jeudi 3 février 2011

Billet N°92 A la découverte (n°2) de l’île Sud de Nouvelle-Zélande.

– Du 27 Décembre 2010 au 17 Janvier 2011 –

2ème partie – Deux vélos sur l’Otago Central Rail Trail…


Par Olivier
La province du Central Otago, au sud de l’île Sud de Nouvelle-Zélande, est peut-être la région que je préfère dans ce beau pays qui n’est pas avare de beautés naturelles.

On y rencontre des paysages majestueux qui s’étendent à l’infini, et des collines verdoyantes qui ondulent gracieusement jusqu’aux confins de l’horizon. Parfois, l’environnement se fait plus sec, plus rugueux, les roches basaltiques d’anciens cataclysmes le disputent aux herbes sèches battues par les vents générés par les profondes dépressions australes des quarantièmes sud.

Les habitations sont rares, et les âmes peu nombreuses.

D’anciens villages, bâtis au temps de l’épopée aurifère, sont aujourd’hui abandonnés. Cà et là, de vieilles machines rouillées résistent encore aux intempéries de cette région parfois semi-désertique.

Il y a bien davantage de moutons, de vaches, et de red deers (cerfs rouges), de lamas aussi, dans le Central Otago, que d’habitants néo-zélandais.

L’air y est très pur, la nature y est forte, et, c’est plus triste à dire, mais c’est une réalité qui favorise les belles rencontres, loin des artifices : l’homme y est rare, et il a peu agi sur l’environnement…

En clair, cela signifie qu’il l’a peu dégradé…

Tout ce que j’aime !

Souvent au loin, les cimes enneigées des alpes néo-zélandaises habillent la ligne d’horizon d’une élégante crête blanche tourmentée. Dans les plaines abritées du vent, le soleil sait se montrer généreux : les vergers et les vignes conservent aujourd’hui au Central Otago sa vocation agricole et pastorale.

C’est la région des passionnés de grands espaces, de ceux qui aiment la nature, celle qui ne porte que peu l’empreinte souvent discutable laissée par la main de l’homme.

Le visiteur qui cherche à renouer avec l’authenticité du pays trouvera son bonheur sur les pistes (« gravel roads ») et les sentiers de randonnée du Central Otago.

Un épisode a, plus que d’autres, façonné l’histoire de l’Otago : la ruée vers l’or, dans les années 1860, quelques vingt années à peine après les premières vagues d’immigration.

Depuis Dunedin l’écossaise (Dunedin est la traduction gaëlique d’Edimburg), la ville principale de l’Otago, dont le port a grandement contribué au développement rapide, mais relativement éphémère, de la région, à la fin du 19ème siècle, une voie ferrée unique, la Central Otago Railway, pénètre au cœur du pays, par des gorges étroites et un tracé sinueux, jalonné de nombreux ponts de fer et de tunnels creusés dans la roche. La découverte d’un filon d’or prometteur près du village de Lawrence en 1861 va provoquer l’arrivée massive d’émigrants à Port Chalmers. En trois ans, la population de Dunedin va tripler !

La fièvre de l’or est progressivement retombée, pour disparaître à la fin des années 1930.

Cependant, en approchant de Middlemarch, petite bourgade perdue aux confins de la steppe, par une gravel road que notre Land-Rover gravit à vive allure, laissant derrière lui un nuage de poussière presque saharien, nous découvrons soudain un spectacle ahurissant : d’énormes engins Caterpillar s’activent comme des fourmis géantes au milieu d’un incroyable paysage lunaire. Ici, les hommes ont défoncé la montagne. Chirurgie lourde à la surface de la planète !

Nous sommes à proximité de la mine d’or à ciel ouvert de Macraes Flat, remise en exploitation en 1990, grâce aux avancées technologiques qui ont pu redonner une rentabilité à cette gigantesque exploitation : 3 tonnes d’or sont extraites chaque année de ce site.

Mais Barbara et moi avons pour l’heure d’autres préoccupations, encore que si jamais nous tombions par hasard sur une belle pépite…

Nous voulons parcourir à vélo l’Otago Central Rail Trail.

La voie ferrée (unique) qui pénètre, à partir de Middlemarch, au cœur de l’Otago central jusqu’à Alexandra et Cromwell, a été construite entre 1891 et 1921. Elle prolonge une section plus ancienne, qui reliait la ville côtière de Dunedin aux villages nouveaux, et parfois mobiles, construits à la hâte par les chercheurs d’or et les pionniers (« settlers »).

