dimanche 31 janvier 2010

Billet N° 40 - En Guyane Française

- Du lundi 18 Janvier au lundi 1er Février 2010 -


Attachante Guyane.

Après avoir quitté Jericoacoara (état du Ceara) au petit matin du 12 janvier dernier, nous arrivons à Degrad des Cannes, le port de Cayenne, 6 jours plus tard. Une semaine pas passionnante pour moi, à remonter la côte du Nordeste brésilien, et deux escales décevantes, Luis Correia, dans l’état de Piaui, et Sao Luis do Maranhao, une belle ville dont nous n’avons vu, avec regrets, qu’un arrière port minéralier glauquissime sans possibilité de débarquer aucune…bref des escales de quelques heures avant de reprendre la mer. Le Nordeste n’est pas la région du Brésil la plus adaptée pour les voiliers en voyage, désormais on le saura et Olivier songe déjà à y revenir en Land Rover, par l’intérieur…

Le 18 janvier à l’aube, nous passons au nord des îlots Connétable, puis entre l’îlet La Mère et l’îlet Le Père, et nous engageons dans le long chenal qui mène à Degrad des Cannes. L’eau devient boueuse, nous remontons la rivière Mahury où sont désormais installés le port de commerce de Cayenne, la base de la Marine Nationale, et les 3 pontons branlants de la marina…Nous préférons mouiller dans la rivière par l’avant, et prenons un coffre par l’arrière, pour éviter de faire des ronds dans l’eau au moment de la renverse. Le courant dans la rivière est soutenu. Seul hic, le port de Degrad des Cannes est à 12 kms de Cayenne.

Au programme et en priorité nous souhaitions profiter d’être en « France » pour faire une bonne révision du bateau et de son équipage.

Médecin et analyses médicales pour Adélie qui perdait du poids depuis le départ : elle grandit mais ne mange pas beaucoup, aujourd’hui on sait que tout va bien et son appétit à terre nous rassure. Dentiste et solution d’attente pour le Capitaine. Informaticien pour reformater les ordinateurs du bord qui à force d’être connectés dans différents pays, cyber cafés etc…, et bidouillés par tout un chacun, étaient parasités. Un grand merci à Olivier, l’informaticien, spécialiste des ordinateurs récalcitrants… De plus, le logiciel Maxsea continuait de verrouiller une bonne partie des cartes marines d’Olivier, le Capitaine… Toutes ces démarches ont été grandement simplifiées grâces à des amis d’amis sur place, Arnaud et Sandra, charmants et accueillants, chez qui nous avons pu faire parvenir colis de pièces de rechange et courriers. Cela fait vraiment chaud au cœur de trouver des personnes sympathiques pour nous accueillir et nous recevoir quand nous arrivons ainsi en escale quelque part. Olivier profite également de l’escale pour vêtir son bleu de travail et fin bricoleur qu’il est, remet en état machine à laver, frigo, etc…Les enfants se sont mis à jour du CNED et les évaluations ont été postées à temps.

En parallèle de ce qui précède nous découvrons ce département d’Outre Mer avec beaucoup de curiosité et de plaisir. Ci-après quelques clichés en vrac de ce qui m’a marquée depuis que nous sommes en Guyane :

L’auto-stop : à quatre, avec des sacs souvent volumineux, nous avons toujours réussi à nous faire prendre en auto-stop dans les 5 minutes. Bon moyen de discuter avec les locaux et d’apprendre un tas de chose sur le pays. Brésiliens, métropolitains, créoles, surinamiens, haïtiens et asiatiques se côtoient harmonieusement semble-t-il, même si chacun a sa « spécialité » : les « métros » sont fonctionnaires, les brésiliens occupent les emplois les moins qualifiés (bois et bâtiment) et n’ont pas toujours bonne presse ici, les haïtiens sont spécialisés dans l’entretien des jardins, des maisons, la garde des enfants, et sont appréciés pour leur sérieux , les asiatiques comme partout détiennent les petits commerces. Une curiosité locale en Guyane : le village « Hmong » de Cacao, à une cinquantaine de kilomètres de Cayenne, dans la forêt, où les Hmong, originaires du Laos, cultivent toutes sortes de fruits et légumes qu’ils vendent au marché de Cayenne, trois fois par semaine.

Le marché de Cayenne : il est superbe, authentique, coloré, tellement bien achalandé, on trouve des variétés impressionnantes de fruits et légumes, tropicaux et aussi de nos contrées, des épices, des herbes. Tout est cultivé ici en Guyane, entre autre dans ce fameux village de Cacao.

Sous le marché couvert, on a dégusté des soupes vietnamiennes succulentes, parfumées, que l’on assaisonne à sa façon. Des tables communes, une toile cirée, et dessus, différents aromates, piments, sauces sojas, poissons, salades, herbes fraîches agrémentent votre soupe. Un régal !!! Egalement des cocktails de jus de fruit frais que l’on choisit à sa guise. C’est plein de saveurs, de couleurs et d’odeurs, un incontournable à Cayenne.

Les touloulous : on avait entendu parler de cette particularité locale du Carnaval guyanais. Alors une première fois samedi dernier vers 23h30, avec les enfants nous nous sommes rendus sur place « Chez Nana », une des deux institutions des touloulous, pour voir de près ce fameux phénomène mais sommes restés à l’extérieur admirer leurs tenues incroyables, l’entrée étant interdite aux enfants. Une deuxième fois hier soir avec Arnauld et Sandra et un couple de suisses qui est au mouillage avec nous, nous avons pénétré dans le deuxième lieu sacré des touloulous, « Chez Polina ». Ainsi tous les samedis soirs pendant la période du Carnaval, les femmes se déguisent pour aller danser. Leurs déguisements sont extraordinaires : chapeaux, perruques, masques, robes longues colorées, mordorées, plumes, rubans, gants et collants. On ne doit pas voir un mm2 de leur peau, on ne sait plus ni leur âge, ni la couleur de leur peau. Alors seulement elles peuvent pénétrer dans la grande salle de « Chez Nana » ou de « Chez Polina » pour frétiller, onduler, danser, et piquer (mouvement sec et évocateur du bassin…). Ce sont elles seules qui invitent les hommes à danser. Ces derniers n’ont pas le droit de refuser une danse à un touloulou, et doivent leur offrir un verre ensuite si elles le souhaitent. Elles ont, le temps d’une soirée, tout pouvoir, et cachées derrière leur masque, gêne et timidité s’évanouissent, elles se libèrent, se déhanchent au son de la musique du Carnaval. Les couples sont particulièrement collés-serrés, les mouvements du bassin sont sans équivoque…

Si une femme non déguisée s’approche de la piste, l’orchestre s’arrête immédiatement et tout se fige jusqu’à ce que l’intruse penaude sorte.

Comme je n’étais pas déguisée, j’étais sur une tribune sur le côté et j’ai pu admirer tous ces couples bariolés qui dansaient tellement bien, le rythme dans la peau, au son de l’orchestre qui jouait et chantait. Olivier s’était également réfugié dans la tribune, car là seulement les hommes ne sont pas invités à danser…

La salle était comble vers 02h00 du matin, une étuve, et vus d’un peu haut les couples de danseurs ne semblaient former qu’un seul corps qui ondulait en cadence, c’était captivant !

Ce n’est absolument pas un spectacle pour les touristes mais une authentique coutume locale. Cette tradition des touloulous que l’on ne trouve qu’ici en Guyane pendant la période du Carnaval, attire de nombreuses adeptes venues de tout l’arc antillais, et des pays frontaliers.

