mardi 17 août 2010

Billet N°79 – A Maupiti, un joyau polynésien préservé…

 Du Jeudi 5 au Mercredi 18 août 2010 -




2ème partie : la famille de Robinson…



Par Barbara



C’est sûr et certain, je quitterai le cœur vraiment gros l’île de Maupiti…



D’abord parce que notre séjour en Polynésie française touche à sa fin, et surtout parce qu’à Maupiti le bonheur est incontestablement dans le pré…enfin dans le lagon !

Maupiti est un condensé de tout ce qui m’a tant séduite, touchée et émue, dans les îles de Polynésie.

L’île est si paisible et si jolie, elle vit au rythme des arrivées des bateaux et de l’avion.

Le mode de vie semble être le même depuis des lunes, on pêche, on cultive le tiaré, le tarot, et on ramasse les cocos, les papayes.

Les farés (maisons) et les jardins sont toujours impeccablement tenus.

Un poste à essence, une épicerie, un dispensaire, l’OPT (la poste) et la mairie.

Il y a quelques voitures mais très peu en comparaison des autres îles, la route circulaire ne fait que 10 kms. A Maupiti on circule surtout à vélo, ou à pied, et tout un chacun qui se croise, se salue d’un « Ia Orana » (bonjour) franc et direct, sourire à la clef.

Quand on se promène à terre, d’un côté la luxuriance de la végétation, de l’autre le bleu turquoise du lagon (où les raies manta se meuvent avec grâce), quand on lève la tête, la falaise de basalte.

Nous avons fait de jolies ballades, assez escarpées, mais la récompense était toujours à la hauteur de l’effort fourni, quand on admirait du sommet le lagon à 360°, et au-delà, l’océan à perte de vue.



Ici, les voiliers sont très peu nombreux, les touristes aussi ( juste quelques pensions de famille), du coup bien sûr les locaux sont moins saturés des popaas ( les « blancs ») et les contacts sont plus faciles.

Nous avons eu de la chance : nous avons rencontré, puis sympathisé avec la famille de Robinson.

Nous nous promenions un soir, avec Olivier, sur la route circulaire, à la recherche de jardins où l’on pourrait troquer des fruits et des légumes, contre quelque chose du bord.

On se renseignait auprès des personnes rencontrées. Jusque là en vain…

Nous décidâmes alors de rebrousser chemin, quand quelqu’un, visiblement informé depuis peu de notre quête, nous héla d’un jardin : Robinson.

Robinson et sa famille, dès qu’ils surent que nous allions bientôt faire voile vers Mopelia, et plus loin encore, nous offrirent des papayes, un régime de bananes, une pastèque, avec la gentillesse et le naturel qui me touchent tant ici.

Robinson et sa femme Ahuura (prononcer « ahououra ») ont 3 enfants dont Ahurau (« ahouraou ») leur fille de 11 ans et deux garçons, de 15 et 9 ans.

Ainsi, de fil en aiguille, Ahurau et Adélie devinrent très amies.

Cette famille vit selon son envie, son humeur et la santé de leur fille, soit sur le motu (petit îlot) devant lequel nous sommes mouillés, ou bien dans le faré familial au village. Ahurau souffre d’asthme et lorsque cela devient difficile pour elle, la famille migre sur le motu, très ventilé.



Grâce à la famille de Robinson, nous avons approché l’âme polynésienne, sans doute la meilleure.

Celle de ceux qui ont conservé leur mode de vie proche de la nature, leurs traditions, leurs valeurs, leur générosité.

Ahuura (la maman) apprend à Adélie à tresser le niau (feuilles de cocotiers) sur la plage, utilisé pour confectionner les toits des farés traditionnels, les tapis, les sacs, les chapeaux. Ahurau vient jouer à bord, ou sur le motu où les filles construisent des cabanes.

Olivier et Marin pêchent avec Robinson et ses fils. Y compris la nuit venue, au clair de lune. Ils attrapent des vivaneaux, des petites carangues, avec des cannes en bambou munies d’un simple hameçon et d’un petit appât fait d’un reste de bonite.

Ils doivent repérer les requins de lagon, dans la pénombre, et retirer leurs lignes avant de se les faire arracher !



Hier soir nous avons dîné sur le motu dans leur faré poté (c’est un faré indépendant où l’on cuisine et ou l’on prend les repas, il y a ensuite le faré ou l’on dort, et un endroit dans la cocoteraie où l’on se lave).

Les pieds dans le sable, éclairée par une lampe à pétrole, la tablée était grande et gaie. Robinson, le père de famille, a récité le bénédicité en début de repas, et il m’a semblé que nous formions une grande famille tous ensemble.

Ensuite les tanés (les hommes) sont partis à la pêche au clair de lune, et vahinés (les femmes) ont fait la vaisselle et confectionné des colliers de tiaré pour la pension d’à côté, qui accueillera demain matin, de nouveaux hôtes.



Aujourd’hui le colis des livres scolaires du Cned doit arriver depuis Raiatea, l’avion d’Air Tahiti nous a survolé toute à l’heure, avant de se poser sur le motu aéroport : sa réception mettra un terme à notre séjour à Maupiti.



Cela signifiera aussi la fin des grandes vacances à bord de Jangada.



Heureusement Ahurau reprend aussi l’école jeudi 19 août, alors j’ai expliqué aux enfants que nous aussi nous allions nous caler sur le calendrier scolaire … local !



Ahurau peut rester scolarisée à Maupiti jusqu’à sa 5ème, ensuite comme son grand frère, elle sera pensionnaire à Uturoa, sur l’île de Raiatea. Elle ne rentrera que toutes les 6 semaines sur son motu. Sa maman, Ahuura, s’en inquiète déjà.



Aujourd’hui, j’ai du mal à imaginer que je puisse rencontrer un lieu aussi doux et beau que Maupiti, sur le chemin de notre voyage…



Même si je crois que je me suis déjà fait cette réflexion …



Barbara
 Vue du lagon depuis le sommet de Maupiti, le mont Teurafaatiu, 380 mètres.

