lundi 31 janvier 2011

Billet N°91- A la découverte (n°1) de l’île Sud de Nouvelle-Zélande.

Du 27 Décembre 2010 au 17 Janvier 2011


1ère partie – Vers le Sud en Land-Rover…
Par Olivier

Après avoir passé en famille un deuxième Noël en été, dans la maison de Parua Bay (pour le réveillon de Noël, le pavlova meringué à la crème fouettée et aux fruits rouges avait remplacé la bûche de nos contrées), perchée sur des collines verdoyantes à une vingtaine de km de Whangarei, Barbara et moi partons pour 3 semaines de découverte dans l’île Sud.

Sans les enfants, qui restent avec leurs grands-parents, Tomana et Mamina, d’abord à Parua, puis à 70 km plus au nord, à Opua, sur les rivages de la Bay of Islands, dans la jolie maison de Frank et Jenny, appelée Captain’s Retreat.

Frank est commandant du « Clipper Odyssey », un paquebot de croisière de dimensions raisonnables, et Jenny l’accompagne à bord, où elle travaille également.

Ils sont actuellement dans l’Océan Indien, et Frank nous racontera plus tard ses démêlés avec les pirates, dont le périmètre d’action est devenu inquiétant dans cette région, ce qui nous obligera sans nul doute, dans quelques mois, à adapter notre itinéraire…

Pour l’heure, nous ne sommes pas inquiets : les enfants conduiront le petit tracteur (John Deere !) du jardin d’Adrienne et David à Parua, et ils iront manger des glaces à Pahia.

Marin ira surfer du côté des plages de Russell, dans la Baie des Iles, ou bien à Elliot Bay, tandis qu’Adélie abusera de sa nouvelle trousse de maquillage et ira essayer toutes les robes du magasin Farmers de Whangarei, en profitant ostensiblement de l’absence de sa Maman, avant de se décider pour une robe rouge qu’elle adore…

La maîtresse du CNED, quant à elle, a décrété quatre semaines de vacances pour les enfants, et pour …elle-même. Bien méritées, je crois, car, en temps que proviseur, il m’avait semblé que l’école avait tourné à plein régime dans les semaines précédentes.

J’ai préparé le Land-Rover, embarqué l’équipement de camping : sacs à dos, sacs de couchage, tentes, réchaud à gaz, gourdes, lampes frontales, vaisselle…

Le 27 Décembre, nous prenons la route N°1, l’axe routier principal nord-sud qui traverse les deux îles qui constituent le pays. 800 km environ pour gagner Wellington en 12 heures de conduite. A part quelques km d’autoroute aux abords d’Auckland, la route N°1 est l’équivalent d’une nationale de chez nous. A certaines occasions, elle se réduit même à une seule voie pour franchir un pont.

Le V8 anglais de notre 4 x 4 d’occasion, qui affiche quelques 100 000 miles, est technologiquement dépassé, mais il a bien marché : si vous lui donnez, en conduisant à l’économie, ses 18 litres aux 100 (km !), il ne rechigne pas à vous déhaler assez confortablement…

Vers 20 heures, nous arrivons au terminal maritime, prenons les billets pour le ferry de 23H00 d’Interislander, et allons flâner, en soirée, dans le centre de Wellington City, la capitale néo-zélandaise.

Une des villes les plus ventées de la planète, du fait de son implantation au flanc de collines pentues, dans le détroit de Cook, un lieu souvent tempétueux, qui sépare l’île du Nord de l’île du Sud.

A la nuit, le ciel bas roule de gros nuages sombres, poussés par une brise prometteuse. Nous sortons nos vestes de quart…

La traversée, normalement d’un peu plus de trois heures, en durera cinq. Le ferry devra batailler dans le coup de vent qui nous est tombé dessus juste avant l’appareillage.

Nous débarquons, fatigués, vers 5 heures du matin, à Picton, une petite ville protégée de la mer par un fjord profond, le Queen Charlotte Sound.

Protégée de la mer, Picton, mais pas du vent ni de la pluie : les rafales font rage à 40 et 50 nœuds, des pluies diluviennes s’abattent sur le toit du Land-Rover, garé sur un petit promontoire sur la route de Havelock, et qui nous sert d’abri pour le reste de la nuit…

Damned ! le toit ouvrant du Land prend l’eau, une petite rigole me tombe dessus pendant que j’essaie de glaner un peu de sommeil.