C’est par cette voie ferrée, dont la construction débuta en 1879 à partir de Dunedin, qu’ont transité d’innombrables lots de matériaux de construction, outils, machines, semences et denrées alimentaires venues de la lointaine Angleterre, pendant des décennies. En sens inverse, c’était surtout le live stock (moutons principalement, et plus tard bovins), comme l’on dit ici, qui prenait le chemin des abattoirs de Dunedin, puis celui des cales réfrigérées des premiers navires frigorifiques en partance pour le vieux continent.

En 1990, cette voie ferrée historique du Central Otago voit son exploitation s’arrêter.

Les néo-zélandais passent à l’ère du 4 x 4 (japonais surtout, Toyota, Mitsubishi et Isuzu se partagent le marché), et les animaux sont désormais transportés par camions.

Les gravel roads sont plus nombreuses et plus praticables qu’auparavant, et le réseau routier du Central Otago, en se développant, a condamné la voie ferrée.

Trois ans plus tard, le DOC (« Department of Conservation »), le tout-puissant Ministère de l’Environnement néo-zélandais (tiens, nous ferions sans doute mieux de nous en inspirer, chez nous, plutôt que de faire de l’écologie un parti politique aussi merdique et bordelique qu’anecdotique, alors que l’écologie, la vraie, est à l’avant-garde de la mondialisation ; demandez donc ce qu’il en est aux vents océaniques, aux nuages de cendres, à la couche d’ozone, à l’effet de serre, aux glaces du Grand Nord ou à celles du Grand Sud, ou encore aux phénomènes météorologiques exceptionnels qui sont de plus en plus la règle…), rachète la voie ferrée comprise entre le village de Middlemarch et celui de Clyde, quelques 160 km plus loin.

Le tronçon qui relie Middlemarch à Dunedin est conservé en l’état, et devient le Taieri Gorge Railway, une voie ferrée aujourd’hui exclusivement touristique qui rejoint la splendide gare centrale de Dunedin.

Plusieurs années de travaux plus tard (lesquels ont consisté à enlever les rails, modifier le ballast pour le transformer en piste, aménager les ponts et les tunnels pour les sécuriser, réaliser les marquages, construire les petits abris anti-intempéries équipés de plans explicatifs, et les cabines de toilettes disséminées çà et là sur le parcours), l’Otago Central Rail Trail est ouvert (en l’an 2000) aux amateurs de nature authentique.

C’est certainement l’un des circuits cyclistes les plus beaux sur notre planète.

Le parcours est en fait réservé aux marcheurs, aux cyclistes, et aux randonneurs à cheval. Aucun véhicule n’y est autorisé. Mais le moyen de loin le plus adapté pour parcourir le Rail Trail est sans conteste le VTC.

Allez, Barbara, on appuie sur les pédales ?

J’ai regardé la carte, et je me doute que la plupart des cyclistes qui viennent sur l’OCRT arrivent par la ville de Queenstown, à l’ouest, doté d’un aéroport. Ils parcourent donc le Rail Trail d’ouest en est. Nous allons donc l’attaquer …en sens inverse !

Seul inconvénient potentiel : le cas du grand vent d’ouest, mais je me suis renseigné, et dans les jours qui viennent, le vent devrait être modéré. Ceci dit, la météo change tellement vite dans ces contrées…

A Middlemarch, nous louons deux VTC (vélos tous chemins) équipés de sacoches et d’un casque, et montons la tente pour la nuit. Ces vélos, construits à Taïwan, sont parfaitement dessinés pour le Rail Trail : amortisseur central, double frein à disque, 3 plateaux, 6 vitesses, du materiel de qualité. L’un des avantages du Rail Trail réside dans le fait qu’ayant remplacé une voie ferrée (sans crémaillère), la pente ne dépasse jamais 1,5 à 2°.

Mais alors, à quoi servent donc les 3 plateaux du vélo ?

Réponse : à lutter contre le vent, parfois bourré de vitamines à 45° de latitude Sud.

Nous avons prévu de rallier le village de Clyde, à l’autre extrémité du Rail Trail, en 4 jours, à raison d’une quarantaine de km par jour.

Le tracé de l’Otago Central Rail Trail contourne un puissant massif montagneux, sauvage et rude, le Rough Ridge. Il ressemble à un demi-cercle, cheminant d’abord vers le nord-est, pour ensuite s’orienter progressivement vers le nord, le nord-ouest, l’ouest puis le sud-ouest. Le point haut du parcours est à 618 mètres d’altitude, près de Wedderburn, contre 201 mètres à Middlemarch, et un peu moins à Clyde. Bref, quelque soit le sens choisi pour parcourir l’OCRT, la première partie a globalement tendance à monter, et la deuxième à descendre.