Adélie reprend son souffle au sommet de Maupiti.

 Le Maupiti Express dans le lagon.

Robinson, Ahuuraa, Waimea, Ahurau, et Tepura, nos amis de Maupiti.

 Maison de village, à Maupiti. Devant la maison, tombes des ancêtres, et parabole TV.

Lait de coco et citrons, petit commerce à Maupiti.

 Le tiaré est cultivé dans tous les jardins de Maupiti, pour les touristes de Bora Bora.

Liane de vanille sauvage, sur la montagne de Maupiti.

Le lagon de Maupiti, vu vers l'ouest.

lundi 16 août 2010

Billet N°78 - A Maupiti, un joyau polynésien préservé…

 – Du Jeudi 5 au Mercredi 18 Août 2010 –


1ère partie : la passe…

Par Olivier



Aujourd’hui, l’équipage de Jangada vous emmène dans un écrin de bleus…



La petite île de Maupiti, située à un peu moins de 30 milles dans l’ouest de Bora Bora, est la dernière des Iles Sous le Vent à être desservie par des liaisons maritime et aérienne régulières avec ses voisines de l’est, Bora Bora et Raiatea. Oh, il n’y a pas un avion tous les jours, seulement 2 ou 3 par semaine. Et le « Maupiti Express », la vedette en aluminium qui fait la liaison avec Bora et Raiatea, effectue aussi une rotation tous les 2/3 jours.

Quand la passe est praticable !

Plus à l’ouest encore, on touche aux confins occidentaux de la Polynésie française, avec Mopelia, et les petits atolls perdus de Bellinghausen et Scilly (Motu Oné et Manuae), inhabités.

Maupiti est un joyau, une île haute (380 m) posée au milieu d’un lagon aux couleurs enchantées.

Ce lagon est d’une étincelante beauté, et Maupiti, joyau au format miniature vit au rythme des vélos et des scooters qui circulent paisiblement sur l’unique petite route circulaire de l’île, au centre du lagon.

Sur les motus alentour, les polynésiens cultivent la pastèque, et ont aménagé depuis peu quelques pensions de famille (je vous recommande de venir passer une semaine à la pension Rose des Iles, ou encore à la pension Maupiti Village, sur le motu Tiapaa, proche de la passe, une fois dans votre vie. Là, allez voir notre ami Robinson, et sa famille, trop gentils), pour touristes …futés !

Ici pas d’hôtels, la population n’en a pas voulu…

Malgré le petit aéroport, un des plus folklos du monde.

Le petit village, délicieusement fleuri, s’étale tout en longueur au pied d’une impressionnante falaise de basalte de 230 mètres de hauteur, souvenir de l’origine volcanique de l’île.

Oubliés, les bungalows sur pilotis ! Absents, les jet-skis ! Tant pis pour le shopping, il n’y a pas de boutiques de perles ici… ni de pirogues bondées de touristes.

Les raies mantas sont restées, elles, dans le lagon, nous irons les observer…



Quelle sagesse ont eu les habitants de Maupiti ! Ils ont su préserver leur cadre de vie, et leur façon, si charmante, de laisser s’égrener les jours, paisiblement.

En refusant l’argent, ils ont dit non au stress, à la consommation, et ont gardé le bonheur de vivre simplement : ils subsistent de la culture de quelques légumes sur les motus environnants, de la cueillette des fruits, de la pêche des mahi-mahis (daurades coryphènes) par les poti-mararas locaux, ou plus simplement de la capture des poissons du lagon, vivaneaux, perroquets, carangues…

Pas de ciguatera à Maupiti, le paradis n’est pas pollué par les toxines !

Quelle bonne idée nous avons eu de ne pas écouter ceux qui nous disaient : Maupiti, oubliez, la passe est trop dangereuse ! Oui mais…



La passe de Maupiti…a sale réputation !!! Et c’est justifié.

Chacun sait que pour gagner le paradis, il faut passer par le purgatoire…

Elle a à son actif, cette passe, en plusieurs décennies, un certain nombre d’âmes reprises par les déferlantes et le récif, pour le compte du Ciel.

Lesquelles se comptent en dizaines… !!!

Pas de manuia (chance, en polynésien) pour le « Manuia », en 1963 : 15 morts d’un coup…

Plus de chance pour l’ « Aremiti », plus récemment, qui transportait près de 300 passagers (pour un rassemblement mormon). Le grand catamaran en aluminium, fortement motorisé, a raté la passe, et les déferlantes l’ont fait monter bien au sec sur le récif. Tout le monde à pied sur le motu…

A bord de Jangada, certes le Captain aime l’aventure, mais aussi, dans l’esprit d’aventure, l’art de faire fonctionner ses neurones (même s’ils sont en nombre limité, je préfère devancer les observations de certains lecteurs…), pour élaborer sa propre idée, son propre jugement. Puis décider, en suffisante connaissance de cause.

Information, observation, analyse, expérience.

Un quatuor, en toute modestie, qui aide à franchir pas mal d’obstacles, aussi bien en moto dans le désert du Sahara qu’en Antarctique en navigation de nuit au milieu des glaces…

La passe de Maupiti inquiète la plupart des voiliers en voyage, que l’on voit passer à quelques milles au large, en route vers Palmerston, ou Rarotonga.



J’ai commencé, il y a quelques jours, à l’occasion d’une virée en annexe à Uturoa (Raiatea) depuis Tahaa, par aller discuter avec le patron du « Maupiti Express », le spécialiste de la passe. Entre marins de la Mar Mar, le courant est vite passé, et Théodore, papier-crayon en main, m’a expliqué le bazar. Quinze minutes plus tard, je l’ai laissé à sa passerelle de navigation, j’en savais plus qu’en lisant tous les guides nautiques anglo-saxons du Pacifique, que je n’ai pas à bord !

L’unique passe de Maupiti est situé au sud de l’atoll, et elle a le profil adéquat pour se montrer parfois, assez souvent, méchante.

