Boucler … la boucle…
JOUR 8 – Lundi 26 Mars 2012
Distance de l’Ile de l’Ascension 1055 milles
Distance de Praia de Santiago 512 milles
Position à midi 09°37’Nord/16°36’Ouest –
Distance parcourue en 24 H00 : 92 milles
Tirer des bords… Beaucoup moins marrant que tirer des bordées ! Vous rendez-vous compte que nous avions pratiquement réussi jusque là à parcourir plus de 32 000 milles autour du monde, sans … tirer un seul bord, ou presque ! Je ne me souviens que d’un bord, tiré entre les Iles Loyauté et le Vanuatu, puisqu’il nous fallait alors revenir un peu à l’est, contre les alizés du Pacifique Sud. Là, on est servis. On se rattrape. Il faut progresser comme on peut le long de cette côte africaine, en s’élevant lentement vers le nord, jusqu’à pouvoir récupérer le système météorologique des alizés de nord-est, souvent nord hélas d’ailleurs le long de cette côte. Depuis 3 jours, j’ai remarqué que le vent refuse sévèrement au lever du jour, remontant au NNW, alors qu’il adonne tout aussi sensiblement au coucher du soleil, WNW.
Influence d’une composante thermique côtière probablement. Dans la journée, on ne fait guère mieux que 015 en cap, alors que la nuit on pointe au 350. Du coup, ce matin, nous avons mis cap à l’ouest pour tirer un bord de dégagement d’une cinquantaine de milles dont l’objectif est de parer la chaussée de récifs qui déborde très à l’ouest les Bijagos. Ca va nous prendre la journée. Ce soir, au moment où l’on espère l’adonnante habituelle, nous virerons à nouveau pour mettre le cap au nord. Il faut sans doute gagner encore 2° de latitude (120
milles) le long de la côte pour tenter de s’échapper au large, vers le Cap Vert. La nuit a été difficile pour moi. Réglages incessants pour gagner au maximum en cap, cargos qui entrent et sortent du Golfe de Guinée, sautes de vent avec virements de bord intempestifs et pilote qui décroche, solent à contre. Les joies indicibles du près serré. Malgré mon manque de sommeil, j’ai vu arriver le petit jour avec bonheur. La température s’est beaucoup rafraîchie, 25°C pour l’air, seulement 23°C pour la mer. Une multitude d’argonautes dérivent à la surface de l’eau plutôt verte. Ce sont des sortes de méduses avec de longs filaments
(urticants) qui traînent dans l’eau pour capturer leurs proies, mais qui, au lieu de nager, sont propulsées par une petite baudruche translucide gonflée hors de l’eau que le vent pousse à la surface. Pour cette raison, on les appelle aussi « caravelles portugaises », ou bien encore, de façon légèrement moins romantique « capotes à voile ». Petits soucis techniques cette nuit aussi : l’alternateur attelé au moteur bâbord a rendu l’âme, s’il en avait une. Il y a deux jours, il ne régulait plus, et avait fait monter haut le voltage de nos batteries de service. Désormais, il a rendu son tablier, il ne produit plus rien.
Sans doute le régulateur. J’avais fait changer les charbons en Nouvelle-Zélande, tout était OK.
Sur un bateau, il se passe toujours quelque chose, on ne s’ennuie jamais ! Notre copain Jean-Louis, le marin solitaire qui rame lui aussi dans les parages (il n’est plus qu’à une trentaine de milles devant nous), a lui aussi son lot de galères : sa girouette électronique ne marche plus, et il a cassé sa courroie crantée d’alternateur attelé, remplacée à Durban. Il n’a plus que son alternateur attelé à l’arbre d’hélice.
Vous connaissez le principe d’Antoine, ingénieur de formation, ex-chanteur des Elucubrations, et navigateur expérimenté ?
Principe d’Antoine :
- Toute mécanique, tout appareil, quelle que soit sa complexité, toute mécanique tend vers son état naturel, normal, stable, inévitable, qui est « la panne ».
- Par un soin constant, une vigilance sans relâche, on arrive parfois à maintenir durant un temps toujours limité cette mécanique dans un état anormal, artificiel, totalement instable, qui est l’état de marche.
Si un jour vous voulez tenter de faire le tour du monde, il vous faut une bonne caisse à outils, croyez-moi !
A demain !