samedi 7 janvier 2012

MESSAGE N°6 – DOUBLER le CAP des AIGUILLES, et puis BONNE-ESPERANCE !!!

Convoyage Richards Bay/Cape Town – Afrique du Sud

 JOUR 6 –  Samedi 7 Janvier 2012

Toute la nuit, les deux moteurs ont ronronné à régime économique, toute la nuit la grand-voile a hésité à s’appuyer sur un bord, puis sur l’autre. Pas terrible.

Vitesse 4,5 nœuds à peine, avec un petit tangage persistant organisé par la houle résiduelle de sud-ouest.

Barbara, qui traîne encore son méchant rhume, est allée se coucher tôt en bas, rejointe illico par Adélie, qui revenait d’un commando dans sa cabine pour aller y chercher sa couette, son oreiller, et, of course, son Beige (doudou). Marin a dormi dans le carré à bâbord, et j’ai commencé une longue nuit de quart à tribord, dans la clarté de la quasi pleine lune, mais pour l’essentiel passée dans ma bannette, à dormir !

Non, je ne suis pas un héros !

Nous avons seulement croisé un bateau de pêche et un paquebot, pour le reste, c’est clair, la saison estivale sur la côte sud-africaine, ce n’est pas comme le littoral varois au mois d’Août… Autre particularité, dès que le jour se lève, on aperçoit des phoques, des manchots (à 20 milles au large !), et des albatros. Chose curieuse, j’ai aperçu aussi quelques gros poissons volants, dans une eau qui est encore à 23°C (courant chaud des Aiguilles), mais plus pour longtemps.

Dès que nous aurons doublé le Cap des Aiguilles, la température de la mer devrait chuter assez vite, en quelques dizaines de milles, à 16 ou 17°. Ce sera le signe que nous avons rejoint le flot portant au nord du courant froid de Benguela.

A 09H00 ce matin, nous étions encore à plus de 50 milles d’Agulhas j’étais pessimiste sur le fait de le doubler avant la nuit. Il fallait que le vent daigne se lever, si possible du sud-est, et sans tarder. Je reprends un fichier Grig par Skyfile et notre téléphone satellitaire, le vent de sud-est est bien prévu à une dizaine de nœuds vers midi. Allez, on y croit.

C’est finalement vers 10H30 que les premières risées apparaissent sur la surface lisse de la mer. Le vent s’étoffe doucement, 5, 6 puis 7, et 8 nœuds. Nous envoyons le gennaker, stoppons le moteur au vent, la vitesse passe à 6 nœuds. C’est bien. Une heure plus tard, le vent souffle à 12, puis 15 nœuds. La mécanique s’est enfin tue, le voilier file à 8/9 nœuds vers le Cap des Aiguilles que nous apercevons à une trentaine de milles légèrement sur tribord. On doit avoir un peu de courant favorable, le GPS indique souvent 10/11 nœuds sur le fonds. Avec cette nouvelle donne, nous devrions doubler le Cap peu après 15H00. L’allure est encore un peu serrée, le vent apparent souffle légèrement en avant du travers tribord.

Vivement qu’on double la pointe extrême sud de l’Afrique, ensuite, on peut choquer les écoutes, et commencer à remonter vers Danger Point, puis le Cap de Bonne-Espérance, ou plus exactement Cape Point.

Je vise les fonds de 20 mètres, les breakers (brisants) ont le déferlement facile dans le coin. Ne pas trop serrer la côte.

A 15H21, Jangada, qui marche maintenant à 11 nœuds sur l’eau, fait le spectacle pour les touristes et les estivants qui séjournent à Agulhas.

A environ 1 mille de la côte, nous franchissons la longitude du Cap des Aiguilles, route à l’ouest, sous grand-voile à 1 ris et solent. Le vent est monté à 18 nœuds. Le phare rouge et blanc défile déjà sur notre arrière, nous apercevons les voitures garées sur le parking d’où un petit sentier conduit au petit monument qui marque l’extrémité sud du continent africain. Nous y étions il y a quelques jours !

Voilà, c’est fait. Nous avons doublé le Cap des Aiguilles !

Nous venons de quitter l’Océan Indien. 192 jours se sont écoulés depuis que nous avons franchi la longitude du Cap York, là-bas, à la sortie du Détroit de Torrès. C’était le 29 Juin 2011.

Et nous retrouvons au même moment l’Océan Atlantique, tout au sud cette fois, près de 650 jours après l’avoir vu disparaître doucement à nos yeux émus, le 29 Mars 2010 au soir, lorsque les deux énormes portes de l’écluse de Gatun, la première du Canal de Panama, se sont refermées sur nous… Depuis, près de 20 000 milles parcourus. Le loch GPS indique 28 551 milles depuis notre départ du bassin à flot de La Rochelle.

Une demi-heure après avoir doublé le Cap des Aiguilles, nous réduisons la toile et l’allure. En prévision de la nuit, souvent ventée dans ces parages, 3 ris dans la grand-voile. On réglera la surface du solent pour ne pas dépasser 7,5 nœuds, histoire d’arriver aux premières lueurs du jour au Cap de Bonne-Espérance.

Cette nuit, nous allons passer devant les îles de Dyer et Geyser Islands, et le village de Gansbaai, qui a une spécialité bien particulière : les grands requins blancs. Ils sont légion dans le coin, car leur garde-manger principal se trouve sur ces îles. Des centaines de phoques bien gras y vivent, et il s’y déroule chaque jour des scènes impressionnantes de prédation. Des images parmi les plus fortes de ce que peut offrir la nature.

Bon, pour nous, cette nuit, ce qu’il faut éviter, encore plus que d’habitude, c’est la chute par-dessus bord… Avec un peu d’imagination, les great white sharks, féroces tueurs qui font rarement de cadeaux, me prendraient à coup sûr pour un phoque !

Demain sera un autre jour, du côté de Cape Town !

Bonne nuit.

Olivier