Saint Georges de l’Oyapock : au sud est de Cayenne, à 2h30 de voiture par une route qui date de 2004, (avant seuls l’avion ou le bateau reliaient ce bourg à Cayenne), se situe Saint Georges de l’Oyapock, autrement dit le bout du monde…

Un bourg frontalier avec le Brésil, la rivière séparant les deux pays, où se croisent des brésiliens chercheurs d’or, des légionnaires, des filles de joie, et Modestine la tenancière du restaurant de la place, grande amie de Jacques Chirac parait-il, des drôles de tête, des regards louches… Nous y sommes arrivés en fin de journée, sous une légère pluie tropicale, la terre sentait bon, la forêt nous entourait, la rivière semblait fumer, une ambiance si particulière régnait dans ce bled décati et mystérieux, inquiétant et dépaysant. Je me disais que ce coin de forêt perdu dans l’immense forêt amazonienne était aussi la France et cela était étrange…

Heureusement que nous sommes tombés sur Christian, enseignant bourlingueur retraité qui a fini sa carrière ici, car le réservoir de la Clio de location était à sec et la seule station n’ouvrait que le lundi, nous étions le samedi soir… Il a appelé un ami brésilien de l’autre côté de la rive qui nous a apporté quelques litres d’essence pour faire les 200 bornes qui nous séparaient de Cayenne.

Sur la route un barrage militaire de contrôle, ça sentait vraiment l’aventure par là bas…

La forêt : A l’heure où j’écris, je n’en ai eu qu’un léger aperçu, mais j’ai vraiment apprécié la jolie marche que nous avons faite dans la forêt primaire dense, luxuriante, humide et bruyante. Les arbres semblent s’élancer vers le ciel pour attraper la lumière, les lianes s’entrelacent. Adélie a particulièrement été fascinée par un ficus étrangleur qui s’enroulait autour des troncs pour s’aider à se hisser haut vers le ciel.

J’apprécie ce petit morceau de « France » outremer, et toutes les personnes rencontrées s’y plaisent. Le terrain de jeu est conséquent : la forêt, les rivières, la mer, les îles, le parapente, les randonnées, etc…et nous n’avons pas encore tout vu : la station spatiale de Kourou, les îles du Salut, … (dans un prochain billet).

On prévoit le doublement de la population dans les 10 ans à venir en Guyane, on sent un pays jeune, métissé, en pleine mutation économique. La distribution et la consommation sévissent ici depuis peu, le parc automobile est impressionnant. Certes c’est dynamique mais aussi fragile et on imagine bien que cela pourrait devenir vite explosif. 35 % de la population est au chômage, la vie est super chère, 40 % de plus qu’en métropole. Les mouvements sociaux fréquents, (nous avons du subir 48H00 de grève des transporteurs qui bloquaient toutes les routes…).

De passage, on ne retient que le meilleur…

Barbara
Plage de Degrad des Cannes, à la saison des pluies

Ballade en forêt amazonienne française

Densité et luxuriance de la forêt

Maison créole traditionnelle de Guyane

Le célèbre bar des Palmistes, à Cayenne

Le marché de Cayenne

Accras au marché au poisson de Cayenne, joli sourire...

Punchs locaux à gogo

Cocktails de fruits pour les petits...

... et soupes vietnamiennes délicieuses pour les grands.

Un joli produit d'exportation métropolitain, la grève des transporteurs!

Les touloulous!

Chez Polina...




Grâce et déhanchement...

coiffes et loups...

dimanche 24 janvier 2010

Localisation - CARTES

Merci à Louis Mesnier pour la réalisation de ces cartes sur le logiciel Metafishery de CLS !

Pour info, les positions intermédiaires ont une couleur variable car le soft sert à la surveillance des pêches

-rouge : <3 nœuds
-bleu : 3 à 6 nœuds
-vert : >6 nœuds


Descente de l'Atlantique


Traversée de l'Atlantique

Ces cartes ont été réalisées par Metafishery de CLS,


lundi 11 janvier 2010

Billet N°39 - Dans un spot branché du Ceara…

Dimanche 10 et Lundi 11 Janvier 2010
Jericoacoara, pas facile à prononcer, mais très branché !
Nous souhaitions, sur la route de la Guyane, faire une ou deux escales sur la côte nord du Brésil, avant de visiter Sao Luis du Maranhao.

Mais nous obtenons très peu d’informations positives sur les escales potentielles dans cette région du Brésil.

Il y a Fortaleza , biensûr, la capitale du Ceara, mais le seul mouillage possible, en dehors de la marina d’un grand hôtel de standing, est celui de Mucuripe (le quartier chaud), réputé mal famé et dangereux la nuit.

Nous entendons parler d’un ancien village de pêcheurs, devenu lieu de villégiature de quelques vacanciers plutôt haut de gamme : Jericoacoara, les connaisseurs disent Jeri.

Il est situé à environ 280 kms dans l’ouest de Fortaleza, dans une région de dunes et de lagunes d’eau douce.

Comme carte marine de détail, nous avons le plan du village du guide Lonely Planet…

Un peu juste, mais va pour Jeri !

Dès le lever du jour, vers 05H00 le 10 Janvier, nous serrons la côte dans des eaux peu profondes, et croisons quelques jangadas gagnant leurs bancs de pêche à la voile.

Nous doublons la pointe de Jericoacoara, et découvrons la petite baie qui abrite le village.

De grandes dunes de sable blond viennent mourir dans la mer, et l’endroit ressemblerait presque à une oasis du Sahara, avec ses palmiers et sa végétation plutôt luxuriante, s’il n’y avait le ballet incessant des véliplanchistes et des kite-surfers (une bonne adresse Vincent ! notre webmaster est un as du kite) qui déroulent des « runs » à des vitesses vertigineuses parallèlement à la plage, et bientôt au ras de nos tableaux arrière.

Nous mouillons au moins mauvais endroit possible, mais à l’ouvert de la baie, car il y a peu d’eau et l’accès au rivage est partout défendu par des barrières continues de rouleaux déferlents. Vive le surf, d’ailleurs il paraît que Jésus lui-même, bref…

Jeri est devenu depuis quelques années un spot connu de surf, windsurf et kite-surf : le vent thermique se renforce au fil des heures de la matinée jusqu’à atteindre force 6/7 en milieu de journée, puis il décroît progressivement l’après-midi pour redevenir le soir une agréable brise qui permet d’aller tranquillement siroter sa caïpirinha dans l’un des nombreux bistrots de la plage, en écoutant du forro, la musique traditionnelle du Nordeste.

En 1984, le « Washington Post » classa Jericoacoara parmi les 10 plus belles plages du monde, ce qui à mon avis est un poil surfait, et à partir de là, les pousadas (auberges familiales) ont progressivement remplacé les cabanes de pêcheurs…

Notre ami rochelais Bernard, qui y avait posé, sans doute pour un soir, les étraves de ses deux Hobie Cat 18 lors de sa « Route des Emeraudes » reliant la Guadeloupe au Cap Horn il y a de cela une vingtaine d’années, sera probablement surpris et déçu d’apprendre qu’il n’y a plus un seul pêcheur à Jericoacoara !

Ils se sont tous convertis aux activités touristiques de ce qui est devenu peut-être le spot le plus branché du Nordeste brésilien !

Les boards dernier cri des surfers en tous genres et leurs voiles multicolores ont remplacé les antiques embarcations de pêche que l’on remontait sur la plage tout en haut de la laisse de mer.

Les derniers irréductibles gens de mer ont du partir de l’autre côté de la baie, à Camocim.

Ceci dit, le village de Jeri est resté agréable : quatre petites rues de sable parallèles qui conduisent toutes à la plage, aucun building, pas un hôtel. Simplement, il a bien changé : quelques boutiques luxueuses, une flopée de magasins de surf, et, partout, des loueurs de buggies.

Mais ce que j’ai préféré, ce sont les hamacs, tous plus jolis les uns que les autres.
Le mouillage est exposé, le bateau bouge pas mal, mais l’ancre a bien croché.

