mercredi 22 juin 2011

MESSAGE N°3 – DES LOUISIADES A PORT-MORESBY

Papouasie Nouvelle-Guinée.


Mercredi 22 Juin 2011

Une nuit difficile, comme il y en a parfois en mer, sans qu’on puisse vraiment les prévoir.

Je n’ai pas beaucoup dormi, et ce matin, j’avais les traits un peu tirés, les yeux carrément rouges, et la coiffure franchement hirsute.

Les nuits à grains avec le vent sur l’arrière sont les pires. Je n’aime pas le vent arrière en catamaran, sauf s’il y a au moins 25 nœuds de vent stable. Par 15 à 20 nœuds de vent, les voiles sont peu appuyées car le vent apparent est faible, la corne de grand-voile se ballade allègrement dans les airs en haut du mât, favorisant les amorces d’empannage intempestif, l’accastillage souffre, et la vitesse moyenne n’est pas terrible. Aucun avantage. Les lignes de grains se sont succédées sur notre plan d’eau, comme si cette région de la Mer de Corail entre la Papouasie Nouvelle-Guinée au nord et l’Australie au sud, qui se termine par l’entonnoir du Détroit de Torrès, constituait la bonde de vidange du Pacifique. Un coin qui ne donne pas envie de s’éterniser. Il a fallu manœuvrer toute la nuit, affaler, renvoyer, la grand-voile, le solent, le gennaker, le spi triradial, tout y est passé pour tenter de suivre ces sautes de vent pénibles qu’entraîne l’arrivée des grains. Le plus souvent, sous cette pluie fine qui ressemble à la boucaille d’un temps maussade d’hiver en Mer du Nord, sauf que le thermomètre affiche 30°C, je manœuvre nu, à poil quoi, pour ne pas tout tremper dans le carré quand la manœuvre est finie. Je me sèche vaguement, et de moins en moins au fur et à mesure que la nuit avance, à l’aide d’une serviette de bain. La seule rencontre que je puisse faire dans cette tenue est celle d’un poisson-volant maladroit qui aurait décollé trop tard devant les étraves de Jangada, et qui croiserait à quelques 50 km/h au-dessus du pont, dans l’obscurité, avant de se fracasser la tronche sur le roof. On a encore réussi à empanner deux fois sauvagement dans des sautes de vent brutales, mais la retenue de bôme, toujours souquée à notre bord, empêche les dégâts. Visibilité faible toute la nuit, croisé quelques cargos. Et trouvé un boulon inox de latte de grand-voile tombé en vrac sur le pont. Pas une nuit inoubliable.

Alors j’étais content de voir le jour se lever, mais si c’était laborieux, pas grandiose.

Les derniers milles avant l’arrivée sont toujours longs, nous avons pêché une autre daurade ce matin, et sommes parvenus dans la passe entre les deux reefs qui débordent la baie de Port-Moresby vers midi, avec une éclaircie et le début du vent fort de sud-est prévu pour les jours qui viennent.

Les premières images de Port-Moresby ne m’y feront vraisemblablement pas passer ma retraite, mais le boom économique qu’occasionne la récente exploitation des gisements de gaz naturel provoque visiblement du développement dans cette ville sans charme. Après le mahi-mahi préparé par Barbara en poisson cru à la tahitienne, il a fallu se fendre dans le goulet de la marina du Royal Papua Yacht Club d’une manœuvre périlleuse de prise de coffre dans 40 nœuds de vent, au ras de la jetée et de bateaux locaux dont les coffres sont disposés beaucoup trop près de celui qui nous a été attribué, le seul disponible. Un mouillage inconfortable dans l’axe de la passe de sortie, face au vent rageur, et potentiellement dangereux. Avec 6 aussières capelées sur la bouée, on espère pouvoir dormir ce soir. Un seul autre voilier de voyage ici, c’est clair que la mauvaise réputation de la ville n’encourage pas les visites… En attendant celle des autorités, douane, immigration, et quarantaine, nous avons fait une première incursion dans les locaux luxueux du Royal Papua Yacht Club, un club à l’ancienne, très tendance époque post-coloniale Bristish Commonwealth, où une nuée de grooms mâles et femelles tous papous veille à ce que l’étiquette vestimentaire du jour soit parfaitement respectée par … les blancs. Les tongs sont proscrites après 18H00, et Adélie, pourtant prévenue, s’est fait tirer l’oreille par la patrouille.

Demain, on va tenter de faire quelques centaines de mètres dans la ville sans se faire attaquer par les raskols, c’est déjà un beau programme.

A Port-Moresby sous la pluie, et dans les rafales… Olivier

mardi 21 juin 2011

MESSAGE N°2 – DES LOUISIADES A PORT-MORESBY,

Papouasie Nouvelle-Guinée.


Mardi 21 Juin 2011

La nuit sur la Mer de Corail a été relativement calme, mais le ciel a peu consenti à nous montrer ses étoiles. La couverture nuageuse est bien établie, et au lever du jour, le ciel était uniformément gris, la mer uniformément grise. Seules les couleurs vives de Jangada, le bleu du gennaker envoyé en milieu de nuit avec Marin, le jaune des protections de voiles et des coussins de pont tentaient d’égayer un peu cette ambiance de Manche en hiver, la température en plus. Vous me direz, rien d’extraordinaire, puisque aujourd’hui c’est le premier jour de l’hiver ici, et puis nous avons doublé l’Ile d’Ouessant hier après-midi… Dans cette grisaille, une première daurade coryphène a mordu dès 08H00 ce matin au leurre rose fluo que j’ai monté sur la canne bâbord. J’ai remarqué que, surtout lorsque le ciel est bouché, le soleil absent, les leurres fluo oranges ou roses marchaient mieux que les bleus ou les verts. Mais, damned, Marin qui était préposé au coup de harpon final lorsque l’animal fût amené le long de la coque, a raté son tir, et pour la 3ème fois d’affilée, la prise s’est fait la malle illico dans un saut acrobatique de la dernière chance. Bien joué, le poisson ! Pour nous, les boules, parce qu’après notre séjour aux Louisiades, où les épiceries n’existent pas, la cambusière nous menace (elle n’a guère d’autre choix à vrai dire) de routine alimentaire, elle qui possède un art consommé pour faire des merveilles avec pas grand-chose… Nous avons donc décidé de conjurer ce mauvais sort persistant en remettant la ligne à l’eau.

