Par Olivier
Avant de gagner l’Etosha National Park, nous faisons un crochet avec notre Toyota Hilux de location par la lisière sud du Kaokoland, la région où vivent les pasteurs semi-nomades de la tribu Himba. Nous souhaitons visiter un campement et approcher d’un peu plus près cette population à l’aspect physique singulier.
Les Himbas sont, sur le plan linguistique, une tribu bantoue proche des Héréros, qui vivent aujourd’hui essentiellement dans la région du Kaokoland, dans le nord-ouest de la Namibie. La tribu compte environ 16 000 âmes, dont 3 000 vivent en Angola, sur la rive droite du fleuve frontière Kunene. Le positionnement des frontières hérité de la colonisation n’avait pas comme souci premier, c’est bien connu, la logique ethnique…
Ce sont principalement la tenue vestimentaire (légère), les parures (nombreuses) et l’aspect physique (attrayant, voire sexy) des femmes himbas qui ont attiré l’œil des Occidentaux. Espérons que la compassion, l’intelligence et le respect des cultures ancestrales prendront incessamment le relais…
A la différence des Héréros, qui ont accepté et assimilé l’enseignement religieux et civil des missionnaires allemands « civilisateurs » et « évangélisateurs », y laissant au passage leur propre culture, les Himbas ont refusé d’y souscrire, conservant leurs croyances animistes et leurs coutumes sociales.
Au XVIème siècle, les Héréros et les Himbas sont contraints de migrer vers le sud. Ils traversent le fleuve Kunene, en venant de ce qui est aujourd’hui l’Angola. Mais ces nouvelles terres sont déjà occupées, et les Héréros, plus sédentaires et donc moins adaptés dans leur mode de vie que les Himbas, sont chassés vers le centre de la Namibie. Les Himbas, contraints par les luttes territoriales, accentuent leur nomadisme ancestral. Ils parviennent ainsi à survivre et, progressivement, à s’établir sur ces terres arides et peu peuplées. Ils ont toujours été des pasteurs : leur vie est entièrement organisée autour du troupeau de bétail, même s’ils pratiquent aussi la chasse et la cueillette, lorsque les pâturages ou l’eau viennent à manquer, et que les bêtes meurent. De ces périodes difficiles, ils tirent leur nom de « Himbas », qui signifie « mendiants ». Plusieurs fois chassés à nouveau vers le nord, ils parviennent finalement à s’établir durablement dans le nord-ouest namibien à compter des années 20 du siècle dernier. Ils nomadisent dans le Kaokoland, puis se concentrent principalement dans la région d’Opuwo, et sur les rives du fleuve Kunene. Au début des années 1980, leur cheptel est décimé par la sécheresse et par la guerre d’indépendance qui oppose l’armée sud-africaine et les guerilleros indépendantistes de la SWAPO. Ils survivent grâce à l’aide alimentaire internationale, puis reconstituent progressivement leurs troupeaux de vaches et de chèvres. Leurs campements, souvent provisoires, se sont depuis développés dans toute la région du Kaokoland où ils bénéficient aujourd’hui d’une relative tranquillité, et de la protection du gouvernement central.
Mais depuis l’indépendance, le chemin de la modernité et le développement actuel de la Namibie, aussi bien sur le plan économique que sur celui du tourisme, rattrapent le mode de vie ancestral des pasteurs Himbas, leur code moral simple et rude, et leur passion pour la beauté corporelle… Les Himbas sont à un tournant de leur histoire.
