JOUR 1 – Dimanche 27 Novembre 2011
Cette première nuit a été relativement calme. Le vent s’est établi au nord-est à 20 nœuds environ, une allure (grand-largue) favorable pour faire de la route sans heurter la mer. A la nuit tombée, le halo lumineux de la ville de Durban a commencé à apparaître sur l’avant du travers tribord. 85 milles seulement séparent Richards Bay de la grande ville du Natal, mais nous ne souhaitions pas y faire escale. La marina est située sous les gratte-ciels du centre ville (ce que d’aucun considérerait comme un avantage, mais pas nous), et Durban est aussi la deuxième ville la plus violente d’Afrique du Sud, avec Johannesbourg. Les attaques à main armée pour vols ou viols et souvent les deux y sont légion, et les meurtres s’y comptent par centaines chaque année. Le taux de chômage doit y atteindre 40%, et, bien entendu, il touche surtout la communauté noire. Un sud-africain ayant longtemps vécu à Johannesbourg, et qui, las d’avoir eu à subir plusieurs attaques à main armée à son domicile, violences extrêmes dont il était sorti vivant de justesse (et ce à plusieurs reprises), préparait son voilier au Zululand Yacht Club de Richards Bay pour quitter le pays, nous disait qu’ici on peut commanditer un meurtre en toute tranquillité pour 5000 rands, soit 500 euros… L’escale de Durban nous ayant par ailleurs été déconseillée par plusieurs navigateurs sud-africains rencontrés il y a quelques mois dans le Pacifique, nous avions tiré un trait sur cette ville sans regret. Mais cette partie de la côte sud-africaine est probablement la plus délicate à négocier, entre autres parce que les abris y sont très rares en cas de mauvais temps. Entre Durban et le petit port d’East London, pas moins de 255 milles sans aucun abri possible. Notre objectif strictement minimum, si l’on écarte l’hypothèse d’avoir à effectuer un peu souhaitable demi-tour, était donc d’atteindre au moins East London. Mais en réalité, la fenêtre météo me faisait viser Port-Elizabeth, un port commercial et une ville sans charme à quelques 134 milles plus loin. Port-Elizabeth présentait l’avantage d’être située à l’endroit où la côte sud-africaine amorce son orientation est-ouest, ce qui ouvrait davantage de perspectives exploitables au niveau du cap à suivre par rapport aux vents soufflant le plus fréquemment en cette saison. Cependant, alors que nous faisons route depuis le début de la nuit dernière à une petite dizaine de milles de la côte, essayant de suivre au plus près l’isobathe des 200 mètres, au niveau duquel le courant des Aiguilles est censé être le plus fort, nous n’avons constaté qu’un faible avantage de vitesse du au courant portant, et ce jusqu’à la mi-journée. Le GPS affiche tout de même 201 milles parcourus en 24 heures. Le temps est couvert, pâle. Le ciel est bas. De gros nuages sombres roulent leur mauvaise humeur dans un ciel menaçant. En début d’après-midi, le speedomètre du GPS (qui indique la vitesse SOG (speed over ground)– vitesse sur le fond – grimpe de plus en plus haut. Nous filons probablement une dizaine de nœuds sur l’eau, mais le GPS affiche de plus en plus souvent 12, 13 et même 14 nœuds. Ca y est, nous sommes montés sur le tapis roulant des Aiguilles, avec l’option minimum à 3 nœuds, peut-être 4 ! Notre moyenne horaire sur-vitaminée avale désormais les milles…
Mais, le lendemain, une surprise nous attend au coin des vagues.
Olivier