D’abord, elle est unique, ce qui veut dire que toute l’eau sortant du lagon devra passer par elle… Ensuite, elle est étroite, guère plus d’une cinquantaine de mètres utiles, en largeur…

Et puis, elle a trouvé le moyen de se loger, depuis des millénaires, entre deux motus, le motu Tiapaa à droite, et le motu Pitihahei, à gauche, qui forment, à tous deux, un splendide entonnoir !

Mais encore : la passe est bien balisée, certes, mais, sans doute pour des raisons de facilité d’installation ou de préservation dans le temps de la tourelle en béton contre le travail de sape des vagues déferlantes, la balise verte, de tribord, a été curieusement placée trop loin sur la droite, dans un recoin du récif. Ainsi, le marin insuffisamment attentif, qui s’écarterait un tant soit peu de l’alignement d’entrée, sensible et précis lui, pour simplement concentrer sa gouverne sur le milieu théorique du chenal, à mi-chemin entre la balise verte et la balise rouge, a toutes les chances de se foutre sur le récif à droite du chenal, car celui-çi s’avance allègrement de plusieurs dizaines de mètres vers le milieu de la passe, largement à l’intérieur de la balise verte, et avant celle-çi…



Cette petite échancrure dans le corail est naturellement exposée de plein fouet aux grandes houles venues du Pacifique Sud, de la région des îles Australes, où sévissent les dépressions remontées des confins des quarantièmes…

Et quand la houle de secteur sud s’en mêle, alors là, la passe de Maupiti, c’est pas joli-joli…



Mieux vaut alors passer sa route, ou bien être en règle avec le Bon Dieu, si on se trouve à l’extérieur.

Et si l’on est à l’intérieur du lagon, il convient d’attendre sagement que le grand bazar se soit complètement calmé, que la houle ait disparu, que le vent ait tourné, avant de tenter, prudemment, une sortie.

Par houle de sud-est à sud-ouest, la passe de Maupiti est un maëlstrom dantesque : il y règne un courant sortant qui peut dépasser 10 nœuds, et qui, lorsqu’il rencontre dans le goulet des creux venus du large d’une hauteur ne serait-ce que de 3 à 4 mètres, provoque un ahurissant déferlement des vagues, auquel rien ne résiste.

Nous avons pu aller observer le phénomène pendant notre escale de près de deux semaines à Maupiti, et vraiment, je n’aimerais pas me retrouver là-dedans !



Mais la principale raison de cette mauvaise réputation de la passe de Maupiti est ailleurs.



Elle est de nature hydrologique.

Lorsque une dépression fait hurler les vents d’ouest loin dans le Pacifique sud, la houle remonte vers les tropiques, à une vitesse de l’ordre d’une trentaine de nœuds. Lorsque cette houle rencontre l’anneau corallien de Maupiti, elle se transforme en déferlantes qui ne cessent d’assaillir le platier, qui se trouve avoir un profil très bas, dans le sud-ouest. C’est pour cette raison qu’aucun motu n’a pu résister à l’assaut de la mer dans cette partie de l’atoll. Ce qui auto- entretient le phénomène.

Dés lors, chaque train de houle de secteur sud à sud-ouest déverse à l’intérieur du lagon, par-dessus le platier et le grand banc de sable qui lui est adossé, une énorme quantité d’eau de mer, qui fait monter sensiblement le niveau de l’eau dans le lagon (nous avons constaté plus d’1 mètre de surcôte dans ce cas).

Et, biensûr, cette masse de centaine de milliers de tonnes de flotte ne connaît naturellement qu’une sortie pour regagner le large : l’unique passe !

Dans ces cas-là, croyez-moi, mieux vaut ne pas aller traîner en kayak du côté de l’entonnoir, visible sur les images. Pas une bonne idée !

Cela revient à prendre un billet en aller simple pour le paradis des marins.

Attendons encore un peu, hein !

Car le courant ainsi créé par la surcôte du niveau de l’eau dans le lagon repart affronter aussitôt la même houle du large qui l’a créé, mais dans la passe cette fois : il accentue la pente des vagues, les creuse inexorablement, et provoque leur redoutable déferlement dans un bruit de tonnerre incessant.

L’endroit devient alors cataclysmique.

La machine hydraulique infernale de Maupiti est en marche, en circuit fermé si l’on peur dire, jusqu’à ce que la houle se calme, que le maraamu (vent de sud-est prépondérant) hale un peu plus le nord et que le lagon se vide…

Dernier détail : la marée, qui génère son propre courant, malgré un faible marnage (moins d’1 mètre). Je n’ai observé qu’un courant sortant lié à la marée, mais il est fréquemment de 3 à 5 nœuds, même quand le temps est calme.



Voilà posée l’équation de l’entrée (et de la sortie) dans le lagon de Maupiti.

Bon, ben une fois qu’on sait tout ça, c’est beaucoup plus simple !



On se présentera exclusivement le matin, peu après le lever du jour, moment où le courant de marée sortant est le plus faible, avec une mer présentant le moins possible de houle de secteur sud, un vent ayant si possible une composante légèrement nord dans son est, faible si possible, et ceci en ayant pris soin de laisser 2 à 3 jours depuis la dernière « machine hydraulique infernale » supposée à Maupiti.

Il faut savoir que tous les critères doivent être réunis en même temps ! car un seul d’entre eux qui serait non conforme suffit à relancer la machine infernale, très sensible !!!

Trop simple autrement. Damned !



Le 4 Août au soir, Barbara sort métamorphosée de son séjour au spa de l’hôtel Saint-Régis Bora Bora, cadeau pour ses 40 ans. On ne l’a pas vue de l’après-midi. Très occupée, entre le massage classique au monoï, les soins de visage à la crème de gingembre, le hammam surchauffé, le jacuzzi guili-guili, le sauna, le thé à la bergamotte servi dans l’argenterie, et j’en oublie sûrement…



La belle ré-embarque détendue sur son catamaran (qui a beaucoup moins d’étoiles que le Saint-Régis), et j’en profite pour lui annoncer la bonne nouvelle : nous appareillons sur le champ pour le mouillage de Vaitape, et à 03H30 demain matin, on lève l’ancre pour Maupiti !



