jeudi 1 avril 2010

Billet N°55 – Short Cut to the Pacific…

Du Lundi 22 au Mercredi 31 Mars 2010.

De l’Atlantique au Pacifique par le Canal de Panama.

Le Canal de Panama technique…
Le principe de fonctionnement principal du Canal de Panama est simple.

Sa réalisation, comme on le sait, fut une autre histoire…

Sur la Chagres River, qui coule au milieu des montagnes de l’isthme de Panama vers l’Océan Atlantique, et dont le débit, alimenté par les pluies abondantes qui s’abattent sur cette région verdoyante, est suffisant pour en assurer le fonctionnement, même avec sa capacité actuelle (sensiblement augmentée depuis l’origine), on a créé, au moyen d’un barrage, un grand lac artificiel, qui a noyé quelques 29 villages indigènes sous les eaux, et nécessité le déplacement de 50 000 personnes : le lac Gatun.

La Chagres River rejoint le lac au niveau de Gamboa. J’ ai relevé des profondeurs de l’ordre de 15 à 20 mètres dans le chenal du lac Gatun.

Le lac Gatun constitue le réservoir d’eau (douce) du Canal. C’est le point haut du tracé.

Il est alimenté par le barrage de Madden, construit sur la Chagres River.

Le lac Gatun couvre ainsi une surface de 425 km2. Entre sa sortie des écluses de Gatun et son entrée dans le Gaillard Cut au niveau de Gamboa, un navire aura parcouru quelques 44 kms dans le chenal qui serpente dans le lac.

Côté atlantique, le lac rejoint l’océan par un ensemble groupé de 3 écluses en série, les « Gatun locks ».

Chaque passage de navire dans cette triple écluse nécessite … 100 000 tonnes d’eau douce. Il en faudra autant pour retrouver le niveau de la mer de l’autre côté de l’isthme.

Côté pacifique, le profil est plus complexe, mais on trouve également 3 écluses, séparées : il y a d’abord l’écluse simple de Pedro Miguel, puis la double écluse de Miraflores.

Le Canal de Panama est équipé d’un double jeu d’écluses, juxtaposées.

Les navires de dimensions raisonnables peuvent ainsi se croiser dans les écluses, mais pas forcément sur le parcours du Canal, surtout les navires au gabarit dit « panamax », construits dès l’origine aux dimensions maximales du Canal (L x l x TE : 294,10m x 32,30m x 12 m). Pour eux, un horaire en « one-way » est prévu dans les deux sens, car le croisement avec un autre navire est impossible, en particulier dans le Gaillard Cut, en tout cas pour le moment. J’ai vu les plus gros porte-containers « panamax », dont le fardage (prise au vent) est important, transiter entre Balboa et Gamboa, avec un remorqueur connecté à la plage de manœuvre arrière, pour les aider à prendre les virages et à corriger leur trajectoire dans les passages les plus étroits du tracé.

Le lac Gatun ne donne pas directement dans l’écluse de Pedro Miguel : il y est connecté par la partie la plus étroite du Canal, la Corte Culebra, ou Gaillard Cut, une tranchée creusée avec bien des difficultés dans la roche de la montagne. Longue de 13,7 kms, et appelée à l’origine Culebra (couleuvre) à cause de son tracé sinueux, cette section, qui fut la plus difficile à réaliser de l’ensemble des travaux de creusement du Canal, fut plus tard rebaptisée Gaillard Cut, du nom du valeureux Major David Gaillard de l’armée américaine, chargé de venir à bout de cette redoutable section du tracé. Large de seulement 92 mètres à l’ouverture du Canal en 1914, la Gaillard Cut fut en 1915 le théâtre d’un énorme glissement de terrain, le seul qui obligea à une fermeture du Canal depuis près d’un siècle. La Gaillard Cut n’a cessé d’être élargie au fil du temps, d’une part pour circonscrire les glissements de terrain, d’autre part et surtout pour permettre le passage de navires de plus en plus grands. Passée progressivement à 152 mètres de large entre 1930 et 1971, elle atteint aujourd’hui 192 mètres dans les sections droites et jusqu’à 222 mètres dans les courbes. Les travaux sont encore en cours (nous avons croisé lors de notre passage dans la tranchée 2 barges excavatrices au travail utilisant des explosifs) pour permettre le croisement futur des navires au gabarit « panamax » dans le Gaillard Cut, afin de supprimer l’actuel créneau horaire « one way » du Canal pour les grands navires.

