mercredi 16 mai 2012

Billet N°157 – Relève d’équipage à Praia de Santiago, et cap sur Fogo, le majestueux volcan du Cap Vert…

Du Vendredi 30 Mars au Lundi 9 Avril 2012 –
 Par Olivier

Douze jours de mer après avoir quitté Clarence Bay, sur l’île de l’Ascension, nous  mouillons dans la baie de Praia de Santiago, la capitale de la petite République du Cap Vert. Il est 03H15 du matin. Il a fallu approcher lentement, et ouvrir grand les yeux pour localiser dans l’obscurité clapoteuse l’extrémité du môle dont le feu ne fonctionne pas. Le mouillage dans la baie de Praia n’a pas très bonne réputation, question vols perpétrés sur les voiliers de voyage. Avant de m’allonger dans le carré à tribord pour finir ma nuit (j’ai dans ce cas à portée de main un gourdin de teck massif discrètement fixé sous la table du cockpit), d’où je peux intervenir rapidement, je jette un coup d’œil au loch enregistreur de distance du récepteur de navigation GPS. Marin, qui essaye de se rendormir à bâbord, sait qu’il est arrivé au terme de son voyage maritime à bord de Jangada. Je lui demande s’il sait quelle distance il a parcouru à bord de notre voilier, avec Barbara et Adélie, depuis notre départ de La Rochelle, jusqu’au port de Praia de Santiago ? Je lui donne précisément la réponse : 33 013 milles marins (soit, pour les terriens, 61 140 km). Je lui dis que je me suis pendant un moment inquiété, quand il tirait quelques bords approximatifs en Optimist à l’Ecole de Voile Rochelaise, mais que maintenant, avec un tour du monde à la voile de plus de 33 000 milles dans les pattes, je suis totalement rassuré. Mon fiston n’a pas usurpé son prénom. Je lui souhaite une bonne fin de nuit, et, moins de 2 minutes plus tard, j’entends ses douces respirations. Il dort.  Dans moins de 3 heures, nous serons réveillés par la lumière du jour et les barques qui sillonnent la baie, emmenant les hommes travailler au port.

Je suis satisfait de cette traversée Ascension-Cap Vert, assez peu habituelle pour les voiliers, et qui à ce titre était longtemps restée quelque peu nébuleuse dans mon esprit au cours du voyage. J’avais du mal à comprendre les raisons qui poussaient certains yachtmen à déclarer qu’il fallait impérativement  traverser l’équateur et la Zone Intertropicale de Convergence vers le 30ème degré de longitude ouest, sous peine de se trouver englués dans les calmes équatoriaux au large de l’Afrique. Un franchissement bien trop à l’ouest à mon goût, sachant qu’à partir d’une telle position, il n’y a aucune autre solution pour rejoindre Praia (port d’entrée obligatoire pour les îles du Sotavento, les îles sous le vent du Cap Vert) que de tirer des bords pendant des jours et des jours contre les alizés soufflant du nord-est, souvent avec vigueur. La plupart des voiliers, peu nombreux, qui faisaient route vers l’Europe à partir de Sainte-Hélène ou de l’Ascension n’envisageaient d’ailleurs pas un instant de s’arrêter aux Iles du Cap Vert, prévoyant une longue traversée Ascension-Açores (quelques semaines plus tard, je les retrouvai à Horta, ils mirent tous de 27 à 30 jours sur ce parcours, soit de loin la plus longue traversée d’un tour du monde, et eurent des conditions difficiles pendant plusieurs jours dans la zone des alizés, arrivant pratiquement tous aux Açores avec des avaries de voiles et/ou de gréement). Lors de nos escales à Sainte-Hélène et à Ascension, je prenais souvent les fichiers de vent relatifs à cette traversée, et j’ai fini par en déduire que la meilleure stratégie de route  n’était pas forcément celle-la. Quitter l’île de l’Ascension en faisant route directe sur l’archipel des Bijagos, au large de la Guinée-Bissau, ne posait aucune difficulté avec les alizés de sud-est soufflant sur le plan d’eau jusqu’à quelques degrés au sud de l’équateur. Bien sûr il fallait garder un œil sur la position et la largeur du pot-au-noir (ZIC), et rester prêt à gagner dans l’ouest pour ne pas se laisser enfermer dans un possible trou de vent à l’est, mais le franchissement de la ZIC en 2 jours semblait possible aux environs du 15ème méridien de longitude ouest, en s’aidant de la risée Volvo au besoin. Ensuite, certes, dans l’hémisphère nord, les choses devenaient plus délicates. Il fallait compter sur un vent de nord-ouest modéré assez fréquent jusqu’aux confins extrêmes ouest de l’Afrique, à proximité des Bijagos, et de là s’attendre à l’inéluctable rotation du vent au nord, ce qui entraînerait un virement de bord immédiat pour filer tribord amures au près légèrement débridé vers l’île de Santiago, un dernier segment de route que l’on devait pouvoir accomplir sur un seul bord avec un peu de chance. C’est finalement ce qui s’est exactement passé pour Jangada, qui, le 27 Mars au matin, rencontrait en mer le navigateur solitaire Jean-Louis Clémendot (dont nous avions fait la connaissance à Jamestown, et avec qui nous étions en contact e-mail) à bord de son yawl Harmattan, parti directement de Sainte-Hélène sans passer par Ascension. Je surveillais la progression de notre voilier sur la carte depuis quelques heures en me disant que le vent refusant de plus en plus et soufflant désormais pratiquement du nord, nous allions bientôt buter sur les hauts-fonds des Bijagos… Le moment du fameux virement de bord stratégique vers les îles du Cap Vert approchait donc, quand j’aperçus la silhouette classique du voilier de plus de 40 ans de Jean-Louis, croisant notre route en approchant par tribord. Nous avions parlé ensemble de cette route vers le Cap Vert lors de notre escale à Sainte-Hélène, et Jean-Louis avait pris la même option que nous. Harmattan, situé quelques milles plus à l’est,  plus proche donc des bancs des Bijagos, avait déjà viré quelques heures plus tôt. Les enfants préparèrent quelques crêpes avec la pâte qui restait du petit-déjeuner, lesquelles furent transférées sur le bateau du navigateur solitaire dans un seau tenu à bout de gaffe, et c’est juste après cette rencontre insolite en mer que le cap fût mis sur Santiago, au près débridé tribord amures, à bonne vitesse, laquelle ne cesserait de s’accroître jusqu’à l’arrivée…



