jeudi 1 avril 2010

Billet N°54 – Short Cut to the Pacific…

Du Lundi 22 au Mercredi 31 Mars 2010.


De l’Atlantique au Pacifique par le Canal de Panama : petit historique sans prétention

Un conquistador au service de l’Espagne…

L’histoire du Canal de Panama remonte au 26 Septembre 1513…

Ce jour-là, un conquistador espagnol, Vasco Nunez de Balboa, aperçut pour la première fois l’Océan Pacifique.

Originaire d’Estrémadure, une province aride qui donna au royaume espagnol deux autres rudes et intraitables conquistadores (Cortes et Pizarro), Balboa fit un premier voyage en Colombie (pays qui a longtemps englobé le Panama actuel) à l’âge de 25 ans, puis s’installa à Hispaniola.

A l’âge de 35 ans, criblé de dettes, il dut fuir l’île de la Mer des Antilles et s’embarqua comme passager clandestin sur un navire qui le débarqua sur l’isthme de Panama, dans la province du Darien.

Mieux inspiré qu’à Hispaniola, il prit rapidement le commandement de la colonie espagnole. Son tempérament d’explorateur lui fit monter de nombreuses expéditions à l’intérieur des terres, à la recherche d’or et d’esclaves. Si, contrairement à la plupart de ses compatriotes, il ne massacrait que rarement les populations indiennes, Balboa, comme on s’en doute, n’était pas un tendre : il utilisait la corruption, la violence, et parfois la terreur : les indigènes ont souvent eu affaire à ses chiens de guerre…

En 1513, Balboa entendit parler de l’existence, dans le nord du continent sud-américain, de grandes quantités d’or. Il résolut de mettre la main dessus.

Une expédition de 190 hommes armés, accompagnés de plusieurs centaines de porteurs et de guides Indiens, s’enfonça dans la jungle de l’isthme de Panama le 1er Septembre 1513. Pendant plus de trois semaines, le corps expéditionnaire dut affronter l’épaisse forêt tropicale et ses dangers, la chaleur étouffante, les pluies, et les marécages.

Au 25ème jour, les espagnols se trouvèrent face à une montagne.

Balboa ordonna à ses hommes de s’arrêter. Il gravit la montagne et de son sommet, aperçut dans l’occident une immense étendue d’eau : l’Océan Pacifique. Selon son propre récit, il se laissa tomber à genoux pour remercier Dieu et ses Saints. Puis il fit monter ses hommes, qui gravèrent le nom du roi d’Espagne sur le tronc de quelques arbres, en signe de cette nouvelle appartenance.

Il fallut plusieurs jours encore à Balboa pour rejoindre l’océan : il y entra avec son armure, brandit son épée, et le proclama espagnol.

Six ans plus tard, Vasco Nunez de Balboa fut victime de la jalousie de son beau-père, Pedro Arias Davila, présent dans la colonie, et que la couronne d’Espagne s’apprêtait à écarter des affaires. Davila fit sommairement juger Balboa par ses propres hommes sur de fausses accusations de trahison.

Le découvreur du Pacifique fut décapité au Darien, et son cadavre abandonné aux vautours…

La ville de Balboa, qui jouxte aujourd’hui celle de Panama City, devint la base arrière des expéditions espagnoles sur la côte Pacifique.

Le Canal de Panama : une idée vieille de 5 siècles…

« Il y a des montagnes, mais il y a aussi des bras, et pour le Roi d’Espagne, peu de choses sont impossibles. »

Au XVIème siècle, en 1534, l’empereur germanique Charles-Quint, par ailleurs Roi d’Espagne, avait ordonné qu’un projet de canal soit étudié afin de raccourcir le temps et limiter les risques du transport, par convois de mules à travers l’isthme de Panama, de l’or, de l’argent et des pierres précieuses équatoriens et péruviens vers l’Espagne, et c’est par ces mots que se concluait l’étude topographique que le souverain avait commandée.

Cependant les travaux ne furent jamais lancés.

Trois siècles plus tard, le gouvernement espagnol envisagea de nouveau cette idée, mais les 80 kilomètres de jungle tropicale et de montagnes inhospitalières de l’isthme eurent une nouvelle fois raison du projet.