En quittant Picton, nous voulions aller manger des moules (-frites) à Havelock (capitale mytilicoles de la NZ), dans un fjord voisin. Mal nous en a pris : au petit matin, la tempête s’éloigne, mais les pluies de la nuit on transformé les ruisseaux en torrents. Les prairies sont inondées, et nous rencontrons rapidement les premiers obstacles devant les roues du Land-Rover. Arbres déracinés, passages à gué… Nous en franchissons plusieurs, jusqu’à ce que les glissements de terrain prennent de l’ampleur, au fil des heures.

Impressionnants.

Une tentative de demi-tour, vouée à l’échec, nous fera comprendre que la route est coupée, aussi bien devant que derrière. Nous sommes coincés, il faut simplement attendre. Les tracteurs vert et jaune des farmers néo-zélandais entrent en action, mail il faudra attendre le travail patient d’un gros Caterpillar pour nous libérer du piège.

Nous devons renoncer à gagner Havelock (c’est donc raté pour les moules), le village est isolé par les eaux, et une voiture de police nous ordonne, au porte-voix, de faire demi-tour…

Plus tard, les premiers rayons de soleil réapparaissent autour de Blenheim, la capitale du vin en Nouvelle-Zélande.

Les Sauvignon Blanc de la région du Marlborough, en particulier, sont très connus. Les néo-zélandais ont vite appris à produire des vins de qualité. Cépages et savoir-faire importés, associés à des méthodes et à un outillage modernes de vinification, ont favorisé le développement rapide d’une activité viticole de qualité. Les vins blancs surtout, qui représentent 75% de la production, sont exportés principalement vers la vieille Angleterre, l’Australie et les USA.

Nous reprenons le lendemain la route pour Christchurch, quelques 300 km plus au sud.

A Kaikoura, alors que le beau temps est revenu, nous apercevons un grand nombre d’otaries (ou phoques à fourrure) sur les rochers côtiers. Les eaux sont poissonneuses, et ces animaux, autrefois traqués par les équipages baleiniers et phoquiers, sont revenus en nombre sur l’île Sud. Le kelp, cette algue des mers froides qui atteint souvent une petite dizaine de mètres de longueur, abrite leurs évolutions aquatiques proches du rivage.

Les sperm whales, ou cachalots, sont nombreux dans la région de Kaikoura. Ces grands cétacés, qui se déplacent souvent en groupe, vivent de façon permanente dans la région. Le relief sous-marin est entaillé ici de profondes failles sous-marines, qui atteignent parfois près de 10 000 mètres de profondeur. Ces fosses abyssales abritent des animaux marins qui intéressent beaucoup les cachalots : les calamars, géants de préférence. Il s’agit de leur plat préféré. Les cachalots ont des dents (1 kg parfois par attribut…), et j’imagine assez bien le spectacle dantesque que doivent représenter les combats qui ont lieu parfois entre 2000 et 3000 mètres de profondeur entre un grand mâle cachalot de 20 mètres et 50 tonnes et un calmar géant de plus de 20 mètres de longueur lui aussi, habitant les gouffres sous-marins… Inutile de vous dire que le cachalot est nettement meilleur en apnée que moi, ce qui n’est pas difficile : jusqu’à deux heures de plongée !!! Puis un petit quart d’heure pour se ventiler en surface (leur souffle est facilement reconnaissable sur les flots : il est orienté à 45° vers l’avant), un gracieux mouvement de la nageoire caudale et en route pour une nouvelle plongée vers les abysses, à raison d’une centaine de mètres d’immersion supplémentaire par minute. Pas d’ordinateur de plongée pour le cachalot, mais un système hydrostatique exceptionnellement efficace, et un sonar, car à de telles profondeurs, c’est bien sûr l’obscurité totale. Fun! Le repérage du calamar géant au sonar, et encore plus fun l’attaque de la sympathique bestiole, les dents en avant, dans l’obscurité des abysses…

Les abords de la péninsule de Kaikoura sont aussi fréquentés par de nombreux dauphins, orques, baleines à bosse, et même par des rorquals bleus, dont certains spécimens bien nourris atteignent sur la balance le poids respectable de … 180 tonnes !

Nous arrivons à la so british Christchurch, la grande ville de l’île Sud : larges avenues, bâtiments de style victorien, pubs, parcs et jardin botanique magnifiques traversés par la paisible rivière Avon. La très élégante (et très propre) Christchurch est la deuxième ville de Nouvelle-Zélande, derrière Auckland, mais devant la capitale Wellington.