Le marin à la voile a parfois besoin d’un peu de chance dans ses options de route. Lorsque c’est le cas, il en déduit avec une logique parfaite que son option était la bonne…



Praia n’a guère d’intérêt, une ville sans charme, à l’origine perchée sur un plateau rocheux, mais dont les maisons souvent de parpaings bruts se sont beaucoup étendues alentour. Un îlot rocheux sur lequel achève de s’effondrer un vieux fortin. Le vent, dont le flux est accéléré au passage d’un vallon, s’engouffre dans la baie avec vigueur, la poussière est partout et s’accroche à la mâture, aux haubans, aux voiles. L’environnement est sale, la terre aride, la végétation rabougrie. Nous faisons les formalités d’entrée dans la zone portuaire, et c’est finalement le port de pêche qui se révèle le plus coloré, le plus attrayant, le plus odorant aussi. C’est l’Afrique qui, à nouveau, nous saute au visage. Après avoir franchi plus de 360° de longitude, nous sommes revenus en terrain connu. Le policier de l’immigration est très aimable, parle français, et s’octroie un bakchich de 500 escudos (5 euros). Il faut dire qu’il a eu l’amabilité de quitter son bureau pour m’accompagner jusqu’à l’ATM (distributeur de billets) le plus proche, avant de m’emmener dans une guérite du petit commerce local faire 3 photocopies (à ma charge) dont il avait besoin. Cette taxe non officielle de 500 escudos l’oblige en quelque sorte à être sympathique. Ce n’est pas du tout le même gabarit que mon pote le douanier véreux de Port-Moresby : le fonctionnaire capverdien, la bonne cinquantaine, peau brune, sec et hâlé, est beaucoup plus humain, plus avenant.

Plus grand-chose qui ne se paye, de nos jours. Voilà ce que l’homme semble avoir fait du monde !

Le fonctionnement d’une carte bleue dans un distributeur, c’est tout de même magique non ? Ca donne forcément des idées aux gens pauvres. Il faut comprendre. J’essaie. Je ne dis rien, et je laisse faire, pour toutes ces raisons, sans oublier de plus importantes encore : Barbara, Marin et Adélie débarquent ici pour prendre l’avion et rentrer en France. Ils ont besoin d’un visa, juste pour leur transfert via l’aéroport, situé à 3 km du mouillage. C’est la loi. Et mon frère Louis, qui lui arrive de Toulouse par avion pour embarquer et quitter le pays par la mer, doit également voir sa situation régularisée avec le service de l’immigration. Alors je fais comme si de rien était, je largue le billet de 500 escudos, et je suis presque content. Il est pourtant plutôt rare que je m’en laisse imposer, dans le genre. En quittant la petite pièce, je jette un regard amusé, qui m’arrache une amorce de sourire, à l’affiche gouvernementale suspendue au-dessus du bureau de l’agent, qui incite à combattre la corruption dans le pays…

Trois jours plus tard, mon frère a posé ses sacs à bord, apportant avec lui l’invariable lot de pièces de rechange attendues. Et j’ai accompagné mon petit équipage à l’aéroport de Praia, avec beaucoup d’émotion. Dans les 48 heures qui ont précédé leur débarquement, j’ai vu 4 ou 5 gros sacs se remplir doucement, mais de plus en plus « à barroter » (c'est-à-dire bien pleins, une expression des marins au commerce qui signifie, dans les cales d’un cargo, charger la marchandise ras-la-gueule jusqu’à toucher les barrots de pont), jusqu’à avoir du mal à les fermer. Je vois partir mon petit équipage avec tristesse, vers une autre vie que celle qui nous a liés tous les quatre à bord de Jangada pendant presque trois années…

Lorsque j’embrasse Barbara, nous échangeons un regard humide, il y a des départs plus symboliques que d’autres.