« Ma chérie, j’ai regardé tout ça cet après-midi, les conditions sont toutes réunies, c’est le moment de tenter le coup ! Si, malgré tout, l’entrée s’avère trop dangereuse, on continuera sur Mopelia. »



Comme la nuit est presque tombée sur Bora, les moteurs tournent déjà, et Marin a commencé à relever l’ancre. Ca simplifie, en l’écourtant, la tentative de complainte de la patronne…



Nous naviguons de nuit dans le lagon de Bora pour gagner le mouillage du village : il nous faut d’une part retirer dès ce soir des « francs pacifique » au distributeur de la Socredo (Maupiti ne connaît pas les distributeurs, il n’y a aucune banque là-bas), et d’autre part je préfère être mouillé en face de la passe de sortie de Bora, pour suivre facilement l’alignement lumineux de sortie vers 03H30 du matin, de nuit donc.

C’est qu’il faut se présenter à l’ heure optimale à Maupiti !



Le lendemain, le petit monde de Jangada émerge doucement, le soleil brille dans un ciel azur, la silhouette de Bora Bora se détache sur l’horizon dans le sillage, la falaise de Maupiti n’est plus qu’à quelques milles.

J’ai mis les 2 lignes à l’eau, nous croisons un poti-marara qui cherche le sillage fluorescent d’un mahi mahi (la pêche au mahi mahi se pratique au harpon)…

Soudain, la ligne bâbord sonne la charge : je serre le frein, un peu trop peut-être, mais cela ne ralentit en rien le dévirement du moulinet : mauvais signe… La canne est ployée, je vois les tours de nylon s’envoler du tambour, inexorablement, je ralentis au maximum le bateau, mais rien n’y fait. Pour être combatif à ce point, c’est qu’on a affaire à un beau specimen, 20, 30 kgs ? Un mahi mahi, probablement.

Il emporte tout, leurre, hameçon, bas de ligne en fil d’acier…Merde !

Arriver en escale en ayant juste pêché un joli poisson, c’est le cas de figure idéal pour la cambuse, et la caisse de bord !



J’accélère la prise du petit-déjeuner, je tiens à ce que tout le monde soit prêt pour le briefing du Captain avant le franchissement de la passe.

J’explique tout ce que je sais de l’endroit, je zoome la carte sur l’ordinateur, montre le positionnement dangereux de la balise tribord, les alignements, et distribue les rôles et les consignes.

Puis nous verrouillons toutes les ouvertures de coque, vérifions le rangement des bouts (pas le moment de s’en prendre un dans une hélice !), le saisissage de l’annexe et du kayak, et je vais faire une ronde de sécurité dans chacune des « salles des machines ». Je contrôle aussi le système de barre.

Enfin, je demande à Marin de mettre la chaise de mât (avec harnais incorporé), pour le cas où il faudrait monter dans la mâture pour me guider depuis les barres de flèche, une fois la passe franchie : le lagon est farci de « patates », et les profondeurs y sont faibles.

Nous sommes maintenant à un demi mille de la passe, je fais enfiler à chacun sa brassière de sauvetage, bien serrée : évidemment, cela n’étant jamais arrivé auparavant, la consigne crée du stress… auquel je m’attendais. D’autant que je demande aussi à chacun de chausser ses « méduses », vous savez, ces sandales de plage en plastique transparent d’une élégance avérée, mais tellement utiles pour … marcher sur le corail du platier !!! (et éviter la piqûre des poissons-pierre dans les lagons).

Je suis bien obligé de répondre à Adélie, qui proteste en me demandant pourquoi on doit enfiler nos méduses, que … ce sera plus commode si on doit débarquer sur le récif, au milieu des déferlantes !!!

Je m’empresse d’ajouter à haute vois qu’il n’y a pas à s’inquiéter, que si je perçois un danger réel, nous renoncerons à entrer.

Je chausse moi aussi mes « méduses », mais garde ma brassière à portée de main sans l’enfiler, histoire d’avoir les coudées franches à la barre.



Nous approchons lentement, reconnaissons les deux alignements d’entrée, les deux balises latérales, et nous positionnons pil poil. J’observe, pendant 4 à 5 minutes, le courant, qui ne me paraît guère supérieur à 2 ou 3 nœuds. Je cherche à détecter ce petit courant latéral, vicelard, dont m’a parlé le patron du « Maupiti Express » : il vient du lagon, mais transversalement à la passe, de derrière le motu Tiapaa, et déporte vers le récif sous le vent ceux qui serrent trop à gauche…

J’ai confiance comme quand j’estime avoir suffisamment étudié un cas pour ne pas pouvoir être surpris, et j’ai « imprimé » chaque détail de la carte dans mon esprit.



Il fait grand beau, mais la passe reste impressionnante, parce que les grosses déferlantes (4 à 5 mètres de hauteur) brisent immédiatement en abord du chenal…

Le bruit du fracas des vagues sur le récif, et le brouillard d’eau de mer vaporisée par l’écrasement des rouleaux sur le platier, n’engendrent guère la sérénité.

En pareil cas, j’ai l’habitude de commenter d’une voix forte ce que je vois, et ce que je fais aux commandes, en direct, avec calme, et en conservant toujours une bonne dose d’humour.

Cela évite les questions, et chacun sait et s’en trouve rassuré.

Je sens bien les choses maintenant, et j’annonce :

« Ca le fait comme prévu, conditions exceptionnelles, chacun son poste, on y va ! »



Moteurs à 1800 tr/mn, c’est parti. Jangada prend de l’erre, et s’engage dans le bazar.

On se fait secouer un peu, mais notre catamaran gagne du terrain contre le courant sortant.

