dimanche 29 janvier 2012

samedi 28 janvier 2012

Billet N°145 –Saldanha, dernière escale en Afrique du Sud…

Du 8 au 14  Janvier 2012 – Saldanha, dernière escale en Afrique du Sud…
 Par Olivier

Arrivés à Saldanha directement depuis Knysna, nous savions y trouver un abri sûr pour quelques jours, chose qui n’est pas toujours facile en Afrique du Sud.

Un pays où la mer et le vent sont souvent durs, et qui n’offre que peu d’abris sûrs en toutes circonstances. Les marinas sont par ailleurs souvent pleines, ce qui est dû probablement au fait que les voiliers de voyage passaient préférentiellement par la Mer Rouge, avant le développement récent de la piraterie dans l’Océan Indien. Les infrastructures locales n’ont donc pas été vraiment pensées pour les voiliers de passage. Ceci dit, les sud-africains sont d’un tempérament accueillant, et ils font toujours leur possible pour que vous gardiez un bon souvenir de votre passage dans leur pays, qui n’a pas toujours eu bonne presse, tant s’en faut, ce qu’ils savent parfaitement.

Nous avons opté pour un coffre (le dernier disponible) devant le Saldanha Bay Yacht Club, un endroit simple mais accueillant. Un seul autre voilier de voyage, américain, était présent. Petite ville sans beaucoup de charme, mais port de pêche important (langoustes !) et grand havre minéralier.

Sur cette côte ouest d’Afrique du Sud, le temps est complètement différent. La présence du courant froid de Benguela change tous les paramètres. La température de l’eau de mer est de l’ordre de 14 à 15°C, le vent souffle majoritairement du secteur sud, ce qui est une bonne chose pour remonter vers la Namibie, mais la brume est très fréquente sur cette côte assez peu hospitalière, où les épaves sont nombreuses. Les eaux froides venues du grand sud, l’abondance du plancton, et le brassage des eaux du au courant favorise la vie marine sur plusieurs centaines de km de côtes vers le nord. C’est la première fois que je navigue ainsi au milieu des phoques, qui apparaissent régulièrement à proximité du bateau, même à plusieurs dizaines de milles au large. Mais, contrairement aux nombreux dauphins joueurs qui viennent souvent nager près des étraves (parfois par dizaines), les phoques restent toujours prudents à notre égard, méfiants. Ils ont du intégrer génétiquement les chasses du passé.

Les oiseaux de mer sont nombreux, les baleines aussi, la mer foisonne de vie ici.

Nous nous sommes promenés dans la région, plutôt aride à terre, qui annonce les étendues désertiques de la Namibie…


Photo 1 - Le terminal minéralier de Saldanha exporte des centaines de milliers de tonnes de minerai de fer chaque année...

Photo 2 - Une aciérie, approvisionnée par des trains de plusieurs kilomètres de long, qui viennent des mines du nord du pays...

Photo 3 - Les rouleaux de tôle d'acier partent surtout vers la Chine et l'Inde...

Photo 4 - Un township, dans Saint Helena Bay...

Photo 5 - Ce township a bénéficié de subventions, il est d'un niveau bien supérieur aux grands townships du Cap...

Photo 6 - Township de Vredenburg, à quelques km de Saldanha...

Photo 7 - Une image fréquente en Afrique du Sud, celle d'une voiture de sécurité privée en patrouille...

Photo 8 - La plage du village de Pater Noster est souvent prise dans la brume...

Photo 9 - La brume du courant de Benguela...

Photo 10 - Barbara et Adélie...

Photo 11 - Marin...

Photo 12 - Une brève éclaircie...

Photo 13 - Maison de plage...

Photo 14 - ... à  Pater Noster...

Photo 15 - L'été sur la côte ouest d'Afrique du Sud...

Photo 16 - Retour de pêche...

Photo 17 - ... à Pater Noster...

Photo 18 - ... pêche à la langouste!

Photo 19 - Petites langoustes, pêchées trop tôt, nous a-t-il semblé...

Billet N°144 – Franshoek, histoire d’un petit coin de France... en Afrique du Sud.

Jeudi 12 Janvier 2012 – Franshoek, histoire d’un petit coin de France... en Afrique du Sud.
Par Olivier

La Petite Ferme, Mont Rochelle, Haute Cabrière, La Bourgogne, La Petite Dauphine, Haut Espoir, La Brie, Landau du Val, Véraison, La Chaumière, Grande Provence, Dieu Donné, Chamonix, Plaisir de Merle, Val de Vie, Allée Bleue, La Chataigne, La Motte, La Vigne…



Bienvenue à Franshoek (le « coin des Français »), à quelques 70 km à l’est de la ville du Cap.

Dans le cimetière du village, pas mal de tombes portent des patronymes bien de chez nous : Du Toit, Le Roux, Du Plessis, Dufour, Dupré, De Villiers, Joubert…

Ces pionniers qui, contraints, avaient choisi l’exil, ont magnifiquement réussi leur pari. Plus de 3 siècles plus tard, la petite bourgade de Franshoek, paisible et agréable, témoigne de la réussite de l’aventure vécue par ces colons emmenés vers la Colonie du Cap par les vaisseaux de la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales.