Dans quelques heures, la petite famille arrivera à Marseille via Lisbonne, le changement de vie va être radical. Barbara et les enfants vont passer le dernier trimestre scolaire  dans le Var, chez les parents de mon épouse. En fin de classe de 3ème, les choses deviennent sérieuses, et « Folcoche »  ne plaisante pas avec le CNED. Barbara se sera acquittée de cette responsabilité parentale (qu’elle a souhaité exclusive) avec une rigueur exemplaire, si l’on fait une comparaison avec certains autres voiliers apparemment plus laxistes, ou simplement plus cool, à ce niveau. Ceci dit, elle a pu élaborer pendant ces 3 années une idée pas forcément exclusivement positive sur le type d’enseignement à la française, par rapport aux méthodes anglo-saxonnes. Ce qui n’enlève rien à la haute qualité des cours du CNED. Folcoche pourrait vous en parler pendant des heures…

Pour leur retour au pays, mon petit équipage aura une surprise gastronomique de taille, après, il faut le reconnaître, des mois et des mois de monotypie alimentaire, que les talents culinaires du joli lieutenant ont réussi à sauver de la monotonie. Chacun d’entre eux a pu passer commande du menu de ses rêves, qui les attend dès le premier jour de leur retour en France…



Pendant ce temps, à bord de Jangada, ancré pour 48 heures encore dans la baie ventée de Praia, mon frère et moi achevons de remettre en état l’alternateur 24 volt attelé au moteur bâbord, dont nous avons remplacé le régulateur, qui avait trépassé. Un problème technique d’adaptation un peu plus complexe que prévu, qui nous a occupés quelques bonnes heures. Je termine les révisions techniques et les opérations classiques de maintenance sur le bateau (on ne s’ennuie jamais à ce niveau sur un voilier qui fait le tour du monde), puis nous faisons quelques approvisionnements dans la ville haute de Praia, dans les  mercados et au marché aux fruits et légumes. Je passe à la Police Maritime faire les formalités de sortie. C’est elle qui a, sans ménagement ni délicatesse, visité la veille le voilier de notre ami Jean-Louis, arrivé 36 heures après nous à Praia, avec un génois déchiré. Gros pneumatique puissamment motorisé, pas mal de galons sur les épaules des agents (dont on sait qu’ils ne remplacent jamais la compétence effective, ce serait trop facile…), sabots au pied (godillots militaires), et (j’allais dire bien sûr) manœuvre d’approche ratée impliquant une regrettable collision  avec le portique arrière d’Harmattan… Une histoire mal engagée qui se poursuit évidemment (la vengeance prévisible des agents de l’état touchés dans leur ego) par une fouille poussée du bateau, sans aucun résultat. La jeune République du Cap Vert a encore quelques progrès à faire pour séduire les voiliers voyageurs, qui sont nombreux à passer au large de ses îles, non sans quelques raisons hélas, nous allons pouvoir l’expérimenter bientôt nous-mêmes… Mon intention est de visiter les deux seules îles,  les moins courues de l’archipel, Fogo et Brava, où je n’ai, contrairement aux autres (à l’exception de Maio), jamais été. Je souhaiterais mettre le cap sur les Açores directement depuis Brava, l’île la plus à l’ouest, à l’ouvert du grand large. Mais non, cela supposerait, administrativement, soit de revenir faire la sortie à Praia (ce qui implique de rebrousser chemin sur 80 milles), soit de faire escale à Mindelo, sur l’île de Sao Vicente, située au vent et que je connais par cœur (louvoyage sur plus de 100 milles garanti dans un alizé souvent musclé, 30 nœuds couramment), et où je n’ai pas particulièrement envie de perdre du temps pour seulement obtenir un papelard, qui ne me sera même pas demandé à mon arrivée à Horta, sur l’île de Faial, aux Açores… Il faudra sans doute hélas quelques décennies à l’administration cap verdienne pour qu’un fonctionnaire de haut rang se penche sur ces données pratiques extrêmement simples et logiques, pour les adapter avec intelligence, comme c’est le cas dans bien d’autres archipels, celui des Açores par exemple. Mais cela suppose de déléguer à un fonctionnaire de moindre rang, sur l’île d’à côté, l’immense pouvoir de signer un petit papier et d’y apposer un coup de tampon (papier inutile que vous jetterez bientôt) autorisant un petit voilier et son équipage (pas vraiment tous des bandits de grand chemin), déjà parfaitement en règle avec la loi locale et dont on connaît par ailleurs déjà tout (puisqu’il s’est acquitté antérieurement de toutes ses formalités d’entrée), à poursuivre sa route vers d’autres cieux… Si, comme moi, vous avez un peu de mal à comprendre pourquoi la vie n’est pas plus simple, c’est que vous ne vous rendez pas compte du traumatisme et du risque encourus par ce haut fonctionnaire, voilà tout…

Alors j’utiliserai une troisième solution, probablement non prévue par les autorités locales : le cas de force majeure consécutif à la dégradation météorologique imprévue, dès que nous aurons pris la mer depuis Brava, la dernière île de la République du Cap Vert avant le grand large…



