Attachante Guyane.
Après avoir quitté Jericoacoara (état du Ceara) au petit matin du 12 janvier dernier, nous arrivons à Degrad des Cannes, le port de Cayenne, 6 jours plus tard. Une semaine pas passionnante pour moi, à remonter la côte du Nordeste brésilien, et deux escales décevantes, Luis Correia, dans l’état de Piaui, et Sao Luis do Maranhao, une belle ville dont nous n’avons vu, avec regrets, qu’un arrière port minéralier glauquissime sans possibilité de débarquer aucune…bref des escales de quelques heures avant de reprendre la mer. Le Nordeste n’est pas la région du Brésil la plus adaptée pour les voiliers en voyage, désormais on le saura et Olivier songe déjà à y revenir en Land Rover, par l’intérieur…
Le 18 janvier à l’aube, nous passons au nord des îlots Connétable, puis entre l’îlet La Mère et l’îlet Le Père, et nous engageons dans le long chenal qui mène à Degrad des Cannes. L’eau devient boueuse, nous remontons la rivière Mahury où sont désormais installés le port de commerce de Cayenne, la base de la Marine Nationale, et les 3 pontons branlants de la marina…Nous préférons mouiller dans la rivière par l’avant, et prenons un coffre par l’arrière, pour éviter de faire des ronds dans l’eau au moment de la renverse. Le courant dans la rivière est soutenu. Seul hic, le port de Degrad des Cannes est à 12 kms de Cayenne.
Au programme et en priorité nous souhaitions profiter d’être en « France » pour faire une bonne révision du bateau et de son équipage.
Médecin et analyses médicales pour Adélie qui perdait du poids depuis le départ : elle grandit mais ne mange pas beaucoup, aujourd’hui on sait que tout va bien et son appétit à terre nous rassure. Dentiste et solution d’attente pour le Capitaine. Informaticien pour reformater les ordinateurs du bord qui à force d’être connectés dans différents pays, cyber cafés etc…, et bidouillés par tout un chacun, étaient parasités. Un grand merci à Olivier, l’informaticien, spécialiste des ordinateurs récalcitrants… De plus, le logiciel Maxsea continuait de verrouiller une bonne partie des cartes marines d’Olivier, le Capitaine… Toutes ces démarches ont été grandement simplifiées grâces à des amis d’amis sur place, Arnaud et Sandra, charmants et accueillants, chez qui nous avons pu faire parvenir colis de pièces de rechange et courriers. Cela fait vraiment chaud au cœur de trouver des personnes sympathiques pour nous accueillir et nous recevoir quand nous arrivons ainsi en escale quelque part. Olivier profite également de l’escale pour vêtir son bleu de travail et fin bricoleur qu’il est, remet en état machine à laver, frigo, etc…Les enfants se sont mis à jour du CNED et les évaluations ont été postées à temps.
En parallèle de ce qui précède nous découvrons ce département d’Outre Mer avec beaucoup de curiosité et de plaisir. Ci-après quelques clichés en vrac de ce qui m’a marquée depuis que nous sommes en Guyane :
L’auto-stop : à quatre, avec des sacs souvent volumineux, nous avons toujours réussi à nous faire prendre en auto-stop dans les 5 minutes. Bon moyen de discuter avec les locaux et d’apprendre un tas de chose sur le pays. Brésiliens, métropolitains, créoles, surinamiens, haïtiens et asiatiques se côtoient harmonieusement semble-t-il, même si chacun a sa « spécialité » : les « métros » sont fonctionnaires, les brésiliens occupent les emplois les moins qualifiés (bois et bâtiment) et n’ont pas toujours bonne presse ici, les haïtiens sont spécialisés dans l’entretien des jardins, des maisons, la garde des enfants, et sont appréciés pour leur sérieux , les asiatiques comme partout détiennent les petits commerces. Une curiosité locale en Guyane : le village « Hmong » de Cacao, à une cinquantaine de kilomètres de Cayenne, dans la forêt, où les Hmong, originaires du Laos, cultivent toutes sortes de fruits et légumes qu’ils vendent au marché de Cayenne, trois fois par semaine.
Le marché de Cayenne : il est superbe, authentique, coloré, tellement bien achalandé, on trouve des variétés impressionnantes de fruits et légumes, tropicaux et aussi de nos contrées, des épices, des herbes. Tout est cultivé ici en Guyane, entre autre dans ce fameux village de Cacao.
Sous le marché couvert, on a dégusté des soupes vietnamiennes succulentes, parfumées, que l’on assaisonne à sa façon. Des tables communes, une toile cirée, et dessus, différents aromates, piments, sauces sojas, poissons, salades, herbes fraîches agrémentent votre soupe. Un régal !!! Egalement des cocktails de jus de fruit frais que l’on choisit à sa guise. C’est plein de saveurs, de couleurs et d’odeurs, un incontournable à Cayenne.