Barbara égrène la profondeur au sondeur toutes les 5 secondes. Adélie fait le « relais vocal » au milieu du bateau (elle répète les consignes venant de l’arrière vers l’avant, et transmet vers l’arrière les informations venant de l’avant), et Marin, à l’avant, solidement cramponné au câble de martingale, indique ce qu’il voit.

J’aperçois, sur le motu Pitihahei tout proche, à babord, un polynésien qui observe, du seuil de son faré, l’entrée de Jangada dans la passe. Il a du en voir, lui, des tentatives pas forcément catholiques ! et d’autres, carrément ratées !

Nous restons très précisément sur l’alignement, je fais grimper exceptionnellement les moteurs à 2000 tr/mn (cela fera sourire notre ami Robert Guay, concessionnaire Volvo marine à La Rochelle, qui sait que ça ne leur fait pas de mal, une fois de temps en temps !), nous passons le travers de la balise verte, puis, en l’espace de quelques dizaines de mètres, l’étroitesse de la passe crée un calme soudain, presque inattendu…



Jangada a franchi le plus dur de la passe, sans encombre.

Il ne reste plus qu’à remonter le chenal, pour sortir de l’entonnoir.

Je diminue progressivement la vitesse des moteurs, nous entrons doucement dans le lagon de Maupiti.

Nos yeux sont assaillis de toutes les nuances du bleu.

Comme d’habitude quand on réussit notre coup, je détends dès que possible la tension encore palpable en criant :



« Adélie, tu peux enlever ta brassière et tes méduses ! Et « popo »(bravo) à tout l’équipage, double ration de tafia ce soir !!! »



Barbara se détend, amorce un sourire.

Nous naviguons dans un écrin, et gagnons notre mouillage devant le village.



J’apprendrai ultérieurement, pendant notre séjour à Maupiti, que, pour les locaux, lorsq’un voilier franchit la passe avec facilité, c’est qu’il est le bienvenu dans leur île…

Une croyance à laquelle ils semblent attacher encore une certaine importance.



Inversement…



Je me souviendrai alors que notre ami Robinson m’a, à un moment donné d’une de nos premières conversations, posé la question, en roulant les r de sa belle voix polynésienne :



« Olivier, c’était comment la passe quand tu es entré ? »



Plus tard, nous irons jeter l’ancre à côté du motu Pitihahei.

Là s’écouleront d’autres jours heureux…



Olivier
- Jangada en approche de Maupiti, au petit matin du 5 Août.

 L'entrée du lagon de Maupiti, vue du sommet de l'île.

 L'entonnoir et la passe de Maupiti, entre les motus Tiapaa et Pitihahei.

 Le chenal, vu de l'intérieur du lagon.

 La passe de Maupiti, par... très beau temps!

 Les déferlantes posent un décor grandiose, mais ... inquiétant!

La passe franchie, Jangada repose au calme, dans son écrin de bleus, à Maupiti.

Type de marin des Mers du Sud, heureux!



mercredi 4 août 2010

Billet N°77 – Billet spécial anniversaire : une année de voyage !!!

Mercredi 4 Août 2010


Par Olivier

Chantez « Happy birthday to you…! » et soufflez les bougies!!!

Décidément, en ce moment…



Il est aussi vivement recommandé de boire un petit coup - c’est agréable - (si vous manquez d’idée, je vous suggère un ti-punch, façon Jangada, par exemple…mais uniquement avec du rhum agricole des Antilles françaises, 50°, pas plus) en ayant une pensée pour notre voilier et son équipage !!!

Manuia !!! (À la vôtre en polynésien)



Le skipper, quant à lui, dit « popo » (bravo, en polynésien) à son petit équipage familial, qu’il a vu progresser sensiblement au fil du temps, parfois c’est vrai un peu dans l’inquiétude passagère ou même la douleur très provisoire, mais sans jamais lâcher l’écoute, au fil des centaines (milliers, plutôt) de milles parcourus cette année.



Des deux tours du Vieux Port de La Rochelle, le Mardi 4 Août 2009, au lagon de l’île de Bora Bora, aujourd’hui, Mercredi 4 Août 2010…



J’ai passé pour ce billet spécial anniversaire quelques heures à faire des calculs, et des statistiques. C’est instructif, on apprend toujours quelque chose !



Eh oui, il y a exactement un an, nous larguions les amarres de notre poste à quai, au fond du Bassin des Chalutiers, à La Rochelle.



Discrètement, comme nous l’avions souhaité, car … la route était encore longue, pour le moins, et, bien sûr, parsemée de quelques incertitudes, que le temps et la mer ont maintenant levées.

Je me rappelle des badauds qui, seuls, assistaient à notre appareillage (nous étions coincés au fond du bassin, et avons du porter des aussières à terre pour parvenir à faire pivoter de 90° notre large catamaran, afin de lui faire prendre la direction de la porte du bassin à flot !) : je m’étais amusé en pensant que ces vacanciers n’imaginaient pas une seconde qu’ils assistaient en direct à l’appareillage d’un voilier qui s’en allait pour tenter un tour du monde…

Ils devaient penser que nous allions tirer quelques bords dans les pertuis, pour rentrer le soir- même et aller siroter un petit coup de pineau des Charentes à l’ombre de quelques roses trémières…



Un an, 365 jours de voyage.



Le soleil se lève sur le lagon de Bora Bora, et je me lève avec lui. Je vis plus proche de la nature depuis que nous sommes partis.



J’appuie sur la touche « Display » du GPS de la table à cartes, pour y lire la distance parcourue depuis les tours rochelaises : 14 229 milles marins !

A raison de 1 852 mètres par mille nautique, cela correspond à 26 352 kilomètres parcourus à la surface des océans.

Et, à vol d’oiseau (pour les romantiques) et selon l’arc de grand cercle (ou orthodromie, pour les marins), notre voilier se trouve ce matin à quelques 15 783 kilomètres de La Rochelle.

Oui, nous sommes loin, mais pas encore à l’antiméridien de notre port de départ, qui est également, à quelques minutes de longitude près, celui de Greenwich (méridien origine). Notre longitude est aujourd’hui de 151° 45’ Ouest.

