mercredi 6 juillet 2011

Billet N°113 –Port-Moresby, Papouasie Nouvelle-Guinée, une escale sous haute protection…

Du Mercredi 22 au Lundi 27 Juin 2011.
Par Olivier


En appareillant des Louisiades, j’étais bien décidé à naviguer à quelque distance des côtes de Papouasie Nouvelle-Guinée, histoire d’éviter les éventuelles rencontres inopportunes en mer…

Ceci étant, je suis persuadé que le danger dans ce pays, pour nous, ne réside guère en mer, mais bel et bien en escale. Souhaitant n’exposer personne, et surtout pas les 3 enfants du bord, je traçai la route à quelques dizaines de milles des côtes.

Et j’étais par ailleurs décidé à n’arriver que de jour à Port-Moresby, histoire d’avoir le temps d’apprécier le risque sécuritaire auquel nous pourrions être exposés, et ensuite de verrouiller une situation acceptable à ce niveau avant la tombée de la nuit.

C’est ainsi que nous quittâmes le grand lagon des Louisiades, cap sur Port-Moresby avec, pour moi, un bon niveau de vigilance chevillé à l’esprit… Information succincte donnée à Barbara et aux enfants, mais pour autant, inutile de les abreuver d’informations alarmistes... J’avais néanmoins pris soin, lors de notre dernière connexion Internet au Vanuatu, de rechercher sur la toile les récits d’agressions, parfois extrêmement violentes, dont avaient été victimes des voiliers ayant pris le risque de faire escale sur les côtes de la grande terre de Papouasie. Toutes avaient eu lieu sur le mainland, aucune dans les îles extérieures. Notre option consistait donc à rallier directement la capitale de Papouasie Nouvelle-Guinée, à faire en sorte d’y arriver en plein jour, et à se démerder pour sécuriser notre petit bazar avant la nuit.

Autant vous dire tout de suite que ce fut la bonne méthode, celle que l’on peut recommander aux voiliers tentés par la petite aventure que constitue une escale à Port-Moresby, une escale réputée sensible.

Le 22 Juin en milieu de journée, Jangada se présente devant la passe de Basilisk, entourée de deux grands récifs coralliens. Dans le lagon, le vent se met subitement à grimper à 30 noeuds. C’est le début du coup de vent annoncé, il était temps d’arriver ! Nous nous dirigeons vers le fond de la baie, en zigzaguant entre les navires à l’ancre, cargos, navires de pêche, supplies vessels. Nous longeons le promontoire qui porte les quartiers du centre ville, des constructions sans charme au milieu d’une végétation fournie. La ville s’est développée autour du port, aujourd’hui situé en ville, une situation qui changera probablement dans les années à venir. La marina du Royal Papua Yacht Club se situe après le port de commerce, dans le quartier de Konedobu, au nord.

