JOUR 7 – Vendredi 20 Avril 2012 –
Distance de Horta (Ile de Faial, Açores) en route directe 496 milles.
Distance directe à Furna (Ile de Brava, Cap Vert) 965 milles. Distance réelle parcourue en 24 heures 145 milles.
Gain sur la route directe en 24 heures 143 milles.
Ce qui est sûr, c’est que nous sommes sortis cette nuit de la zone des alizés de nord-est. Après avoir planté des pieux pendant un peu plus de
5 jours, le flux régulier (et soutenu, 23 à 25 nœuds de vent réel en moyenne, soit 27 à 29 nœuds de vent apparent) des alizés nous a abandonné à la latitude des Iles Canaries.
Nous n’allons pas aller jusqu’à les regretter ces vents bien établis, car remonter dans la mer formée sur près de 900 milles ne nous laissera pas un souvenir impérissable. Au total, des milliers d’impacts avec la mer, des centaines de vagues sectionnées en pleine vitesse par les étraves, d’innombrables rafales d’embruns salés balayant le pont à l’horizontale, et des dizaines de tonnes d’eau furieuse cherchant à retourner au plus vite dans l’océan… Mais un bateau qui a tenu l’épreuve, et qui en sort à peu de choses près indemne. Les trampolines ont un peu souffert, et je regrette de ne pas les avoir carrément démontés pour cette traversée. La bosse du 2ème ris, cassée, a retrouvé sa place avec 1 mètre de moins. Tout le reste est OK.
Je vais vous dire, j’aime bien les catamarans avec des ailerons étroits et profonds ; pour la grande croisière, c’est beaucoup mieux que des dérives !
L’équipage ? Quelques bleus, quelques bosses, 2 ou 3 chutes, quelques égratignures, quelques jurons, des vêtements trempés, des pieds délavés par l’eau de mer.
Et des souvenirs qui vous disent qu’on ne le refera pas tous les jours, ce trajet, mais que finalement, le plus dur est passé assez vite.
Et quel confort de pouvoir regarder la mer agitée à demi allongé dans le carré, à l’abri du vent et des embruns, le visage protégé derrière le vitrage, en polo et bermuda. Sur un monocoque, la tenue de combat aurait été de rigueur… L’esprit humain, sa tendance à ne retenir que le bon côté des choses, c’est tout de même étonnant. Bon, à ceux (nombreux) qui ne veulent pas s’y coller, à cette remontée des alizés du Cap Vert vers les Açores, il reste à mettre le clignotant à gauche (quelle expression peu maritime, et pour tout dire moche !) vers les Antilles, et à se laisser pousser par ces mêmes alizés, grand largue ou vent arrière, ce qui change tout !
A vider quelques verres de ti-punch aux Caraïbes, puis à reprendre la mer vers le nord (avec une éventuelle escale aux Bermudes), puis le nord-est, en allant chercher les vents d’ouest, jusqu’aux Açores. Une route que j’ai pratiquée plusieurs fois, mais qui est évidemment beaucoup plus longue, et pas vraiment à notre programme de fin de voyage autour du monde.
Hier juste avant le coucher du soleil, un petit thon albacore (thon
jaune) s’est fait prendre à la ligne de traîne. Direction le frigo. La nuit a été plus calme que les précédentes, ce qui n’était pas un résultat très difficile à obtenir. J’ai juste du réveiller mon frère une fois pour prendre un deuxième ris dans le seul grain de la nuit, néanmoins suffisant pour emmerder mon petit monde à moi.
Pas vu le moindre bateau depuis notre départ de Brava, seulement quelques débris flottants de notre belle civilisation humaine.
Les physalies sont de retour, quelques dauphins aussi, qui viennent saluer ce voilier qui ne fait pas la même route que les autres.
Une chose m’inquiète, c’est le piège tendu par l’anticyclone des Açores, à près de 500 milles de l’arrivée à Horta. Alors qu’on avait bien convenu avec lui qu’il ne devait surtout pas bouger de sa résidence dans le nord-est de l’archipel, le voilà qui a amorcé un retour express vers le sud-ouest ! Que des inconvénients pour nous ! Le vent, au lieu d’adonner progressivement, va refuser jusqu’à venir au nord !
L’éloignement de la dépression qui arrivait dans l’ouest depuis les côtes américaines annule le gradient de pression, nous laissant avec des vents très faibles si ce n’est pas de vent du tout. Bref, mon petit plan qui visait discrètement à rejoindre Horta en 9 jours depuis Brava est en train de partir en couille ! Le gin tonic chez Peter (Café Sport) va se faire attendre un peu… Nous allons devoir utiliser les moindres risées du moindre zéphyr, mais aussi probablement la risée Volvo, bâbord ou tribord, qui fonctionne actuellement au diesel namibien.
Peu avant midi, nous avons gréé le gennaker, content de revoir la lumière du jour.
Au déjeuner, tranches de thon albacore et purée, avec un petit vin blanc sud-africain bien frais.
Plus de pronostic d’arrivée, la tactique change, elle est simple :
gagner mille par mille vers Horta, sans se poser d’inutiles questions… A demain !
Olivier