Il nous reste donc environ 28° 15’ (soit 1695 minutes) de longitude à parcourir dans l’ouest (soit environ 1598 milles marins, à la latitude moyenne de 20° Sud) pour parvenir à la longitude de 180° Ouest, qui deviendra aussitôt, et au même instant, la longitude de 180° Est.



Compte tenu de l’itinéraire que nous devrions suivre pour rejoindre la Nouvelle-Zélande fin Novembre/début Décembre prochains, nous devrions franchir le méridien 180° entre l’archipel des Tonga et celui des Fidji. On pourra dire alors que nous sommes parvenus aux antipodes de La Rochelle, et que nous avons accompli la moitié du tour du monde, mais en longitude seulement: à partir de ce moment-là, chaque minute de longitude franchie vers l’ouest nous rapprochera de notre port de départ, alors qu’aujourd’hui chaque mille marin parcouru vers l’ouest nous en éloigne encore…



Un peu plus tard, mais toujours avant la Nouvelle-Zélande, il nous arrivera un truc un peu particulier : nous franchirons la ligne internationale (conventionnelle) de changement de date. Ben oui, à force de faire voile (mais plus modestement, bien sûr !) comme Magellan (le premier à vérifier que la Terre était bien ronde, mais l’illustre explorateur lui-même ne termina pas son tour du monde, il fut tué à terre sur l’île de Mactan, aux Philippines, en 1521, lors d’une altercation avec les indigènes ; et c’est l’un de ses cinq capitaines de départ - sa flotte comportait cinq navires à l’origine -, Juan Sebastian Elcano, qui seul, rentra à Séville, avec un navire (le « Victoria ») à l’état d’épave, et seulement 18 survivants…) toujours plus vers l’ouest, on va finir par se retrouver à … l’est !!!

Depuis que nous sommes dans les îles de la Société, notre heure de fuseau horaire est décalée de – 10 par rapport à Greenwich, et le chronomètre de la table à cartes (je ne porte plus de montre depuis des mois…) est réglé lui à – 12 par rapport à la métropole. Vous imaginez bien que comme une journée n’excède pas 24 heures, on ne va peut-être pas essayer vainement, le moment venu, de faire – 13, mais plutôt + 11 !!!

Et le franchissement vers l’ouest, par notre voilier, de la ligne de changement de date va nous priver, d’un point de vue calendaire, d’une journée dans notre vie !!! On ne sait pas encore laquelle, on vous le dira plus tard !

J’espère que les moins matheux me suivent toujours ?



Bon, tout ça c’est pour la théorie et le symbole, car le fait de rentrer à notre port de départ par l’Afrique du Sud et le Cap de Bonne-Esperance, puis l’Atlantique sud (Sainte-Hélène, Ascension), et enfin les Iles du Cap Vert et les Açores, va nous faire boucler la boucle au sud de l’archipel cap-verdien (nous y recouperons en effet notre route aller vers les Rochers Saint-Paul et le Brésil, au départ de la Casamance), et, par la même occasion, nous faire repasser largement en longitudes ouest…

Bon, c’est encore loin tout ça, il y a des milles à parcourir d’ici là…



Je me suis plongé dans des calculs, et j’en ai déduit qu’en moyenne, il convenait de rajouter 3,25% à la distance orthodromique directe (la plus courte, celle par l’arc de grand cercle, comme on dit dans la marine) entre 2 points que nous souhaitions relier par la mer pour obtenir la distance réelle parcourue à la surface de l’océan par notre voilier, compte tenu des écarts de route.

J’ai ensuite calculé, en fonction de l’itinéraire projeté, la distance réelle à parcourir entre chaque escale prévue, puis la distance totale, par océan tout d’abord, puis globalement.

Voilà ce que donnent les chiffres…

En Atlantique, entre le 4 Août 2009 et le 28 Mars 2010 (nous avons franchi le Canal de Panama, long de 48 milles, les 29 et 30 Mars), nous avons parcouru 8710 milles marins.



L’Océan Pacifique va représenter quelque chose comme 11401 milles marins, entre la sortie du Canal de Panama et le détroit de Torrès, entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée.



L’Océan Indien, quant à lui, totalise 8675 milles marins entre le détroit de Torrès et le cap des Aiguilles, l’extrémité sud de l’Afrique du Sud (près du cap de Bonne-Espérance, situé un peu dans le nord-ouest).



Et pour accomplir la dernière partie du tour du monde, la remontée de l’Atlantique, sud puis nord, entre le cap des Aiguilles et les deux tours du Vieux Port de La Rochelle, il faut avaler 6714 milles marins.



Notre circumnavigation, si nous en venons à bout, représente donc une distance totale de ….35 548 milles marins, soit 65 835 kilomètres !!!



Si le franchissement du méridien 180° se situe entre Tonga et Fidji, la moitié du tour du monde en distance se situera pour nous entre la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie, aux environs de l’île néo-zélandaise de Norfolk, où nous avons prévu de faire escale. Ce sera début Avril 2011, quelques jours après notre long séjour de 4 mois au « pays du long nuage blanc ». Nous allons, là-bas, chez les Kiwis, dans des latitudes plus élevées, délaisser les tropiques, le temps de laisser passer la saison des cyclones dans le Pacifique Sud.

La moitié de notre tour du monde, c’est encore dans 3545 milles, à parcourir dans l’ouest du Pacifique.

A Bora Bora, aujourd’hui, nous avons donc parcouru 40% de la distance projetée, 40% du TDM (tour du monde).



Pour ceux qui mijotent un grand voyage en voilier (j’en connais quelques uns, pas nombreux, qui magouillent des projets de ce genre dans les coins…), j’ai compilé par ailleurs les informations du journal de bord, et cela m’a permis d’établir avec précision la répartition des temps respectivement passés en mer, au mouillage, ou à quai, (ou en chantier, à terre).