Le 12 Janvier au matin, nous sommes à nouveau à Cape Town, pour y faire quelques courses techniques (filtres à huile et à gas-oil pour les moteurs Volvo, chariot de latte de grand-voile Antal, huile moteurs…) et y effectuer les formalités de sortie d’Afrique du Sud. Nous avons laissé le bateau sur son swinging mooring (coffre) devant le petit Yacht-Club de Saldanha, un mouillage gratuit, bien protégé et sûr. Et nous avons parcouru les quelques 140 km  qui séparent Saldanha du Cap à vive allure, dans des paysages semi-arides qui préfigurent le désert namibien, avec notre énième Hyundai i 10  de location. Petite mais bonne voiture. Notre technique est maintenant bien rôdée pour contourner les éventuelles difficultés locales avec l’agence Avis. Nous faisons jouer à plein la puissance du réseau international. La mondialisation, en somme ! (Elle a des bons, et des mauvais côtés, la mondialisation. L’important, pour soi, très égoïstement, c’est d’être du côté de ceux qui peuvent choisir les bons côtés…) Un petit coup d’œil sur le site Internet d’Avis South Africa pour localiser l’agence la plus proche et obtenir l’indication en direct du meilleur tarif pour la catégorie choisie (toujours la plus simple pour nous), puis nous quittons ce web-site local pour aller sur le site d’Avis France. Là, c’est très simple, on fait la même demande qu’à l’agence locale sud-africaine pour une location locale identique, on ne vous oppose aucune difficulté (genre disponibilité de la voiture, limitation du kilométrage…), et on vous propose soit de payer en ligne, soit de payer à l’agence locale. Si vous payez en ligne, c’est juste 30% moins cher ! Dans la minute qui suit, vous recevez par e-mail un voucher avec toutes les infos, que vous imprimez, et il vous suffit alors de vous rendre à l’agence locale à l’heure et au jour dits pour remplir le contrat et prendre livraison du véhicule, qui vous y attend, c’est la règle chez Avis, dont le slogan commercial est, en ce moment, We try harder. Prix journalier à peine plus de 22 euros, kilométrage illimité  (avec la location par l’agence locale, il existe une limite journalière à 200 km).

Beaucoup moins cher à quatre que le bus, et la liberté en plus.

Merci Avis France, Internet, et, dans ce cas, la mondialisation !

Après le parcours initiatique habituel des formalités de sortie du territoire, qui va, au hasard des informations glanées en chemin, d’un building du gouvernement à l’autre dans le centre de Cape Town, nous déjeunons en terrasse au Café Mozart, un endroit plein de charme, dans une petite rue piétonne proche de Long Street.

Puis nous quittons Cape Town définitivement, pour aller passer l’après-midi à Franshoek, ce petit coin de la province du Western Cape, où une poignée de huguenots (protestants) majoritairement français ou francophones se sont installés comme viticulteurs et fermiers, à la fin du XVIIème siècle, fuyant les persécutions consécutives à la révocation de l’Edit de Nantes.

Petit retour en arrière historique sans prétention.

1572, massacre de Wassy, début des guerres de religion dans le royaume de France. 1572, massacre de la Saint Barthélémy. 1593 : pour assurer l’unité du royaume en péril, Henri IV se convertit au catholicisme. 30 Avril 1598 : Henri IV proclame l’Edit de Nantes, un texte de compromis et de tolérance entre catholicisme (religion d’Etat) et protestantisme (toléré, et protégé) qui ramène la paix dans le royaume de France et de Navarre. 14 Mai 1610, assassinat de Henri IV par Ravaillac. La main du meurtrier était-elle commanditée ? Les protestants s’inquiètent, et redoutent de nouveaux complots, peut-être de nouveaux massacres. Novembre 1620 : le roi Louis XIII entre avec ses troupes en Béarn. Les protestants se réunissent en secret à La Rochelle, crée une constitution fédérative de provinces protestantes, et s’allient sous la bannière d’Henri de Rohan. Les guerres de religion de Louis XIII vont durer jusqu’en 1629. L’épisode guerrier  le plus connu est bien sûr le siège de La Rochelle (1627-1628). Riche de son commerce et de sa flotte, la ville, en majorité protestante, a tendance à développer sa propre politique. Inacceptable. Le roi, conseillé par Richelieu, décide de la réduire. On connaît la suite. Jean Guitton, le maire, capitule en Octobre 1628 après 13 mois d’un siège très dur, qui ne laisse à la ville que 1 500 habitants contre 27 000 au départ. Les Eglises de France sont seules face au pouvoir de la royauté. En 1656, les choses se gâtent à nouveau pour les protestants. Louis XIV, qui commence à caresser à cette époque des rêves impériaux, décrète une interprétation  rigoureuse de l’Edit de Nantes. Le roi fait examiner de près, et sans concession, les droits historiques sur lesquels repose l’existence de tous les temples du royaume. Dans le Poitou, en 1665, la moitié des temples protestants sont fermés ou détruits. Le roi, bouclier de la foi, se croit investi d’un sacerdoce royal, détenant de Dieu seul son pouvoir. Un peu mégalo, notre souverain, comme on le sait, mais ce trait de caractère ne nous a pas laissé que des avatars. C’est le début du culte du Roi-Soleil. En 1678, Louis XIV sort vainqueur du conflit avec les Pays-Bas (Provinces- Unies) protestants.

L’histoire de Franshoek, petite bourgade d’Afrique du Sud, commence là.

A compter de 1679, les choses empirent pour l’Eglise Réformée. Le Clergé  adresse « L’Avertissement Fraternel » aux protestants du royaume, pour tenter en vain la réunification pacifique des Eglises. En vain.

1685 : Louis XIV promulgue l’Edit de Fontainebleau, qui révoque l’Edit de Nantes. Le culte protestant est interdit, les pasteurs qui refusent la conversion au catholicisme sont expulsés du royaume. La quasi-totalité des temples sont détruits en quelques mois. Beaucoup de protestants adoptent une conversion de façade. Certains, fidèles à leur religion, liquident leurs affaires et choisissent l’exil. Mais la victoire de Louis XIV n’est qu’apparente. Le souverain, peut-être mal conseillé, et tout entier voué à son propre culte de grandeur, a sous-estimé le nombre et la puissance économique des protestants. Malgré l’interdiction qui leur est faite de quitter le royaume, eux et leurs biens, on estime que quelques 300 000 protestants ont fui le royaume de France entre 1680 et 1690. Les pays d’accueil sont la Suisse, les Pays-Bas, l’Allemagne, et l’Angleterre. A cette époque, la majeure partie de l’Europe du Nord est protestante.La solidarité envers les persécutés joue favorablement, les exilés y sont bien accueillis. Les Provinces-Unies (Hollande) sont, depuis un siècle, une terre de liberté, de tolérance et de refuge. En 1685, elles deviennent « la grande arche des fugitifs », la principale destination des réfugiés protestants..



C’est ainsi que se noue l’histoire des Français de Franshoek.



(Pour que prévale définitivement la tolérance, à travers la liberté de conscience et celle, conditionnée, du culte, il faudra attendre 1787 et l’Edit du même nom du roi Louis XVI, suivi en 1789, avec la Révolution,  de la Déclaration des Droits de l’Homme qui stipulera que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble point l’ordre établi par la loi ».)



