vendredi 6 janvier 2012

MESSAGE N°5 – DOUBLER le CAP des AIGUILLES, et puis BONNE-ESPERANCE !!!

Convoyage Richards Bay/Cape Town – Afrique du Sud
JOUR 5 – Vendredi 6 Janvier 2012


La nuit au mouillage à l’entrée de la lagune de Knysna a été paisible.

Au coucher du soleil, la température a chuté comme tous les soirs de quelques degrés, ce qui a provoqué le départ de toutes les petites embarcations motorisées qui étaient venues mouiller autour de nous pour l’après-midi. En cette période estivale, après sa journée sur l’eau, le sud-africain aisé apprécie de rentrer chez lui à Thesen Island ou Leisure Island, de mettre en route son braai (le sacro-saint barbecue des afrikaners, passé dans la tradition de toute la nation, quelle que soit la couleur de la peau), et de boire quelques verres de vin sud-africain, souvent très bon.

Les cormorans ont pris leur quart de nuit sur les rochers de la petite plage déserte à une cinquantaine de mètres de Jangada, les phoques ont attrapé leurs derniers poissons avant d’aller se hisser au sec pour la nuit dans les petites criques de la passe, et le soleil s’est couché doucement par-dessus les collines de l’ouest, abandonnant sur le pont les premières gouttes de la rosée nocturne.

Pas un bruit cette nuit, pas une vague, pas un souffle. Pas un raclement de la chaîne de l’ancre sur le rouleau du davier.

Ce matin, premier levé (comme souvent, car j’adore les premières heures matinales et je déteste rester au lit le matin), j’ai pris mon petit-déjeuner avec du bon pain en boule acheté pour la mer (la croûte épaisse le fait durer plus longtemps), du beurre salé et du miel. Puis je suis parti en kayak observer l’état de la passe, un petit exercice de quelques centaines de mètres très plaisant à cette heure matinale. Je me suis amusé à observer le manège agaçant d’un goéland juvénile qui poursuivait sa mère pour qu’elle lui trouve un petit-déjeuner digne de ce nom. Elle ne savait plus comment lui échapper, et lui ne voulait entendre aucune excuse !

J’ai longuement observé la passe, à une distance de 300 à 400 mètres. La houle s’est bien calmée dans la nuit, bien sûr ça déferlait encore beaucoup, mais dans l’alignement de sortie qui passe très près des roches côté tribord, pas de vagues escarpées, seulement une tendance à lever sur une centaine de mètres de longueur. Feu vert pour la sortie.

A mon retour à bord, Barbara, Marin et Adélie prenaient à leur tour leur petit-déjeuner. Nous avons attendu l’étale du courant de marée (basse), puis avons mis en route. Tous les sabords verrouillés, les moteurs montés en température, l’équipage à l’abri, nous nous sommes engagés dans le goulet, positionnés pile poil sur l’alignement arrière, et avons fait route d’abord à très faible vitesse, pour observer les vagues. De temps à autre, à quelques minutes d’intervalle, une vague plus haute, plus escarpée que les autres, plus ou moins à la limite du déferlement, barrait le passage.

La solution paraissait simple. S’approcher à une centaine de mètres de la zone critique, attendre le passage de la vague dangereuse, puis y aller en avant toute !

C’est ce que nous avons fait, moteurs à 2200t/mn pendant 5 minutes, et le franchissement s’est très bien passé. Nous étions sorti de la zone dangereuse au moment où la vague escarpée suivante a commencé à lever.

Au revoir Knysna, la bienheureuse souricière… Dehors, ciel bleu, houle raisonnable de sud-ouest (ça souffle plus au

sud) et vent faible. Il est 08H00 du matin, nous avons repris la mer !

Cela faisait longtemps que les moteurs n’avaient pas tourné, on va avoir besoin d’eux dans les premières 24 heures. Un peu plus tard, nous envoyons la grand-voile haute dans un petit zéphyr de secteur sud, puis le solent, le tout bordé à bloc, ce qui nous permet de stopper le moteur au vent (bâbord). Le moteur sous le vent, lui, continue à pousser sans forcer, à 1300t/mn, en aidant le bateau à tenir son cap au près serré, en l’empêchant d’abattre. Vitesse 5 nœuds, départ en douceur.

Dans la matinée, nous avons croisé un gros phoque qui pêchait à une dizaine de milles au large, puis un souffleur qui s’est écarté de notre route. La mer est plutôt calme, alors les oiseaux de mer juvéniles en profitent pour se poser sur les flots. Ils se déplacent au gré de leur localisation des bancs d’alevins, nombreux en cette saison, dont ils se nourrissent. Les fous de bassan, voiliers valeureux au large, ont fait leur re-apparition, mais cette brise évanescente ne favorise pas leur pêche. Chacun son tour en somme… A 17h00, heure bord (avec 1 heure d’avance sur la France), nous sommes par le travers de Mossel Bay, à une dizaine de milles au large. Le Cap des Aiguilles est à 114 milles devant. Le vent, d’une dizaine de nœuds, est très pointu, il devrait passer au sud-est demain matin.

On croise les doigts. Nous espérons pouvoir alors choquer les écoutes, gagner un peu en vitesse, et doubler le Cap avant la nuit prochaine… Olivier