Matériel de camping minimal, gourdes d’eau, vestes de quart et polaires, chaussures de marche, lunettes de soleil et casques. Et…téléphone par satellite Iridium !!!, pour notre liaison téléphonique journalière avec les enfants, restés dans l’île Nord, tous les soirs entre 20H15 et 20H30. Petite liaison phonique quotidienne très attendue de part et d’autre au cours de laquelle nous échangeons les informations de la journée, nous assurant que tout va bien.

Nous laissons le Land-Rover à Middlemarch, nous reviendrons avec un shuttle.

A l’aube du 2 Janvier, nous achetons la nourriture du jour dans la petite épicerie du hameau de Middlemarch, réglons les vélos et les casques, accrochons les deux paires de sacoches, et nous dirigeons vers le début du gravel track, que j’ai repéré la veille au soir.

En piste pour l’Otago Central Rail Trail !

Si quelqu’un m’avait dit, au départ de notre voyage à La Rochelle, il y a 18 mois, qu’il était écrit quelque part que nous parcourrions l’Otago Central Rail Trail sur l’île Sud de Nouvelle-Zélande à vélo, quelques 18 000 milles marins plus loin, j’aurais certainement regardé mon interlocuteur avec une certaine surprise et quelques interrogations pratiques…



Aujourd’hui nous y sommes, et, les casques sanglés sur la tête, nous donnons les premiers coups de pédales sur un faux-plat montant. La piste longe d’abord le Rock and Pillar Range, un massif montagneux qui force l’accès au Central Otago par le nord.

Très vite, nous nous familiarisons avec les marquages du DOC, très bien faits. La moyenne est de l’ordre de 12 km/h, petites pauses en tous genres comprises. La piste en gravier oblige à rester vigilant, et le regard va alternativement des 15 mètres de piste qui précèdent la roue avant de nos montures aux fabuleux paysages de l’Otago. Un bonheur !

Quelques kilomètres dans le sud du petit village de Hyde, un cairn rappelle le déraillement du train de l’Otago, en 1943 : 21 morts. Il semble que le motoriste ait abusé de la Speights, la célèbre bière du Sud néo-zélandais, brassée à Dunedin. Il aurait attaqué la gorge à près de 120 km/h… Le minuscule bâtiment de l’ancienne gare de Hyde, construit en 1894, est toujours debout.

Dans la Taieri Gorge, nous empruntons nos premiers viaducs métalliques, et notre premier tunnel : 152 mètres à la lueur de la lampe frontale. Mieux vaut descendre de vélo et marcher à pied en poussant son précieux engin : le sens de l’équilibre est sérieusement mis à mal par la totale absence de repères visuels dans le tunnel, où règne l’obscurité totale !

Le tracé du Rail Trail dans les gorges de la Taieri River est splendide.

Nous n’avons croisé que quelques vélos dans la matinée, venant tous en sens inverse. Les moutons sont plus nombreux que les randonneurs, et de loin. Certains viennent nous encourager au bord de la piste. Les rapaces volent dans le ciel, et les bestioles à grandes oreilles, innombrables, et habituellement honnis du Captain, sont ici, faute de pouvoir faire mieux, tolérés…

Après une trentaine de km de piste, la pause déjeuner est la bienvenue : le vent d’ouest s’est levé, soutenu, et il nous faut lutter contre lui pour s’élever doucement dans le relief de l’Otago.

Nous parcourrons encore une douzaine de km avant de planter la tente près du hameau de Waipiata.

Le vent debout est maintenant musclé, le ciel s’est chargé de nuages, et bientôt, il pleut.

J’ai amarré notre petite tente à un vieux baraquement de bois, qui la protège et empêchera son éventuel décollage nocturne… Nous laissons notre petit campement au désagrément des intempéries, et allons nous réfugier dans la taverne du lieu. Nous enlevons nos vestes de quart, descendons une Speights bien fraîche, et finissons par commander un steack !

Au mur devant nous, des maillots de rugby signés des All Blacks de l’équipe nationale. Le patron de l’établissement est un fervent supporter.

Tout au long de la nuit, il pleuvra, et la tente claquera au vent. Il nous faudra attendre la matinée bien avancée du lendemain pour pouvoir pointer un nez dehors.

Nous reprenons la piste, humides, jusqu’à l’escale de Ranfurly, 8 km plus loin.

Thé brûlant pour Barbara, cappucino pour moi, et cakes aux noix, au miel et aux amandes pour tout le monde. Ravitaillement en eau et nourriture pour la journée.

Le soleil réapparaît progressivement, la piste sèche au fil des heures, le beau temps ne nous quittera plus jusqu’à Clyde.

A proximité du village de Wedderburn, nous franchissons le parallèle 45° Sud, et peu après, nous atteignons le point le plus haut du parcours.

