons à une répétition de percussions et de chants du groupe local qui représentera l’archipel des Gambier pour les compétitions de cet été qui se dérouleront à Tahiti lors du Heiva (fêtes de juillet, où tous les groupes de musique, de danse et de chant, de toutes les îles de Polynésie Française se retrouvent pour concourir). Super, la musique est belle et rythmée, les rires fusent entre les musiciens, nous passons un bon moment à les écouter.

Malgré le mauvais temps, nous apprécions cet archipel reculé. Depuis quelques jours contraints d’y rester à cause de la météo, nous approchons chaque jour un peu plus les locaux et avons ainsi un meilleur aperçu de leur façon de vivre au quotidien.

Notre inquiétude n’est pas tant de nous éterniser aux Gambier mais de ne pas avoir le temps de bien profiter des Tuamotus avant de rallier Tahiti pour récupérer nos vacanciers de l’été qui arrivent à Faaa le 21 juin prochain…

Barbara
Vue sur le lagon de Mangareva et ses fermes perlieres

Relief abrupt des Gambier. Au fond Taravai et Agakauitai, depuis le sommet de Mangareva.

Déclinaison de bougainvillées

Ascension du sommet de l'île Mangareva, le Mont Duff

Allée d'Akamaru

Eglise Notre Dame de la Paix, à Akamaru.

Eglise Saint Gabriel de Taravai

Taravai