Adélie rêve d’aller escalader les dunes, et Marin a déjà son body-board sous le bras.

Barbara et moi sommes curieux de voir à quoi ressemble le village de Jeri.

Nous passons un bon moment dans l’annexe à essayer de trouver un endroit pour débarquer, mais finalement, il faut renoncer, sauf à prendre le semi-rigide et son moteur de 15 CV sur la tête…

Je m’approche au maximum et …largue mes 3 passagers par-dessus bord : tous à l’eau, bidon étanche en remorque, direction la plage, en passant par les rouleaux !

Je les rejoindrai plus tard, mais pour moi le chemin sera encore plus long, car je dois laisser l’annexe sur son ancre au-delà de la zone des rouleaux déferlents. Jolie partie de palmes.

Au pied de la grande dune qui borde le village, les buggies et les motos de location foncent à 100 km/h sur le sable au ras de l’eau…

Tout semble permis à Jeri, le Brésil est un pays jeune, l’écologie viendra plus tard, peut-être.
Olivier


Au mouillage de Jericoacoara.


Sur laplage de Jeri.


Les dunes du sertao viennent mourir sur le rivage...


mais favorisent l'expression...


... des enfants!


Dans les rues de sable de Jericoacoara.


Chacun sa foi...et Dieu pour tous.


Un magasin branché, au sol de sable, qui plaisait beaucoup aux enfants.


Le modèle adopté par l'équipage sobre et de bon goût, biensur.


Nous sommes passés maîtres dans l'art de choisir nos cyber-cafés...

samedi 9 janvier 2010

Billet N°38 - au large des côtes du Ceara brésilien…

9 Janvier 2010,

Rencontre de Jangada avec … une jangada !

Le 9 Janvier, nous faisons route sous voiles hautes au large de la côte brésilienne du Ceara, l’état du Nordeste, en provenance de Jacare, sur le Rio Paraiba.

Nous avons doublé le Cap Sao Roque (extrémité orientale de l’Amérique du Sud), au nord de Natal, au cours de la nuit, et laissons porter grand-largue vers l’ancien village de pêcheurs de Jericoacoara, à près de 300 kms dans l’ouest de Fortaleza.

La côte est débordée, comme souvent dans le nord du Brésil, jusqu’à une douzaine de milles au large, par de nombreux récifs qui obligent le navigateur à se tenir à distance du littoral. Depuis que le jour s’est levé, nous avons aperçu ça et là les voiles à livarde caractéristiques des jangadas du Nordeste, qui ont remplacé, avec l’arrivée du jour, les petites lampes hésitantes de la nuit, qui leur servent de feu de navigation.

Il fait beau, l’alizé de sud-est souffle à 15 nœuds seulement, ce qui est plutôt léger pour les côtes du Ceara, le long desquelles le vent et la mer sont souvent soutenus.

La mer est bleu clair, très lumineuse, presque aveuglante, les fonds sont faibles, de l’ordre d’une vingtaine de mètres à 15 milles au large. L’eau est chargée de fines particules de sable blanc en suspension. La réverbération est très forte.

Depuis une heure ou deux, je cherche l’occasion de croiser la route de l’une d’entre elles, sous voiles, pour vivre un moment attendu…

A trois ou quatre reprises, nous apercevons sur la ligne d’horizon la silhouette si caractéristique de leur voilure, mais elles sont trop loin de notre route.

Et puis soudain, vers 16 heures, l’occasion espérée se présente !

Elle va passer à 2 ou 3 milles devant nos étraves, de retour de son banc de pêche, faisant voiles vers sa plage de départ, du côté de Canoa Quebrada, où les pêcheurs vivent, pauvrement, dans des huttes de palmes, les « cachairas ».

Les jangadeiros sont ces marins qui arment les jangadas (http://jangadanantes.free.fr/description.htm#origine) : la plupart sont des caboclos, des métis d’indiens, aux yeux souvent d’un vert-bleu incroyable, presque transparent, à la peau tannée, ridée, brûlée par le soleil et le sel de la mer, que les embruns, permanents à bord des jangadas dont le franc-bord ne dépasse pas une vingtaine de centimètres, cristallisent dans le vent musclé du Ceara.

J’ai beaucoup de respect pour ces hommes en voie de disparition, comme leurs embarcations qui remontent à la nuit des temps : ils sont pêcheurs par nécessité, pour nourrir leur famille et élever leurs enfants, et marins par hérédité.

De milliers de jangadas au siècle dernier, sur les rivages du Pernambuco, du Rio Grande do Norte, et du Ceara, il n’en reste que quelques centaines aujourd’hui, et de moins en moins chaque année, mais pour combien de temps encore ?

Heureusement, l’état du Ceara, qui compte le plus grand nombre de jangadas du Brésil, en a fait son emblème, et commence à protéger ce patrimoine maritime, faute de pouvoir préserver le savoir-faire que ces hommes mettaient une vie à acquérir, avant d’espérer pouvoir le transmettre à leurs enfants.

Nous avons croisé, en effet, sur les mêmes bancs, des bateaux de pêche en bois, à moteur, sûrement plus productifs que ces embarcations traditionnelles, qui ne ramènent, d’ordinaire, que quelques kilos de poisson par sortie. Le poisson est capturé à la ligne, à la palangrotte, ou au filet.

Les jangadeiros ont tout un monde de croyances, comme la plupart des hommes de mer qui vivent au plus près de l’océan : ils semblent communiquer avec la mer dans un autre espace-temps que le nôtre, et leur vie conserve à mes yeux une part de mystère malgré son apparente simplicité.

La jangada est une des plus anciennes embarcations du monde : quand les Portugais sont arrivés au Brésil, au début du XVI ème siècle, ils n’ont pas du être surpris de rencontrer ces radeaux qu’ils avaient déjà vus, à peu près similaires, quelques dizaines d’années auparavant, sur les côtes de Ceylan et de Malaisie.

A l’origine, radeau précaire fait de troncs de balsa ligaturés par des fibres végétales, la jangada s’est vue dotée ultérieurement, sans doute sous l’influence des navigateurs portugais, d’une voile à livarde en coton d’environ 15 m2 (souvent de multiples fois rapiécée, et brûlée par le soleil ardent du Nordeste), d’un mât de bois à la partie supérieure très souple pouvant atteindre jusqu’à 12 mètres de hauteur, qui encaisse aisément les surventes en laissant porter, et dont le pied est réglable (à la façon d’une planche à voile) dans la « carlinga », une planche d’assise percée de 3 à 6 trous de réglage de chaque bord.

L’étambrai, quant à lui, prend la forme d’un banc ligaturé percé d’un trou, « o banco de mastro ». La bôme s’appuie sur le mât par l’intermédiaire d’une fourche de bois.

Le barreur, à l’arrière, le « mestre », est assis sur « o banco do mestre ».

J’ai connu, dans les années 75/80 du siècle dernier, les dernières « jangadas de piuba » réalisées de 6 à 8 troncs de « pau de jangada », le bois de balsa, facile à travailler, extrêmement léger, mais poreux. Ces troncs, biseautés aux deux extrémités, étaient chevillés et ligaturés par des cordages. Une pagaie allongée tenait lieu de gouvernail, tandis que la « sambura », le panier d’osier dans lequel les jangadeiros mettent le poisson pêché, était attachée au pied du mât. Une dérive, et une ancre faite d’une grosse pierre enchâssée dans trois bâtons ligaturés entre eux, complètaient l’armement précaire de ces embarcations à la fois rudimentaires, mais au maniement sophistiqué.