Une heure plus tard, une concentration d’oiseaux marins laissée à une encâblure sur bâbord m’a fait dire à mes garçons : « Regardez, fistons, il y a du poisson ! Dans 2 minutes, le frein chante ! ». C’était plus pour nous remonter le moral, mais cela s’est souvent produit, aussi. Et soudain, alarme générale, le moulinet Penn Senator dévire à fond en lançant sa petite musique d’alerte au prédateur. Scénario habituel, on enroule fissa le solent, on met en panne à la lisière du vent, grand-voile en ralingue, l’un de nous s’installe sur le tabouret de flotteur avec la canne et le moulinet dans les mains, l’autre enfile les gants, et comme en ce moment, c’est le luxe du nombre avec Timothée à bord, c’est lui qui a préparé les 2 fusils sous-marins et le croc à thon. Bon, je vous passe les menus détails, mais cette daurade mâle s’est montrée incroyablement combative. Il a d’abord fallu un quart d’heure pour la ramener à une vingtaine de mètres du bateau, cette opération ayant été émaillée de 3 ou 4 magnifiques sauts de l’animal hors de l’eau, pour tenter de se défaire de l’hameçon. Peu après, la bête a décidé de doubler le bateau, et de partir sur l’avant, ce qu’aucun poisson n’avait jamais tenté. Nous avons du démarrer les moteurs et mettre en marche avant pour reprendre la main ! A l’approche de la jupe arrière, après plusieurs dévirages du fil, on a choisi les grands moyens : le grand fusil harpon. Tim a tiré juste, mais l’impact a déclenché une réaction d’une extrême violence du poisson, quoique la dernière. Il a arraché le fusil des mains de Tim, la corde de retenue de la flèche lui cisaillant le doigt, avant de succomber à l’hémorragie, le poisson !, bien sur. Couleurs irréelles, jaune et vert éclatants, de cette daurade coryphène hissée sur la jupe, mais qui ne durent que quelques secondes, la mort les rendant peu après immédiatement ternes.

1,40 mètre au garrot, le menu du jour est assuré !

Les lignes de grains se succèdent, avec de la pluie, mais peu de vent.

John Deere, le spinnaker symétrique de vent arrière, prend l’air. Il est seul depuis la fin de la matinée à nous tracter sur la route directe qui nous rapproche de la terre. J’avais préféré tirer au large depuis hier pour éviter les risques de piraterie côtière. C’est que nous faisons route le long des côtes du pays des raskols, ces gangs qui font de la Papouasie Nouvelle-Guinée l’un des pays les moins sûrs du monde.

90% de taux de chômage à Port-Moresby, ça n’aide pas à sécuriser la ville. Bon, notre escale dans ce lieu charmant n’est justifiée que par le débarquement de Timothée, et nous n’avons pas l’intention d’y traîner, encore moins d’y faire du tourisme.

Ce soir nous sommes à une centaine de milles de l’arrivée, c’est donc pour demain. Nous allons nous diriger, de jour, directement dans l’enceinte de la marina, très gardée (il paraît qu’il y a même des murs d’enceinte avec barbelés !) du Royal Papua Yacht Club, à peu près le seul et paraît-il très chic Yacht Club que nous fréquenterons de tout notre voyage… A demain à Port-Moresby !

Olivier

lundi 20 juin 2011

MESSAGE N°1 – DES LOUISIADES A PORT-MORESBY

Papouasie Nouvelle-Guinée.


Lundi 20 Juin 2011

Après deux semaines d’escales passionnantes dans l’archipel oublié des Louisiades (des images bientôt sur le blog !), Jangada a repris le large ce matin, à destination de Port-Moresby, capitale de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Ces dernières 48 heures, l’équipage les a passées dans un mouillage grandiose, celui de Panasia Island. Cette petite île a son propre lagon, intégré dans le grand lagon de 112 milles de long de Tagula Island à l’intérieur duquel nous avons passé ces 15 derniers jours à musarder. Alors nous avons retrouvé, pour franchir la passe, nos réflexes des Tuamotus. Et c’est dans le lagon de Panasia Island, autant dire au bout du monde, que Timothée, et nous avec lui, avons appris par téléphone satellitaire qu’il était (très honorablement, soit 144 ème sur

332 admis et … près de 3000 candidats !) reçu à son concours d’entrée en Médecine à Bordeaux ! Ambiance festive à bord après la plongée dans la passe, gâteau au chocolat, et champagne Moët et Chandon bien frais pour cette occasion exceptionnelle ! Tout cela au fin fond du bout du monde… incroyable non ?

Nous sommes tous très contents et très fiers de lui. Bravo Tim !

Nous faisons route vers Port-Moresby parce que Tim y prend un avion qui le ramène vers la France le 25, après 6 semaines de séjour à bord.