Pendant la « ruée vers l’or » de Californie, à partir de 1840, de nombreux pionniers, pour traverser l’isthme, choisirent de remonter la Chagres River, dont l’embouchure est située près de Colon, côté atlantique, (rivière qui alimente aujourd’hui en eau douce le Canal de Panama à son point haut, le lac Gatun, l’eau descendant ensuite vers les deux océans par deux jeux de 3 écluses de chaque côté), puis ils cheminaient à travers la Cordillera Central par Gamboa vers le port de Balboa.

En 1850, la construction du Panama Railway (ligne de chemin de fer unique reliant la ville de Colon, côté atlantique, à celle de Balboa, côté pacifique, et grosso modo parallèle au futur Canal) commença. Mise en service en 1855, elle fut aussitôt largement utilisée aussi bien par les passagers que par les marchandises, mais sa capacité était limitée.

En 1879, Ferdinand de Lesseps, aristocrate connu pour avoir quelques années auparavant réussi à construire le Canal de Suez (ouvert le 17 Novembre 1869), créa la « Compagnie Universelle du Canal Interocéanique de Panama ».

La Colombie lui concéda un privilège exclusif de 99 ans pour construire et exploiter le Canal, en échange duquel elle percevrait 5% des revenus pendant les 25 premières années d’exploitation, 6% pendant les 25 suivantes, puis 7% et 8%, avant la restitution du Canal à la Colombie.

Plus de 40 ingénieurs, et des centaines de techniciens se déplacèrent au Panama. Les travaux commencèrent en 1881, ils étaient prévus pour durer 10 ans, pour un coût estimé de 1 200 000 000 francs, soit trois fois environ le coût du Canal de Suez.

A l’origine, le projet de de Lesseps prévoyait un canal ouvert de niveau (sans écluses), comme c’est le cas à Suez.

De Lesseps était probablement un remarquable fédérateur d’énergies humaines, il devait être très convaincant. Mais il n’était pas ingénieur, et il semble bien qu’à Panama, alors qu’il avait déjà 74 ans, il ait opté pour une option technique (le canal de niveau) irréaliste, en particulier du fait de la constitution rocheuse de la « Cordillera Central », la chaîne montagneuse dans laquelle il fallait creuser la tranchée de la Culebra.

Ce n’était pas le cas, par contre, d’un autre aristocrate, le Baron Godin de Lepinay, ingénieur du génie civil, qui, lui, recommanda dès l’origine l’option d’un canal à écluses, alimentées par deux lacs artificiels (Gatun et Miraflores). C’est l’option qui fut finalement retenue, avec succès, à l’aube du XXème siècle, par les Américains.

Pour de Lesseps, la réalité fut dure, et bien différente de ce qu’il avait imaginé : sept ans après le début des travaux, déjà 1 435 000 000 francs avaient été engloutis dans les coûts de construction du fait des difficultés du terrain, et les travaux étaient loin d’être terminés ; le chantier avait déjà fait plus de 20 000 morts…, victimes de la malaria (paludisme), de la fièvre jaune, et des accidents de chantier ; et la compagnie elle-même était empêtrée dans un scandale de corruption qui, en France, menaçait de faire chuter la Troisième République.

Le beau projet du Comte de Lesseps s’embourba, et sa Compagnie fut mise en faillite en 1889.

Grand bonhomme, tout de même, ce de Lesseps.

En 1894, une seconde tentative française, sous la bannière de la « Compagnie Nouvelle du Canal de Panama », fut mise sur pied sur les cendres de la précédente.

Changement majeur visant à limiter les coûts, son comité technique, qui avait procédé à de nombreux relevés topographiques dans l’isthme, avait opté pour un canal à écluses, basé sur le constat d’un débit suffisant de la Chagres River.

Mais cette société nouvelle ne fut pas en mesure d’obtenir les financements privés nécessaires et les garanties suffisantes du gouvernement français, ce qui la conduisit elle aussi à la banqueroute…

La voie américaine était dès lors ouverte…

A la fin du siècle, le gouvernement américain prit conscience de la haute valeur stratégique du Canal.

