Lundi 6 Juin 2011
Hier soir, vers 22 H00, j’ai aperçu l’éclat lointain du phare d’atterrissage sur les Louisiades, à l’extrémité sud-est du récif de Rossel Island. La nuit s’est écoulée lentement pour moi, 12 heures d’obscurité, c’est long. Je n’ai pas beaucoup dormi, 2 heures peut-être au total, c’est comme ça quand la terre est proche, difficile de fermer l’œil en sachant que la barrière récifale est à 2 milles au vent.
L’ordinateur de navigation est resté en veille toute la nuit pour contrôler le bon travail du pilote et la dérive due aux courants. Au matin, j’avais les yeux un peu rouges, et les traits quelque peu tirés.
Lorsque le jour s’est levé, le profil montagneux de Rossel défilait à quelques milles sur l’arrière bâbord. Nous avons serré la barrière de corail à vue pour tenter de prendre du poisson à quelques centaines de mètres au large du tombant, mais le résultat a été décevant : une grosse prise a réussi à se détacher sur une ligne, et nous avons à nouveau perdu un leurre sur l’autre. Comme cela fait 4 leurres perdus en quelques jours, on se dit qu’il existe dans la région une espèce de poisson aux dents particulièrement acérées, qui arrive à sectionner le fil de 100/100 à la première fermeture de mâchoires, puisque le fil ne dévire pratiquement pas du moulinet.. Et nous n’avons qu’un seul bas de ligne en fil d’acier. Ca ne nous est jamais arrivé de perdre autant de matériel et de rater autant de prises en si peu de temps. Du coup, comme on devient vite superstitieux à bord d’un bateau, Marin et moi commençons à regarder Timothée d’un drôle d’air, en nous demandant si, question pêche à la traîne, il nous aurait pas amené la guigne… C’est donc bredouilles que nous approchons de la passe de Hudumuiwa, dont la coupée bleu marine apparaît franchement au milieu des eaux couleur turquoise alentour. Nous ralentissons pour observer l’état de la passe.
Rien de méchant, nous sommes proches de l’étale de basse mer, pas de difficulté. Marin gagne son poste de vigie dans les barres de flèche, je prends les commandes, et vers 11H00 nous nous engageons dans l’étroit passage. Une fois dans le lagon, la mer est plus calme, la houle a disparu. Au franchissement de la passe, j’ai noté l’erreur de calage de la cartographie électronique, environ 0,3 mille (500 mètres) dans le 285. Au loin, nous apercevons des pirogues à balancier qui naviguent sous voiles dans le lagon. Nous affalons la grand-voile et contournons la pointe NW de Nimoa Island. Dans la baie sous le vent de l’île, un petit village de cases en bambous et pandanus montées sur pilotis apparaît au bord d’une plage de sable blanc bordée de cocotiers. Aux jumelles, j’aperçois des enfants, des femmes et des hommes bruns qui observent notre arrivée. Nous serrons le corail pour trouver le passage qui conduit, entre les patates, au mouillage. Je monte à mon tour dans la mâture pour guider Timothée aux commandes. Marin jette l’ancre pour un mouillage provisoire. Nous mettons l’annexe à l’eau, et partons en reconnaissance avec un masque et le sondeur électronique à main. Nous délimitons une zone d’évitage idéale sur 360°, car l’expérience des grains violents au mouillage, qui ne sont pas rares dans l’ouest du Pacifique, et la mésaventure de Limu Island aux Tonga restent présents à notre mémoire. Nous mouillons un grappin muni d’un flotteur à la position de mouillage jugée idéale, et retournons à bord pour jeter l’ancre à la position choisie. Il nous faudra nous y reprendre à deux fois pour faire crocher l’ancre correctement sur ce fond de sable posé sur le corail. Nous prenons un repère de sortie pour le cas où il nous faudrait quitter le mouillage en urgence, et puis nous pouvons souffler.
Nous sommes arrivés chez les Papous !
D’ailleurs, une première pirogue a quitté le rivage du village, et se dirige vers nous.
Un premier Papou vient à notre rencontre… Le voyage au long-cours, même pour moi, reste toujours un peu magique !
Olivier
Fin des messages « Traversée de la Mer de Corail »