Le 5 Avril au matin, nous quittons la baie peu convaincante de Praia de Santiago, et hissons la toile vers Fogo, située dans l’ouest à une trentaine de milles. Le cône volcanique, qui culmine à 2829 mètres d’altitude, émerge des nuages blancs dans l’ouest. Les canaux entre les îles hautes sont souvent le lieu de conflits violents entre forces météorologiques et océanographiques divergentes. Nous quittons Santiago avec des vents faibles, appuyés au moteur. Les physalies sont nombreuses à la surface de l’eau. Nous en capturons une qui passe le long du bord, avec un seau, pour observer cette étrange créature. Celle-ci a capturé dans ses filaments urticants bleu pétrole un petit poisson d’une dizaine de centimètres, dont le système nerveux semble atteint par le contact des filaments. J’ai un peu de mal à comprendre ce qu’elle va en faire, de ce malheureux poisson, mais je ne connais rien hélas du régime alimentaire de la physalie. Vivement un petit tour sur Internet, ce merveilleux outil de culture des temps modernes quand on l’utilise pour obtenir des informations immédiates. Quelques milles plus loin, dans le sud-ouest de l’île, à un endroit où je sais que les fonds dépassent 1500 mètres, j’aperçois une barrière de brisants, qui succède brutalement à la surface calme de la mer. L’ambiance va changer radicalement, nous approchons du couloir de vent qui souffle avec puissance entre les deux îles. Je préviens mon frère d’abord incrédule que nous prenons le 2ème ris immédiatement : dans 5 minutes  un vent de 30 nœuds aura succédé au calme plat ! Nous entrons dans la zone ventée, l’état de la mer change complètement en l’espace de 300 mètres, le bateau accélère, nous voilà à 10 nœuds dans des gerbes d’écume, cap sur le sud de Fogo !

Deux heures plus tard, du côté de Punta do Alcatraz, nous retrouvons progressivement l’abri sous le vent de l’île-volcan : le vent adonne en suivant la courbure de la côte, la mer se calme doucement. Nous ressortons une ligne, passons sur un banc de roches à 15 mètres, et attrapons une carangue qui nous assurera 3 ou 4 repas. Un chalutier s’est mis à la côte  au sud de l’île il y a quelque temps, l’étrave dirigée vers la terre. Juste au-dessus de lui, une imposante falaise de lave de 120 mètres de hauteur, qu’il avait peu de chance d’escalader, même avec de l’élan…

A la nuit tombante, nous passons sous le village de Sao Filipe, la principale localité de Fogo, (à l’origine l’île s’appelait Sao Filipe, et c’est à la suite de la première éruption du volcan après l’installation des premiers occupants, en 1680, que les îliens la rebaptisèrent Fogo) perchée sur sa falaise, et jetons l’ancre à l’ouvert du seul petit port de l’île, Vale de Cavaleiros. Il y a là un voilier espagnol, qui roule dans le ressac. Mouillage précaire, à l’extérieur de l’abri de la jetée, à quelques dizaines de mètres seulement des roches noires sur lesquelles les vagues se brisent bruyamment.  70 mètres de chaîne à l’eau sur un fonds qui tient plutôt mal, mais attention à la rotation possible du vent, même si elle est rare. A l’ouest de l’île, ce petit port plutôt inconfortable s’abrite du flux des alizés de nord-est derrière un petit promontoire rocheux. Mais on aperçoit le couloir de vent qui sévit à seulement un demi-mille au large… Le quai aménagé à l’intérieur de la jetée accueille le petit ferry rapide de desserte des îles et les caboteurs de transport qui approvisionnent Fogo. Les barques de pêche sont sorties de l’eau sur une rampe en dur qui a du être la première construction portuaire de ce petit havre relatif.

