JOUR 8 – Vendredi 24 Février 2012
Distance parcourue le denier jour sur la route directe 112 milles.
Distance restant à parcourir 0 !
Jangada est à l’ancre sous le vent de l’île de Sainte-Hélène, juste en face de l’étroit vallon très encaissé qui abrite le village principal, Jamestown.
La nuit dernière, il a fait très beau, mais le vent s’est essoufflé. La Croix du Sud baisse chaque jour un peu plus dans notre ciel de début de nuit. Nous avions rentré John Deere (le tracteur quoi ! le grand spi de vent arrière, vous savez bien…) au coucher du soleil, car c’est jamais très prudent de le laisser vivre sa vie en l’air la nuit, celui-là.
Quand le vent d’un grain a commencé à souffler dedans, c’est vite sportif de le ramener à bord… Une fois, je me suis retrouvé à 3 mètres au-dessus du trampoline en essayant de le ramener à la raison, j’ai bien cru que je n’allais pas retomber à bord de mon bateau !
Nous nous sommes traînés à 5 nœuds, et le lever du jour nous a trouvés à une douzaine de milles de Sainte-Hélène.
Ouaaaahhh !
Quelle forteresse vue de la mer ! Un caillou de très vieilles roches, ocres et sombres, arides et désolées sur tout le contour de la côte, avec des falaises usées qui s’effondrent à pic dans la mer. La montagne sous-marine, en-dessous, est imposante. Elle monte vers la surface de l’océan depuis le niveau – 4000 mètres.
Ca, c’est la première image. Elle n’est pas super-fun.
Napoléon a du commencer à déchanter grave lorsqu’il a aperçu l’île de son exil du bastingage du HMS Northumberland, le vaisseau de haut-rang commandé par l’amiral Cockburn qui l’amena à Sainte-Hélène entre Août et Octobre 1815. Mais ce dernier, qui tint lieu de gouverneur de Sainte-Hélène (et y resta avec son navire plusieurs mois) jusqu’à l’arrivée de l’infâme Hudson Lowe (on ne va pas prendre de gants avec ce prototype de la mesquinerie et de l’étroitesse d’esprit, traits de caractères que beaucoup de ses compatriotes anglais lui reprochèrent vis-à-vis de notre Empereur déchu) avait eu le temps de lui expliquer que les hauteurs de l’île, qui accrochent les nuages et les vents alizés, étaient par contraste extrêmement verdoyantes.
Oui, mais pluvieuses et venteuses, ce qui ne plût guère à l’Empereur… Les Anglais ne lui avaient pas promis un séjour au Club Med, on s’en doute.
Vers 09H30, nous avons doublé la pointe nord-ouest de l’île, et la petite anse de Jamestown, située à 2 milles au sud sur la côte ouest, est vite apparue devant nos étraves. Nous sommes arrivés sur la zone de mouillage au beau milieu d’un grain de pluie qui m’a obligé à aller chercher une veste de quart, rangée depuis le départ de Namibie !
Pas de quai à Jamestown, encore moins de port : il y a trop de ressac.
Une île somme toute petite perdue au milieu de l’océan est toujours assaillie par la houle océanique, les vents tourbillonnants et les tempêtes d’hiver : rien n’y résiste. Le RMS (Royal Mail Ship) Saint-Helena, le navire ravitailleur, mouille sur rade, et le déchargement se fait sur des barges motorisées. Nous avons jeté l’ancre dans 18 mètres d’eau, fond rocheux de bonne tenue.
Je me suis rendu d’abord seul à terre, pour faire les formalités, douanes, immigration, capitainerie, en passant par la banque pour pouvoir payer les landing fees. Main Street, la seule rue de Jamestown, a beaucoup de charme.
Dès que j’ai franchi l’arche fortifiée qui auparavant défendait le vallon des agressions venues du large, je suis tombé sur la Jaguar noire du gouverneur, qui portait l’Union Jack et une couronne britannique sur la calandre. J’ai levé les yeux, et j’ai vu le pavillon britannique flotter dans le vent… Pas de doute, on n’est pas chez nous ici… Mais dès demain, après un petit tour au marché du samedi matin, nous filons vers Longwood saluer la mémoire de notre grand homme.
Comme j’ai déjà (quelle célérité !) reçu des centaines de messages me demandant de continuer d’écrire la relation de notre voyage, nous vous raconterons bientôt notre escale à Sainte-Hélène dans le blog !
Ce WE, on envoie 4 nouveaux billets à Vincent, notre webmaster, il les mettra en ligne dès qu’il aura un peu de temps ! Patience !
Vous savez, je vais vous dire : ce qui m’a fait le plus plaisir dans les premiers messages qui m’ont déjà été adressés, c’est de recevoir d’incroyables témoignages d’intérêt pour nos modestes récits envoyés par des personnes que nous ne connaissons pas, mais qui nous suivent pour certains pratiquement depuis notre départ ! J’en ai été touché, vraiment, je les en remercie, alors …je continue !
Olivier