J’appelle « Papa Yankee Charlie », l’indicatif du Yacht Club, sur le canal 84 de la VHF. Une voix féminine me répond, mais elle s’avère ensuite incapable de me donner la moindre instruction. Nous passons entre les navires à l’ancre dans la rade et entrons dans la marina sous l’œil du gardien en uniforme qui, pour l’occasion, est sorti de sa guérite, installée au bout de la jetée. J’aperçois une caméra qui contrôle les entrées et sorties de la marina. Le gardien m’indique de prendre le seul coffre qui reste disponible, dans l’enceinte de la marina, à quelques dizaines de mètres des pontons, occupés par des bateaux locaux, sur lesquels aucune place n’apparaît disponible. Nous comprendrons plus tard que le RPYC a pour politique de ne rien faire pour encourager le passage des voiliers de voyage. Mais la mauvaise réputation de la ville dissuade d’elle-même les voyageurs au long cours. La marina et le club sont faits pour les blancs de Port-Moresby, la plupart australiens, les bateaux de voyage sont à peine tolérés, et de toute façon relégués sur coffres (il n’y en a que quatre) ou pire, au mouillage dans l’enceinte de la marina. Ceci dit, le mouillage est de bonne tenue, et l’essentiel pour les bateaux de passage est bien de bénéficier, surtout la nuit, de la sécurité absolue de l’enceinte de la marina, ceinturée de hauts grillages, du fait du gardiennage permanent assuré par le Yacht Club, aussi bien côté mer que côté terre. La situation m’apparaît précaire, le vent est monté à 40 nœuds et va souffler en coup de vent pendant 2 jours d’après la météo; mais le coffre est positionné beaucoup trop près des deux bateaux les plus proches. Une fois amarrés dessus, même très court, il ne nous restera au mieux que 2 ou 3 mètres entre notre arrière et les autres coffres. Alain et Lydie, du catamaran Paradoxe, rencontrés à Lifou, et qui ont perdu un safran pendant leur dernière traversée, ont préféré le mouillage. Malgré tout, je préfère tenter la manœuvre et dormir tranquille amarré à un solide corps-mort, plutôt que de risquer de voir notre ancre déraper dans le port dans une rafale et nous retrouver avec le bateau drossé sur la jetée toute proche en quelques secondes… Timothée et Marin embarquent dans l’annexe, nous préparons des bouts d’amarrage en nombre, et la manœuvre, délicate, se passe bien. Jangada est rendu solidaire du corps mort par 6 aussières. C’est que … j’ai envie de bien dormir ! Nous sommes face à la sortie de la marina, curieusement positionnée dans l’axe des vents dominants : les rafales rageuses et le clapot nous tombent directement dessus, mais le coffre semble fiable. C’est pas terrible, mais on finira par apprécier…

Bienvenue à Port-Moresby, l’escale de tous les dangers !

Avant la visite des autorités, appelées par le Yacht Club, nous profitons de la tolérance qui permet de débarquer sur les pontons et de pousser jusqu’au gigantesque club house. Le Royal Papua Yacht Club, noyauté par les australiens, est un club à l’ambiance très british, encore que les purs british la trouveraient plutôt aussie ! C'est-à-dire de seconde zone. Une atmosphère qui rappelle l’époque, pas si lointaine en Papouasie Nouvelle-Guinée, des colonies. L’indépendance date de 1975. Nul besoin de posséder un yacht pour en être membre : son bar, son restaurant, sa terrasse, sont parmi les endroits les plus courus de Port-Moresby. Au-dessus de la porte du hall d’entrée, évidemment gardée par des sbires, l’ancien pavillon de la colonie, celui d’avant l’indépendance, et le portrait de la reine Elizabeth II. Comme si le temps s’était arrêté. Sur le mur, les noms et portraits en noir et blanc des commodores qui se sont succédé à la barre du RPYC depuis le début du XXème siècle. Aucun n’était papou, vous l’aviez compris. Nous demandons à la nuée des jeunes filles bronzées (et papoues, elles) de la réception la visite des autorités (douanes, immigration, quarantaine) pour le lendemain matin, histoire de ne pas payer de frais inutiles d’ « overtime », un truc très apprécié des fonctionnaires de ce genre de contrées. Rendez-vous est pris pour 09H00, c’est parfait. Mais moins d’une heure plus tard, le préposé des Douanes, qui s’occupe aussi de l’immigration, est là, et demande à se rendre à bord pour les formalités. A son air mafieux, je comprends immédiatement que ce colosse est en train de ruser avec nous pour arrondir sa fin de mois. Un grand classique du genre. Je lui fais donc observer que le rendez-vous était fixé au lendemain, et que s’il a choisi de venir maintenant, c’est son choix, et pas le mien. Il est 15H00, le colosse mafieux me confirme que nous sommes bien en « overtime »… L’adrénaline se répand assez vite dans mes veines avec ce genre de types, et alors que nous montons dans l’annexe pour rejoindre le bord, je lui signifie avec une fermeté à laquelle il ne semble pas habitué (la plupart des plaisanciers paye l’argent de la corruption sans broncher) que je n’ai pas d’argent pour payer l’ «overtime », et que je ne le paierai pas. Il est déstabilisé, mais ne dit rien, espérant sans doute me ramener ultérieurement à plus de docilité. Finalement, cette attitude ferme et faussement décontractée de ma part (ce genre de douanier véreux peut vous créer un tas d’emmerdements sous un tas de prétextes !) aura raison de ses mauvaises habitudes, et le colosse s’acquittera de son job rapidement et sans nouvelle tentative. Je le ramènerai à terre avec le sourire, le sien étant plutôt forcé et tirant sur le jaune. Le lendemain, à 09H00, la miss en charge de la « quarantine » sera beaucoup plus amène, elle ne nous embêtera pas avec nos fruits et nos légumes des Louisiades (une escale pourtant clandestine), et me racontera la vie encore primitive dans son village des highlands papous. Ah, si j’avais plusieurs vies…