Autant le dire tout de suite : notre escale à Vale de Cavaleiros me laissera quelques mauvais souvenirs, regrettables car par ailleurs la population de l’île et les paysages de Fogo sont attrayants. C’est d’abord une barque de pêche qui, le lendemain de notre arrivée, nous approche au mouillage avec à son bord un jeune capverdien dont l’embarcation a visiblement été affrétée pour l’occasion, associé à un énergumène qui propose ses services comme guide à tout faire pour nous et avec nous, des formalités d’arrivée à la visite du volcan… Exactement le genre de proposition qui ne m’intéresse jamais, moi qui adore découvrir les choses par moi-même ! Je n’aime pas les guides, spirituels ou pas. Les choses se gâtent vite, car ce jeune personnage, 25  ans environ, se montre rapidement insistant dans ses propositions et plutôt agressif devant mon refus poli. Je lui explique d’abord qu’il s’y prend mal, car j’ai été obligé de descendre rapidement dans la jupe pour éviter les chocs de la lourde barque avec notre voilier. J’essaie de lui faire comprendre qu’on peut parfaitement parler à quelques mètres de distance, de bateau à bateau, sans qu’il ne soit besoin de faire tosser son embarcation sur nos bordés de coque, mais cela semble déjà exiger de lui un effort de compréhension notable. Il m’indique qu’il a été chargé de veiller sur l’annexe de l’équipage espagnol débarqué à terre, et sur son bateau, ce que je ne crois guère (plus tard, nous aurons confirmation par l’équipage espagnol que celui-çi n’a jamais rien demandé de tel), qu’il a longtemps travaillé à la marina de Mindelo, qu’il connaît le métier de marin, etc… Il entreprend ensuite, à ma grande surprise, de débarquer sur la jupe arrière bâbord de Jangada, pour sans doute se rendre plus convaincant ! Ce geste équivaut pour un marin à pénétrer à l’intérieur d’une maison, à terre, sans y être invité. Je l’en empêche en occupant la jupe arrière  de ma modeste personne d’1,86 mètre et 85 kilos encore bronzés et lui demande de partir avec son acolyte et sa barque, avant que les choses ne s’aggravent. Mon attitude, le ton de ma voix,  mon regard semblent être convaincants. Je sais l’être, parfois. Nos visiteurs s’en vont, en proférant quelques injures que je préfère ignorer (mais ça m’est toujours difficile, ce truc-la). Une demi-heure plus tard, nous les voyons approcher à nouveau, mais cette fois-ci ils se dirigent directement vers le voilier espagnol, dont nous savons l’équipage à terre ! Je les suis des yeux et, nouvelle surprise, je vois notre énergumène monter à bord du voilier rouge, et farfouiller dans le cockpit, autour de la porte de descente ! Je l’appelle immédiatement et leur fait signe avec autorité de débarquer et de venir nous voir. Ce qu’ils font. A l’approche de la barque, je prends quelques photos du faciès de ces deux personnages indélicats avec mon petit appareil numérique, ce qui met le supposé guide en fureur ! Il me dit que je viens de commettre un crime, que je dois payer pour cela (en argent sonnant et trébuchant)…, et il entreprend de se rapprocher de la jupe arrière une nouvelle fois avec sa putain de lourde barque ! Je me vois obligé de le repousser sans ménagement, et même de le menacer s’ils ne retournent pas immédiatement au port, lui, son associé de fait et leur barque à la con. Je ne vais pas jusqu’à exhiber le gros gourdin de teck massif précédemment cité, dont je n’ai encore jamais eu à me servir, mais j’y songe. Le jeune marin, âgé d’une vingtaine d’années, veut visiblement laisser tomber ce mauvais business, il essaye de calmer l’autre et tente de le convaincre de partir, et ils finissent effectivement par s’éloigner, mécontents d’être tombés sur un mauvais client. Il faut en effet savoir que cette méthode de commerce agressive, indélicate et non équitable, porte malheureusement assez souvent ses fruits : les équipages un peu apeurés, souvent des couples de retraités, préfèrent la plupart du temps obtempérer en passant commande d’au moins une prestation qu’ils essayent de minimiser à tous points de vue (comme la surveillance de leur annexe lorsqu’ils sont à terre), plutôt que de risquer une confrontation directe. Une démarche qui encourage malheureusement ce type de comportement désagréable envers le navigateur suivant. Mais, sans pour autant vouloir refaire le monde tous les matins, ce n’est pas trop dans mes habitudes de me plier à ce genre de pression. Pas du tout, même. Aux nouvelles injures du « guide », qui ne nous paraît pas à vrai dire, à mon frère et à moi, totalement pourvu de moyens intellectuels normaux, je réponds que j’irai montrer mes photos à la police maritime chez qui j’ai été effectuer les formalités d’arrivée. Dans ces cas-là, il convient en effet d’être prudent, pas tellement pour soi, mais pour son matériel, en particulier pour l’annexe et son moteur hors-bord, qu’on est bien obligés de laisser à quai dans le port pendant qu’on est à terre. Prévenir la police maritime locale d’un tel incident est donc une démarche préventive quasiment indispensable. Quelques heures plus tard, alors que je débarque pour aller réserver une voiture de location à Sao Filipe, j’aperçois simultanément d’un côté mes deux potes, scotchés là, et qui semblent gênés par la perspective de ma déclaration promise aux autorités ; de l’autre, un agent que j’ai rencontré la veille au poste de la police maritime. Je m’en approche et lui relate rapidement l’incident, en lui disant que ce n’est pas grave, que je ne m’en formalise pas outre mesure, mais que pour autant, je m’inquiète pour mon annexe et son moteur hors-bord, voire même pour mon voilier. Il me demande de lui montrer mes deux nouveaux copains de Fogo, et leur ordonne aussitôt de venir avec nous au poste. Le « guide » entreprend alors de donner sa version des faits aux agents, mais sur un ton qui l’arrête net, je lui enjoins de se taire. Je raconte l’histoire calmement aux policiers, en tournant le dos à l’excité du bocal.  J’insiste sur le fait que ce n’est pas très favorable à l’image de la République du Cap Vert de faire l’effort de venir visiter ses îles alors que beaucoup les délaissent, pour se trouver confronté à ce genre d’incident. J’explique aussi que le fait de faire une proposition commerciale est une chose, que celle d’insister inutilement et de devenir agressif en est une autre, et qu’enfin monter à bord d’un voilier au mouillage alors que son équipage est à terre, ou tenter de le faire sans y être invité, est un acte qui va au-delà de ce que les énergumènes ici présents ont à l’esprit. Les policiers me demandent à visionner les images de mon appareil, mais pour calmer le jeu avec mes potes, je propose de les leur montrer puis de les détruire aussitôt, en expliquant que nous sommes venus pour visiter leur île, pas pour avoir des emmerdements. Les policiers regardent, puis j’efface les images devant mes petits copains, qui semblent soulagés. J’entreprends alors de leur expliquer tout ce qui m’a déplu dans leurs façons de faire, les chocs de la barque sur le bordé, l’insistance inutile, puis l’agressivité, et je termine par l’analyse du fait de monter à bord. En regardant le « guide » droit dans les yeux à 30 cm de son visage, je lui dis que moi je ne me permettrai pas d’entrer  dans sa maison sans y être invité. Et je lui dis que depuis 3 ans, mon bateau, c’est ma maison. Il semble découvrir et comprendre ce fait qui semble nouveau pour lui… Les policiers prennent le relais, le ton est moins conciliant, je pense qu’ils récoltent un avertissement clair, et nous prenons congé. J’aperçois mes nouveaux amis monter dans un aluguer qui file vers Sao Filipe. Ils me font un signe amical de la main, accompagné d’un sourire. Un quart d’heure plus tard, je sors d’une petite agence de location de voitures, et quelques centaines de mètres plus loin, je tombe par hasard sur mon « guide » qui remonte la rue en sens inverse! Il la traverse et, souriant, vient me serrer la main en s’excusant. Allez, on a tout oublié. La vie est belle !