Les huguenots étaient principalement des commerçants et des artisans qualifiés, souvent appréciés sur leur lieu de résidence, en exil. Dans les Provinces-Unies, où ils furent acceptés nombreux, leur présence finit néanmoins par poser un problème d’intégration.

Or, à l’époque même de cet exode religieux, le gouverneur néerlandais de la Colonie du Cap, Simon van der Stel, demandait avec insistance à la puissante VOC (Verineedge Oost-Indische Compagnie), Compagnie Hollandaise des Indes Orientales, émanation des six Chambres de Commerce des Pays-Bas,  qui avait entrepris de concurrencer vigoureusement l’avance portugaise sur les commerces prometteurs de l’Océan Indien, d’envoyer davantage de colons, fermiers, agriculteurs et éleveurs, pour développer la colonie, encore très modeste, et assurer le ravitaillement en denrées fraîches des navires (viande, fruits, légumes, vin), de plus en plus nombreux de la Compagnie, en route vers les Indes, ou revenant d’Orient. Le gouverneur insistait aussi sur l’accroissement des effectifs de défense dont avait besoin la Colonie. Quelques huguenots isolés étaient déjà parvenus à la Colonie du Cap, de façon individuelle, avant 1688 : François Villion, Guillaume et François du Toit, Jean Le Long, Nicolas de Lanoy…

Mais, le 13 Avril 1688, en baie de Saldanha, à une soixantaine de milles marins au nord de la Baie de la Table (un bien meilleur abri, sur le plan maritime) le vaisseau Voorschoten de la VOC débarque 21 huguenots français venus de Hollande. Entre 1688 et 1700, environ 200 d’entre eux débarqueront de navires de la VOC. Jusqu’à 1720, 70 autres huguenots rejoindront la Colonie du Cap, fondée en 1652.

Les conditions posées par la VOC aux huguenots pour leur transport au Cap à la charge de la Compagnie  étaient les suivantes :

-          ils devaient faire serment d’allégeance à la VOC

-          seuls les bagages nécessaires à leurs stricts besoins personnels étaient autorisés

-          ils pouvaient par contre emmener avec eux tous les fonds dont ils pouvaient disposer

-          ils furent autorisés à se faire accompagner de leur propre pasteur français

-          en tant que fermiers, on leur allouerait autant de terres qu’ils seraient capables d’en cultiver

-          ils pourraient acheter à la Compagnie du matériel agricole (semences, outils) et du bétail, le tout à crédit  (la plupart emmenèrent aussi, dans leur bagages, des pieds de vignes de cépages français…)

-          ils étaient tenus de rester au moins 5 ans dans la Colonie, après quoi ils étaient autorisés, le cas échéant, à regagner l’Europe, en acquittant, cette fois, le prix de leur voyage.

Mais l’exil fût pour la plupart d’entre eux une réussite, et bien peu rentrèrent. Aujourd’hui, plus de 500 000 sud-africains portent un patronyme français…



La vallée de Franshoek est entourée sur 3 côtés par des montagnes. Le village est aujourd’hui établi au centre d’un cirque, qui protège les cultures, vignobles et arbres fruitiers, des forts vents de sud-ouest ou sud-est qui soufflent fréquemment sur la cité du Cap. Le mûrissement des grains de raisin et des fruits profite à plein en été de la chaleur et de l’ensoleillement des collines vallonnées qui entourent le village.

En Avril 1688, les huguenots débarqués à Saldanha avaient reçu des terres qu’ils jugèrent vite de mauvaise qualité, dans le Drakenstein, non loin du Cap. Le gouverneur van der Stel accéda à leur demande de se voir octroyer de meilleures terres, et c’est ainsi que 9 fermes furent attribuées, en date du 18 Octobre 1688, dans la région de Oliphantshoek (devenu plus tard Franshoek), le « coin des éléphants », qui n’étaient pas rares à l’époque. Les pachydermes avaient l’habitude de monter dans la vallée pour mettre bas, à l’abri du cirque montagneux, où des conditions favorables au bon déroulement des premières semaines de leur progéniture étaient réunies. Ces mêmes conditions qui allaient plus tard, avec l’aide des cépages français amenés par les colons huguenots, favoriser les cultures viticoles de ce qui est devenu une des meilleures régions de production d’Afrique du Sud…

Ces fermes, attenantes les unes aux autres, avaient une superficie d’environ 50 hectares. Estienne Niel baptisa sa ferme La Dauphine. Pierre de Villiers appela la sienne La Burgogne. Pour Jacob de Villiers, ce fût La Bri. Et pour Abraham de Villiers, Champagne. Jean Jourdan eût La Motte et Pierre Jourdan Cabrière. Pour Jean Gardiol, ce fût La Cotte, et pour Matthieu Amiel, La Terra de Luc. Pierre Joubert, qui était originaire du sud-est du royaume, baptisa la sienne La Provence. La Bible avec laquelle le colon Pierre Joubert s’enfuit clandestinement du royaume de France (cachée dans une miche de pain), est encore visible aujourd’hui au musée huguenot de Franshoek. Par la suite, ces fermes furent sub-divisées, mais elles existent toujours. En 1713, la vallée prend le nom d’usage de Franshoek, parce que le français y est couramment parlé. En 1805, le Commissaire général de la République Batave au Cap, Jau de Mist, entérine le nom de Franshoek comme nom de la commune nouvellement créée. Le village de Franshoek fût plus tard établi sur des terres appartenant à l’origine aux fermes La Cotte et Cabrière.

Au départ, les terres mises à disposition des colons huguenots étaient vierges. Il fallut débroussailler et arracher avant de pouvoir planter vigne, arbres fruitiers et céréales. L’élevage fut plus immédiat. Sur les navires de la VOC, on embarquait volontiers du vin, non pas tant pour le plaisir des marins et passagers, mais parce qu’il suppléait avec avantage aux problèmes de conservation à bord de l’eau potable. La demande était forte, et la viticulture devint très tôt l’activité principale des fermiers de Franshoek, d’autant que les Pays-bas n’étaient pas connus, tant s’en faut, pour leur savoir-faire en la matière… L’attribution gratuite des premières fermes l’avait été en échange de l’obligation, pour les bénéficiaires, de rétribuer la VOC sous la forme d’un impôt équivalent au dixième du produit des vendanges et des moissons. Très vite, toutes les fermes de Franshoek possédèrent leur propre moulin à eau, et leurs propres caves. On y faisait également sécher le raisin et la distillation du brandy allait bon train…

Pour les huguenots, qui avaient fui la France parce qu’ils étaient persécutés par le royaume, la pratique de la religion et celle du culte était d’importance capitale.