Nous avons levé l’ancre ce matin dès que le soleil nous a permis de localiser suffisamment bien les patates de corail entre lesquelles il a fallu zig-zaguer pour rejoindre la petite passe de Panasia. Marin aux commandes, Tim à la trace électronique de l’entrée sur l’ordinateur, et moi à la vigie dans les barres de flèches. Les filles encore au dodo à cette heure matinale. Grand-voile au premier ris et solent, Jangada filait 9/10 nœuds dans le lagon, en direction de Jomard Passage, une coupure nord/sud franche et profonde dans le long ruban de récifs qui s’étire d’est en ouest sur des dizaine de milles dans cette région. Une heure plus tard, nous quittions les fonds de 30/40 mètres du grand lagon, et passions à toucher la pointe nord de Waipona Island, au milieu de Jomard Passage. Ce chenal naturel est la seule route maritime sûre pour les navires quand il s’agit de doubler les dangers au large de la côte orientale de la Papouasie Nouvelle-Guinée, si l’on suit une route orientée nord/sud, comme celle qui relie par exemple le Japon à l’Australie, côte est. Puis il a fallu serrer le vent pendant une heure pour parer le récif de Bramble Haven, autre joyau local, avant de pouvoir laisser porter avec le vent par le travers bâbord. Mais, à un mille au vent du récif de Long Reef, le ressac générait une mer désordonnée, et certaines (petites) mines du bord semblaient laisser supposer qu’elles regrettaient le calme du lagon de Panasia… Nous avons loupé un premier poisson, genre petit tazar (60 cm), ce matin, dans Jomard Passage, puis une belle daurade coryphène (1,20m), connement, cet après-midi. La sécurité du fusil sous-marin qui nous sert à harponner la prise avant de la ramener à bord s’est bloquée pendant quelques secondes, et le bel animal, qui nous avait déjà gratifiés de quelques jolies cabrioles hors de l’eau, en a profité pour en effectuer une dernière, histoire de nous saluer… définitivement. Bye-bye le poisson cru au citron vert pour ce soir… Pâtes, riz, ou semoule ?

Demain sera un autre jour.

Vers 15H00 (nous avons 8 heures de décalage avec la France, en avance sur vous), une grande nouvelle maritime à bord de Jangada : nous avons doublé l’Ile d’Ouessant par le sud.

Quoi, vous rigolez ! Vous vous dites, oh la la, deux ans de mer, plus de 20 000 parcourus, le Captain de Jangada a un petit coup dans le casque !

Ben non, pas encore ! Nous avons effectivement doublé la petite île d’Ouessant, posée sur son récif de corail, et couverte de cocotiers.

D’après ma carte, elle est située par 11°09’ de latitude Sud et 151°15’

de longitude Est. Bon, j’ai cherché Créac’h et le Stiff, la baie de Lampaul, mais j’ai rien vu… L’explication, c’est Louis-Antoine de Bougainville qui la détient. Le 17 Juin 1768, à bord de la frégate La Boudeuse, escortée de la flûte L’Etoile, il croisait dans les parages, remontant de Diane Banks au large de la Nouvelle-Hollande (l’Australie) vers les Iles Salomons, plus au nord. Navigation difficile, et ô combien périlleuse à l’époque. Je vais mieux dormir que lui, c’est sûr.

Louis-Antoine, grand marin, je te laisse, ma crêpe au sirop d’érable m’attend, la nuit tombe sur la Mer de Corail, plombée d’un ciel gris uniforme.

A demain !

Olivier

vendredi 10 juin 2011

Billet N° 111 -Magique archipel papou: les Louisiades.

Du Lundi 6 au Lundi 20 Juin 2011 -
Photos et texte Barbara

Quelle chance de terminer notre long séjour dans l’Océan Pacifique par cet archipel perdu et oublié de tous, les Louisiades ! Certainement l’endroit le plus reculé que nous ayons découvert depuis notre départ de France il y a bientôt deux ans.

On clôture ainsi en beauté cette année passée dans le Pacifique qui nous aura donné l’occasion de voir tant et tant de belles choses.

D’un avis souvent partagé par les circumnavigateurs, le Pacifique reste un must, voir « the » must d’un tour du monde en voilier, et pour le moment j’adhère à 150 % à cette opinion répandue. En plus des merveilles que nous y avons découvertes, un sentiment de sécurité partout où nous nous sommes arrêtés, a contribué largement au fait de se sentir si bien dans cette « immense » partie du monde.

Vous me direz que mon jugement est un peu prématuré dans la mesure où nous n’avons pas encore navigué dans l’Océan Indien. Certes, mais j’ai déjà eu la chance d’en avoir un aperçu en voyageant précédemment à la Réunion et aux Seychelles. Malheureusement aujourd’hui la piraterie nous empêchera de naviguer où bon nous semblera, ce qui du coup par conséquence (malheureuse pour moi…) va nous imposer de longues traversées et moins d’escales.

Mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, alors je vous confirmerai si le Pacifique était vraiment mon océan de prédilection, une fois l’Océan Indien parcouru (enfin pour partie).

Cette croisière de deux semaines aux Louisiades nous laissera donc des souvenirs de « bout du monde », de rencontres avec des papous accueillants, souriants et généreux. Nous aurons eu la chance d’observer un mode de vie primitif, aux antipodes du nôtre, bien plus égalitaire et plus sage aussi.

Enfin, accéder et demeurer aux Louisiades , n’est possible que si l’on s’y rend en voilier, et comme pour moi la navigation et les traversées restent toujours éprouvantes, arriver dans des endroits aussi reculés, justifie et donne du sens, alors, à tous ces milles parcourus.

