Par Olivier
Sur les pentes de Signal Hill, au sud-ouest de Cape Town, existe un quartier particulier, qui a su préserver son caractère spécifique malgré le temps et les tentatives de déplacement du régime d’apartheid : le quartier de Bo-Kaap (littéralement « au-dessus du Cap »). C’est un quartier musulman, mais pas arabe, celui que les afrikaners, généralement peu portés sur le détail ethnique, appelèrent globalement les Cape Malays. Bo-Kaap, pourtant situé à deux pas de l’agitation du centre ville, est étonnamment paisible. On n’y trouve quasiment aucun commerce, c’est aujourd’hui un quartier résidentiel de classe moyenne, voir populaire, habité par les descendants des Malais, Sri-Lankais, Indonésiens et parfois Indiens ramenés d’Asie par les navires de la VOC, la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales, à partir de la deuxième moitié du XVIIème siècle. Le comptoir du Kaap, économiquement et stratégiquement très important pour les opérations de commerce et de logistique maritime de la fameuse compagnie, avait besoin d’une main d’œuvre bon marché et abondante. Une bonne partie d’entre eux était à l’origine des esclaves, mais plus tard, le développement commercial de la ligne des Indes et les rotations régulières des navires marchands amenèrent aussi au Cap des volontaires pour l’exil économique, outre le traditionnel cortège de déplacés politiques. Ce quartier, anciennement habité par les employés de la VOC, fut plus particulièrement investi par la population musulmane d’origine asiatique à compter de l’abolition de l’esclavage, en 1834. Les habitants du quartier, pour la plupart artisans aux talents appréciés des colons blancs, cherchèrent à recréer à Bo-Kaap, autour des valeurs de leur religion commune, une communauté identique à celle que leurs ancêtres avaient connu dans leurs pays d’origine. Ils y parvinrent plutôt bien, ce qui leur permit, après la Seconde Guerre Mondiale, de résister aux différentes tentatives du régime d’apartheid (1948-1991) de les déplacer à la périphérie de la ville, comme ce fut le cas pour la population très majoritairement noire du quartier de District Six. Nul doute aussi que dans l’échelle des valeurs ethniques des partisans de la ségrégation raciale, un malay valait mieux qu’un negro…
Se promener dans Bo-Kaap est étonnant. En l’espace de quelques dizaines de mètres, on a l’impression d’avoir changé de ville, de pays. La cohérence architecturale des petites maisons à un seul étage, qui ont toutes une petite terrasse donnant sur la rue, est très poussée. La différenciation des habitations s’effectue néanmoins sans difficulté par l’usage de couleurs vives, parfois osées, mais qui s’inscrivent bien dans la spécificité du quartier. Rien n’est luxueux, rien n’est ostentatoire, l’islam d’ici invite à la modération. Seuls, parfois, le travail d’un encadrement de porte ou la décoration florale d’une fenêtre marque la volonté du propriétaire de personnaliser d’une nuance sa demeure.
Les ruelles de Bo-Kaap sont paisibles, tranquilles. Les enfants jouent sur le pavé, devant les façades aux incroyables teintes bleues, rouges, vertes ou jaunes. Seule la rumeur bruyante du cœur de la ville tout proche laisse penser que la sérénité villageoise de Bo-Kaap n’est peut-être pas éternelle…
Photo 1 - Le seul établissement public du quartier de Bo-Kaap, avec un magasin d'épices...
Photo 2 - Les rues hautes en couleurs de ce quartier préservé...
Photo 3 - Au fond à gauche, la mosquée de quartier...
Photo 4 - Mais laissons parler les formes...
Photo 5 et les autres : ... et les couleurs...