A Franshoek, leurs convictions ne furent jamais contestées, et ils donnèrent au fil des décennies, dans cette vallée bénie, la preuve d’une incroyable capacité à s’adapter à leurs nouvelles conditions de vie.



Franshoek est depuis des lunes une vallée où il fait bon vivre, un village harmonieux et paisible, certainement l’un des plus agréables d’Afrique du Sud.

Photo 1 - Le village de Franshoek aujourd'hui, l'un des plus agréables d'Afrique du Sud...
Photo 2 - Le cirque montagneux de Franshoek, si favorable aux cultures...
Photo 3 - Les agapanthes, nombreuses en été dans la vallée...
Photo 4 - Le temple de Franshoek aujourd'hui...
Photo 5 - Un petit coin de France...
Photo 6 - Des noms de rues qui nous rappellent le pays...
Photo 7 - Le meilleur restaurant de Franshoek...
Photo 8 - No comment...
Photo 9 - Le monument aux huguenots de Franshoek...
Photo 10 - Idem...
Photo 11 - Le musée des huguenots de Franshoek...
Photo 12 - Idem...
Photo 13 - Les insignes de la VOC, Compagnie Hollandaise des Indes Orientales...
Photo 14 - La Bible du colon Pierre Joubert, arrivé à Franshoek en Octobre 1688...

samedi 14 janvier 2012

Billet N°143 –Cap des Tempêtes versus Cap de Bonne-Espérance : Bartolomeu, toi seul aurait pu me dire où est la vérité…

Décembre 2011
Par Olivier

Il y a quelque chose qui ne colle pas au bout de la Péninsule du Cap.

Géographiquement, et historiquement, je veux dire.
C’est juste une suggestion, mais en réalité pour moi, une interrogation, et jusqu’à preuve du contraire, presque une conviction…
Voilà le problème : je ne crois pas vraiment que ce qu’on nous présente aujourd’hui comme le Cap de Bonne-Espérance soit le même cap que celui que Bartolomeu Dias reconnût sur sa route de retour venant de l’est (et allant vers l’ouest) en 1488, et qu’il nomma Cap des Tempêtes, en souvenir du coup de vent qui l’emmena contre son gré dans le sud. Ce Cap des Tempêtes que son roi préféra appeler, quelques mois plus tard, Cabo de Boa Esperança… en rapport avec les espoirs que son pays nourrissait depuis des décennies, à savoir que ses vaisseaux atteignent bientôt, via le sud de l’Afrique, les Indes Orientales.

Je crois que si le marin - pragmatique et respectueux du bon sens par nature et par exigence - qui croise au large des côtes d’Afrique du Sud, fait preuve d’un minimum de logique, il a forcément un doute sur la fidélité de l’histoire maritime. Mais peu de monde semble-t-il partage mon interrogation. Ce qui ne veut pas forcément dire qu’elle soit dépourvue de sens. Si, si, je persiste. Une chose a attiré mon attention et m’interpelle depuis que j’ai parcouru à terre la péninsule du Cap, me rendant de Cape Point au Cap de Bonne-Espérance par un sentier côtier, en une demi-heure à peine (les deux pointes ne sont séparées que de 2 km environ à vol d’oiseau). Depuis, aussi que j’ai regardé en détail la carte marine des lieux concernés. Ce doute n’a fait que se confirmer lorsque, par la mer cette fois, nous avons traversé l’ouvert de False Bay, doublé Cape Point, et quelques minutes plus tard à peine, le Cape of Good Hope. Seul Bartolomeu (Dias), disparu en mer en l’an de grâce 1500, exactement dans ces parages, lors d’un nouveau voyage, pourrait éclairer ma lanterne.
Son journal de bord peut-être aussi, s’il existe encore dans des archives au Portugal…

Cette interrogation métaphysique (qui ne m’empêche pas de dormir tout de même) a peut-être une réponse quelque part.
Le Cap de Bonne-Espérance d’aujourd’hui est-il à sa vraie place ?

Je ne suis malheureusement pas un érudit, pas non plus un historien maritime, mais j’ai du mal à y retrouver la logique des marins que je commence à bien connaître.
Je n’ai pas (encore !) pu étudier la question plus avant (il faudrait aller à Lisbonne faire des recherches), et certains historiens maritimes réputés pourraient sans doute contribuer à élucider pour moi le problème, mais pour l’heure, je reste sur ma faim.
Je penche plutôt pour une réponse négative.
Il y aurait pour moi confusion, mic mac, erreurs historique et géographique.

Des indices ?