Le lendemain, nous héritons d’un 4 x 4 Mitsubishi comme voiture de location, ce qui va, hélas, me donner quelques idées. Pas très bonnes. Nous parcourons les petites routes sinueuses qui sillonnent les pentes du volcan. Cà et là, de petites fermes pauvres s’accrochent à la terre sèche. Une végétation de type sub-saharien a bien du mal à habiller de vert les anciennes coulées de lave. Quelques chèvres, des ânes, quelques arbres fruitiers, un peu de maïs, peu de légumes. Des aires sommairement cimentées récoltent par endroit les rares eaux de pluie qui tombent parfois sous le vent du sommet. L’eau est rare, la vie âpre, les habitants peu nombreux. La pauvreté, de rigueur.

Dans un hameau perdu, nous rencontrons une famille avec plusieurs enfants, qui habite une simple masure au bord de la route, un peu isolée. La chance tombe sur eux. Je ne veux surtout pas de chamailleries entre deux familles locales, ce genre de distribution est toujours délicat à réussir. J’explique tant bien que mal en portugais à la mère de famille que je suis sur un voilier à Vale de Cavaleiros, que j’ai fait un long voyage de presque 3 années, et que ma femme, et mes enfants qui ont grandi, sont repartis en France depuis Praia de Santiago, en me laissant des vêtements qu’ils ne peuvent plus utiliser (nous les avions gardés de longue date en pensant les donner dans une île pauvre du Cap-Vert). Alors, là, c’est la fête au village ! Le visage de cette femme pauvre s’illumine de joie, elle me gratifie d’un joli sourire, et plonge ses deux mains de bon cœur dans mes sacs en plastique. Elle déplie sur la portière et la banquette arrière de la voiture des T-shirts, des jupes, des maillots de bain, des shorts, des bermudas… Elle passe visiblement un  moment  heureux à examiner ces fringues, et à les choisir. Quand elle a fini de faire son choix, il reste encore l’équivalent d’un sac. Je lui demande de le prendre, et de le donner à ses voisins. Elle acquiesce et envoie son fils d’une dizaine d’années cueillir 2 grosses papayes dans l’arbre qui jouxte sa petite maison. Nous reprenons la petite route du cratère avec nos papayes et sans nos fringues. Mission accomplie !

Sur les pentes sud du volcan, les coulées de lave récentes datant de l’éruption de 1995 marquent d’un noir intense leur cheminement vers la mer. Le volcan de Fogo est en sommeil très relatif. Un lotissement de petites maisons préfabriquées achève de se dégrader au soleil et au vent. Les habitants du village de Boca Fonte, complètement détruit par l’éruption, que le gouvernement souhaitait reloger là, n’ont jamais voulu s’y installer. On les comprend…

La route serpente vers le sommet de l’île et nous entrons bientôt dans la caldeira, qui ne mesure pas moins de 8 km de diamètre. C’est l’ancien cratère du volcan de Fogo, beaucoup plus important que le cône actuel qui s’est érigé à l’est de la caldeira, culminant à près de 3000 mètres d’altitude. En l’espace de quelques centaines de mètres, le paysage devient lunaire. Une épaisse couche de cendres et de petites scories recouvre le sol de la caldeira. Ce désert minéral était auparavant cultivé par les habitants de trois petits hameaux, implantés dans l’ancien cratère. La vigne y poussait, de façon bien plus importante qu’aujourd’hui, et on y cultive depuis des décennies un très bon café. On y aperçoit aussi des manguiers, des pommiers, les ananas y poussent également. Nous faisons l’acquisition à la petite coopérative locale du village de Cha das Caldeiras de deux bouteilles de vin et d’un sachet de café produits dans le cratère. Le vin, issu de pieds de vigne dont on ne peut douter du courage, s’avérera charpenté, et le café excellent. Certains habitants du village de Cha das Caldeiras sont aussi blonds que leurs maisons de lave sont noires. Il se dit qu’ils descendent du Duc de Montrand, un français qui le premier, implanta la culture de la vigne dans les arpents de lave lunaires du cratère de Fogo, vers 1872.

Avec une mauvaise carte de l’île et notre Mitsubishi, nous décidons de rejoindre la côte nord de l’île par une piste descendante qui, sur le papier, ne semble poser aucune difficulté particulière. Ce sera une mauvaise idée… La carte est fausse. Un sentier muletier succède à une piste, sans aucune différence graphique. On ne peut pas tout avoir : c’est aussi le signe que le tourisme est peu développé à Fogo.