Au Starbucks Coffe, sur Cathedral Square, nous prenons une connexion Internet, et envoyons une photo aux enfants.

Nous vivons avec eux en permanence à bord depuis 18 mois, et nous nous sommes plusieurs fois fait, avec Barbara, ces jours derniers, la même réflexion : depuis quelques jours à peine que nous les avons laissés aux bons soins de leurs grands-parents, dans l’île Nord, ils nous manquent. Si, si !!! Je me dis que de ce point de vue, ces trois semaines vont être difficiles. Notre microcosme familial en voyage, patiemment tissé au fil du temps depuis le départ de La Rochelle, et pas toujours évident à vivre évidemment, a provisoirement explosé…

Quel bonheur de les voir grandir jour après jour sous nos yeux ! Quelle joie nous aurons à les retrouver !

Barbara flâne sans ardeur démesurée dans quelques boutiques de High Street : le monde de la consommation matérielle, au moins pour la durée de notre voyage (et par ailleurs en temps normal loin d’être notre tasse de thé) nous est devenu vraiment étranger.

Nous devons retrouver nos amis Christophe et France, et leurs enfants, à Akaroa, en territoire français (j’exagère un peu…), pour passer avec eux les derniers jours de l’année. Quel plaisir de retrouver de bons amis, de partager, d’échanger !

Akaroa, c’est un agréable village sis dans une baie profonde, splendide et très fermée, au sud de la Banks Peninsula. L’endroit idéal dont rêvait, à l’aube des années 1840, les pionniers français, inspirés au départ par les informations distillées çà et là par les navires baleiniers et phoquiers, chassant dans la région. A quelque distance d’Akaroa, le hameau de Duvauchelle existe toujours. Il porte le nom de deux frères qui, en 1843, achetèrent des terres aux Maoris, par l’intermédiaire de la Compagnie Nanto-Bordelaise, créée par le français Jean Langlois.

Eh oui, la Nouvelle-Zélande, ou tout au moins l’île Sud, aurait pu voir flotter sur ses verdoyantes prairies le drapeau tricolore…

Mais les Anglais, encore et toujours eux, nous ont devancés, de peu certes, ce qui peut laisser encore plus amer, mais avec ruse… Perfide Albion...

Les habitants maoris de la baie (aujourd’hui appelée French Bay), où il fait bon vivre, sont massacrés en 1830 par une tribu voisine rivale, commanditée et embarquée sur son navire par un capitaine anglais expéditif, un certain Stewart. En 1833, le premier « British Resident » envoyé par la Couronne Britannique, James Busby, irrité par cette initiative guerrière et ses conséquences, décide d’aller remettre de l’ordre dans la péninsule.

Jean Langlois, capitaine du baleinier Cachalot, qui mouille régulièrement dans la baie d’Akaroa, souhaite y fonder une colonie. Courant 1838, sans doute bon négociateur, il négocie l’achat de 30 000 acres (soit environ 12 000 hectares) de terres maories pour 1000 francs de l’époque (contre 3000 francs/ha en France au même moment…), ne versant que 150 francs en dépôt. Il décide de revenir en France, pour y chercher l’appui du gouvernement de Louis-Philippe, qu’il obtient, ainsi que des capitaux et … des colons. Il créée la Compagnie Nanto-Bordelaise, dont l’objectif est clair : coloniser la Nouvelle-Zélande !

A bord du navire Comte de Paris, 57 émigrants tentent l’aventure, accompagnés par Langlois. Quelques semaines plus tôt, Louis-Philippe a fait appareiller l’Aube, un navire de guerre commandé par Charles Lavaud, représentant officiel de la France. Mais tout cela a pris du temps, à l’autre bout du monde… Temps pendant lequel les britanniques, qui ont eu vent de l’information, accélèrent les négociations avec les Maoris, dans l’île Nord. En Février 1840, le 6 plus exactement, ils obtiennent la signature du traité de Waitangi (l’endroit se situe à quelques kilomètres de notre maison d’Opua). Le 17 juin 1840, les Anglais étendent la souveraineté britannique sur l’île du Sud…

En Juillet, Lavaud mouille son navire dans la Bay of Islands, et il apprend … que l’Union Jack flotte depuis quelques semaines sur la Nouvelle-Zélande !

Malin, et fort aimable avec Lavaud, le British Resident le retient quelques jours dans la Baie des Iles, cependant que, dicrètement, le Britomart force ses voiles vers… Akaroa !