False Bay, la fausse baie. Immense, à l’est de la péninsule du Cap. Pourquoi un nom pareil ? Confusion, mic mac, erreurs, aussi. Parce que, lors des premiers voyages des explorateurs portugais vers les Indes, à partir de 1498 (Vasco da Gama), lorsque les caravelles revenaient par l’est, il est arrivé que cette baie, ouverte dans un azimut moyen approximatif de 175° soit
confondue avec la Baie de la Table, pourtant située à quelques 49 milles plus loin (de centre baie à centre baie), plus de 23 minutes de latitude plus au nord, et ouverte dans un azimut moyen approximatif de 305°. Notons aussi que False Bay doit avoir, approximativement, une superficie de 10 à 12 fois supérieure à celle de Table Bay !
Confusion, mic mac, erreurs.
Voilà que l’on retient couramment comme point extrême sud de l’Afrique le Cap de Bonne-Espérance, alors que ce statut revient en réalité au Cap des Aiguilles, situé à 80 milles dans l’azimut 111° du Cape of Good Hope, et quelques 28 minutes de latitude plus au sud.
Confusion, mic mac, erreurs.
Notez que le Cap de Bonne-espérance, tel qu’on nous le présente aujourd’hui, n’est qu’un modeste rocher, pas même un promontoire. Non seulement il ne porte aucun phare (car sa position n’en serait d’aucune utilité pour la navigation maritime), mais aucune croix, amer, ou simple cairn n’a jamais été érigé à son sommet, dont l’altitude doit être de 2 à 3 fois moindre que celle de Cape Point…
Vous trouvez cela logique, vous ? Non, c’est bizarre.
La vérité, c’est que ce cap, très secondaire, n’a aucune importance maritime, du point de vue de la navigation. Il n’est pas utile au navigateur, si vous préférez. Voilà qui n’est pas un détail, tout de même.
Tout près de ce soi-disant cap, un vrai cap existe, Cape Point, majestueux, grandiose, finissant un long promontoire qui s’effondre dans la mer de plus de 200 mètres de hauteur. Un promontoire qui ferme au sud-ouest la False Bay, et à partir duquel le marin, pour la première fois depuis qu’il a longé la côte occidentale d’Afrique, des milliers de milles plus au nord, peut enfin faire davantage route à l’est que route au sud. Cela a un sens.
Un autre indice ?
Ce cap, cas extrêmement rare, n’a pas seulement un phare puissant, mais deux. Le premier avait été installé tellement haut qu’il était trop souvent pris dans les nuages, et de ce fait peu utile aux marins, alors on en a construit un deuxième, plus près du niveau de la mer. Un cap qui a plutôt deux phares qu’un seul, c’est un signe, cela a un sens. Cela veut dire que, naturellement, les hommes, et les marins, ont depuis longtemps estimé que Cape Point était sans le moindre doute le cap le plus remarquable du secteur. Pour les marins, et l’usage maritime. Je ne dis rien d’autre. C’est exact.

Mais alors, c’est quoi ce Cap de Bonne-Espérance quasi minable qu’on nous présente aujourd’hui ?

Bartolomeu doit rêver de remonter à la surface de la mer qui lui sert de linceul pour aller remettre un peu d’ordre dans cette histoire, et dans l’Histoire.
Je crois qu’il ferait un peu de ménage.
Lorsqu’il est passé à proximité à son voyage aller de 1488 d’ouest en est, Dias n’a eu vraisemblablement que le loisir d’apercevoir à plusieurs milles de distance ce cap de très loin principal, aujourd’hui appelé Cape Point. Il fut déporté vers le sud par le mauvais temps, sans pouvoir s’en approcher. Il n’y avait d’ailleurs pas intérêt, car il aurait peut-être fait naufrage sur les récifs bien connus et positionnés aujourd’hui, mais inconnus à l’époque. C’est seulement à son passage retour depuis Mossel Bay qu’il a pu reconnaître le Cap Agulhas (nommé ainsi 10 ans plus tard par l’expédition de Vasco da Gama, à laquelle il participait), puis le cap remarquable à partir duquel on peut infléchir la route vers le nord quand on vient de l’est, et vers l’est quand on vient du nord. Ce cap remarquable, il l’a appelé Cap des Tempêtes. Et c’est ce même cap remarquable, important psychologiquement sur la route des Indes, que son roi Jean II décida de rebaptiser Cabo de Boa-Esperança…

Très franchement, quand on vient de l’est comme nous l’avons fait, on voit Cape Point, on ne voit pas le Cape of Good-Hope, qui est comparativement insignifiant. Sur une image radar, il en est de même. Dias n’en avait évidemment pas, il n’avait pas non plus la moindre carte marine un tant soit peu précise de ces lieux nouveaux pour le monde occidental, il était donc logique qu’il se contente d’aller à l’essentiel. Cape Point d’aujourd’hui est un promontoire remarquable pour le marin. Je ne vois pas Bartolomeu Dias, avec les instruments de navigation basiques dont il disposait à l’époque, porter un quelconque intérêt à ce qu’on nous présente aujourd’hui comme le fameux Cap de Bonne-Espérance. Ma conviction, c’est que Bartolomeu Dias a très vraisemblablement ignoré ce qu’on appelle aujourd’hui le Cap de Bonne-Espérance, lequel ne représentait rien pour lui en tant que navigateur. Dias, pour moi, a vu Cape Point comme il se doit, c'est-à-dire comme un cap remarquable.
Il y a là une confusion, un mic mac, des erreurs.

Le seul critère qui pourrait œuvrer un tant soit peu en faveur de ce cap peut-être usurpateur, alors que tous les autres militent contre lui, c’est que, bien que je n’ai pu le vérifier à terre (n’ayant pas de GPS avec moi), à seulement quelques mètres près, les rochers extrêmes de l’actuel Cap de Bonne-Espérance sont peut-être positionnés très légèrement plus au sud que ceux de Cape Point. La carte marine ne permet pas de lever franchement ce doute, seulement de le supposer. Autrement dit, l’actuel Cap de Bonne-Espérance serait très légèrement dans le sud-ouest, et non pas seulement dans l’ouest, de Cape Point.
Mais à l’époque de Bartolomeu Dias, où l’on était capable de prendre False Bay pour Table Bay, les marins avaient d’autres chats à fouetter. Ils étaient dans l’impossibilité totale de connaître avec précision la valeur de la déclinaison magnétique (qui varie avec le lieu et avec le temps), et plus encore celle de la déviation de leur compas - son erreur instrumentale - (qui varie en fonction de critères encore plus nombreux et aléatoires). Alors croire qu’ils étaient en mesure de lever le doute sur 1 ou 2 degrés de relèvement (est-ouest) entre un cap et un autre situés à seulement 1,17 mille marin l’un de l’autre, c’est assurément se tromper. Et je ne pense pas que ces marins, qui étaient avant tout de rudes explorateurs, et non pas des mathématiciens passionnés de cosmographie, aient passé beaucoup de temps sur ces subtilités.

Autre indice, plusieurs documents historiques (des cartes entre autres) montrent que pendant des décennies qui se comptent peut-être en siècles, on a utilisé l’appellation Cap de Bonne-Espérance comme une appellation générale qui désignait la colonie installée dans la Baie de la Table à partir de 1652 par les Hollandais (le premier administrateur colonial fût Jan van Riebeeck), et non pas seulement un cap qui aurait été bien défini et situé au sud de la péninsule, à plusieurs dizaines de kilomètres de distance de cette même colonie.

