lundi 23 avril 2012

MESSAGE N° 10 – TRAVERSEE CAP VERT – ACORES

JOUR 10 – Lundi 23 Avril 2012 –
Distance de Horta (Ile de Faial, Açores) en route directe  88 milles.
Distance directe à Furna (Ile de Brava, Cap Vert)  1346 milles.
Distance réelle parcourue en 24 heures  118 milles.
Gain sur la route directe en 24 heures  118 milles.

Qu’elle est belle cette région de l’océan, au sud des Açores… !

La mer s’étend à l’infini dans toutes les directions, le ciel très bleu accepte quelques petits nuages épars, le vent de 4 à 5 nœuds seulement parvient tout juste à rider la surface de l’océan pour lui éviter d’être lisse. Des résidus de houle venus de loin finissent de mourir dans les calmes anticycloniques, faisant à peine bouger le bateau de quelques oscillations minimes. Le leurre de la ligne de traîne s’évertue à vouloir tromper un poisson distrait, sans jamais y parvenir. L’eau est claire, translucide, d’un bleu profond. Au loin, de temps à autre, la surface de l’eau est éclaboussée de quelques cabrioles de dauphins heureux de vivre. Les physalies, incroyablement nombreuses en cette saison, mais peut-être aussi parce qu’on les voit mieux que par mer agitée, défilent le long du bord, passant parfois entre les coques, laissant traîner leurs filaments bleus urticants pour tenter d’attraper quelque proie dont elles se nourriront bientôt. On voit loin, très loin, dans l’azur du ciel.

Et nous sommes toujours aussi seuls dans notre coin d’océan.

Ce matin, Louis s’est lancé dans un calcul de trigonomètrie sphérique pour savoir à quelle distance nous étions susceptibles d’apercevoir le sommet de l’île de Pico, à l’est de Faial, le plus haut sommet du Portugal, à quelques 2351 mètres d’altitude. Un sommet que nous avons déjà escaladé avec les enfants, quand ils étaient petits. Environ

80 milles nautiques. Ca me paraît correct, et à vrai dire j’ai eu la flemme d’aller vérifier son calcul à partir de la formule qui combine à la fois la hauteur de l’objet observée et celle de l’œil de l’observateur au-dessus du niveau de la mer, que j’ai en bonne place dans mes cours de navigation. Des cours qui auront fait le tour du monde eux aussi, mais sans servir beaucoup… Les temps changent.

C’est ce qu’on appelle la visibilité optique (résultant du calcul), ensuite, il reste à la combiner avec la visibilité météorologique du moment. Je lui ai conseillé de regarder l’horizon un quart tribord (11°15’, soit 32 quarts dans 360°, ou 8 quarts dans 90°), juste avant le coucher du soleil ce soir, lorsque nous serons à une bonne cinquantaine de milles.

Nous avons passé la nuit sous gennaker sur le moteur tribord, une nuit calme, très étoilée, avec le W de Cassiopée dans les étraves, et la Grande Ourse qui a basculé toute la nuit sur elle-même pour conserver la Pôlaire au Nord.

Le bon vin blanc Châ du cratère de Fogo a accompagné les dernières tranches de thon en matelote qu’a concoctées le cuisinier-cambusier du bord.

Je finis de rédiger le Billet N°156 sur notre dernière escale en famille, à l’île de l’Ascension. Suivront le récit de nos escales à Fogo et Brava, avec mon frère.

Voilà, c’est la fin d’une nouvelle traversée. Bientôt 35 000 milles au loch. Je préfère ne pas regarder trop souvent la carte papier de l’Atlantique Nord. La France n’est plus très loin, 1200 à 1300 milles seulement. Avec elle, la fin du grand voyage, et le début, forcément compliqué, d’une autre vie, dans laquelle il vaudra mieux que j’oublie les horizons lointains pour quelques temps.

Notre dernière nuit en mer devrait être aussi calme que les deux précédentes, et nous allons régler l’allure pour nous présenter vers

08H00 demain matin devant les jetées du port d’Horta, sur l’île de Faial, aux Açores, l’archipel des hortensias.

Nous aurons quitté Furna, le petit port de Brava, au Cap Vert, 10 jours plus tôt… Olivier