A nous la descente !

Nous passons Oturehua, avec son Gilchrist’s general store, le plus ancien magasin général de Nouvelle-Zélande, puis les petits lacs d’Ida Valley. Entre Auripo et Lauder, nous entrons dans les gorges de Poolburn, un couloir rocheux à souhait, émaillé de viaducs métalliques et de tunnels. Au-dessus de nos têtes, dans le soleil de la mi-journée, les käreärea (faucons) tournoient à l’affût de quelque proie distraite. Dans les montagnes de Dunstan, qui montent à plus de 1600 mètres d’altitude, ils sont chez eux.

Aujourd’hui, malgré notre départ tardif ce matin, nous avons abattu 62 km de piste.

Pas mal ! Nous nous arrêtons de rouler vers 18 heures.

Nous choisissons le petit camping de la bourgade d’Omakau pour passer la nuit.

Douche chaude à volonté, et petite lessive…

Il ne nous reste que 37 km à parcourir le lendemain pour parvenir au terme du Rail Trail !

 petit matin du jour suivant, nous roulons sous un ciel bleu éclatant.

Crème solaire obligatoire, la couche d’ozone est peu épaisse au-dessus de la Nouvelle-Zélande, et les rayons du soleil sont ici rapidement dangereux. (Le pays a le triste record du plus grand nombre de cancers de la peau par habitant…) La piste déroule un faux-plat descendant vers Alexandra, et nous enclenchons sur les dérailleurs des vitesses jusque là inconnues…

Nous avions le ventre vide ce matin, quand nous tombons au détour d’un paysage de far-west, sur Chatto Creek Tavern ! Un petit-déjeûner de rêve nous y attend, que nous n’avions pas imaginé une seconde… A l’extérieur, quelques tables de bois épais. Et un grand panneau, marqué « Historic Chatto Creek Tavern, established 1886 », qui montre un cavalier cheminant, seul, dans le paysage sauvage de l’Otago central.

A l’intérieur, des trophées de chasse (cerfs, sangliers, mouflons), des vieilles carabines Winchester et Remington, et plus encore de vieilles pétoires, et des munitions en tous genres. La tenancière de la taverne nous assoit à un buffet de bois où nous trouvons en abondance des confitures de rêve, des céréales, du lait, du beurre et du pain garantis bio, des fruits secs et du miel de la région.

En fait, je déjeune avant l’heure, je me goinfre grave de calories…

Quel bon souvenir que ce breakfast à Chatto Creek !

Après ça, j’écrase les pédales de mon VTC…

La piste descend vers Alexandra, puis s’oriente au nord-ouest jusqu’à Clyde.

Ce petit village paisible marque la fin de l’Otago Central Rail Trail. Nous y parvenons avant midi, restituons nos vélos, et attendons la navette qui nous ramènera à Middlemarch, par la route cette fois.

Nous avons gagné une journée sur notre programme initial, et décidons de rejoindre Dunedin, sur la côte sud-est de l’île Sud, avant de remonter vers Christchurch pour y accueillir nos amis Emmanuelle et Olivier.
 
Nous quittons l’Otago Central Rail Trail à regret : un joli souvenir des jours passés dans l’île Sud.
 

Au départ de Middlemarch, les 160 km de l'Otago Central Rail Trail nous attendent... En route!

Dès les premiers km, le Rail Trail s'enfonce dans les majestueux paysages du sud néo-zélandais...

Les rails ont été enlevés, mais les tunnels sont restés. Lampes frontales obligatoires!

Dans les sacoches, tente, sacs de couchage, vestes, nourriture du jour et eau...

Un peu de vent d'ouest et un faux-plat montant, Barbara appuie sur les pédales!

Sur la piste du côté de Wedderburn, nous franchissons le parallèle 45° Sud.

Paysage typique de l'Otago Central...

Les ponts métalliques sont nombreux sur le Rail Trail.

Un plancher de bois y a remplacé le chemin de fer.

Rencontres paisibles sur la piste du Rail Trail...

En approchant d'Alexandra, l'Otago central prend des airs de Causse Méjean...

Quel bonheur de pédaler sur cette piste qui rejoint au loin l'horizon!

Au bord du Rail Trail, une perdrix nous observe sans inquiétude particulière...

A l'étape, de petites tavernes sympathiques attendent les randonneurs...

Sur les 50 km de ce parcours journalier, une petite pause de temps à autre...

Rencontre fréquente dans l'Otago, les cerfs rouges, qui y vivent en troupeaux de plusieurs dizaines d'animaux.
 La pub de la taverne de Chatto Creek est comme le paysage alentour, authentique!

Barbara et son VTC sur l'Otago Central Rail Trail...