Après l’écluse de Pedro Miguel, on gagne les écluses de Miraflores par l’intermédiaire d’un petit lac, artificiel lui aussi, le Miraflores Lake. A la sortie de Miraflores, on gagne l’Océan Pacifique par le canal (de niveau) qui traverse la ville de Balboa, en passant sous le Pont des Amériques.

Aux deux extrémités du Canal, un port de commerce : le port de Colon, qui jouxte la ville de Cristobal, côté atlantique. Son terminal à conteneurs, Manzanillo, est le plus important d’Amérique du Sud. Côté pacifique, le port de Balboa, beaucoup plus modeste.

Une chose qui étonne lorsqu’on regarde la carte marine du Canal, c’est que pour aller de l’Atlantique au Pacifique, on pourrait penser logiquement que l’on va grosso modo vers l’ouest. Eh bien non ! Le tracé du Canal est orienté au sud-est. La longitude de Colon (79°55’W) est ainsi plus occidentale que celle de Balboa (79°34’W).

Un navire qui transite par le Canal de l’Atlantique vers le Pacifique franchit d’abord, sous le contrôle de « Cristobal Signal Station » la passe principale ouverte dans le long brise-lames (« breakwater ») qui protège le port de Colon.

Il navigue ensuite dans un chenal très balisé qui le conduit 10 kms plus loin aux écluses triples montantes de Gatun. Les trois écluses en série de Gatun hissent le navire de 26 mètres environ au-dessus du niveau de l’Atlantique (soit un peu moins de 9 mètres d’élévation par écluse). Les écluses de Gatun sont équipées chacune de 100 trous d’1,20 m de diamètre, et l’élévation d’un navire dans une chambre d’écluse ne nécessite que 12 minutes. Chaque chambre d’écluse (« lock chamber ») a 33,52 mètres de large pour … 304,80 mètres de long ! Au total, le seul dispositif des écluses de Gatun, incluant les môles d’approche, ne mesure pas moins de … 2 kilomètres de long !

Le navire se retrouve alors dans le lac Gatun, à naviguer dans un chenal sinueux au milieu d’îlots couverts de forêt tropicale, habités de singes et de perroquets, les caïmans noirs préférant, eux, l’étage d’en-dessous.

La première écluse descendante, celle de Pedro Miguel, fait redescendre le navire de 9 mètres. Il débouche alors dans le petit lac artificiel de Miraflores, et arrive, quelques centaines de mètres plus loin, dans le dispositif (1,6 km de long) des deux dernières écluses qui le séparent encore de l’Océan Pacifique, celles, descendantes et doubles, de Miraflores.

Si, côté Atlantique, le marnage des marées est faible, il n’en est pas de même côté Pacifique, l’amplitude y est parfois supérieure à 6 mètres. Pour cette raison, la dernière écluse de Miraflores est la plus haute de toutes, car elle doit sasser les navires y compris lorsque la marée est basse à Balboa. Chacune de ses portes pèse 800 tonnes…

C’est à proximité du double jeu d’écluses de Miraflores qu’est érigée, à proximité d’un bâtiment d’ACP, la localement toute puissante « Autoridad del Canal de Panama », un pylône métallique qui supporte deux web-cams dont les images sont visibles en temps réel sur le site Internet du Canal, http://www.pancanal.com/.
Mais, près d’un siècle après sa mise en service, de nouveaux travaux titanesques ont été entrepris sur le Canal de Panama depuis quelques temps : un troisième jeu d’écluses est en construction, qui permettra une augmentation sensible des dimensions du futur nouveau gabarit « panamax » : les chambres d’écluse mesureront 427 mètres de long, 55 mètres de large et 18,30 mètres de profondeur ! Mise en service : 2015…
Olivier
La première porte de Gatun se referme sur l'Océan Atlantique... Bienvenue dans ... le piège!

Dans l'écluse triple montante de Gatun, derrière l'AVELONA STAR.

L'AVELONA STAR, lui, est connecté aux mulas, les locomotives d'ACP.

Une mula, pour 2 millions de dollars.

Sur l'écluse de Gatun, un bâtiment d'époque, 1913.

Dans la deuxième chambre de l'écluse triple montante de Gatun. On est déjà monté de 18 mètres. Au fond, Colon et l'Atlantique.

Mouillage le soir du premier jour dans le lac Gatun, après le passage des écluses du même nom.

Dans le chenal du lac Gatun, Jangada mène la bande des quatre.