En deux mots, (le billet d’Olivier sur les Louisiades est plus précis et détaillé géographiquement et historiquement), l’archipel des Louisiades se situe au Sud Est de la Papouasie Nouvelle Guinée. Les îles sont principalement d’origine volcanique ou de formation corallienne. Ce chapelet d’îles, environ 1 554 km², se situe principalement dans l’enceinte d’un seul et immense lagon.

Enfin, c’est Louis Antoine de Bougainville qui, en 1768, au cours de sa circumnavigation, baptise l'archipel en l'honneur du roi de France Louis XV.

A présent quelques images de ce paradis préservé, où nous avons passé des jours heureux.

Barbara

 
Photo 1 :


Notre séjour aux Louisiades a aussi correspondu avec le début des grandes vacances à bord de Jangada. Se met alors en place un tour de vaisselle (plus ou moins bien suivi…) chez les enfants, pour que la prof ait aussi l’impression légère d’être en vacances. Ici, dans la jupe arrière, Marin sous son grand chapeau, s’y colle. Bien entendu cela donne aussi souvent l’occasion à une fourchette de tomber au fond de l’eau, et ensuite à Timothée et à Marin de faire des séances d’apnée pour aller la récupérer.


Photo 2 :

Adélie en pleine séance de couture, entourée de tous ses petits amis qui prennent l’air et le soleil des Louisiades.


Photo 3 :

Petit hameau typique, quelques cases construites sur pilotis, pour nous les premières…ça sent l’Asie. Aucun objet en plastique vilain qui accroche l’œil, mais des matériaux naturels, du bois, du pandanus et bien entendu toujours un enfant qui sourit.


Photo 4 :

Les petits enfants sont légion, contrairement à leurs aînés qui ont été à l’école, ils ne parlent pas encore anglais. Ils sont insouciants, joyeux et heureux.

En revanche si les enfants sont nombreux, très rares sont les personnes d’âge mûr (supérieur à 40 ans), l’espérance de vie doit être très courte. Je n’ai trouvé aucune donnée chiffrée sur ce peuple quelque peu oublié…


Photo 5 :

Voici un papou assis devant sa case sur sa « terrasse » entrain de poncer des coquillages pour confectionner des colliers. Il est entouré de son fils et de son neveu. La cellule familiale, comme souvent dans les îles du Pacifique, est complexe pour nous, le rôle des oncles utérins prédomine souvent sur celui du père biologique de l’enfant. Quoiqu’il en soit, les adultes sont très affectueux avec les enfants. Et je voyais d’un bon œil ces papas ou similis, cajoler ou porter les bébés.

Cet homme, comme tous les adultes (femmes et hommes) papous et même les jeunes adolescents, a la bouche, les gencives et les dents complètement rouges. En effet à longueur de journée ils consomment du bétel. Le bétel est une plante grimpante sarmenteuse tropicale connue pour ses feuilles, formant l'un des principaux ingrédients d'un masticatoire extrêmement usité en Papouasie. La feuille mélangée à un peu de chaux éteinte est utilisée pour envelopper la noix de bétel, également appelée noix d'Arec, qui est le fruit d'une espèce de palmier. Ce mélange fournit par la mastication un suc donnant à la salive une couleur rouge écarlate qui teint la bouche et noircit les dents. Le bétel a des vertus toniques. Contrairement au Vanuatu où boire le kava est un rituel quotidien à la tombée de la nuit, et où à plusieurs reprises, Olivier avait été convié à partager ce moment, signe d’amitié, le bétel se consomme de façon personnelle et en permanence. Les papous ne nous ont jamais proposé d’y goûter, voir au contraire déconseiller d’essayer. Ils nous disaient que cela serait dangereux pour nous, blancs, et que nous ne supporterions pas les effets…

Photo 6 :

La confection de colliers à partir de coquillages constitue une monnaie d’échange. Ici nous n’avons pas vu de kinas (monnaie de Papouasie) circuler, mais nous avons uniquement fait du troc. Cahiers, stylos, vêtements, riz, sucre, hameçons contre fruits, légumes et langoustes !

Les habitants de ces îles n’ont vraiment aucun bien de consommation et profitent du passage des bateaux pour s’équiper à minima. Pour autant, ils ne sont pas pauvres, ils mangent à leur faim grâce à une nature généreuse, ils sont bien logés dans de grandes cases ventilées. L’absence de biens matériels évite l’envie, la convoitise et la jalousie. Dans les villages que nous avons visités, le niveau de vie était le même pour tous, d’où une grande entente et une forte entraide entre eux.



Photos 7 et 8 :

Les Louisiades resteront aussi un souvenir fort pour y avoir appris la réussite de Timothée à son concours d’entrée en médecine. Ce fut un bonheur que d’apprendre tous ensemble ce résultat positif et prometteur.

Photo 9 :

Panasia Island, avec son propre lagon dans le grand lagon, notre dernier mouillage aux Louisiades.



Photos 10 et 11 :

Avec Adélie, nous rivalisons en figures et en cabrioles sur la petite plage de sable blanc très fin, la première de l’archipel. Panasia fut aussi un super spot pour les baignades et pour faire des longueurs comme je les apprécie, sur de longues distances sans dangers de requins, de crocos, ni patates de coraux encombrantes.




Photos 12 et 13 :

La fleur de frangipanier, présente dans toutes les îles, élégante, au parfum suave.

