jeudi 2 juin 2011

MESSAGE N°3 – TRAVERSEE de la MER de CORAIL

Vendredi 3 Juin 2011
Distance parcourue : 430 milles
Distance à l’arrivée : 420 milles


Ca y est ! Le sillage de Jangada a retrouvé la ligne à peu près droite, cela nous change des deux premiers jours de cette traversée pendant lesquels j’avais un peu perdu, comme le vent, le sens de l’orientation.

Après ma petite sieste d’hier début d’après-midi (une délicatesse de la nature que j’ai appréciée), un vent de sud, qui est bel et bien le signe annonciateur du retour de l’alizé, s’est levé sur notre plan d’eau grisâtre. Grand-voile haute et gennaker ont été mis au travail illico.

Le soleil a fait quelques apparitions. Le speedo a grimpé bientôt à 8/9 nœuds, le Captain a retrouvé le sourire : en route directe sur les Louisiades, Jangada vient de prendre le train du vent portant annoncé !

Pas encore le beau temps, mais ce vent régulier a progressivement effacé le désordre de la mer. Les mouvements du bateau sont redevenus plus civilisés. Pas moins de trois autres évènements, tous majeurs, ont émaillé l’après-midi d’hier. D’abord, une bonite est venue mordre au leurre de la ligne de traîne bâbord, ce qui a donné l’occasion à Timothée d’officier au poste habituel de Marin, lequel s’est déclaré « en vacances ». Dans la foulée, Tim s’est vu charger de vider la bête et de la découper en filets, avec les consignes précises de l’intendante en chef. Direction, le frigo jusqu’à demain.

Peu après, une soudaine et bruyante explosion sur l’avant, accompagnée d’une brève mais forte vibration de tout le bateau, nous a inquiétés pendant quelques secondes, jusqu’à ce que nous constations que le cordage d’amure du gennaker avait cédé brutalement au niveau de la poulie d’extrémité du tangonnet. Ne voyant plus de gennaker à l’avant, je l’ai finalement retrouvé dans les airs, où il a virevolté avec grâce pendant quelques instants avant de s’entortiller lamentablement dans les barres de flèche. Le plus dangereux fut de récupérer l’enrouleur métallique qui fendait l’air en tous sens en bout de voile. Mais 15 minutes plus tard, avec un équipage familial au grand complet à la manœuvre sur le pont, le gennaker avait retrouvé sa place. Et un bout neuf. Plus de peur que de mal.

Dernier évènement, plus douloureux celui-là. Barbara est pliée en deux avec un tour de rein depuis hier ! Elle a vite été rebaptisée « Mémé » par les enfants, toujours gentils et tendres… Il est vrai cependant que nous ne sommes pas habitués à voir sa grâcieuse silhouette courbée à 90° se déplaçant à petits pas lents entre le carré et le flotteur bâbord… La prise d’un médicament obscur n’a pas arrangé les choses. Et la belle a refusé mes propositions de massage avec onguent. Elle a tout de même tenu à nous préparer pour le déjeuner la bonite en poisson cru, une assiette à l’huile d’olive et citron vert, une autre à la sauce wasabi.

Délicieux, avec du riz Honda (le groupe électrogène qui fait marcher le rice-cooker, vous avez déjà oublié ?)… Marin a remplacé sa Maman aux fourneaux pour confectionner le gâteau aux pommes du goûter.

Voilà, le sillage me plaît bien désormais, nous abattons des milles, et les fichiers de vent nous promettent de l’alizé venant progressivement au sud-est jusqu’à l’arrivée. Je préfère le grand largue au vent arrière (quand tout va bien, on devient vite exigeant), mais nous n’avons pas le choix, alors on va mettre John Deere (le spi symétrique triradial de vent arrière) en réchauffage pour demain.

Une première ETA (estimated time of arrival) peut-être, grâce à ces bonnes prévisions météo: Lundi matin à l’aube dans le passage resserré qui conduit à l’étroite passe du nord, à laquelle il faudrait idéalement se présenter aux environs de l’étale de courant. Notre premier mouillage dans le lagon s’appellera probablement Nimoa Island.

En Mer de Corail, il est 15 heures pour moi, 06 heures du matin pour vous ce vendredi. Je copie ce message sur mon logiciel Skyfile, je démarre le téléphone par satellite Iridium, dès que le signal est bon, j’expédie le texte à mon beau-frère Vincent dans le sud de la France, ça prend une minute. Mon beau-frère reçoit le message pendant qu’il se rase (ceci dit, il paraît qu’il a une petite barbe maintenant), et trouve le temps de le mettre en ligne sur le blog avant de partir au boulot.

C’est pas beau la technologie ? Et merci à toi, Vincent !

Tout cela comme si notre petit message des Mers du Sud vous était indispensable pour bien commencer votre journée… Allez, on ne se fait pas d’illusion !

A demain

Olivier