Ces jangadas de piuba avaient un inconvénient : elles devaient systématiquement être remontées haut sur les plages, sorties de l’eau et roulées sur des bâtons de bois à la force des bras, hors d’atteinte de la marée, car le bois de balsa était sensible au pourrissement. Les voiles, elles, doivent être séchées au soleil, pour éviter la moisissure. Malgré ces précautions, la durée de vie de ce type de la jangada de piuba ne dépassait pas deux années.

Le bois de pau est devenu rare dans le Nordeste, il est désormais protégé par le gouvernement, et sa coupe est interdite.

A partir des années 60, un autre type de jangada s’est développée, la « jangada de tabua » : plus moderne, c’est celle que l’on rencontre encore aujourd’hui. Les troncs de balsa ont été remplacés par une coque pontée, en planches de bois d’ouro, qui abrite un petit espace abrité, de seulement quelques dizaines de centimètres de hauteur, accessible par une petite écoutille.

Les jangadeiros y entreposent maintenant le poisson pêché, et les moins claustrophobes d’entre eux peuvent y dormir quelques heures à tour de rôle lorsqu’ils partent en mer pour plusieurs jours.

La durée de vie des jangadas de tabua est de l’ordre d’une dizaine d’années.

La voile à livarde est toujours là, le pied de mât réglable aussi, mais l’aviron de gouverne a été remplacé par un petit gouvernail, et la dérive, autrefois ligaturée, glisse maintenant dans un puits.

Mais le franc-bord n’a pas vraiment augmenté…, et les jangadeiros naviguent les pieds dans l’eau le plus souvent. Pas de garde-corps évidemment, attention à la chute à la mer, et aux requins-marteaux, qui rôdent, nombreux, dans ces eaux…

Ils partent pêcher sur les bancs qui jalonnent le littoral des 3 états du Nordeste, se nourrissant essentiellement de « pirao », la purée de tapioca accommodée de poissons, le tout cuit à l’abri du vent dans des gamelle de fer. Un petit baril d’eau assure la boisson.

Les jangadeiros pratiquent plusieurs types de sorties de pêche : à la journée, ils vont sur les bancs les moins éloignés, « taci » à 4 ou 5 milles de la côte (de 5 à 10 mètres de fond), « coruba » à une dizaine de milles (20 mètres), ou encore « carreira das pedras », à une quinzaine de milles (30 mètres).

Mais certains jangadeiros n’ont pas froid aux yeux : ils partent au large, jusqu’à une centaine de milles marins de leur plage de départ, pour plusieurs nuits en mer : on les appelle « jangadeiros do alto ».

Depuis la passerelle de veille des cargos de la Compagnie de Navigation d’Orbigny, à la fin des années 70, il m’est arrivé de rencontrer ces jangadas do alto, incroyablement précaires, pratiquant la pêche en haute mer…

A l’époque, indétectables au radar au milieu des vagues de l’alizé, elles montraient, sur la route des cargos qui escalaient au Brésil, de préférence au dernier moment et au mieux, la petite luciole chancelante d’une simple lampe à pétrole…

J’ai constaté que le gouvernement brésilien avait obligé les jangadeiros d’aujourd’hui a embarquer désormais une bouteille de gaz, qui alimente un feu plus visible qu’auparavant.

Tant de jangadas ont du aller par le fonds au fil des années…

Pour naviguer, les jangadeiros n’embarquent ni cartes, ni compas. Ils utilisent les amers de la côte, et quand ils la perdent de vue, ils mettent à contribution leur prodigieuse expérience de l’observation : vent, houle, soleil, étoiles, Lune.

Chaque lieu de pêche est repéré oralement par le « caminho » et l’ « assento », le chemin et l’assise, que l’on peut assimiler à une sorte de longitude et de latitude du banc de pêche.

C’est toujours étonnant de passer, comme nous l’avons fait à plusieurs reprises au large du Ceara, à proximité d’une jangada mouillée sur son ancre de pierre et de bois, pour nous au milieu de nulle part, à 15 milles de la côte, mais pour le jangadeiro sur un lieu de pêche prisé et souvent tenu secret. Au mouillage sur son lieu de pêche, la jangada se met biensur face au vent et au courant, : elle tangue sensiblement, et les embruns aspergent le pont en permanence.

Ainsi va la vie des jangadeiros, au soleil brûlant du Ceara…

En 1942, Orson Welles, tombé lui aussi sous le charme des jangadas du Nordeste, avait réalisé un film, « It’s all true ! », qui relatait l’épopée, entre Fortaleza et Rio de Janeiro, de courageux jangadeiros, bien que cet usage de la jangada soit peu conforme à la réalité maritime.
Pour l’heure, notre jangada de rencontre file bon train, 6 bons nœuds, vers la côte, vent de travers.

Nous allons lui fondre dessus comme un oiseau de proie sur celle-ci. L’équipage de « Jangada » au complet est aux postes de manœuvre, chacun son bout ! J’ai expliqué à chacun son rôle, le mien étant, une fois notre catamaran réglé à l’allure souhaitée, de prendre des photos !

Marin est à la barre, Barbara à l’écoute de grand-voile, Adélie à l’écoute de solent…

Allez, c’est parti, on empanne, et on vient du grand largue au vent de travers, jusqu’à faire route parallèlement à la jangada, en restant légèrement à son vent, soleil dans le dos oblige.

Les jangadeiros , toujours curieux des techniques de la voile, ont du voir la manœuvre : ils ne sont plus qu’à un mille environ, et doivent se demander ce que peut bien leur vouloir ce voilier à deux coques qui s’est dérouté et fonce droit sur eux…

Au vent de travers, dans ces conditions, notre cata accélère et marche à 10 nœuds, nous nous rapprochons vite, et passons à leur vent à une quarantaine de mètres.

Grandes salutations des bras et grands sourires, j’immortalise la scène.

Et montre aux jangadeiros le nom de notre voilier, visible sur la bôme, ce qui les amuse et les surprend..

J’ai le temps de voir le « mestre » demander au « bico de rebique » de mouiller la voile : « Agua o pano ! Agua o pano ! » Les voiles en coton des jangadas, usées jusqu’à la trame, ont une fâcheuse tendance à laisser passer le vent…

Il faut les mouiller régulièrement, pour que le tissu soit un peu plus étanche au souffle de l’alizé. La jangada gagne ainsi quelques dixièmes de nœuds supplémentaires.

Le geste du jangadeiro préposé à cette tâche est empreint d’une grande esthétique, façonnée au fil du temps et de l’expérience.

La séquence n’aura duré qu’une à deux minutes, nous laissons à nouveau porter, laissant la jangada suivre sa route vers les récifs et sa plage de départ.

Nul doute que les conversations doivent aller bon train parmi ces jangadeiros, sur cette rencontre de fortune.

A bord de « Jangada », encore sous le charme de ces images, je suis heureux d’avoir pu faire comprendre aux miens pourquoi j’ai donné ce nom à mon premier voilier, il y a plus de 30 ans…

Cette nuit, il faudra veiller les petites lucioles des jangadas…
Olivier



Soudain, au large de Fortaleza, une voile apparaît, une jangada!


Une jangada, c'est avant tout esthétique.


On lui donne la chasse, mais pour la bonne cause ... photographique!


Retour de pêche, vers la praia dos pescadores.


La jangada, armée ici par 4 pêcheurs, file environ 6 noeuds.


Navigation au large les pieds dans l'eau...


... à plusieurs dizaines de milles de la terre.


En pêche, la jangada est sur son ancre par 30 mètres de fond.


Gréement affalé, voile ferlée, remarquez la bouteille de gaz qui alimente la petite lampe, pendant la nuit.


Vu sur le catamaran Jangada, vous savez maintenant pourquoi!

LES PHOTOS ARRIVENT DES QUE POSSIBLE (Vincent)

vendredi 8 janvier 2010

Billet N°37 - Souvenirs souvenirs, d’un autre temps.

