Papouasie Nouvelle-Guinée.
Mercredi 22 Juin 2011
Une nuit difficile, comme il y en a parfois en mer, sans qu’on puisse vraiment les prévoir.
Je n’ai pas beaucoup dormi, et ce matin, j’avais les traits un peu tirés, les yeux carrément rouges, et la coiffure franchement hirsute.
Les nuits à grains avec le vent sur l’arrière sont les pires. Je n’aime pas le vent arrière en catamaran, sauf s’il y a au moins 25 nœuds de vent stable. Par 15 à 20 nœuds de vent, les voiles sont peu appuyées car le vent apparent est faible, la corne de grand-voile se ballade allègrement dans les airs en haut du mât, favorisant les amorces d’empannage intempestif, l’accastillage souffre, et la vitesse moyenne n’est pas terrible. Aucun avantage. Les lignes de grains se sont succédées sur notre plan d’eau, comme si cette région de la Mer de Corail entre la Papouasie Nouvelle-Guinée au nord et l’Australie au sud, qui se termine par l’entonnoir du Détroit de Torrès, constituait la bonde de vidange du Pacifique. Un coin qui ne donne pas envie de s’éterniser. Il a fallu manœuvrer toute la nuit, affaler, renvoyer, la grand-voile, le solent, le gennaker, le spi triradial, tout y est passé pour tenter de suivre ces sautes de vent pénibles qu’entraîne l’arrivée des grains. Le plus souvent, sous cette pluie fine qui ressemble à la boucaille d’un temps maussade d’hiver en Mer du Nord, sauf que le thermomètre affiche 30°C, je manœuvre nu, à poil quoi, pour ne pas tout tremper dans le carré quand la manœuvre est finie. Je me sèche vaguement, et de moins en moins au fur et à mesure que la nuit avance, à l’aide d’une serviette de bain. La seule rencontre que je puisse faire dans cette tenue est celle d’un poisson-volant maladroit qui aurait décollé trop tard devant les étraves de Jangada, et qui croiserait à quelques 50 km/h au-dessus du pont, dans l’obscurité, avant de se fracasser la tronche sur le roof. On a encore réussi à empanner deux fois sauvagement dans des sautes de vent brutales, mais la retenue de bôme, toujours souquée à notre bord, empêche les dégâts. Visibilité faible toute la nuit, croisé quelques cargos. Et trouvé un boulon inox de latte de grand-voile tombé en vrac sur le pont. Pas une nuit inoubliable.
Alors j’étais content de voir le jour se lever, mais si c’était laborieux, pas grandiose.
Les derniers milles avant l’arrivée sont toujours longs, nous avons pêché une autre daurade ce matin, et sommes parvenus dans la passe entre les deux reefs qui débordent la baie de Port-Moresby vers midi, avec une éclaircie et le début du vent fort de sud-est prévu pour les jours qui viennent.
Les premières images de Port-Moresby ne m’y feront vraisemblablement pas passer ma retraite, mais le boom économique qu’occasionne la récente exploitation des gisements de gaz naturel provoque visiblement du développement dans cette ville sans charme. Après le mahi-mahi préparé par Barbara en poisson cru à la tahitienne, il a fallu se fendre dans le goulet de la marina du Royal Papua Yacht Club d’une manœuvre périlleuse de prise de coffre dans 40 nœuds de vent, au ras de la jetée et de bateaux locaux dont les coffres sont disposés beaucoup trop près de celui qui nous a été attribué, le seul disponible. Un mouillage inconfortable dans l’axe de la passe de sortie, face au vent rageur, et potentiellement dangereux. Avec 6 aussières capelées sur la bouée, on espère pouvoir dormir ce soir. Un seul autre voilier de voyage ici, c’est clair que la mauvaise réputation de la ville n’encourage pas les visites… En attendant celle des autorités, douane, immigration, et quarantaine, nous avons fait une première incursion dans les locaux luxueux du Royal Papua Yacht Club, un club à l’ancienne, très tendance époque post-coloniale Bristish Commonwealth, où une nuée de grooms mâles et femelles tous papous veille à ce que l’étiquette vestimentaire du jour soit parfaitement respectée par … les blancs. Les tongs sont proscrites après 18H00, et Adélie, pourtant prévenue, s’est fait tirer l’oreille par la patrouille.
Demain, on va tenter de faire quelques centaines de mètres dans la ville sans se faire attaquer par les raskols, c’est déjà un beau programme.
A Port-Moresby sous la pluie, et dans les rafales… Olivier