On a donc à l’évidence beaucoup mélangé les faits, les rôles et les choses dans cette affaire depuis des lustres, postérieurement au premier voyage de Bartolomeu Dias dans les parages, et le résultat, c’est que rien n’est moins certain ni moins contestable que le fait d’attribuer au Cap de Bonne-Espérance (Jean II du Portugal) d’aujourd’hui, alias le Cap des Tempêtes (de Bartolomeu Dias) la position géographique secondaire et sans grand intérêt pour les marins qu’il a de nos jours sur les cartes marines et sur les cartes touristiques de la province du Cap Occidental (Western Cape).

Cape Point, beaucoup plus évident, n’est-il pas un cap usurpateur de la véritable Histoire ?

Hé, Bartolomeu, toi seul pourrais me dire ce qu’il en est…


Photo 1 - Le Cap des Aiguilles. Pour lui, au moins, c'est clair. C'est le point le plus sud du continent africain...

Photo 2 - Sur la péninsule du Cap, des antilopes (des autruches, et des babouins aussi)...

Photo 3 - Cape Point et ses deux phares, un vrai cap, et assez vraisemblablement, le Cap des Tempêtes de Bartolomeu Dias, en 1488...

Photo 4 - Le phare inférieur de Cape Point, un cap particulièrement remarquable depuis le large...

Photo 5 - Ma supposition, c'est que le Cape Point d'aujourd'hui serait peut-être le Cap des Tempêtes de Bartolomeu Dias...


Photo 6 - Et dans ce cas, Cape Point serait le Cap de Bonne-Espérance du roi Jean II du Portugal...


Photo 7 - Perché sur la haute falaise entre Cape Point et ce qu'on appelle  le Cap de Bonne-Espérance, je réfléchis,et je photographie...

Photo 8 - Le Cap de Bonne-Espérance d'aujourd'hui...

Photo 9 - ... un cap géographiquement très secondaire, sur lequel personne n'a songé à ériger un phare, tiens tiens...

Photo 10 - L'équipage de Jangada prend la pause devant la pancarte, mais notez que de là, le cap n'est même pas visible!

dimanche 8 janvier 2012

MESSAGE N°7 – DOUBLER le CAP des AIGUILLES, et puis BONNE-ESPERANCE !!!


Convoyage Richards Bay/Saldanha – Afrique du Sud    
JOUR 7 –  Dimanche 8 Janvier 2012

Finalement, ce n’est pas si facile d’obliger un voilier à aller doucement quand tous les éléments se conjuguent pour qu’il avance vite. Même avec la grand-voile au bas ris et rien devant, on a vite dépassé les 7,5 nœuds, vitesse maximum qui était sensée nous permettre de voir le soleil se lever sur le Cap de Bonne-Espérance…
Une nuit de pleine lune, quelques nuages bas qui couraient vite vers le nord, une ligne de côte tourmentée et montagneuse, la température en chute libre, de l’humidité sur le pont très vite, on sentait bien hier soir que ce segment de côte compris entre le Cap des Aiguilles et le Cap de Bonne –Espérance avait de la puissance sous le pied. Sûrement pas un coin où il faut traînailler. Mais c’était grandiose de longer la terre sous la clarté de la lune. J’ai encore aperçu quelques phoques avant l’obscurité, et puis nous avons repris les mêmes dispositions pour la nuit que la veille. Les filles en bas, les garçons en haut.
La température de l’eau était passée à 15°C à 22H00. Puis le vent a commencé à reprendre du souffle, et j’ai vite compris que nous serions à Cape Point avant le jour. J’ai tracé une nouvelle route un peu plus au large, car les abords sud de la péninsule du Cap sont assez mal pavés. Plusieurs bancs rocheux la débordent, sur lesquels la mer brise violemment dès qu’elle est formée. Vers minuit, le vent s’est mis à chantonner dans le gréement, signe qu’on a dépassé les 25 nœuds apparents. Le bateau, poussé par la mer et le courant, filait une dizaine de nœuds, et nous sommes vite parvenus à l’ouvert de False Bay. Comme nous nous y attendions, parce que c’est la règle quand on approche du Cap de Bonne-Espérance, le vent est monté à 35 nœuds au sud de False Bay, et le bateau a commencé à partir à 12, 14 et 16 nœuds… Difficile de le ralentir. Le phare de Cape Point a défilé assez vite sur tribord, et j’ai noté le passage nord-sud du Cap de Bonne-Espérance (approximativement, car ce cap, aussi fameux soit-il, ne porte de phare) vers 03H05. La mer déferlait parfois, pas vraiment dangereuse mais déjà sérieuse, et j’ai été soulagé de pouvoir amorcer, une heure plus tard, notre changement de route vers le nord. Sous le vent de la péninsule, les vagues étaient moins grosses, plus régulières, le plus dur était passé. Le jour s’est levé, un peu blafard, légèrement brumeux. Le vent a molli par le travers de Hout Bay, il y avait une buée inhabituelle sur les vitrages du roof, et je n’avais pas envie de quitter ma polaire. Cela m’a poussé à regarder la température de l’eau de mer : 10°C ! Nous voilà en plein courant froid de Benguela…
L’arrière de la Table Mountain est apparu, puis Lion’s Head, au-dessus du quartier de Clifton.
Puis Robben Island.
Après avoir passé 10 jours à Cape Town et dans les environs, et sachant que le Royal Cape Yacht Club ne pouvait nous accueillir, nous avons décidé de profiter du vent favorable pour rejoindre la lagune de Saldahna, à une soixantaine de milles au nord de Cape Town. Nous sommes passés à proximité de Dassen Island, une île plate qui ressemble à l’Ile de Sein, entourée de brisants, sur laquelle vivent des milliers d’oiseaux, de manchots et de phoques, mais où il est interdit de débarquer. Un peu plus tard, j’ai du manœuvrer pour éviter une grosse baleine qui somnolait en surface. Vers 16H00, nous étions à l’entrée de la lagune de Saldanha, au milieu des phoques qui nous accompagnés en mer toute la journée, et de nombreux oiseaux. Le vent s’est mis à souffler à nouveau à 35 nœuds sur cette côte basse, sablonneuse, et semi-désertique, qui préfigure le désert du Namib. La grand-voile ne voulait plus descendre !
Saldanha est avant tout un port minéralier et un port de pêche. Le petit Yacht-Club est quand même bien sympa, et nous étions heureux de pouvoir prendre le dernier coffre disponible sur rade, ce qui nous assure une nuit paisible.
Mais le principal évènement du jour, c’est bien sûr que nous avons ce soir contourné l’Afrique du Sud, et finalement dans d’assez bonnes conditions. 3 jours pour rallier Knysna depuis Richards’Bay, et un peu plus de 2 jours pour atteindre Saldanha depuis Knysna. Un convoyage rapide à la mer, dont nous ne sommes pas mécontents.
Devant nos étraves désormais, l’Atlantique, les caps dirigés vers le nord, à nouveau les tropiques d’ici quelques centaines de milles, bientôt le soleil, les mers bleues, les alizés, les poissons à la ligne de traîne, et, en ligne de mire, encore loin, mais qui n’a jamais été aussi proche, la ligne d’arrivée d’un long voyage…
A bientôt.
Olivier
 (Fin de la série des messages « Convoyage Afrique du Sud »)