Les Himbas sont immédiatement reconnaissables à la teinture rouge dont ils enduisent leur peau, ainsi qu’à leur tenue vestimentaire particulière essentiellement faite du cuir de leurs bêtes et de fibres végétales. L’otjize des Himbas est un onguent de couleur ocre confectionné dans les campements himbas à partir de graisse animale (omaze) et de poudre d’hématite, un oxyde de fer dont cette région est riche. On dit que l’otjize protège leur peau assez largement dénudée des ardeurs du soleil, de la sécheresse de l’air, et des piqûres des insectes qui accompagnent toujours abondamment les troupeaux. La tenue vestimentaire traditionnelle des Himbas consiste essentiellement en un pagne de cuir découpé en lamelles largement aérées. Ils utilisent des sandales de cuir, mais aussi, signe des temps nouveaux, de plus en plus souvent confectionnées à partir de vieux pneus de voiture…
Les Himbas, noirs de peau, sont souvent grands et fréquemment beaux. Outre la coloration ocre qui recouvre en permanence la totalité de leur corps, la tenue particulière des femmes, esthétiquement agréable et plutôt dénudée, leur confère un attrait indéniable. Les hommes, souvent absents des campements, car accompagnant les bêtes, portent un simple pagne de cuir et des sandales. Ils sont polygames. La coiffure des femmes est assez sophistiquée, et différente selon qu’elles sont mariées ou non. Les règles de coiffure semblent relativement complexes, entre la petite fille non pubère, la jeune fille approchant la puberté, la jeune fille pubère en âge de se marier, et la femme mariée.
L’élaboration des tresses des femmes himbas est un art difficile qui les occupe souvent plusieurs heures par jour. Après leur mariage, elles adoptent le port d'un petit chapeau en peau de chèvre appelé errembe.
Elles ont un goût prononcé pour les parures de métal, souvent savamment ouvragées, portent des bracelets de cuivre, des colliers et l' ohumba, un coquillage blanc, symbole de fertilité
Le bétail, vaches et chèvres, tient la place centrale dans la vie des Himbas. Plus de 500 mots différents se rapportent au bétail dans le dialecte himba. L’enclos du bétail est situé au centre du campement (appelé kraal). Le bétail y est conduit pour la nuit, pour le protéger des attaques des prédateurs. Les Himbas vivent en symbiose avec leur troupeau. Les cases himbas, très petites, sont disposées de façon circulaire autour de l’enclos central. Ces huttes rudimentaires, au toit de fibres végétales ou bien d’argile, sans ouverture autre que l’unique porte et sans le moindre mobilier, sont construites d’un mélange de terre argileuse et de bouse de vache appliqué sur un enchevêtrement cônique de bâtons et de branches. Cette glaise les maintient naturellement fraîches en été et chaudes en hiver. Il n’est pas rare de rencontrer des campements himbas apparemment abandonnés, mais en réalité ils ne le sont que temporairement.
Le lien subsistant avec les morts tient une place importante dans la culture himba. Les rites funéraires sont complexes, et le centre du kraal est souvent occupé par des crânes et des cornes d’animaux qui participent aux rites animistes de la tribu. Après un décès, le mort est enveloppé dans un linceul de toile ou de peaux de chèvres, il est attaché le long d'une grande perche de bois et porté par 4 hommes vers le lieu où il sera enseveli, non loin du kraal. La sépulture est recouverte de pierres mais également de cornes de vaches. Les Himbas sont attachés au culte des ancêtres, qui, considérés comme toujours vivants mais sous une autre forme, continuent à participer aux affaires des mortels en jouant le rôle de messagers entre leurs descendants et les dieux.
Les Himbas tirent l’essentiel de leur subsistance de leur troupeau. Leur nourriture est principalement constituée du lait et de la viande, et de leurs dérivés. Le cuir des peaux est aussi utilisé pour la confection de ceintures, de besaces, de couvertures et de parures. Les pagnes des femmes sont réalisés en peau de chèvre.
Chez les Himbas, le statut social et la richesse sont directement liés à la possession du bétail. Un homme qui n’en possède que très peu est méprisable. Tous les efforts de l’homme doivent concourir à l’augmentation du nombre de ses têtes de bétail.
La pratique de l’agriculture vivrière est quasi inexistante, du fait du nomadisme pastoral. Mais depuis quelques années, avec la disparition des luttes tribales territoriales et la protection politique du nouveau gouvernement central namibien, certains campements himbas ont tendance à perdurer, amorçant chez une partie de la tribu des habitudes plus sédentaires.
Plus le statut social des Himbas est important, moins ils ont recours au nomadisme.
Dans la région d’Opuwo, certains campements sont ainsi devenus des villages. La principale culture vivrière pratiquée par les Himbas est alors le mil. Leurs autres besoins sont couverts par le troc de bétail, ou son commerce.