Le tracé devient de plus en plus nébuleux, à l’évidence cette piste n’est plus utilisée, et les difficultés de franchissement augmentent progressivement. Mais en pareil cas, on se dit toujours que le plus dur est fait, qu’on va arriver incessamment au hameau convoité, et qu’à partir de là, on est sorti d’affaire puisqu’on retrouve une petite route goudronnée. Lors de certains passages, je me dis en moi-même qu’il ne faut pas que nous soyons obligés de faire demi-tour, parce que sinon cela va être chaud pour remonter. Louis s’inquiète autant que moi, et plutôt davantage, mais, en tant que navigateur, il se fie à la carte et ne s’attend pas au verdict qui tombe brutalement à l’arrivée à une petite ferme abandonnée : la piste se transforme en chemin muletier, le hameau est encore loin, et on ne passe plus du tout en 4 x 4 ! Nous sommes pris au piège. Nous essayons d’obtenir des infos auprès de deux gamins qui gardent quelques chèvres dans cette masure abandonnée, et ils nous confirment qu’il n’y a pas d’autre issue que de faire demi-tour… Aïe aïe aïe ! Les choses se présentent mal. Ce 4x4  n’est pas muni (comme d’ailleurs la plupart des véhicules soi-disant tous terrains d’aujourd’hui) d’un blocage de différentiel. Je vais vite regretter « Papa Tango Charlie… », le Land Rover familial, qui, lui, est capable de grimper aux arbres, et avec lequel nous aurions franchi ces difficultés sans peine…Les pneus de notre véhicule sont usés jusqu’à la corde, et certains passages que nous venons de franchir en descente m’inquiètent sérieusement dans l’autre sens… La pression monte sérieusement chez le frangin, qui jure à juste titre contre les cartes capverdiennes (le savez-vous, nous n’avons pas que des défauts en France, nos cartes, que ce soit marines ou terrestres, sont parmi les toutes meilleures du monde, au niveau précision, lisibilité, qualité d’information et d’impression, merci à Michelin - les pneus, mais depuis longtemps, les cartes aussi - à l’IGN - Institut Géographique National - et au SHOM – Service Hydrographique et Océanographique de la Marine) peut-être un peu aussi contre l’optimisme du frère cadet, qui aime bien pousser le bouchon de l’aventure à la moindre occasion où cela semble possible… Je lui dis pour le taquiner que je suis déçu par sa prestation de navigateur, et il me répond qu’un bon pilote de 4x4 doit savoir ce dont est capable ou pas son véhicule… Les frangins en live, quoi ! Je m’en sors en disant que je me base toujours sur mon expérience Land-Rover Defender, mais là, pas de Land-Rover Defender, pas de treuil, pas de blocage de différentiel, c’est pas gagné !  Effectivement, en l’espace de 50 mètres, on est planté, ça patine dur, et malgré toutes les tentatives, on creuse l’ornière. Rien n’y fait, les pierres, les morceaux de bois, l’élan, les gamins qui poussent avec nous… Des dizaines de tentative infructueuses, pour franchir une mauvaise marche de terre. Sueur et galère, 2 heures plus tard, on a hissé le véhicule de 5 malheureux mètres, mais ce petit talus semble infranchissable sans une aide extérieure. L’embrayage chauffe, la mécanique souffre. On n’aime pas. L’heure tourne. Nous décidons d’aller tenter de trouver un propriétaire de 4x4 conciliant au village de la caldeira. Me voilà parti pour 8 km de piste à parcourir à pied… Arrivé au hameau de Cha das Caldeiras, je réussirai à convaincre la tenancière d’une pension, dont le mari est absent, mais dont je vois un gros truck Toyota Hilux bleu pétrole garé à proximité, de me prêter l’engin contre la promesse de 20 euros et d’une bonne bière fraîche à notre retour. Au volant de l’engin, munis d’une bonne corde, nous voilà partis avec son fils, cap vers les lieux du drame. Le Toyota semble lourd, avec de larges pneus (mais sans blocage de différentiel non plus !), et je me dis que nous sortir de là va être un jeu d’enfants. Je me trompe.

Nous allons réussir à franchir cette sacrée marche, mais bien d’autres difficultés nous attendront sur le chemin du retour au village, avec non plus un seul, mais deux véhicules à ramener ! Il faudra se relayer aux volants, reculer pour prendre de l’élan en changeant de trajectoire un nombre incalculable de fois, et finalement charger la benne des deux engins de plusieurs centaines de kilos de pierres pour réussir in extremis à passer, en charge, toutes les difficultés de cette piste damnée. Il fait quasiment nuit quand nous arrivons à la pension, la bière est délicieusement fraîche, nous restons quelques minutes à souffler, je largue mes 20 euros sans regret, et nous reprenons la route de Sao Filipe, à bord de notre Mitsubishi qui a changé de couleur, passant du gris métallisé à l’ocre de la poussière. Plus de 4 heures de galère, mais on s’en sort finalement bien !

Fin d’une journée dont le programme a été sérieusement perturbé. L’heure du retour du véhicule à la petite agence est passée, nous faisons un détour pour prévenir le loueur que nous conservons la voiture le lendemain (dans l’obscurité et garé à 30 mètres, il ne posera pas de questions), mais là encore, décidément, ce ne sera pas une bonne idée…

Le lendemain, après avoir nettoyé la voiture intérieur/extérieur, nous quittons le petit port pour la côte nord de l’île, qui nous avait été jusque là interdite. Ballade sans histoire, petit restaurant local pour le déjeuner, et retour au port. Nous sommes le Dimanche de Pâques.