Souvenirs en noir et blanc, ou d’une époque à l’autre…

Thanks to my brother, qui fournit à Jangada V non seulement une balise Argos et un suivi de trajectoire (Louis, tu gardes l’enregistrement de tous les positionnements, comme ça quand je serai vieux, je tracerai la route parcourue par notre voilier sur 3 planisphères, un pour chaque océan, cela me rappellera des tas de souvenirs, et je pourrai encore raconter mes guerres, à mes petits-enfants cette fois !), mais aussi parfois des photos numérisées…

En Décembre 1982, j’invite donc mon frère aîné à venir me rejoindre à Ziguinchor, en Casamance, il ne se fait pas prier, et, ensemble, nous traversons l’Atlantique vers le Brésil. Mon frère a pris ces photos à bord à cette occasion, et notre mère a longtemps gardé sur sa cheminée la photo de notre arrivée à Bahia.

(On voit bien sur ces images, entre autre à son regard parfaitement intelligent, et à sa tenue plus sérieuse, quoique l’allure générale soit en train de se dégrader après 3 semaines de mer, que mon frère est un brillant ingénieur Sup-Aéro, alors que le vent de la contestation de l’ordre des choses établies sans moi voire contre moi souffle dans la voilure de mon premier bateau, et sur mon visage de barbudo de l’océan…

Euh, c’est vrai que sur ces photos, j’ai plus de cheveux sur le crâne qu’aujourd’hui…)

Si je m’essaye à comparer les choses entre la navigation à voile en grande croisière à cette époque et celle d’aujourd’hui, 30 ans plus tard (ce premier Jangada a été construit entre 1976 et 1981) que me vient-il à l’esprit ?
• Mon premier bateau, qui était un monocoque alors que celui-çi est un catamaran, était 30% plus court que celui d’aujourd’hui, il déplaçait (conformément à la découverte d’Archimède, le poids du volume d’eau déplacé par la carène d’un bateau est égal au poids de ce bateau ! enfin, du moins tant que ce dernier accepte de flotter, sinon y a un souci, capelez les brassières ! c’est pour cela que l’on parle de déplacement, et non de poids, terme qui fait moins averti…) 30% de moins, portait 2 fois moins de voilure et marchait en moyenne et au minimum 2 fois moins vite dans toutes les conditions.
• Quant à la surface de pont, si je fais simple, elle était pour le premier de 10,00 x 3,40 = 34 m2, et pour celui-çi de 15,55 x 8,60 = 134 m2, soit près de 4 fois plus à l’avantage du catamaran !!!

Quand on vit à bord en famille avec des enfants…
• La puissance de son moteur, monocylindre horizontal (que je pouvais démarrer à la manivelle si besoin), était de 12 CV sur le premier contre 100 CV sur celui-çi (2 fois 50 CV, 1 moteur dans chaque coque)… et 200 litres de gas-oil, contre… 1400 litres !

• Il n’y avait pas d’enrouleur de voile d’avant à l’époque, on se coltinait donc la manipulation (fastidieuse, et souvent fatigante pour le solitaire) de voiles d’avant endraillées sur mousquetons, qu’il fallait tour à tour affaler, plier, ranger dans leur sac, sortir de leur sac, déplier et endrailler, en fonction de la force du vent : génois léger, génois lourd/yankee, foc de route, trinquette, tourmentin.
• Les pilotes automatiques électriques ou électro-hydrauliques pour voilier n’existaient pas en pratique non plus, ils en étaient à leurs balbutiements, et n’étaient pas fiables, alors qu’ils consommaient beaucoup. Le premier Jangada était donc équipé, sur son tableau arrière, de ce que l’on appelait un « régulateur d’allures » (le mien était un Atoms), un systéme entièrement mécanique qui comportait un aérien qui détectait la variation de cap du bateau par rapport à la direction du vent, et une pale immergée qui allait puiser dans l’eau, grâce à la vitesse du bateau, l’énergie nécessaire à la correction de l’angle de la barre franche au moyen de l’action sur celle-çi de deux drosses en textile, de façon à faire revenir le bateau à l’angle souhaité par rapport au vent. Il fallait de l’expérience pour optimiser le fonctionnement de cet appareil qui devait faire dans les 2 mètres de hauteur, et avait le poids d’un équipier. Mais quand on avait tout compris des humeurs de la bête, on l’appréciait à sa juste valeur, car il permettait de naviguer en solitaire, et donnait un bon coup de main aux équipages réduits.

Sur notre catamaran, nous avons un pilote automatique qui comporte une seule unité électronique, mais deux ensembles de puissance (un seul en fonctionnement) qui actionnent les bras de mèche des safrans.

Le premier est un vérin électrique, installé dans le coqueron arrière tribord, bien au sec : c’est celui que j’utilise, car sa consommation électrique est moindre que celle du deuxième, un vérin hydraulique installé dans le coqueron arrière babord, également bien au sec.

• Sur le plan de l’énergie de service, le premier Jangada se contentait d’un alternateur attelé au moteur, et d’une petite éolienne qui débitait à peu près que dalle…

La nuit, en guise de feux de navigation, j’allumai une petite lampe à pétrole, que je suspendais au-dessus du cockpit…

Le tout allait bien avec ma philosophie et surtout, ma situation matrimoniale du moment !

Notre catamaran, à côté, est une centrale EDF : 2 alternateurs attelés aux moteurs principaux, 6 panneaux solaires de 100 W chacun, un petit groupe électrogène mobile de 2000 W, et 2 onduleurs qui fournissent du 220 V alternatif à partir du 24 V continu pour recharger tous les petits appareils électriques et électroniques du bord .

• Pas de déssalinisateur ni de frigo sur le premier Jangada, alors que notre catamaran en est équipé. Mais pas d’emmerdements non plus, alors que, bref…

Pas de douche sur le premier Jangada (j’avais seulement une douche solaire de camping à suspendre), contre un vrai cabinet de toilette avec douche (et eau chaude lorsque le moteur babord a tourné dans les dernières 48 heures), et douchette sur la jupe arrière babord du catamaran.

Sans parler de la … machine à laver le linge (capacité 3 kgs), en 220V, démontée en pièces puis remontée dans le coqueron arrière babord (à cause de l’exiguïté du compartiment) de notre catamaran, machine avec laquelle Barbara entretient apparemment des relations quasi-mystiques (mais je la comprends !).

• Question appareillage de navigation, le premier Jangada avait un loch-enregistreur Shark Plastimo qui, tous les centièmes de mille, soit 18,52 mètres, émettait un petit « clac » mécanique dont la fréquence, à force, m’indiquait à l’oreille, au 10ème de nœud près, la vitesse du bateau, sans que j’ai besoin de regarder le cadran. Il avait également un sondeur Seafarer à éclats, et un radio-goniomètre d’utilité plus que limitée. Et comme le bateau était en acier, le compas magnétique de route indiquait parfois, malgré sa compensation, le cap à … 30° près, selon l’angle de gîte du bateau… !!! Pas de radar, pas de GPS. Le véritable instrument de navigation du bord, le seul qui soit précis, c’était mon sextant Freiberger Yacht (http://fr.wikipedia.org/wiki/Sextant ), associé à des tables de navigation classiques (Tables 900), et, éventuellement, à une machine à calculer. La vérité, c’est que, sortant d’une dizaine d’années de pratique professionnelle intensive de la navigation astronomique au sextant, j’apparaissais, modestement je vous assure, comme un gourou de cet art maritime par rapport à la plupart des autres navigateurs de rencontre, qui galéraient avec la trigonométrie sphérique. Il m’arrivait souvent, aux escales, d’avoir à partager ce savoir avec d’autres voyageurs. J’ai à peu près tout oublié aujourd’hui, mais à l’époque, la méridienne et la droite de hauteur de soleil étaient le B A BA ; le plus prisé, car il donnait une position précise en l’espace d’une vingtaine de minutes, était le point avec 3 étoiles au minimum. Lequel ne se pratiquait que peu avant le lever du soleil, ou peu après son coucher, car il fallait voir l’horizon avec netteté, en même temps que les 3 étoiles choisies, éventuellement à l’aide d’un star-finder. Je me rappelle avoir écrit, à l’époque, quelques articles sur le sujet dans un magazine nautique ; si certains veulent avoir une idée de ce que ce sujet pouvait donner, je les fais figurer en annexe çi-après, mais … bon courage !