Un soir nous avions été invités à partager un cochon de lait préparé en notre honneur. La table avait été dressée dans la case à même le sol, décorée par de nombreuses fleurs de frangipanier, c’était touchant et ravissant de simplicité.

dimanche 5 juin 2011

MESSAGE N°6 – TRAVERSEE de la MER de CORAIL

 Lundi 6 Juin 2011


Hier soir, vers 22 H00, j’ai aperçu l’éclat lointain du phare d’atterrissage sur les Louisiades, à l’extrémité sud-est du récif de Rossel Island. La nuit s’est écoulée lentement pour moi, 12 heures d’obscurité, c’est long. Je n’ai pas beaucoup dormi, 2 heures peut-être au total, c’est comme ça quand la terre est proche, difficile de fermer l’œil en sachant que la barrière récifale est à 2 milles au vent.

L’ordinateur de navigation est resté en veille toute la nuit pour contrôler le bon travail du pilote et la dérive due aux courants. Au matin, j’avais les yeux un peu rouges, et les traits quelque peu tirés.

Lorsque le jour s’est levé, le profil montagneux de Rossel défilait à quelques milles sur l’arrière bâbord. Nous avons serré la barrière de corail à vue pour tenter de prendre du poisson à quelques centaines de mètres au large du tombant, mais le résultat a été décevant : une grosse prise a réussi à se détacher sur une ligne, et nous avons à nouveau perdu un leurre sur l’autre. Comme cela fait 4 leurres perdus en quelques jours, on se dit qu’il existe dans la région une espèce de poisson aux dents particulièrement acérées, qui arrive à sectionner le fil de 100/100 à la première fermeture de mâchoires, puisque le fil ne dévire pratiquement pas du moulinet.. Et nous n’avons qu’un seul bas de ligne en fil d’acier. Ca ne nous est jamais arrivé de perdre autant de matériel et de rater autant de prises en si peu de temps. Du coup, comme on devient vite superstitieux à bord d’un bateau, Marin et moi commençons à regarder Timothée d’un drôle d’air, en nous demandant si, question pêche à la traîne, il nous aurait pas amené la guigne… C’est donc bredouilles que nous approchons de la passe de Hudumuiwa, dont la coupée bleu marine apparaît franchement au milieu des eaux couleur turquoise alentour. Nous ralentissons pour observer l’état de la passe.

Rien de méchant, nous sommes proches de l’étale de basse mer, pas de difficulté. Marin gagne son poste de vigie dans les barres de flèche, je prends les commandes, et vers 11H00 nous nous engageons dans l’étroit passage. Une fois dans le lagon, la mer est plus calme, la houle a disparu. Au franchissement de la passe, j’ai noté l’erreur de calage de la cartographie électronique, environ 0,3 mille (500 mètres) dans le 285. Au loin, nous apercevons des pirogues à balancier qui naviguent sous voiles dans le lagon. Nous affalons la grand-voile et contournons la pointe NW de Nimoa Island. Dans la baie sous le vent de l’île, un petit village de cases en bambous et pandanus montées sur pilotis apparaît au bord d’une plage de sable blanc bordée de cocotiers. Aux jumelles, j’aperçois des enfants, des femmes et des hommes bruns qui observent notre arrivée. Nous serrons le corail pour trouver le passage qui conduit, entre les patates, au mouillage. Je monte à mon tour dans la mâture pour guider Timothée aux commandes. Marin jette l’ancre pour un mouillage provisoire. Nous mettons l’annexe à l’eau, et partons en reconnaissance avec un masque et le sondeur électronique à main. Nous délimitons une zone d’évitage idéale sur 360°, car l’expérience des grains violents au mouillage, qui ne sont pas rares dans l’ouest du Pacifique, et la mésaventure de Limu Island aux Tonga restent présents à notre mémoire. Nous mouillons un grappin muni d’un flotteur à la position de mouillage jugée idéale, et retournons à bord pour jeter l’ancre à la position choisie. Il nous faudra nous y reprendre à deux fois pour faire crocher l’ancre correctement sur ce fond de sable posé sur le corail. Nous prenons un repère de sortie pour le cas où il nous faudrait quitter le mouillage en urgence, et puis nous pouvons souffler.

Nous sommes arrivés chez les Papous !

D’ailleurs, une première pirogue a quitté le rivage du village, et se dirige vers nous.

Un premier Papou vient à notre rencontre… Le voyage au long-cours, même pour moi, reste toujours un peu magique !

Olivier



Fin des messages « Traversée de la Mer de Corail »


samedi 4 juin 2011

MESSAGE N°5 – TRAVERSEE de la MER de CORAIL

 Dimanche 5 Juin 2011-06-05
Distance parcourue : 774 milles
Distance à parcourir : 76 milles