En Août 1840, quand le Comte de Paris et ses émigrants pénètre dans la baie d’Akaroa, la déception est grande : le pavillon britannique y claque au vent depuis huit jours !

Les colons français n’ont d’autre choix que de rester : ils s’installent à Akaroa. Leurs titres de propriétés seront plus tard validés par la Couronne britannique, et la plupart d’entre eux seront … naturalisés en 1851. Les quelques actifs de la Compagnie imaginée par Jean Langlois ont été rachetés en 1849 par la Company of New-Zealand…

La Nouvelle-Zélande sous pavillon tricolore ? Le rêve s’arrêtera là.

De cette tentative avortée, restent un petit cimetière français, et quelques noms de rue : rue Balguerie, rue Benoit, rue Pompallier, rue Lavaud…

Parmi les familles britanniques d’émigrants installées quelques années plus tard à Akaroa, la famille Worsley. L’un de ses enfants, Frank Worsley, deviendra un grand marin : il sera, plus tard, nommé Capitaine de l’ Endurance, le navire d’Ernest Shackleton, lors de sa célèbre (et dramatique) expédition de 1914-1916 en Mer de Weddel. Au détour de quelques pohutukawa en fleurs (mon arbre préféré en Nouvelle-Zélande), nous découvrons, Christophe et moi, un buste du Captain F.Worsley, à proximité du wharf d’Akaroa…



Dans l’après-midi, nous flânons avec nos amis sur un promontoire rocheux qui s’avance dans la baie.

Le soir du 31 Décembre, il fait frais sous notre tente, au Top Ten Holiday Park, le camping du village qui domine la French Bay. En compagnie de Christophe et France, venus du Vietnam, avec leurs enfants, et qui terminent leur séjour de deux semaines en camping-car, nous ouvrons une bonne bouteille de vin kiwi. Dont le cépage est français…

En levant notre verre, je pense aussi aux nôtres, si loin ce soir, à mon fiston resté au pays, et à tous nos amis. J’ai aussi une pensée pour Worsley, le bras droit de Shackleton, et une autre … pour le cours de l’Histoire !


Tomana et Mamina, venus nous rejoindre pour 2 mois, restent dans l'île Nord avec les enfants, pendant que nous partons vers l'île Sud.

Marin ne va pas s'ennuyer, les plages de North Island sont splendides!

Adélie non plus, elle fonce au magasin Farmers essayer une nouvelle robe, non encore homologuée par sa Maman...

Entre Picton et Havelock, ça commence mal. Tempête, et pluies diluviennes... Sur le capot du Land, la table de camping!

Apparemment, la montagne a légèrement glissé sur la route, devant et ... derrière nous. On est coincé là, n'est-il pas!
Au fil des heures d'attente, le Queen Charlotte Sound change de couleur, passant du bleu profond au marron épais...
Plus au sud, le beau temps est revenu sur les montagnes de la région d'Hanmer Springs...
A Kaikoura, sur la côte est, les phoques à fourrure se prélassent sur les rochers des quarantièmes sud...
Ils ont longtemps été chassés, et cette époque difficile pour eux est inscrite dans la mémoire collective...
Le goéland à bec et pattes rouges est une variante locale de l'espèce, répandue et bruyante...
Les monuments anciens de Christchurch, la grande ville du Sud, ont été durement touchés par les récents tremblements de terre...

La capitale de la province du Canterbury vit désormais à l'heure de la prochaine Coupe du Monde de rugby!
Le Captain en visite à Christchurch City, sur Cathedral Square ...
Un vieux bar irlandais dans le centre de Christchurch...
A Akaroa, dans la Banks (le botaniste de J.Cook) Peninsula, c'est l'été depuis quelques jours...
L'église anglicane d'Akaroa, un village qui aurait pu être français...
... comme l'indiquent quelques noms de rues, bien de chez nous...
Le wharf d'Akaroa, dans la baie très abritée qu'avaient choisie, pour s'établir, les premiers colons français en 1838...
Né à Akaroa, le Captain Frank Worsley commandait l'Endurance d'Ernest Shackleton pendant la fameuse expédition de 1914-1916 en Antarctique...
Joyeuses retrouvailles avec la jolie famille de nos amis Christophe et France Hirtz...
Deux amies de coeur, Barbara et France, alias La Noiraude, quelques années après leur rencontre étudiante à Paris...
Sur les hauteurs de la French Bay, à Akaroa, le 1er janvier 2011...