J’ai tout d’abord différencié Atlantique et Pacifique, mais cela n’a pas de sens, les chiffres étant très proches, j’ai donc finalement conservé les chiffres globaux.



En une année de voyage en voilier, nous avons ainsi passé 24,77% du temps en mer, 71,80% au mouillage sur ancre, et seulement 3,43% à quai ou en chantier.



Et encore faut-il relativiser ces 3,43% : si on enlève le temps passé en chantier à Trinidad (5 jours), et le temps (4 jours) pendant lequel nous avons laissé le bateau au ponton à Jacaré (Brésil) pour aller à Olinda et Salvador de Bahia en bus, il ne reste pratiquement plus rien dans cette colonne…

Nous ne sommes pratiquement jamais à quai, jamais dans les marinas !

On est tellement mieux au mouillage (et c’est gratuit) !



On en conclut, en simplifiant à peine, que nous qui sommes fréquemment catalogués par les voiliers de rencontre de « bateau rapide qui par ailleurs ne traîne pas en escale » (un TDM en 3 ans, c’est plutôt rapide, si si), nous passons moins d’un quart (25%) du temps en mer, pour près de trois quarts (75%) du temps au mouillage.

Une bonne indication pour la conception d’un voilier de voyage !



D’autant que, pour la plupart des voiliers, moins rapides que nous aussi bien sur la mer que dans leur circumnavigation, la répartition précédente se rapproche plutôt généralement de 20% du temps en mer pour 80% du temps au mouillage…



Question mouillage, justement, j’ai répertorié … 152 mouillages en une année !

Mieux vaut avoir bien acquis la technique du choix du mouillage et celle de sa mise en œuvre, dans toutes les conditions possibles : c’est capital pour la sécurité.

Et mieux vaut partir avec du bon matériel à ce niveau. J’ai préféré remplacer le guindeau (Lofrans 24V 1500 W, bien dimensionné) par un neuf avant le départ, et j’ai embarqué 100 mètres de chaîne de 10mm galvanisée (au début !!! car la galvanisation a complètement disparu aujourd’hui), chaîne que je retourne tous les 6 mois pour que l’usure ne soit pas concentrée. Nous ne mouillons jamais moins de 50 mètres de chaîne, même par 3 mètres d’eau.

En Polynésie, certains mouillages exigent de jeter l’ancre par 35 mètres de fonds…

Et, naturellement, jamais de cordage (textile) pour le mouillage principal. Sauf à retrouver votre bateau sur le récif…

Nous n’avons jamais eu besoin d’empenneler ou d’affourcher, et je n’ai utilisé que deux fois une ancre secondaire (légère en aluminium, Fortress) comme « ancre de détroit », pour tenter de stabiliser le bateau dans le courant des bolongs reculés du Siné Saloum.



En ce qui concerne les moteurs de propulsion (2 x 50 CV Volvo), je relève 645 heures à babord, et 678 heures à tribord (notre cabine, à nous les parents, est à babord, tiens tiens…). La plupart du temps les deux moteurs fonctionnent ensemble, sauf en mer au large, par vent faible ou nul, conditions de mer calme, où lorsque la vitesse sous voiles descend en-dessous de 4 nœuds, j’utilise souvent un seul moteur à régime modéré qui déhale le bateau à cette vitesse.

En une année, nous avons consommé 3982 litres de gas-oil, avec une consommation horaire moyenne de 3 litres/heure par moteur, dont le régime n’est que très rarement sollicité au-delà de 1500 tours/minute. Nous avons souté là où le combustible est le moins cher : Santa Cruz de Tenerife, Trinidad, Panama, avec un complément de sécurité aux Galapagos avant les 3000 milles de traversée vers les Gambier (finalement inutile, demandez à Barbara, cela m’étonnerait qu’elle vous dise qu’on a manqué de vent…), et enfin à Tahiti où le gas-oil est détaxé pour les yachts de passage.



Enfin le gaz, l’énergie de la cuisine ! L’installation du bord comprend 2 grosses bouteilles de 13 kgs, le meilleur système en voyage au long-cours (les demi-bouteilles de 6 kgs et autres Camping-Gaz sont à proscrire, difficultés ou impossibilté de recharge ou d’échange). Nous en avons consommé 6 en un an, soit une tous les 2 mois à quelques jours près, avec une belle régularité. Et la maîtresse de maison, aidée de ses deux acolytes, qui aiment bien mettre la main à la pâte, ne se prive pas de nous concocter de ses spécialités : gratins, pizzas, tartes, gâteaux et, dès que nous sommes loin d’une boulangerie, pain recette Jangada bien sûr ! Si l’on veut en déduire une moyenne de consommation mensuelle de gaz, on peut retenir le chiffre de 1,62 kg/mois/personne.

Voilà pour les chiffres !



Je songe maintenant à la suite de notre voyage, qui doit nous conduire aux environs du 1er Décembre prochain au seuil des quarantièmes sud, dans l’île nord de Nouvelle-Zélande, à Whangarei plus exactement, à quelques dizaines de kilomètress au nord d’Auckland.

Pour une longue escale de 4 mois, à la moitié de notre voyage autour du monde.

Les vertes prairies du pays des moutons (et des All Blacks ! Comme dirait Marin : je ne vous dis pas la contrariété d’avoir quitté La Rochelle et le Stade Rochelais - l’école de rugby de Marin !!! - au moment où notre équipe intègre le Top 14 !!! Ca va être magique pour vous, les amis restés au pays, de voir jouer tous les internationaux à Deflandre, même si c’est pour se prendre une branlée régulièrement ! et Chabal sur le Vieux Port, hein, le Chabal sur notre pelouse!!!) vont remplacer pour quelques semaines les immenses étendues d’eau salée du Pacifique, nous y attendrons en sécurité que la saison des cyclones passe ses aléas sur le Pacifique Sud avant de reprendre la route des tropiques : un bon break en perspective pour l’équipage, qui devrait délaisser ses habitudes à bord de Jangada pour émigrer dans un van randonneur, et peut-être aussi de temps à autre une maison néo-zélandaise !