Journée d’approche de l’archipel des Louisiades pour Jangada. A désormais moins de 100 milles devant les étraves. Alizé régulier à 20 nœuds, mer formée de 2 à 3 mètres, nous faisons route avec la grand-voile à 1 ris hissée haut par la balancine, et le solent en ciseau. Et toujours ce petit bout de drisse verte, ridicule, qui se balance en haut du mât… Cette nuit, grains et saute de vent brutale de 20° sur tribord, avec empannage sauvage à la clef. Enfin, on s’entend, compte tenu de la retenue de bôme qui est toujours à poste à bord de Jangada, tournée sur un solide taquet, l’empannage se limite au passage de la voile sur l’autre panne, mais la bôme n’encaisse qu’une secousse, en restant à sa place. N’empêche que le bateau part au lof, et le pilote ne pouvant récupérer le bazar, il faut démarrer les moteurs et virer vent devant proprement pour établir en douceur la voile sous l’autre amure. On a fait cela avec Marin, qui dort avec moi dans le carré. On doit être à 4 ou 5 empannages sauvages depuis le départ de La Rochelle, sans dégât, ce sont les joies du vent arrière au large. Ce matin, la ligne tribord a déviré grave, à la limite de la rupture, gros poisson au bout, mais il s’est détaché alors que nous avions mis notre pirogue en panne exprès pour mieux le ramener à bord… Nous espérons nous venger demain matin, en longeant le tombant du long récif de l’île Rossel. Si vous avez Google Earth, voici nos plans. Initialement, nous comptions passer entre les îles de Rossel au nord et de Tagula, au sud. Toutes deux sont ancrées dans de grands lagons, largement débordants. Celui de Rossel mesure 45 milles de longueur, quant à celui de Tagula, il est encore plus grand, 112 milles ! Un lagon de 200 km de long ! C’est là que nous allons passer deux semaines. Les îles secondaires, les îlots, et les récifs coralliens y sont innombrables. Navigation de jour exclusivement, avec vigie dans les barres de flèche, car le lagon est peu cartographié et regorge de surprises, mauvaises en général… Mais finalement, comme nous atterrissons de nuit et qu’il serait dangereux de s’engager entre ces deux îles séparées de quelques milles seulement dans l’obscurité avec les forts courants qui règnent dans la région, je préfère contourner Rossel par le nord, et naviguer à 2 ou 3 milles sous le vent de la barrière récifale toute la nuit, pour arriver à 3 milles de la passe au petit jour. Voilà le plan. Bon, c’est sûr, je ne vais pas beaucoup dormir cette nuit ! Je ne sais pas si vous pouvez apercevoir la petite passe étroite que nous allons emprunter pour entrer dans le lagon par le nord ? Elle s’appelle Hudumuiwa Pass, et elle est située par

11°15’,46 Sud et 153°19’,51 Est. J’espère seulement qu’il n’y aura pas trop de courant sortant dans la passe, car encore faut-il qu’on arrive à entrer ! Or comme l’alizé de sud-est a soufflé ces derniers jours, le lagon doit être bien plein, et il se vide par les passes ! Bon, on verra bien, en tout cas cela va nous rappeler notre séjour aux Tuamotus, il y a quelques mois. Une fois dans le lagon, cela devrait ressembler à des vacances, et notre première petite île de rêve s’appelle Nimoa Island.

Le mouillage, au milieu d’un écrin de coraux, sous le vent de l’île, se situe par 11S18,63 et 153 E13,36 environ. J’espère juste qu’il n’y aura pas trop de « salties », ces crocodiles marins qui terrorisent le nord de l’Australie, le détroit de Torrès, et la Papouasie Nouvelle-Guinée.

Ils sont plus gros que leurs cousins d’eau douce, n’ont peur de rien, et foncent directement sur leur proie. Il va falloir redoubler de prudence et se renseigner fissa auprès des natifs.

Allez, vivement demain, qu’on arrive chez les Papous !

Olivier

MESSAGE N°4 – TRAVERSEE de la MER de CORAIL

Samedi 4 Juin 2011
Distance parcourue : 604 milles
Distance à l’arrivée : 246 milles



Conformément au fichier de vent reçu à bord via Sailmail, l’alizé revenu a adonné en venant sur l’arrière. Nous sommes progressivement depuis hier passés d’un vent apparent par le travers bâbord, au largue puis au grand largue bâbord amures. En fin de matinée, nous avons même fait passer le solent en ciseau, son point d’écoute étant alors immobilisé par 3 cordages différents. La mer commence à ressembler à une mer d’alizé, avec de plus en plus de zones de bleu dans le ciel jusqu’alors chargé. Le bateau glisse sur l’eau à grandes enjambées, sans effort, juste poussé par le vent. A chaque houle, le pilote corrige la trajectoire d’un discret, invisible, et silencieux petit coup de vérin électrique. Cette nuit, vers 02H00 du matin, une surprise de taille est venue mettre une animation inhabituelle sur le pont de Jangada à cette heure. J’ai été réveillé entre deux rondes de veille par une chute sensible de la vitesse. Les deux seuls instruments de la table à cartes qui distillent une faible lumière la nuit sont le GPS, dont l’afficheur me donne en permanence 4 informations précieuses (la route fond à suivre pour rejoindre le waypoint choisi, la route fond effectivement suivie - indication qui me permet d’effectuer sur le clavier du pilote de petites corrections au degré près plusieurs fois par jour-, la distance restant à parcourir jusqu’au waypoint choisi, et la vitesse sur le fond (speed over ground) instantanée) ; le deuxième cadran étant le répétiteur de la centrale de navigation, qui est en général positionné sur la force du vent apparent (apparent wind speed) que reçoit le bateau, lequel est la combinaison du vent réel qui souffle sur le plan d’eau et du vent de vitesse généré par l’avancement de celui-çi. Or, cette nuit, je suis bel et bien réveillé par une baisse de régime du catamaran. Un coup d’œil au cadran du GPS me donne une vitesse de 4 nœuds seulement, alors que le vent apparent n’a pas changé. On devrait aller 2 fois plus vite ! Je sors à l’extérieur, et au fur et à mesure que mes yeux s’habituent à scruter la quasi-obscurité, j’ai du mal à les croire ! Je vois distinctement la forme du solent qui se détache sur le ciel à l’avant, mais je ne vois plus la grand-voile ! A la place, au-dessus de la bôme, quelques étoiles se détachent dans le triangle vide que dessinnent le mât, la bôme et la balancine ! Damned ! On a beau arriver chez les Papous, pendant quelques secondes, je n’en reviens pas. Je passe sous le vent, et je m’aperçois que la grand-voile est à peu près correctement affalée sur la bôme, entre ses 2 lazy-jacks ! Seules 2 lattes pendouillent au-dessus du flotteur tribord, et les bosses sont en désordre, à moitié dans l’eau ! J’attrape une lampe frontale, et constate au pied du mât ce que je subodore déjà : la drisse de grand-voile a cassé, et j’ai 50 mètres de cordage en vrac au pied du mât ! Apparemment plus de peur que de mal là encore. Je réveille Timothée et Marin, étonnés eus aussi. Personne n’a rien entendu, la rupture a eu lieu en haut du mât à 20 mètres de hauteur, au niveau de la gorge de mouflage de la drisse. Appuyée par le vent portant contre le haubannage, la voile a du descendre progressivement… Dès qu’on est proche du vent arrière, je sais que les mouvements brutaux de la corne de grand-voile sollicitent la drisse là-haut. Hier matin, j’avais tenté d’observer l’état d’usure du cordage aux jumelles, sans rien déceler d’anormal.