Pendant que le coup de vent s’installe dans les aigus, nous poursuivons notre visite du Royal Papua Yacht Club. A l’étage, bibliothèque en bois verni, bar d’une bonne vingtaine de mètres de long, mini casino avec machines à sous, salon cosy à souhait où les tongues ne sont plus tolérées après 18H00, restaurant avec nappes blanches où la tenue de soirée est exigée (le desk vous remet à votre arrivée les dispositions de l’étiquette du club), terrasse avec BBQ à l’australienne, wet bar où la SP, la bière locale, coule à flot dans des gosiers blancs très essentiellement, dès 17 heures, le tout servi par une bonne cinquantaine de barmen et stewardess, tous papous, et dont ma simple curiosité aurait aimé connaître le salaire mensuel… Le samedi soir, cravate et chemise blanche de rigueur pour les hommes, robe longue pour les femmes. Au rez-de-chaussée, sanitaires (nous profiterons chaque matin des douches chaudes avec eau à volonté), salle de musculation, espaces enfants, club de voile (Laser et Hobie Cat). Nous achetons une carte Wi-Fi prepaid (100 kinas, la monnaie locale, soit 30 euros tout de même), et retournons à bord pour capter nos messages e-mail.

Le lendemain, nous tentons une première sortie hors du club, sous le regard désapprobateur des vigiles du poste de garde principal à l’entrée du parking, qui proposent de nous accompagner. Un petit supermarché, situé à 300 mètres du RPYC, tente notre curiosité. Mais attention aux raskols, les bandits locaux auteurs des nombreuses agressions qui font la mauvaise réputation de la ville (plus d’un meurtre tous les 2 jours en moyenne). On passe les consignes, aucun bijou, pas de montre, rien dans les mains, rien dans les poches. Je mets un peu d’argent dans une poche basse de bermuda, et un billet de 20 kinas (6 euros) à portée immédiate dans ma poche gauche. Si on est agressé, je largue le billet au raskol, et on file en sens inverse. Dans ma main droite, je tiens ostensiblement une VHF portable (éteinte), je me dis que cela suggère une liaison radio permanente avec un PC sécurité. Dissuasif. Pas d’appareil photo, vous comprenez pourquoi, et donc pas d’images de la rue sur le blog, hélas ! Bon, nous voilà partis dans l’arène. Route crasseuse, déchets partout, mines patibulaires des papous déracinés dans la grande ville (où sévit 80% de chômage), loin de leurs villages des highlands où il fait bon vivre de pas grand-chose (les chauffeurs de taxi me le confirmeront, ils sont tous originaires des montagnes de l’intérieur et ne rêvent que d’y retourner avec un petit pécule durement gagné à Port-Moresby). Cette première sortie a été bien calculée : à mi-chemin des 300 mètres qui séparent le RPYC du supermarché sont installées deux grandes banques, ANZ et BSP, qui louent les services d’une flopée de vigiles armés. Escale possible, vous me suivez ? Pour se rassurer, mieux vaut éviter de regarder longuement les visages des papous de la rue : la grande majorité a la bouche rouge sang, parfois dégoulinante, du jus de bétel (noix d’arec) que ces populations du Sud-Est asiatique ont l’habitude de mâchouiller en permanence. Les trottoirs, quand il y en a, sont constellés de crachats rougeâtres, on dirait qu’il y a eu un meurtre tous les 2 mètres, c’est bon pour l’ambiance ! Et c’est vrai, mais ils n’y peuvent rien, certains papous ont une tronche à faire peur, selon nos critères européens. Des vendeurs de crabes de vase nous proposent des grappes de ces bestioles qui ne rappellent qu’assez peu les beaux tourteaux de Bretagne nord… Mais, surprise, la plupart des papous de la rue sont plutôt souriants à notre égard. Nous marchons tous ensemble, d’un bon pas. Le petit supermarché est constellé de vigiles, il y en a même dans les rayons ! Nous faisons les courses sous haute protection… Retour au RPYC avec notre sac de victuailles, l’allure est soutenue. Nous repassons le poste de garde principal, puis le poste secondaire. C’est gagné ! Nous voilà revenus dans la forteresse, indemnes.

