mardi 3 janvier 2012

Billet N°142 - Ascension de la Table Mountain, à Cape Town…

Vendredi 30 Décembre 2011
par Olivier

Difficile de séjourner à Cape Town sans faire l’ascension de la Montagne de la Table…

C’est ce qu’on lit en tout cas dans tous les guides touristiques.

Là où les avis divergent, c’est sur le moyen de se rendre là-haut, sur le plateau de la fameuse table.

90% des visiteurs choisissent le téléphérique (à cabine tournante, vision à 360° assurée sans bouger, il suffit d’attendre, l’idéal pour faire un peu d’exercice), ce qui n’étonnera personne.

En ces derniers jours de l’année, l’équipage de Jangada, d’habitude soudé devant ce genre de challenge par le goût parental commun pour les randonnées au grand air, est plutôt à la dérive.

Barbara, qui n’a décidément pas de chance avec ce sujet depuis quelques semaines, enchaîne les séances chez le dentiste urgentiste de Cap Town, la joue droite enflée par un abcès interne, gentiment accompagnée par sa belle-sœur Caroline. Adélie et Isabelle (sa cousine), profitent au maximum de leur présence réciproque pour annihiler toute tentative de la génération d’au-dessus de leur faire mettre un pied devant l’autre… Elles ont réussi à décrocher l’option cottage (notre maison de location à Saint-James, dans Kalk Bay), avec la sous-option glandouille…

Reste Marin, qui se raccrocherait bien aux branches que laissent traîner, par solidarité adolescente, sa sœur et sa cousine, mais je le booste en lui vantant les mérites d’une randonnée exceptionnelle en compagnie de son parrain, mon frère aîné Louis. En sa présence, il lui est difficile de se défiler…

Et c’est ainsi que nous nous rendons au pied de la Montagne de la Table versant ouest, à 08H00 du matin, après avoir déposé une deuxième voiture sur le parking du jardin botanique de Kirstenbosch, de l’autre côté de la montagne, sur le versant est. Nous dépassons une colonne de touristes de plusieurs centaines de mètres de longueur qui font la queue pour prendre le téléphérique. Ils ont sans doute tous lu dans les guides qu’il fallait se lever tôt pour ne pas attendre trop longtemps la cabine bénie (capacité 65 pax), moyen en quoi ils se retrouvent malgré leur sage résolution de la veille au soir dans un embouteillage humain monstre…

Bon, la Table Mountain, qui surplombe majestueusement la ville de Cape Town, ce n’est quand même pas le Karakorum.

1086 mètres d’altitude au-dessus de la baie, et le sentier que nous avons décidé d’emprunter pour y monter, celui qui passe par la Platteklip Gorge, démarre de Tafelberg Road à environ 350 mètres d’altitude. C’est la voie la plus directe vers le sommet, et donc la plus pentue. Pour profiter de la vue splendide que l’on a du haut de la Montagne de la Table, il faut bien choisir son jour d’ascension, et son horaire aussi. Il y a des jours où l’aérologie très particulière et très puissante de l’endroit rend les choses difficiles. La nappe (table cloth) peut être rapidement mise sur la table : il s’agit de l’ensemble des nuages orographiques qui s’empressent de recouvrir la Table Mountain au moindre prétexte météorologique, et ils sont nombreux.

Caroline nous débarque avec nos petits sacs à dos, contenant déjeuner, réserve d’eau et coupe-vent. En bonne infirmière qu’elle est, elle retourne aussitôt au chevet de Barbara, abandonnée au passage à son triste sort chez l’urgentiste dentaire. Notre petite équipe se met en marche sur Platteklip. La pente est certes assez raide, et les rafales de vent catabatique qui déboulent dans la gorge vous préviennent que là-haut, il va falloir s’accrocher.