Allez, une anecdote.

Savez-vous qu’à l’époque, j’avais toujours à bord avec moi, dans ma bibliothèque de navigation, un petit livret très bien fait : il avait pour titre « Le Guide des Etoiles », aux « Grandes Editions Françaises ». Je l’ai beaucoup utilisé pour me repérer dans les constellations du ciel. Mais savez-vous qui en était l’auteur ?

Un certain Capitaine de Vaisseau Pierre SIZAIRE, membre de l’Académie de Marine… !!!

Tiens tiens, Sizaire, connu ce nom-là, à La Rochelle ! Hein Béru, l’avocat fiscaliste préféré de nombre de chefs d’entreprises rochelais…

Hé oui, Pierre Sizaire, dont descend directement notre indispensable Béru ! Pierre Sizaire, qui a aussi écrit « Le Ciel et la Mer », illustré par le peintre de la Marine Marin-Marie, ou encore « Astronomie Nautique », cours de l’Ecole Navale, et « Les Termes de Marine » (merci Hubert, de me l’avoir offert), ou encore « Le Parler Matelot ». Une sommité en matière de nav, le Captain Sizaire.
Aujourd’hui, le positionnement GPS a remplacé la navigation au sextant, permettant à de nombreux voileux de s’éloigner des côtes, alors qu’ils étaient auparavant soit plus avertis en matière de navigation, soit plus aventuriers dans l’âme…

A bord de notre catamaran, j’ai 2 GPS fixes, et un GPS portable. Le GPS fixe principal est interfaçé avec à peu près tous les autres appareils de navigation du bord.
Je vais vous faire deux aveux, dont je ne suis pas spécialement fier, mais ils prouvent que les temps ont bien changé : le premier, c’est qu’en toute connaissance de cause, j’ai longtemps hésité à embarquer ou pas, pour ce voyage, mon sextant et mes tables de navigation, et, finalement, je ne l’ai pas fait (un sextant est relativement encombrant avec sa boîte en bois). J’ai jugé que c’était inutile. Le deuxième, c’est que depuis notre départ de La Rochelle, je n’ai jamais enlevé le capot de plastique qui recouvre le gros compas de route de la console de barre…

Pour autant, n’allez surtout pas croire que je suis un inconditionnel de la navigation électronique, pas du tout, je suis toujours très attentif à vérifier le cap du bateau, mais en prenant des repères naturels, sans avoir besoin de consulter un compas magnétique.
Notre catamaran est également équipé d’un petit radar, d’un récepteur AIS, et d’un récepteur Navtex, trois appareils que j’utilise peu., car je trouve leurs performances techniques limitées.

Par ailleurs, une centrale de navigation me donne en permanence plus d’infos qu’il ne m’en faut, comme par exemple la température de l’eau de mer, tiens 29,0°C à l’instant, alors que nous naviguons à 2 milles de la côte du Nordeste brésilien, dans 8 mètres d’eau., en route pour le petit port de Luis Correia.

Enfin, un logiciel de navigation Maxsea synthétise tous ce fatras moderne sur mon ordinateur, ce qui malgré tout contribue désormais à réduire l’aspect navigation à une activité secondaire en mer.
• Mais, avec la navigation, c’est peut-être encore en matière de télécommunications que la différence est la plus voyante entre les deux époques.

A bord du premier Jangada, les choses étaient simples : il n’y avait qu’une VHF fixe, point barre. Pour le reste, c’était courrier manuscrit en poste restante, ou bien téléphone international depuis la terre.

A côté, notre cata d’aujourd’hui fait figure de chalutier russe en mission d’espionnage du côté de la base américaine de Guantanamo…

VHF fixe, VHF portables, BLU Icom, téléphone par satellite Iridium. Et pour la messagerie e-mail au large, 2 logiciels, Sailmail avec la BLU (un système très peu onéreux génial, utilisant la BLU, mais aléatoire et qui demande du doigté), et Skyfile avec le téléphone par satellite (système payant, cher, mais rapide et très efficace).

Et, pour la sécurité radio, rien à bord du premier Jangada, mais 2 balises de détresse et une balise Argos à bord du catamaran.
Et pourtant, et pourtant, vous me croirez ou pas, toujours est-il que notre voilier d’aujourd’hui, s’il est, c’est clair, bien équipé, n’a aucun équipement technique vraiment superflu. Sa conception le maintient dans le registre des bateaux de grande croisière efficaces et sûrs, mais sans fioritures inutiles.

Aujourd’hui, de nombreux autres voiliers de voyage ont à bord de nombreux équipements supplémentaires, qui, à mon goût, contribuent plutôt à en faire des usines à gaz que de bons bateaux pour tailler la route et aller loin avec le minimum d’emmerdements.

Notre catamaran est un bon compromis, les fonctionnalités essentielles y sont techniquement correctement traitées, c’est très important.

Car il ne faut surtout pas oublier cet aspect des choses : la mer reste un milieu naturel particulièrement exigeant pour le matériel.

Et Barbara, qui voit le temps que je passe à faire marcher le bazar, l’outil souvent à la main, serait la première à vous dire que pour faire fonctionner, maintenir en bon état, et dépanner l’ensemble des appareillages techniques d’un voilier comme Jangada V, il faut déjà un certain bagage technique, faute de quoi votre joli voilier se trouve assez vite réduit à l’état de pirogue…

A titre d’exemple, quels sont les équipements qui nous ont causé des soucis techniques depuis le départ ? Réponse : les éléments de « confort », comme le déssalinisateur, le frigo, et … la machine à laver !

Le challenge, c’est bien de trouver le bon équilibre entre confort minimum suffisant pour naviguer longtemps en famille (cela, par ailleurs, ne suffit pas forcément à assurer le succès de cette difficile entreprise…), et réduction des emmerdements au minimum possible.
Olivier

Le premier Jangada au mouillage en Casamance, Décembre 1982.



Mon frère Louis et moi, lors de la traversée Casamance-Brésil, Décembre 1982.l


A cette époque, navigation au sextant et régulateur d'allure Atoms de rigueur...


Photo 4 sur 5 de 37 - ... et rédaction manuscrite d'un journal de bord.


Le 7 Janvier 1983, mon frère et moi, nous arrivons à Salvador de Bahia.


vendredi 1 janvier 2010

Billet N°36 - Fin d’année au Brésil ! Meilleurs vœux pour 2010

 Meilleurs vœux pour 2010, depuis Salvador do Bahia !


Jacare –Village, sur le rio Paraiba.

Vous ne connaissez pas Jurandy Sax ?

Il paraît qu’il est dans le livre Guinness des Records !