Cela doit faire la quatrième fois que l’on va refaire l’amarrage là-haut, 2 après rupture, et 2 avant, après constat d’usure, à titre préventif, la dernière étant intervenue en Nouvelle-Zélande, il n’y a pas si longtemps. Dans l’immédiat, rien de grave, on va renvoyer la grand-voile avec un ris en utilisant la balancine en guise de drisse simple, et la drisse de trinquette va servir de balancine jusqu’à l’arrivée. Inutile et dangereux de monter en haut du mât pour repasser la drisse en mer, les mouvements de rappel sur un catamaran sont beaucoup plus brutaux que sur un monocoque, et je serais arraché du mât avant de parvenir en haut… Manœuvre de nuit pendant 45 minutes avec mes deux fistons, et voilà notre pirogue mélanésienne de nouveau en route à 8 nœuds dans la nuit.

Au matin, un petit bout de drisse de 40 cm salue l’arrivée du jour du haut du mât… Nous retrouvons nos habituels petits oiseaux pêcheurs qui ont bien compris l’intérêt pour leur pitance de voler à quelques mètres en avant des étraves de Jangada : c’est la zone de décollage (plusieurs par

minute) des poissons volants effrayés par l’arrivée soudaine des carènes du catamaran au-dessus d’eux, et dont ils se nourrissent.

Pour ses fans, que je sais nombreux, Barbara va beaucoup mieux ce matin.

Après de longues heures passées dans sa bannette hier, elle a repris en main la cuisine (qui sent la Javel), fait du rangement dans le carré (il y en avait besoin), pressé un pamplemousse et épluché un ananas pour le petit-déjeuner, et préparé une délicieuse tarte au fromage, poivrons et curry dont elle a le secret, pour le déjeuner.

Les enfants lisent (un peu) et jouent (beaucoup) à des jeux électroniques qui sont pour moi d’un autre monde. Ce matin, j’ai passé 2 heures à étudier le franchissement du Détroit de Torrès, un coin truffé de corail, de hauts-fonds et de courants violents, qui marquera dans quelques trois semaines notre sortie de l’Océan Pacifique et notre entrée dans l’Océan Indien.

A demain, veille d’atterrissage sur l’archipel des Louisiades.

Bon week-end !

Olivier

jeudi 2 juin 2011

MESSAGE N°3 – TRAVERSEE de la MER de CORAIL

Vendredi 3 Juin 2011
Distance parcourue : 430 milles
Distance à l’arrivée : 420 milles


Ca y est ! Le sillage de Jangada a retrouvé la ligne à peu près droite, cela nous change des deux premiers jours de cette traversée pendant lesquels j’avais un peu perdu, comme le vent, le sens de l’orientation.

Après ma petite sieste d’hier début d’après-midi (une délicatesse de la nature que j’ai appréciée), un vent de sud, qui est bel et bien le signe annonciateur du retour de l’alizé, s’est levé sur notre plan d’eau grisâtre. Grand-voile haute et gennaker ont été mis au travail illico.

Le soleil a fait quelques apparitions. Le speedo a grimpé bientôt à 8/9 nœuds, le Captain a retrouvé le sourire : en route directe sur les Louisiades, Jangada vient de prendre le train du vent portant annoncé !

Pas encore le beau temps, mais ce vent régulier a progressivement effacé le désordre de la mer. Les mouvements du bateau sont redevenus plus civilisés. Pas moins de trois autres évènements, tous majeurs, ont émaillé l’après-midi d’hier. D’abord, une bonite est venue mordre au leurre de la ligne de traîne bâbord, ce qui a donné l’occasion à Timothée d’officier au poste habituel de Marin, lequel s’est déclaré « en vacances ». Dans la foulée, Tim s’est vu charger de vider la bête et de la découper en filets, avec les consignes précises de l’intendante en chef. Direction, le frigo jusqu’à demain.

Peu après, une soudaine et bruyante explosion sur l’avant, accompagnée d’une brève mais forte vibration de tout le bateau, nous a inquiétés pendant quelques secondes, jusqu’à ce que nous constations que le cordage d’amure du gennaker avait cédé brutalement au niveau de la poulie d’extrémité du tangonnet. Ne voyant plus de gennaker à l’avant, je l’ai finalement retrouvé dans les airs, où il a virevolté avec grâce pendant quelques instants avant de s’entortiller lamentablement dans les barres de flèche. Le plus dangereux fut de récupérer l’enrouleur métallique qui fendait l’air en tous sens en bout de voile. Mais 15 minutes plus tard, avec un équipage familial au grand complet à la manœuvre sur le pont, le gennaker avait retrouvé sa place. Et un bout neuf. Plus de peur que de mal.