samedi 7 janvier 2012

MESSAGE N°6 – DOUBLER le CAP des AIGUILLES, et puis BONNE-ESPERANCE !!!

Convoyage Richards Bay/Cape Town – Afrique du Sud

 JOUR 6 –  Samedi 7 Janvier 2012

Toute la nuit, les deux moteurs ont ronronné à régime économique, toute la nuit la grand-voile a hésité à s’appuyer sur un bord, puis sur l’autre. Pas terrible.

Vitesse 4,5 nœuds à peine, avec un petit tangage persistant organisé par la houle résiduelle de sud-ouest.

Barbara, qui traîne encore son méchant rhume, est allée se coucher tôt en bas, rejointe illico par Adélie, qui revenait d’un commando dans sa cabine pour aller y chercher sa couette, son oreiller, et, of course, son Beige (doudou). Marin a dormi dans le carré à bâbord, et j’ai commencé une longue nuit de quart à tribord, dans la clarté de la quasi pleine lune, mais pour l’essentiel passée dans ma bannette, à dormir !

Non, je ne suis pas un héros !

Nous avons seulement croisé un bateau de pêche et un paquebot, pour le reste, c’est clair, la saison estivale sur la côte sud-africaine, ce n’est pas comme le littoral varois au mois d’Août… Autre particularité, dès que le jour se lève, on aperçoit des phoques, des manchots (à 20 milles au large !), et des albatros. Chose curieuse, j’ai aperçu aussi quelques gros poissons volants, dans une eau qui est encore à 23°C (courant chaud des Aiguilles), mais plus pour longtemps.

Dès que nous aurons doublé le Cap des Aiguilles, la température de la mer devrait chuter assez vite, en quelques dizaines de milles, à 16 ou 17°. Ce sera le signe que nous avons rejoint le flot portant au nord du courant froid de Benguela.

A 09H00 ce matin, nous étions encore à plus de 50 milles d’Agulhas j’étais pessimiste sur le fait de le doubler avant la nuit. Il fallait que le vent daigne se lever, si possible du sud-est, et sans tarder. Je reprends un fichier Grig par Skyfile et notre téléphone satellitaire, le vent de sud-est est bien prévu à une dizaine de nœuds vers midi. Allez, on y croit.

C’est finalement vers 10H30 que les premières risées apparaissent sur la surface lisse de la mer. Le vent s’étoffe doucement, 5, 6 puis 7, et 8 nœuds. Nous envoyons le gennaker, stoppons le moteur au vent, la vitesse passe à 6 nœuds. C’est bien. Une heure plus tard, le vent souffle à 12, puis 15 nœuds. La mécanique s’est enfin tue, le voilier file à 8/9 nœuds vers le Cap des Aiguilles que nous apercevons à une trentaine de milles légèrement sur tribord. On doit avoir un peu de courant favorable, le GPS indique souvent 10/11 nœuds sur le fonds. Avec cette nouvelle donne, nous devrions doubler le Cap peu après 15H00. L’allure est encore un peu serrée, le vent apparent souffle légèrement en avant du travers tribord.

Vivement qu’on double la pointe extrême sud de l’Afrique, ensuite, on peut choquer les écoutes, et commencer à remonter vers Danger Point, puis le Cap de Bonne-Espérance, ou plus exactement Cape Point.

Je vise les fonds de 20 mètres, les breakers (brisants) ont le déferlement facile dans le coin. Ne pas trop serrer la côte.

A 15H21, Jangada, qui marche maintenant à 11 nœuds sur l’eau, fait le spectacle pour les touristes et les estivants qui séjournent à Agulhas.

A environ 1 mille de la côte, nous franchissons la longitude du Cap des Aiguilles, route à l’ouest, sous grand-voile à 1 ris et solent. Le vent est monté à 18 nœuds. Le phare rouge et blanc défile déjà sur notre arrière, nous apercevons les voitures garées sur le parking d’où un petit sentier conduit au petit monument qui marque l’extrémité sud du continent africain. Nous y étions il y a quelques jours !

Voilà, c’est fait. Nous avons doublé le Cap des Aiguilles !

Nous venons de quitter l’Océan Indien. 192 jours se sont écoulés depuis que nous avons franchi la longitude du Cap York, là-bas, à la sortie du Détroit de Torrès. C’était le 29 Juin 2011.

Et nous retrouvons au même moment l’Océan Atlantique, tout au sud cette fois, près de 650 jours après l’avoir vu disparaître doucement à nos yeux émus, le 29 Mars 2010 au soir, lorsque les deux énormes portes de l’écluse de Gatun, la première du Canal de Panama, se sont refermées sur nous… Depuis, près de 20 000 milles parcourus. Le loch GPS indique 28 551 milles depuis notre départ du bassin à flot de La Rochelle.