Et vous savez pourquoi ? Parce que tous les soirs que Dieu fait, à 17 heures précises, il monte lentement, presque majestueusement, sur une petite barque blanche, lui-même en tenue immaculée, son saxophone à la main, et se met invariablement à jouer ce qui me semble être la version longue (à force…) du … Boléro de Ravel. On m’a dit qu’il avait dépassé la 3000 ème prestation, à vérifier sur le bouquin à la con. Jurandy est célèbre dans tout le Brésil pour cet exploit, et, chaque soir, pas besoin de montre, tandis que le soleil décline sur les collines du Paraiba, et que les caboclos font brûler au loin d’immenses champs de canne à sucre, son micro HF connecté à des putains d’enceintes m’incite à ranger mes outils dans leur boîte, et à songer que l’heure de la caïpirinha approche. Jurandy, tronche affreuse, cheveux longs bouclés gominés à moins qu’ils ne soient sales, sérieusement mâtiné de sang indien venu de la grande forêt d’à côté, a un inconvénient : il aurait tendance à vous faire croire que vous n’avancez pas dans la vie… parce qu’à la fin, servi tous les jours à la même heure et au même endroit, le Boléro de Ravel (que j’aime bien par ailleurs) a tendance à devenir, comme l’a imaginé un autre marin de passage, le beau blaireau de Ravel…

Avec Barbara, nous nous sommes tout de même offert un soir l’intégrale du spectacle, assis à la terrasse en bois sur pilotis d’un bar dont le chiffre d’affaires doit beaucoup au musicien français.

Des bateaux chargés de brésiliens viennent religieusement entourer la petite barque blanche du maestro, que son piroguier, indien lui aussi, fait évoluer avec lenteur et adresse, tandis que la glace pilée de la caïpirinha se laisse aller à la gravité de nos gosiers délicats…

Un autre soir, nous avons craqué et nous avons ingurgité, avec les enfants, de grands plats de viande, carne do sol (la viande partiellement séchée au soleil du Nordeste)en tête, accompagnés de riz, de haricots rouges et de farofa (farine de manioc), qu’Adélie adore. La viande, c’est ce que nous consommons le moins depuis le départ, essentiellement parce qu’elle est rare, chère, et introuvable dans les conditions sanitaires que nous connaissons chez nous en France.

Entre deux beaux blaireaux de Ravel, ma vie a quand même un peu avancé : j’ai bichonné nos deux moteurs Volvo (vidanges, filtres, courroies, batteries, etc…), et je me suis tapé le montage de la nouvelle installation frigo, dans la journée du 25 Décembre, jour de Noël !

Comment vous dire, Noël , par 32°C, sous le soleil, les feuilles de palmes qui ondulent dans le souffle régulier de l’alizé, en bermuda au pire, la casquette et les lunettes de soleil Harken sur la tronche, c’est pas pareil… Pas de doute, ça fait moins Noël…

C’est peut-être pour cela que j’ai bossé sur l’installation froid du bord le jour de Noël, pour me rapprocher des Noël de notre culture à nous, avec neige, frimas, et vent glacé ?

Soyons clair : Noël, sous les tropiques, ça a moins de gueule. Et cela semble ici, est-ce lié ?, avoir moins d’importance que chez nous dans la vie familiale.

Je déteste le consumérisme éhonté qui accompagne Noël chez nous, mais j’aime bien l’atmosphère de fête familiale hivernale qui accompagne ce rendez-vous annuel.

L’année dernière, le Land Rover « Papa Tango Charlie » s’embourbait dans la neige catalane, et Mamina arrivait au gîte juchée sur un tracteur bienveillant ! De vrais souvenirs d’hiver…

Bon, revenons à nos moutons, vous voulez savoir ce qu’elle donne, la nouvelle installation froid à 3600 et quelques euros sans ma main d’œuvre ?

Elle déconne !!! Elle déconne grave !!!

Elle fait du froid certes, mais elle ne régule pas…la température du bazard oscille entre 0 et + 18°C ! Damned ! Pire que cela, il se produit des phénomènes techniques difficilement expliquables, tels que démarrages suivi d’arrêts immédiats injustifiés, fonctionnement aléatoire de voyants lumineux, et même, incroyable mais vrai, une nuit, démarrage de l’installation pendant mon sommeil alors que l’interrupteur principal était sur off pour la nuit… Pourtant, tout est neuf, les compresseurs, la pompe à eau de mer de réfrigération, la plaque eutectique, la carte électronique de régulation, le panneau de commande, les câbles et les embouts de connection… J’ai beau être aussi Officier Mécanicien de la Marine Marchande, et avoir eu comme professeur de thermo-dynamique le surnommé Johnny Servoz-Gavout (certains des lecteurs, marins de formation eux aussi, y ont aussi difficilement survécu, on est tous d’accord), je dois avouer que la seule explication acceptable techniquement, pour l’instant, tient en un mot : maraboutage.

Un mot lâché par Denis, à Dakar, qui a eu à connaître de ce frigo, et s’est gentiment occupé de le dédouaner, ce qui n’est pas simple là-bas, et toujours très … onéreux, surtout en fin de mois. Notre installation frigo a été maraboutée, ça nous apprendra à séjourner en Afrique, sous les baobabs et les grands fromagers, au milieu des villages diolas, et de tous leurs gris-gris. Maraboutée par qui, pourquoi ? Mystère…

Même l’avion taxi qui a embarqué le colis, qui revenait à vide, et dont c’était le seul chargement entre Dakar et Cap Skirring, a du faire demi-tour en plein vol et revenir se poser à Dakar…

La raison la plus plausible que je vois à ce maraboutage, c’est que Barbara n’a pas répondu favorablement à la demande en mariage émise par Fatou, la lavandière du Cercle de la Voile de Dakar, qui trouvait largement Marin (12 ans révolus) à son goût, et voulait revenir vivre en France avec lui…

Mais chacun sait que les maraboutages ne durent qu’un temps…, c’est ce à quoi je me raccroche, en particulier pour rassurer Barbara sur le futur fonctionnement optimal du système.

J’ai donc, pour laisser sa chance à la technologie et à la pensée cartésienne, convaincu le fournisseur, sans lui parler de maraboutage, de nous envoyer fissa à Cayenne, avant que je me fâche, un panneau de commande, une carte électronique de régulation, et un câble de liaison neufs, et là, la vérité devra bien sortir de la salle des machines tribord !

En attendant, faut pas parler de frigo de bateau à la patronne…

Le 31 Décembre en fin d’après-midi, les enfants nous tirent eux aussi une de ces tronches… Nous allons tous les quatre prendre le bus de nuit « executivo » de la compagnie Progresso qui relie Joao Pessoa à … Salvador do Bahia ! A 19H30, 23H30 en France, nous quittons la rodoviaria et attaquons les quelques 1000 kms qui séparent les deux villes par la route.

On vous imagine en train de trinquer de çi, de là, à la nouvelle année, et nous, on s’installe pour la nuit sur nos sièges à bascule, dans un froid de canard, car, pour une raison là encore obscure, la clim des bus longues distances brésiliens est toujours à fond !

Allez savoir pourquoi, un bus roulait le soir du 31 Décembre vers Bahia, mais pas le lendemain. Alors tant pis pour la petite soirée entre voyageurs à Jacare, et direction Bahia de tous les saints.

En y réfléchissant, après avoir établi de façon plus claire il y a quelques semaines le timing de notre voyage, essentiellement optimisé en fonction des conditions météorologiques et des risques de cyclones, la solution de ne pas descendre plus sud que Joao Pessoa avec le bateau, sans pour autant renoncer à faire visiter Salvador à Barbara et aux enfants, m’est apparue intelligente. On s’évite 1000 milles de trajet maritime aller-retour, dont une remontée en général assez près du vent, et Salvador se visite correctement en 3 jours, à une nuit de bus à 140 reals (2,4 reals pour 1 euro).

En ce qui me concerne, Salvador, j’ai du y faire une trentaine d’escales (pendant 5 mois, il y a longtemps, j’ai même navigué sur un navire de démonstration affrété par le gouvernement brésilien qui reliait Salvador à Rio de Janeiro), et j’y ai séjourné pendant 2mois et demi avec le premier Jangada, écumant toute la baie de long en large…

Mais comment passer au Brésil sans voir Bahia dos Todos os Santos ?