Depuis le lagon de Bora-Bora, mon regard se porte désormais vers l’ouest : j’aperçois sur la ligne d’horizon la silhouette anguleuse de Maupiti, à une petite trentaine de milles. Contrairement à la plupart des voiliers en voyage qui renoncent par avance à entrer dans le lagon de Maupiti, dont la passe est à juste titre réputée dangereuse, nous allons y faire escale.

Oui – oui !

Les informations que j’ai pu obtenir du capitaine de la vedette en aluminium « Maupiti Express » , d’une vingtaine de mètres, qui relie Maupiti à Bora et Raiatea me laissent penser que la dangerosité de la passe est seulement une affaire de conditions météorologiques, et plus particulièrement celles liées à la houle de secteur sud, conjuguée au vent qui remplit le lagon de centaines de milliers de tonnes d’eau, qui passent par-dessus le récif, et doivent bien ressortir quelque part...



Puis notre route nous emmènera à Mopélia, un atoll situé à une centaine de milles plus à l’ouest encore, habité seulement par deux familles polynésiennes. Mopélia sera notre dernière escale en Polynésie française. Snif snif…



Ensuite traditionnellement, trois routes offrent un choix délicat au navigateur, pour traverser l’archipel des îles Cook, très étalé nord-sud en latitude. L’option sud par Rarotonga, la capitale de l’archipel des Cook, l’option ouest par Aitutaki, un atoll situé sur la route directe des Tonga (sur lequel vint s’échouer, le 10 Juillet 2002, après 118 jours de dérive à travers l’immensité du Pacifique, seul à bord de son poti-marara tombé en panne, le pêcheur tahitien Tavae Raioaoa, lire « Si loin du monde » par Tavae chez Ohéditions) et l’option nord, la plus longue en distance (près de 600 milles depuis Mopélia), mais la plus originale, par l’atoll de Suvarov, route au NW.



Nous allons probablement passer par … Suvarov !

L’île du «Robinson des Mers du Sud », Tom Neale (Editions Arthaud), un ermite néo-zélandais qui y vécut près de trois décennies, en autarcie quasi-totale, avant de mourir … d’un cancer, à Rarotonga, fin 1977.



De là, cap au SW, à près de 500 milles, vers une curiosité corallienne du Pacifique, le reef de Beveridge, perdu à 135 milles dans le SE de Niue Island. L’anneau corallien, dont rien n’émerge à part une minuscule langue de sable, a eu la bonne idée (mais c’est souvent une nécessité hydraulique !) de laisser dans son ouest une minuscule passe, étroite et peu profonde, qui permet, dans de bonnes conditions, de pénétrer à l’intérieur…



Peut-être aurons-nous ainsi la chance de jeter l’ancre au milieu de …la mer !



Puis l’île néo-zélandaise de Niue (où il sera temps de se ravitailler ! le riz poisson menacera à tous les repas, petit-déjeuner compris !), avant les Tonga, et les Fidji .



A Suva (Fidji), nous chausserons les starting-blocks météorologiques, histoire de tenter d’éviter, sur les 1100 milles nautiques du parcours Suva-Whangarei (NZ), de se ramasser sur la tronche un bon vieux coup de vent de sud-ouest venu du Grand Sud…genre dépression sur le Golfe de Gascogne en hiver !



Allez, je vais prendre mon fichier Grib (vent, houle) sur le site américain de la NOAA, histoire de commencer à imaginer le bon moment pour franchir la passe de Maupiti…

Que c’est beau, tout de même Bora Bora…



Olivier
Photo 1 - Départ de La Rochelle, le 4 Août 2009.

Photo 2 - A tailler la route...

Photo 3 - Sur le vaste océan...

Photo 4 - Anniversaire de Marin, 12 ans, Portugal.

Photo 5 sur 36 de 77 - Mouillage à Baia de Abra, Madère.

Photo 6 - A Valle Gran Rey, Gomera, Canaries.

Photo 7 - A Sao Nicolau, Iles du Cap vert.

Photo 8 - Ile de Gorée, Sénégal.

Photo 9 - Au mouillage d'Elinkine, Casamance, Sénégal.

Photo 10- Dans le village de Vindaye, Casamance, Sénégal.

Photo 11 - Dans les rizières de Basse Casamance, sénégal.

Photo 12 - Passage aux Rochers Saint-Paul, au beau milieu de l'Atlantique.

Photo 13- Escale à Fernando do Noronha, au large du Brésil.

Photo 14 - Régate entre Jangada et une jangada, Fortaleza, Ceara, Brésil.

Photo 15 - La prof, les écoliers rebelles, et le CNED...

Photo 16 - En pleine mer, par beau temps, la récréation.

Photo 17 - Carnaval à Cayenne, Guyane française.

Photo 18 - Les ruines du bagne, sur l'île Saint-Joseph, Guyane.

Photo 19- Carnaval à Port of Spain, Trinidad.

Photo 20 - Passage en Martinique, Antilles françaises.

Photo 21 - Los Roques, Vénézuela.

Photo 22 - Cayo de Agua, Los Roques, Venezuela.

Photo 23 - Iles San Blas, Panama.

Photo 24 - Chez les Indiens Kunas, San Blas, Panama.

Photo 25- Canal de Panama.

Photo 26 - Entre Islas Perlas et Galapagos.

Photo 27 - Garanti bio!

Photo 28- A Isabella, aux Galapagos.

Photo 29 - Jeux d'eau, aux Tuamotus.

Photo 30- Dans les lagons des Tuamotus.

Photo 31- Adelie fait le quart, de nuit, avec son Papa...

Photo 32 - Arrivée sur la presqu'île, à Tahiti.

Photo 33 - Timothée, en vacances à bord de Jangada, fin juin 2010.

Photo 34- Dans le lagon de Bora Bora.

Photo 35 - Aéroport de Raiatea, 25 juillet 2010.

Photo 36 - Jangada au mouillage en Polynésie.