Mais à bord de Jangada, dans le même temps, une autre séquence se déroule, sans nous. J’avais remarqué depuis notre arrivée au mouillage la rotation des barques de pêche, armées par deux ou 3 marins, souvent jeunes, qui  passaient à proximité de notre voilier au mouillage, en quittant le port de Vale de Cavaleiros, ou bien en y revenant. Pendant notre absence (notre départ du bord et la présence de notre annexe dans le port ont du être remarqués), quelqu’un s’est introduit à bord pour commettre un vol. Pendant que la barque était dissimulée par les coques du catamaran à la vue des usagers de la zone portuaire, distante de 200 mètres environ, un individu indélicat s’est invité à notre bord, de façon vraisemblablement très rapide. Il a contourné le roof, dont l’accès était fermé à clef, forcé les fermetures d’un des deux capots avant du carré, par lequel il est entré, et a volé un ordinateur et deux I pods ainsi que, je m’en apercevrai plus tard, deux vestes de quart Musto. Lorsque nous revenons à bord, mon moral en prend un coup, mais je ne mesure pas encore exactement l’étendue de la perte. Cet ordinateur contenait pas mal de documents personnels et professionnels, toutes les archives de notre blog de voyage, des milliers de photos originales et corrigées de notre tour du monde, le logiciel de navigation Maxsea et les cartes qui vont avec, etc… Je m’aperçois que le voleur a également tenté d’emmener la base audio Bose, mais le fil d’alimentation l’en a dissuadé. A l’évidence, il n’est resté, en plein jour, que quelques secondes dans le carré. Il aurait pu emmener les jumelles, un autre ordinateur dissimulé, une caméra, des appareils photos, des appareils de navigation, et j’en passe.

Le coup est dur, tout n’était pas rigoureusement sauvegardé, mais finalement question images, je ne perdrai que les originaux de Sainte-Hélène et de l’Ascension (aux Açores, je récupèrerai ultérieurement les images originales des copains sur ces deux escales). J’arriverai, avec beaucoup d’heures de travail, à retrouver l’essentiel des textes et des images. Mais, à la fin d’un tour du monde, ce genre d’incident est presque traumatisant, vous laissant à l’esprit l’ amertume profonde d’avoir voulu apparemment à tort faire escale dans un pays dont beaucoup de navigateurs se détournent en ce moment (pour des raisons de sécurité), alors que la très grande majorité de la population est accueillante et honnête. Cela m’apprendra également à sauvegarder mes documents importants sur disque dur externe à dates régulières rapprochées (15 jours semble correct), mais quelle contrainte !

Je passe des heures au poste de police de Sao Filipe, rappelle l’histoire du « guide » et de son acolyte aux policiers qui la connaissent déjà (et pour autant je ne pense pas que ce soit eux qui aient fait le coup, trop risqué pour eux), mais je ne sens pas la police locale très motivés pour enquêter et tenter de retrouver le voleur. Ils me donnent l’impression de penser qu’un  européen (forcément riche) s’est fait voler du matériel électronique sur son voilier par un pauvre pêcheur capverdien, cela n’a rien d’étonnant, c’est compréhensible, et presque normal ! Le chef de la police de Fogo me demande de lui donner du temps, alors je lui demande son numéro de téléphone, et lui indique que nous partirons demain à Brava pour le laisser travailler, et que nous reviendrons ensuite.

Mais par la suite, mes appels resteront inutiles, la police ne trouvera rien (a-t-elle cherché ?), nous ne reviendrons donc pas à Fogo, et à l’heure qu’il est, plusieurs semaines après les faits, je n’ai toujours pas reçu, malgré ma demande, le moindre document officiel attestant, au minimum,  de ma déclaration de vol…

Vale de Cavaleiros, une escale au goût amer…

Direction Brava, l’île de la réconciliation.
 
Photo 1 - Le volcan de Fogo, qui culmine à 2829 mètres, vu depuis le canal qui le sépare de l'île de Santiago...
Photo 2 - Les maisons anciennes de Sao Filipe, le principal bourg de l'île de Fogo, sur la côte ouest...
Photo 3 - L'église de Sao Filipe, pendant une cérémonie en plein air...
Photo 4 - Couleurs chaudes au soleil couchant, à Sao Filipe...
Photo 5 - Habitation de village traditionnelle du Cap Vert, à Sao Filipe...
Photo 6 - Les combats de l'indépendance de la jeune République du Cap Vert ne sont pas si lointains (1975)...
Photo 7 - Le parpaing est un module apprécié au Cap Vert, où les maisons restent souvent sans autre finition...
Photo 8 - La pêche est essentiellement artisanale, l'accès à la mer reste difficile...
Photo 9 - Distribution des vêtements du petit équipage de Jangada, devenus inutilisables, dans un village de l'intérieur...
Photo 10 - Masure cap-verdienne, dans le nord-ouest de Fogo...
Photo 11 - Système de récupération d'eau, dans un hameau de l'intérieur, à Fogo...
Photo 12 - L'Afrique n'est pas loin, les baobabs poussent sur les terres arides de Fogo...
Photo 13 - Là comme ailleurs, les jeunes quittent les fermes pour aller vivre dans les villes...
Photo 14 - Dans la caldeira principale de Fogo...
Photo 15 - Le cône actuel est plus petit que l'ancien volcan, fracassé par une gigantesque explosion...
Photo 16 - Survivant de l'éruption de 1995, qui détruisit la plupart des cultures de la caldeira (vigne et café)...
Photo 17 - Des rangs de vigne ensevelis sous les cendres et les scories de l'éruption de 1995, seuls subsistent quelques pieds courageux.
Photo 18 - Jacaranda en fleur sur les bords de la caldeira de Fogo...