Dernier évènement, plus douloureux celui-là. Barbara est pliée en deux avec un tour de rein depuis hier ! Elle a vite été rebaptisée « Mémé » par les enfants, toujours gentils et tendres… Il est vrai cependant que nous ne sommes pas habitués à voir sa grâcieuse silhouette courbée à 90° se déplaçant à petits pas lents entre le carré et le flotteur bâbord… La prise d’un médicament obscur n’a pas arrangé les choses. Et la belle a refusé mes propositions de massage avec onguent. Elle a tout de même tenu à nous préparer pour le déjeuner la bonite en poisson cru, une assiette à l’huile d’olive et citron vert, une autre à la sauce wasabi.

Délicieux, avec du riz Honda (le groupe électrogène qui fait marcher le rice-cooker, vous avez déjà oublié ?)… Marin a remplacé sa Maman aux fourneaux pour confectionner le gâteau aux pommes du goûter.

Voilà, le sillage me plaît bien désormais, nous abattons des milles, et les fichiers de vent nous promettent de l’alizé venant progressivement au sud-est jusqu’à l’arrivée. Je préfère le grand largue au vent arrière (quand tout va bien, on devient vite exigeant), mais nous n’avons pas le choix, alors on va mettre John Deere (le spi symétrique triradial de vent arrière) en réchauffage pour demain.

Une première ETA (estimated time of arrival) peut-être, grâce à ces bonnes prévisions météo: Lundi matin à l’aube dans le passage resserré qui conduit à l’étroite passe du nord, à laquelle il faudrait idéalement se présenter aux environs de l’étale de courant. Notre premier mouillage dans le lagon s’appellera probablement Nimoa Island.

En Mer de Corail, il est 15 heures pour moi, 06 heures du matin pour vous ce vendredi. Je copie ce message sur mon logiciel Skyfile, je démarre le téléphone par satellite Iridium, dès que le signal est bon, j’expédie le texte à mon beau-frère Vincent dans le sud de la France, ça prend une minute. Mon beau-frère reçoit le message pendant qu’il se rase (ceci dit, il paraît qu’il a une petite barbe maintenant), et trouve le temps de le mettre en ligne sur le blog avant de partir au boulot.

C’est pas beau la technologie ? Et merci à toi, Vincent !

Tout cela comme si notre petit message des Mers du Sud vous était indispensable pour bien commencer votre journée… Allez, on ne se fait pas d’illusion !

A demain

Olivier

mercredi 1 juin 2011

MESSAGE N°2 – TRAVERSEE de la MER de CORAIL

 Jeudi 2 Juin 2011
Distance parcourue : 252 milles
Distance à l’arrivée : 598 milles


Ouahhh ! L’après-midi d’hier fut … dantesque ! Quelque part loin dans l’ouest d’Espiritu Santo et à quelques dizaines de milles dans le nord des Récifs d’Entrecasteaux, qui débordent très au nord l’extrémité nord de la Nouvelle-Calédonie, Jangada s’est trouvé pris dans une zone de grains infernale. Cerné de toutes parts par des barres nuageuses plus sombres les unes que les autres, il nous a fallu subir pendant une quinzaine d’heures des trombes d’eau mélangées aux rafales de vent, sur une mer grise et peu avenante. Manœuvres de voiles incessantes pour tenter de gagner laborieusement dans l’ouest, puisque c’est là que semble se trouver le souffle renaissant d’un alizé décidément très perturbé. Imaginez la scène : les trois hommes du bord en bermudas trempés par des trombes d’eau, se battant pour deux d’entre eux (Tim et

moi) sur le roof avec la toile de la GV dans les rafales pour prendre un troisième ris, tandis que Marin gère le pied de mât (drisse, balancine, bosses, lazy-jacks). Barbara courbée à la barre essayant d’éviter de se faire cingler par les bosses de ris en folie, et Adélie fidèle à son poste de manager incontesté de l’écoute de grand-voile, le job certes le plus planqué, question intempéries. Après la manœuvre, tout notre petit monde se retrouve dégoulinant à souhait sous l’abri du roof, à se sécher et à rêver de Mers du Sud, chaudes et ensoleillées… La trace du positionnement Argos de Jangada ne doit pas être d’une limpidité totale pour la journée d’hier et pour la nuit dernière… Lassé d’un sillage aussi dégueulasse, j’ai même renoncé à mon ti-punch du soir, c’est vous dire. Ce n’est donc pas le taux d’alcoolémie du Captain qui est en cause, mais bien cette fichue zone de grains. En fin de journée, rotation brutale du vent de 50° à la « faveur » d’un nouveau grain. Marin est venu dormir avec moi dans le carré en prévision des réjouissances de la nuit…une nuit laborieuse, avec un vent qui a disparu, de la pluie, et des restes de houle. Sommeil minimum pour moi … Mais Tim a passé … 16 heures dans sa bannette ! C’est beau la jeunesse.

Au petit jour ce matin, le vent est revenu du sud-ouest, mollement d’abord, puis il s’est décidé à souffler à 15/20 nœuds : voiles hautes, nous avons retrouvé un beau sillage à 8/9 nœuds, pour quelques heures seulement, mais en route directe cette fois vers les Louisiades. Les fichiers de vent que j’ai pu capter ce matin semblent nous promettre une jonction avec un début d’alizé de sud-est (portant) pour demain. On croise les doigts. Au menu à midi : tarte aux épinards, papaye et fruits de la passion du Vanuatu.

Olivier