Pendant la saison des pluies, les pasteurs himbas nomadisent autour des points d’eau temporaires. Ils sont ainsi dispersés sur d’assez vastes étendues, vivant par petits groupes, suivant avec leurs bêtes les traces de la pluie pour trouver l’herbe grasse des pâturages d’altitude. Avant de regagner à la saison sèche la proximité des points d’eau permanents, les Himbas utilisent le plus longtemps possible ces points d’eau temporaires. La quête de l’eau dont les bêtes ont besoin pour s’abreuver est donc le critère principal de la localisation des troupeaux. Les Himbas, dont les connaissances en matière de bétail remontent à la nuit des temps, attachent une grande importance à la préservation des pâturages. Le nomadisme pastoral est un facteur important de la limitation de la sollicitation écologique des terres semi-désertiques du Kaokoland, dont la pluviométrie est souvent faible. Le retour du bétail aux campements de saison sèche est donc retardé au maximum pour ménager la suffisance de l’eau à proximité des campements permanents jusqu’au retour des pluies de la saison suivante.
C’est à cette période, fin Juin, que la vie sociale (rites, cérémonies, mariages…) des campements himbas est la plus intense.
Si le mode de vie et la culture des Himbas ont une petite chance de survivre, celle-ci réside il me semble pour partie dans l’aptitude qu’a démontrée dans le passé cette tribu à résister aux tentatives extérieures de normalisation d’une part, et d’autre part dans sa capacité à trouver dans les toutes prochaines années des formes de développement durable capables de concilier une culture ancestrale et les aspirations naturelles à bénéficier d’une certaine modernité.
Mais les tentations souvent stupides de la modernité constituent un risque de plus en plus grand pour la culture traditionnelle himba. On commence à voir dans les campements des T-shirts, des téléphones portables, et des bouteilles d’alcool, fournis aux Himbas par de peu scrupuleux maquignons, souvent venus de l’Angola voisin… Il ne faut pas nier non plus les effets potentiellement négatifs du tourisme. Ils sont bien réels, et souvent liés aussi bien à la méconnaissance de la culture himba qu’à l’incapacité assez répandue des touristes à respecter l’éthique de base des voyages en terre étrangère. La prudence et la sensibilité qui devraient accompagner la présence des voyageurs dans leurs contacts avec ce genre de tribu ne sont pas la règle générale. Pour cette raison, nous avons choisi, en ce qui nous concerne, de visiter un campement himba avec l’aide d’un guide local, qui nous a par exemple déconseillé d’offrir aux femmes du campement les petites provisions (sucre en poudre, farine, biscuits) que nous avions préparés.
Que va devenir la culture ancestrale des Himbas ?
Nul doute que si cette tribu a pu conserver au fil des dernières décennies ses rites ancestraux, c’est essentiellement parce qu’elle a choisi mais aussi parce qu’elle a été contrainte de s’établir dans des régions difficiles que les fermiers issus de la colonisation n’ont jamais convoitées.
L’intrusion actuelle, dans cette culture d’un autre âge, de certains aspects de la vie moderne, du commerce, et du tourisme menace sérieusement les rites traditionnels de la vie coutumière des Himbas.
Photo 1 - Le campement himba, ici d'une douzaine de cases...
Photo 2 - Au centre du kraal, les crânes et les cornes des animaux, qui participent aux rites funéraires...
Photo 3 - La case himba, minuscule, sans mobilier, et sans autre ouverture que la porte...
Photo 4 - Glaise, bouche de vache, branchages, la hutte est rudimentaire...
Photo 5 - Pas un homme dans le campement, seuls les femmes et les enfants en bas âge...
Photo 6 - Scène de la vie au campement...
Photo 7 - Femmes et enfants himbas...
Photo 8
Photo 9
Photo 10
Photo 11
Photo 12
Photo 13
Photo 14
Photo 15
Photo 16
Photo 17 - Femmes himbas...
Photo 18
Photo 19
Photo 20
Photo 21
Photo 22
Photo 23 - Coiffure himba...
Photo 24
Photo 25
Photo 26
Photo 27
Photo 28
Photo 29
Photo 30
Photo 31 - A quoi pense Barbara devant le mode de vie des femmes himbas...
Photo 32
Photo 33
Photo 34
Photo 35
Photo 36