lundi 20 juin 2011

MESSAGE N°1 – DES LOUISIADES A PORT-MORESBY

Papouasie Nouvelle-Guinée.


Lundi 20 Juin 2011

Après deux semaines d’escales passionnantes dans l’archipel oublié des Louisiades (des images bientôt sur le blog !), Jangada a repris le large ce matin, à destination de Port-Moresby, capitale de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Ces dernières 48 heures, l’équipage les a passées dans un mouillage grandiose, celui de Panasia Island. Cette petite île a son propre lagon, intégré dans le grand lagon de 112 milles de long de Tagula Island à l’intérieur duquel nous avons passé ces 15 derniers jours à musarder. Alors nous avons retrouvé, pour franchir la passe, nos réflexes des Tuamotus. Et c’est dans le lagon de Panasia Island, autant dire au bout du monde, que Timothée, et nous avec lui, avons appris par téléphone satellitaire qu’il était (très honorablement, soit 144 ème sur

332 admis et … près de 3000 candidats !) reçu à son concours d’entrée en Médecine à Bordeaux ! Ambiance festive à bord après la plongée dans la passe, gâteau au chocolat, et champagne Moët et Chandon bien frais pour cette occasion exceptionnelle ! Tout cela au fin fond du bout du monde… incroyable non ?

Nous sommes tous très contents et très fiers de lui. Bravo Tim !

Nous faisons route vers Port-Moresby parce que Tim y prend un avion qui le ramène vers la France le 25, après 6 semaines de séjour à bord.

Nous avons levé l’ancre ce matin dès que le soleil nous a permis de localiser suffisamment bien les patates de corail entre lesquelles il a fallu zig-zaguer pour rejoindre la petite passe de Panasia. Marin aux commandes, Tim à la trace électronique de l’entrée sur l’ordinateur, et moi à la vigie dans les barres de flèches. Les filles encore au dodo à cette heure matinale. Grand-voile au premier ris et solent, Jangada filait 9/10 nœuds dans le lagon, en direction de Jomard Passage, une coupure nord/sud franche et profonde dans le long ruban de récifs qui s’étire d’est en ouest sur des dizaine de milles dans cette région. Une heure plus tard, nous quittions les fonds de 30/40 mètres du grand lagon, et passions à toucher la pointe nord de Waipona Island, au milieu de Jomard Passage. Ce chenal naturel est la seule route maritime sûre pour les navires quand il s’agit de doubler les dangers au large de la côte orientale de la Papouasie Nouvelle-Guinée, si l’on suit une route orientée nord/sud, comme celle qui relie par exemple le Japon à l’Australie, côte est. Puis il a fallu serrer le vent pendant une heure pour parer le récif de Bramble Haven, autre joyau local, avant de pouvoir laisser porter avec le vent par le travers bâbord. Mais, à un mille au vent du récif de Long Reef, le ressac générait une mer désordonnée, et certaines (petites) mines du bord semblaient laisser supposer qu’elles regrettaient le calme du lagon de Panasia… Nous avons loupé un premier poisson, genre petit tazar (60 cm), ce matin, dans Jomard Passage, puis une belle daurade coryphène (1,20m), connement, cet après-midi. La sécurité du fusil sous-marin qui nous sert à harponner la prise avant de la ramener à bord s’est bloquée pendant quelques secondes, et le bel animal, qui nous avait déjà gratifiés de quelques jolies cabrioles hors de l’eau, en a profité pour en effectuer une dernière, histoire de nous saluer… définitivement. Bye-bye le poisson cru au citron vert pour ce soir… Pâtes, riz, ou semoule ?

Demain sera un autre jour.

Vers 15H00 (nous avons 8 heures de décalage avec la France, en avance sur vous), une grande nouvelle maritime à bord de Jangada : nous avons doublé l’Ile d’Ouessant par le sud.

Quoi, vous rigolez ! Vous vous dites, oh la la, deux ans de mer, plus de 20 000 parcourus, le Captain de Jangada a un petit coup dans le casque !

Ben non, pas encore ! Nous avons effectivement doublé la petite île d’Ouessant, posée sur son récif de corail, et couverte de cocotiers.

D’après ma carte, elle est située par 11°09’ de latitude Sud et 151°15’

de longitude Est. Bon, j’ai cherché Créac’h et le Stiff, la baie de Lampaul, mais j’ai rien vu… L’explication, c’est Louis-Antoine de Bougainville qui la détient. Le 17 Juin 1768, à bord de la frégate La Boudeuse, escortée de la flûte L’Etoile, il croisait dans les parages, remontant de Diane Banks au large de la Nouvelle-Hollande (l’Australie) vers les Iles Salomons, plus au nord. Navigation difficile, et ô combien périlleuse à l’époque. Je vais mieux dormir que lui, c’est sûr.

Louis-Antoine, grand marin, je te laisse, ma crêpe au sirop d’érable m’attend, la nuit tombe sur la Mer de Corail, plombée d’un ciel gris uniforme.

A demain !

Olivier