Une demi-heure après avoir doublé le Cap des Aiguilles, nous réduisons la toile et l’allure. En prévision de la nuit, souvent ventée dans ces parages, 3 ris dans la grand-voile. On réglera la surface du solent pour ne pas dépasser 7,5 nœuds, histoire d’arriver aux premières lueurs du jour au Cap de Bonne-Espérance.

Cette nuit, nous allons passer devant les îles de Dyer et Geyser Islands, et le village de Gansbaai, qui a une spécialité bien particulière : les grands requins blancs. Ils sont légion dans le coin, car leur garde-manger principal se trouve sur ces îles. Des centaines de phoques bien gras y vivent, et il s’y déroule chaque jour des scènes impressionnantes de prédation. Des images parmi les plus fortes de ce que peut offrir la nature.

Bon, pour nous, cette nuit, ce qu’il faut éviter, encore plus que d’habitude, c’est la chute par-dessus bord… Avec un peu d’imagination, les great white sharks, féroces tueurs qui font rarement de cadeaux, me prendraient à coup sûr pour un phoque !

Demain sera un autre jour, du côté de Cape Town !

Bonne nuit.

Olivier

vendredi 6 janvier 2012

MESSAGE N°5 – DOUBLER le CAP des AIGUILLES, et puis BONNE-ESPERANCE !!!

Convoyage Richards Bay/Cape Town – Afrique du Sud
JOUR 5 – Vendredi 6 Janvier 2012


La nuit au mouillage à l’entrée de la lagune de Knysna a été paisible.

Au coucher du soleil, la température a chuté comme tous les soirs de quelques degrés, ce qui a provoqué le départ de toutes les petites embarcations motorisées qui étaient venues mouiller autour de nous pour l’après-midi. En cette période estivale, après sa journée sur l’eau, le sud-africain aisé apprécie de rentrer chez lui à Thesen Island ou Leisure Island, de mettre en route son braai (le sacro-saint barbecue des afrikaners, passé dans la tradition de toute la nation, quelle que soit la couleur de la peau), et de boire quelques verres de vin sud-africain, souvent très bon.

Les cormorans ont pris leur quart de nuit sur les rochers de la petite plage déserte à une cinquantaine de mètres de Jangada, les phoques ont attrapé leurs derniers poissons avant d’aller se hisser au sec pour la nuit dans les petites criques de la passe, et le soleil s’est couché doucement par-dessus les collines de l’ouest, abandonnant sur le pont les premières gouttes de la rosée nocturne.

Pas un bruit cette nuit, pas une vague, pas un souffle. Pas un raclement de la chaîne de l’ancre sur le rouleau du davier.

Ce matin, premier levé (comme souvent, car j’adore les premières heures matinales et je déteste rester au lit le matin), j’ai pris mon petit-déjeuner avec du bon pain en boule acheté pour la mer (la croûte épaisse le fait durer plus longtemps), du beurre salé et du miel. Puis je suis parti en kayak observer l’état de la passe, un petit exercice de quelques centaines de mètres très plaisant à cette heure matinale. Je me suis amusé à observer le manège agaçant d’un goéland juvénile qui poursuivait sa mère pour qu’elle lui trouve un petit-déjeuner digne de ce nom. Elle ne savait plus comment lui échapper, et lui ne voulait entendre aucune excuse !

J’ai longuement observé la passe, à une distance de 300 à 400 mètres. La houle s’est bien calmée dans la nuit, bien sûr ça déferlait encore beaucoup, mais dans l’alignement de sortie qui passe très près des roches côté tribord, pas de vagues escarpées, seulement une tendance à lever sur une centaine de mètres de longueur. Feu vert pour la sortie.

A mon retour à bord, Barbara, Marin et Adélie prenaient à leur tour leur petit-déjeuner. Nous avons attendu l’étale du courant de marée (basse), puis avons mis en route. Tous les sabords verrouillés, les moteurs montés en température, l’équipage à l’abri, nous nous sommes engagés dans le goulet, positionnés pile poil sur l’alignement arrière, et avons fait route d’abord à très faible vitesse, pour observer les vagues. De temps à autre, à quelques minutes d’intervalle, une vague plus haute, plus escarpée que les autres, plus ou moins à la limite du déferlement, barrait le passage.

La solution paraissait simple. S’approcher à une centaine de mètres de la zone critique, attendre le passage de la vague dangereuse, puis y aller en avant toute !

C’est ce que nous avons fait, moteurs à 2200t/mn pendant 5 minutes, et le franchissement s’est très bien passé. Nous étions sorti de la zone dangereuse au moment où la vague escarpée suivante a commencé à lever.

Au revoir Knysna, la bienheureuse souricière… Dehors, ciel bleu, houle raisonnable de sud-ouest (ça souffle plus au

sud) et vent faible. Il est 08H00 du matin, nous avons repris la mer !

Cela faisait longtemps que les moteurs n’avaient pas tourné, on va avoir besoin d’eux dans les premières 24 heures. Un peu plus tard, nous envoyons la grand-voile haute dans un petit zéphyr de secteur sud, puis le solent, le tout bordé à bloc, ce qui nous permet de stopper le moteur au vent (bâbord). Le moteur sous le vent, lui, continue à pousser sans forcer, à 1300t/mn, en aidant le bateau à tenir son cap au près serré, en l’empêchant d’abattre. Vitesse 5 nœuds, départ en douceur.

Dans la matinée, nous avons croisé un gros phoque qui pêchait à une dizaine de milles au large, puis un souffleur qui s’est écarté de notre route. La mer est plutôt calme, alors les oiseaux de mer juvéniles en profitent pour se poser sur les flots. Ils se déplacent au gré de leur localisation des bancs d’alevins, nombreux en cette saison, dont ils se nourrissent. Les fous de bassan, voiliers valeureux au large, ont fait leur re-apparition, mais cette brise évanescente ne favorise pas leur pêche. Chacun son tour en somme… A 17h00, heure bord (avec 1 heure d’avance sur la France), nous sommes par le travers de Mossel Bay, à une dizaine de milles au large. Le Cap des Aiguilles est à 114 milles devant. Le vent, d’une dizaine de nœuds, est très pointu, il devrait passer au sud-est demain matin.

On croise les doigts. Nous espérons pouvoir alors choquer les écoutes, gagner un peu en vitesse, et doubler le Cap avant la nuit prochaine… Olivier