De 1 heure à 3 heures la montée d’après notre guide de randonnées du Table Mountain National Park, la moyenne est à 2. Marin a décidé de faire parler la poudre de sa jeunesse, il passe rapidement devant, et j’ai un peu de mal à le suivre. Le bon vin sud-africain peut-être, goûté ces derniers jours dans les propriétés viticoles de Stellenbosch ? Il arrivera là-haut  en 57 minutes. Va falloir que je m’y habitue… Je mettrai une heure et 4 minutes, tandis que Louis, qui gère avec sagesse et expérience les lourdes conséquences orthopédiques d’un accident d’avion dont il a réchappé d’extrême justesse, il y a des années, mettra 1 heure et 20 minutes, ce qui est déjà très bien. A l’arrivée sur le plateau,  des rafales à 30/35 nœuds nous tombent dessus, et la fange blanchâtre des nuages nous absorbe  régulièrement. Mais il fait beau, et le ciel bleu ne disparaît jamais très longtemps. Nous marchons sur les sentiers rocheux qui sillonnent, nombreux, le plateau sommital, qui ne mesure qu’une centaine de mètres de large, et allons admirer la Baie de la Table et la ville qui s’étend  au pied de la Montagne. Sur notre gauche, Lion’s Head (où nous sommes montés la veille avec mon frère), et Signal Hill, les deux montagnes secondaires qui bordent la ville au sud, avec, au-delà, les quartiers les plus chics de Cape Town, du côté de Clifton Bay et de Camps Bay. Quelques cargos sont mouillés sur rade, de part et d’autre de Robben Island, l’ancienne île-prison de Nelson Mandela et de nombre d’activistes de l’ANC. Au pied de Signal Hill, le quartier de Bo-Kaap, puis droit devant, le Waterfront, très prisé des touristes en cette saison. (Les enfants ont réussi à nous obliger à aller dans le Mac Do du Waterfront, deux jours plus tôt !). Plus à droite le City Bowl (la cuvette du centre ville) avec le vieux castle de la Compagnie des Indes, et puis le port de commerce avec, coincé au fond, le Royal Cape Yacht Club. Plus à droite, le rectangle vide de District Six, et l’hôpital Groote Schuur (Décembre 1967, le chirurgien Christiaan Barnard réalise la première greffe cardiaque, le patient survivra 18 jours, vous vous souvenez ?) et puis le début des quartiers populaires de la ville. Nous reprenons un petit sentier qui amorce une descente vers Echo Valley, sur le versant sud-est de Table Mountain. Nous avons capelé nos polaires, car là-haut, la température chute sensiblement, et l’humidité des nuages associée aux rafales de vent vous donnent vite froid. Dès que nous quittons le plateau, les conditions s’améliorent, le vent est moins fort, le soleil plus présent. Le paysage est magnifique. La végétation est une lande de petits arbustes et de plantes basses et robustes capables de résister aux vents forts, et en cette saison, les fleurs sont nombreuses. Les botanistes doivent se régaler, car il se dit que nombre de ces végétaux sont endémiques.

Quelques petites antilopes doivent vivre dans ce massif, car on aperçoit de temps à autre des empreintes dans la boue des sources d’eau qui descendent vers les vallées. Les lions y vivaient autrefois, et les derniers léopards ont été vus en 1920. Aujourd’hui, on n’y croise plus qu’un chat sauvage rouge, le rooikat, des porcs-épics, des mangoustes et des serpents, quelques tortues, et pas mal d’oiseaux.

Nous suivons un sentier sinueux qui passe non loin des lacs (réservoirs d’eau douce de la ville) et qui doit nous ramener vers le sud-est, sur le Smuts Track, et de là, vers Skeleton Gorge, un ravin qui débouche dans les hauts du jardin botanique de Kirstenbosch.

Nous faisons la pause déjeuner un peu avant midi, à l’abri du vent derrière des grosses roches de grès dont le massif de la montagne de la Table est principalement constitué. Il y a beaucoup moins de randonneurs sur ce versant que du côté de Platteklip, et c’est maintenant la False Bay qui s’étend loin devant nous, là-bas, au-delà des vignes du domaine viticole de Groot Constantia, qui produit un vin renommé dont on dit que l’empereur déchu, Napoléon, l’appréciait beaucoup, en son exil de Sainte-Hélène.

Au loin, sur la gauche, les Cape Flats, plateaux poussiéreux et ventés, avec l’immense township de Khayelitsha , le plus grand de Cape Town, où l’apartheid et les clivages économiques (qui seront longs à réduire) ont parqué 2 millions de Noirs…

Nous nous engageons en début d’après-midi dans la ravine de Skeleton Gorge. Je n’y ai pas vu de squelette. Il a du être enlevé. Certains passages sont raides, et utilisent de grandes échelles de bois ou de métal, et quelques chaînes de sécurité. Le sentier longe un petit torrent quasiment à sec en cette saison, il faut souvent s’aider des mains pour agripper les blocs rocheux. Les sous-bois ombragés nous conduisent après deux heures de descente dans l’enceinte du jardin botanique de Kirstenbosch…

Joli souvenir cette ballade par-dessus la table Mountain…

Photo 1 - La Table Mountain, vue de Signal Hill...

Photo 2 - Au pied de la montagne, Tafelberg Road et la station inférieure du téléphérique...

Photo 3 - Dans l'ascension du Platteklip, versant ouest, côté ville...

Photo 4 - Tout au long de la montée,entre les nuages,  la vue sur Cape Town et sa baie est splendide...

Photo 5 - Sur le plateau sommital de la Table Mountain, le vent souffle fort...

Photo 6 - Le sentier qui mène à Echo Valley et au versant oriental...

Photo 7 - Les lacs -réservoirs du massif de la Table Mountain...

Photo 8 - En plein été austral, les sentiers de la Table Mountain sont superbes...

Photo 9 - Au sud et sud-est, la péninsule du Cap et False Bay...

Photo 10 - J'aimerais en connaître le nom...

Photo 11 - Fynbos protea, la fleur emblématique du pays...

Photo 12 - Marin et son parrain, un moment exceptionnel...