Les touloulous : on avait entendu parler de cette particularité locale du Carnaval guyanais. Alors une première fois samedi dernier vers 23h30, avec les enfants nous nous sommes rendus sur place « Chez Nana », une des deux institutions des touloulous, pour voir de près ce fameux phénomène mais sommes restés à l’extérieur admirer leurs tenues incroyables, l’entrée étant interdite aux enfants. Une deuxième fois hier soir avec Arnauld et Sandra et un couple de suisses qui est au mouillage avec nous, nous avons pénétré dans le deuxième lieu sacré des touloulous, « Chez Polina ». Ainsi tous les samedis soirs pendant la période du Carnaval, les femmes se déguisent pour aller danser. Leurs déguisements sont extraordinaires : chapeaux, perruques, masques, robes longues colorées, mordorées, plumes, rubans, gants et collants. On ne doit pas voir un mm2 de leur peau, on ne sait plus ni leur âge, ni la couleur de leur peau. Alors seulement elles peuvent pénétrer dans la grande salle de « Chez Nana » ou de « Chez Polina » pour frétiller, onduler, danser, et piquer (mouvement sec et évocateur du bassin…). Ce sont elles seules qui invitent les hommes à danser. Ces derniers n’ont pas le droit de refuser une danse à un touloulou, et doivent leur offrir un verre ensuite si elles le souhaitent. Elles ont, le temps d’une soirée, tout pouvoir, et cachées derrière leur masque, gêne et timidité s’évanouissent, elles se libèrent, se déhanchent au son de la musique du Carnaval. Les couples sont particulièrement collés-serrés, les mouvements du bassin sont sans équivoque…
Si une femme non déguisée s’approche de la piste, l’orchestre s’arrête immédiatement et tout se fige jusqu’à ce que l’intruse penaude sorte.
Comme je n’étais pas déguisée, j’étais sur une tribune sur le côté et j’ai pu admirer tous ces couples bariolés qui dansaient tellement bien, le rythme dans la peau, au son de l’orchestre qui jouait et chantait. Olivier s’était également réfugié dans la tribune, car là seulement les hommes ne sont pas invités à danser…
La salle était comble vers 02h00 du matin, une étuve, et vus d’un peu haut les couples de danseurs ne semblaient former qu’un seul corps qui ondulait en cadence, c’était captivant !
Ce n’est absolument pas un spectacle pour les touristes mais une authentique coutume locale. Cette tradition des touloulous que l’on ne trouve qu’ici en Guyane pendant la période du Carnaval, attire de nombreuses adeptes venues de tout l’arc antillais, et des pays frontaliers.
Saint Georges de l’Oyapock : au sud est de Cayenne, à 2h30 de voiture par une route qui date de 2004, (avant seuls l’avion ou le bateau reliaient ce bourg à Cayenne), se situe Saint Georges de l’Oyapock, autrement dit le bout du monde…
Un bourg frontalier avec le Brésil, la rivière séparant les deux pays, où se croisent des brésiliens chercheurs d’or, des légionnaires, des filles de joie, et Modestine la tenancière du restaurant de la place, grande amie de Jacques Chirac parait-il, des drôles de tête, des regards louches… Nous y sommes arrivés en fin de journée, sous une légère pluie tropicale, la terre sentait bon, la forêt nous entourait, la rivière semblait fumer, une ambiance si particulière régnait dans ce bled décati et mystérieux, inquiétant et dépaysant. Je me disais que ce coin de forêt perdu dans l’immense forêt amazonienne était aussi la France et cela était étrange…
Heureusement que nous sommes tombés sur Christian, enseignant bourlingueur retraité qui a fini sa carrière ici, car le réservoir de la Clio de location était à sec et la seule station n’ouvrait que le lundi, nous étions le samedi soir… Il a appelé un ami brésilien de l’autre côté de la rive qui nous a apporté quelques litres d’essence pour faire les 200 bornes qui nous séparaient de Cayenne.
Sur la route un barrage militaire de contrôle, ça sentait vraiment l’aventure par là bas…
La forêt : A l’heure où j’écris, je n’en ai eu qu’un léger aperçu, mais j’ai vraiment apprécié la jolie marche que nous avons faite dans la forêt primaire dense, luxuriante, humide et bruyante. Les arbres semblent s’élancer vers le ciel pour attraper la lumière, les lianes s’entrelacent. Adélie a particulièrement été fascinée par un ficus étrangleur qui s’enroulait autour des troncs pour s’aider à se hisser haut vers le ciel.
J’apprécie ce petit morceau de « France » outremer, et toutes les personnes rencontrées s’y plaisent. Le terrain de jeu est conséquent : la forêt, les rivières, la mer, les îles, le parapente, les randonnées, etc…et nous n’avons pas encore tout vu : la station spatiale de Kourou, les îles du Salut, … (dans un prochain billet).
On prévoit le doublement de la population dans les 10 ans à venir en Guyane, on sent un pays jeune, métissé, en pleine mutation économique. La distribution et la consommation sévissent ici depuis peu, le parc automobile est impressionnant. Certes c’est dynamique mais aussi fragile et on imagine bien que cela pourrait devenir vite explosif. 35 % de la population est au chômage, la vie est super chère, 40 % de plus qu’en métropole. Les mouvements sociaux fréquents, (nous avons du subir 48H00 de grève des transporteurs qui bloquaient toutes les routes…).
De passage, on ne retient que le meilleur…
Barbara
Plage de Degrad des Cannes, à la saison des pluies
Ballade en forêt amazonienne française
Densité et luxuriance de la forêt
Maison créole traditionnelle de Guyane
Le célèbre bar des Palmistes, à Cayenne
Le marché de Cayenne
Accras au marché au poisson de Cayenne, joli sourire...
Punchs locaux à gogo
Cocktails de fruits pour les petits...
... et soupes vietnamiennes délicieuses pour les grands.
Un joli produit d'exportation métropolitain, la grève des transporteurs!
Les touloulous!
Chez Polina...
Grâce et déhanchement...
coiffes et loups...