Nous n’avons pas trinqué dans le bus avec les deux autres passagers, nous réservant cette réjouissance pour notre retour à bord, et nous débarquons pas trop mal en point le lendemain matin à Bahia.

Direction la Praça da Sé, le Terreiro de Jesus, et le quartier, encore assez chaud aujourd’hui, du Pelourinho, au centre de la vieille ville. Nous posons nos affaires dans une pousada, y reprenons des forces, et direction le point de vue sur la baie du haut de l’elevador Lacerda, l’ascenseur bien connu qui relie la ville haute à la ville basse.

Une multitude d’embarcations et de petits navires sort du vieux port et fait route vers la plage du Farol : le 1er Janvier, c’est la procession du Bom Jesus. Nous filons du coup au Farol, dans le quartier da Barra, et les enfants découvrent que la plage, en famille ou entre amis, au Brésil, ça ne rigole pas : c’est une institution. Devenue confortable, avec sièges et tables en plastique, parasols, multi-services de proximité, et musique biensûr.

Au Brésil, la musique est omniprésente, mais personnellement, je ne trouve pas qu’elle s’améliore… J’ai aimé Maria Bethania, Vinicius et Toquinho, Gilberto Gil, Milton Nascimento, Carlos Buarque, ou encore Antonio Carlos Jobim, mais cette fois, j’ai entendu du rap brésilien, et beaucoup de disco… Je vieillis, sans doute.

Nous avons d’ailleurs rencontré un américain malheureux, marié à une brésilienne, et qui, dans le quartier du Pelourinho, a ouvert un petit magasin de vraie musique brésilienne…un signe des temps.

C’est l’une des deux déceptions que j’ai ressenties en revenant au Brésil cette fois : l’évolution malheureuse à mon goût de la musique, la deuxiéme étant l’incroyable développement des sectes religieuses se réclamant de Jesus, sectes plus ou moins déviantes, mais très répandues et très riches.

L’une des bonnes surprises, si l’on peut dire !dans ce pays attachant mais encore violent, où les agressions sont nombreuses, a été la présence renforcée de nombreux policiers partout où nous avons été.

Je voulais faire goûter aux miens les beignets aux crevettes cuits dans l’huile de dêndé par les vieilles bahianaises sur les trottoirs du quartier da Barra, mais je n’en ai trouvée aucune, il n’y en a plus, de vieilles bahianaises en robes blanches de dentelles…

Nous nous rafraîchissons avec des cocos frais (2 reals) décapités à la mâchette, et regagnons le centre de la vieille ville en bus.

Escale technique dans l’un de ces nombreux petite restaurants qui pratiquent la « comida a kilo », chacun se sert de ce qu’il veut, puis la tenancière du gourbi pèse l’assiette (en déduisant son poids, normalement…), et applique le prix de la nourriture au kilo, qui du coup, différencie seul le standing de ces établissements.

Nous irons jusqu’au quartier de Carmo, où les façades des pousadas rivalisent de couleurs, visiterons la maison du souvenir de l’écrivain Jorge Amado, dont les lectures truculentes ravissaient mes voyages en cargo ( Dona Flor et ses deux maris, Le vieux marin, Tieta d’Agreste etc…), écumeront le Pelourinho, que j’ai connu chaud et dangereux pour le voyageur et le marin avant sa restauration et son classement par l’Unesco au patrimoine mondial.

Le bruit (pas toujours compréhensible) des oiseaux (souvent défraîchis) de la nuit nous incitera à changer de pousada pour la nuit suivante, mais, questions puces (éventuellement morpions) et odeurs sanitaires, nous ne gagneront pas au change.

Barbara recommence à rêver à un quatre étoiles, tandis que je me dis que le sommeil est seulement une nécessité vitale…

Nous irons à l’église de Bonfim, la plus célèbre du pays pour les brésiliens, et y ferons nos vœux, secrets, qui flottent encore au vent du parvis.

Les enfants ne sauront pas où diriger leurs yeux dans le Mercado Modelo, et Adélie, déjà fashion victim, cassera sa tirelire pour s’acheter une robe blanche à fleurs violettes qui, évidemment, ne plaît pas du tout à sa Maman…, tandis que Marin craquera pour une casquette dont la couleur importe moins que la marque : apparemment l’hésitation portera sur le choix entre Quiksilver et Billabong, mais de toute façon, aucune des deux ne plaît à sa Maman… !!!

Je regarde tout cela avec amusement, mais détachement, tellement ce n’est pas mon monde…

Nous admirerons l’église franciscaine incroyablement riche en décoration baroque du Terreiro de Jesus, et, plus prosaïquement, nous découvrirons tout à côté un français expatrié, Georges Laporte, qui, dans sa petite lanchonete, propose des glaces maison incroyablement succulentes, avec tous les parfums du Brésil en sorbets délicieux.

Ma formation professionnelle sans doute, mes métiers de marin au long cours d’abord, puis de constructeur de grands, beaux et bons voiliers (d’un avis assez répandu, Dieu soit loué), ensuite, m’ont appris à apprécier à leur juste valeur les personnes qui ont acquis, par eux-mêmes, à force de travail, de sueur, d’expérience, et de créativité, un vrai savoir-faire, souvent manuel.

Je fais part à George Laporte de nos félicitations pour la qualité de ses glaces, et nous discutons un peu. C’est ainsi que nous apprenons qu’avant de s’installer à Salvador il y a 8 ans, il a surtout vécu à l’étranger, et est né en Equateur.

Du coup, nous lui parlons de nos amis Lepoutre, et, biensûr, Lepoutre en Equateur, il connaît. Mais sa mère, une certaine Françoise Lambert, mariée là-bas avec un certain James Laporte, connaît encore mieux. Comme elle est à Salvador en ce moment, il l’appelle, et au bout de deux minutes, on a en live sur la terrasse du Terreiro de Jesus, à Bahia, toute la filiation des Lepoutre d’Equateur... !

Pas beau , ça ?

Nous irons enfin battre les planches des pontons de la marina du vieux port de Bahia, pour tenter de trouver (avec succès !) une équipière du Rallye des Iles du Soleil qui prend l’avion back-home le soir même, et pourra ainsi poster directement en France les « évaluations » CNED de Marin et Adélie, que nous avons emportées avec nous à dessein.

Nous y retrouverons l’un des rares voiliers avec enfants rencontré depuis le départ, Havanita, aperçu dans le delta du Saloum, et déciderons de finir nos 3 journées à Bahia en emmenant tout ce petit monde, soit 7 enfants, à la célèbre plage d’Itapoa, avec Jean.

Le soir, bus jusqu’à la rodoviaria de Salvador, et retour en « executivo » dans la nuit vers Joao Pessoa, en passant par Recife.

Nous retrouvons Jangada sagement amarré à l’extrémité du ponton branlant de Jacare-Village, et le skipper est rassuré, c’est toujours une épreuve d’abandonner son bateau pour plusieurs jours en plein voyage…

Je démarre l’installation froid, mets le champagne au frais, et pour nous, l’année 2010 sera arrosée le 4 Janvier.

Tout le monde est content d’avoir été à Salvador.

Maintenant, la route du Cap Sao Roque est ouverte.

Olivier

Praia da Barra, au pied du Farol de Salvador da Bahia.


La plage du fort à Salvador, le 1er Janvier 2010...


L'elevador Lacerda, qui relie les villes basse et haute de Salvador.


Le mouillage du vieux fort et la Baia de Todos os Santos.


Façade de pousada dans le quartier du Pelourinho.


Dans la maison de l'écrivain Jorge Amado.


Devant le Mercado Modelo.


L'église du Senhor do Bonfim...


... la plus célèbre du Brésil...


... et son parvis où flottent au vent de l'espèrance humaine, des milliers de voeux.