Un petit évènement vint renforcer cette idée : lors de la guerre hispano-américaine, qui venait de prendre fin, le navire de guerre USS Oregon avait mis … 2 mois pleins !!! à rejoindre son poste de combat en Mer des Caraïbes à partir de son port d’attache de Seattle…

Inacceptable en terme de stratégie militaire.

Le Congrès américain décida alors de racheter l’entreprise française moribonde, ses équipements et ses droits pour 40 millions de $ et de verser 10 millions supplémentaires à la Colombie (dont faisait partie l’isthme de Panama avant l’indépendance), pour le permis de constuire, sur une bande terrestre de 10 milles de large reliant l’Océan Atlantique à l’Océan Pacifique, suivant le tracé du Canal.

Nous étions en 1903.

Mais l’état colombien refusa l’offre. Le président américain Théodore Roosevelt envoya un navire de guerre dans l’isthme pour protéger les citoyens américains de la région, puis il encouragea les Panaméens à déclarer leur indépendance vis-à-vis de la Colombie (1903), et reconnut aussitôt le nouveau régime… avec lequel il avait préalablement convenu de signer un traité relatif au futur Canal de Panama. Efficace, Théodore Roosevelt.

Les travaux reprirent en 1904, et Roosevelt les suivit personnellement.

Il fallut 10 années aux Américains pour venir à bout du plus grand chantier de tous les temps : 75 000 personnes y travaillaient chaque jour.

Mais aussi l’excellence du savoir-faire du Colonel Williams Gorgas, médecin-chef qui réussit à éradiquer la fièvre jaune et tint la malaria sous contrôle dans la région, et de celui de l’ingénieur en chef John Stevens. Et la ténacité du Major Gaillard, ingénieur responsable de l’excavation de la fameuse tranchée depuis lors appelée Gaillard Cut, la section de loin la plus difficile du tracé.

Le premier problème à résoudre fut celui des maladies transmises par les moustiques qui pullulaient dans l’isthme, et qui avaient eu raison de la tentative française. Roosevelt suivit les conseils du médecin-chef qui préconisait d’envoyer du matériel pour drainer les marais.

Quand il fut clair que les travaux progressaient moins vite que prévu, Roosevelt fit remplacer les deux ingénieurs civils qui dirigeaient le chantier par un ingénieur de l’armée, le Colonel George Goethals, auteur de l’ingénierie finale des écluses, et superviseur général, qui fit la preuve de sa capacité à maîtriser les nombreux défis de cet incroyable projet.

Quand le Canal fut enfin ouvert en 1914, le 15 Août, avec le passage du premier navire, le Cristobal, un transport de ciment, il avait coûté aux Etats-Unis 387 millions de $ de l’époque.

Sa construction avait finalement demandé 33 années, et près de 25 000 personnes y avaient laissé la vie…

Depuis, le Canal n’a cessé d’être amélioré, son tracé redressé, sa largeur et sa profondeur utiles augmentées. Pendant toute la « période américaine », c’est la Comision del Canal de Panama, une agence du gouvernement des Etats-Unis, qui était en charge de la gestion du Canal, à travers une « junta binacional » de 9 membres.

Le Canal a été restitué à l’Etat de Panama le 31 Décembre 1999, conformément au traité signé en 1978 entre le général Torrijos et le président américain Carter à l’issue d’une période de transition de vingt années (avec, en 1989, on s’en souvient, l’intervention militaire américaine destinée à renverser le général Noriega).

Nul doute que les Américains conservent un œil géo-stratégique, et donc militaire, extrêmement vigilant sur la gestion du Canal, et sur le régime politique de l’Etat de Panama.

Aujourd’hui, le Canal de Panama, géré par ACP (« Autoridad del Canal de Panama ») est emprunté par environ 15 000 bateaux par an.
Olivier
L'admeasurer d'ACP à bord de Jangada.Début du marathon administratif!

Victoire! On a notre Ship Identification Number, feu vert pour le Pacifique...

Jangada au mouillage des flats, à Colon, paré pour le transit.

La pilotine arrive sur les flats, on démarre les moteurs...

Victor, notre adviser, monte à bord. Let's go, Captain, full ahead please!

A trois bateaux, nous formons un nest, center chamber. A babord, Eglantine, un Cigale 16, à tribord Ghost, un Hanse 47.