C’est sûr, je ne me baladerais pas seul à partir du couchant dans les rues de Port-Moresby. Pourtant, les papous de la rue ont l’air plutôt sympathiques, avides de contacts même avec les étrangers que nous sommes. La plupart des « colons » blancs, australiens pour la plupart, mais aussi anglais et américains, circulent dans des gros 4x4 aux vitres teintées, à l’air conditionné, aux portes verrouillées…

Notre sortie suivante, le lendemain, aura pour objectif l’ambassade d’Indonésie, où nous devons obtenir nos visas. Pour affréter un taxi, mieux vaut le faire appeler par le desk du Yacht Club. Cela évite de se retrouver éventuellement conduit par un driver indélicat au milieu d’un gang de raskols dans le bidonville de sa tribu, pour y être tabassé, dépouillé, voire dépecé… Cela ne vous évite pas la négociation sur le prix de la course, mais là, j’ai du métier ! Je ne monte jamais dans un taxi, dans ce genre de contrées, sans en avoir conclu préalablement le prix avec le chauffeur, ayant pris soin auparavant de me renseigner sur le juste prix du trajet. Le prix est ramené de 40 kinas à 20, et nous partons, avec Timothée et Marin, pour ce trajet d’une dizaine de kilomètres à travers la ville étendue. Un paysage urbain qui rappelle l’Afrique Noire. Nous empruntons le seul tronçon d’autoroute de Papouasie, qui doit bien faire 3 km, la capitale n’étant que très mal reliée par la route au reste du pays. Nous traversons une zone industrielle assez fournie, comme le sont celles des pays neufs en développement dont le sous-sol est riche, passons devant le seul hypermarché de PNG, le RH Hypermarket, ouvert récemment par une grande société malaise, dans lequel, par curiosité davantage que par besoin, nous irons traîner quelques jours plus tard. L’ambassade d’Australie surclasse toutes les autres en volume et moyens, la PNG est pour eux une succursale, c’est évident. Au bord de la route, beaucoup d’enfants joyeux, des jeunes qui jouent au ballon, des écoles, des vendeurs ambulants, des étals de fruits et légumes, des bidonvilles, et bien sûr beaucoup de papous désoeuvrés qui zonent. Nous passons devant le grand marché papou, en plein air, dans la banlieue de Port-Moresby, où j’aurais aimé aller faire un tour, mais c’est inenvisageable sans l’escorte d’au moins 4 membres du GIGN armés jusqu’aux dents, et encore…

Et puis le Samedi 25, nous accompagnons Timothée à l’aéroport Jackson. Il prend un avion d’Air Niugini à destination de Singapour, et de là file sur Londres et Paris. Avant son passage en 2ème année de médecine, et après ces 6 semaines de vacances heureuses que nous venons de passer à bord tous ensemble je crois, son job d’été l’attend dans quelques jours à Ars en Ré. Pour la troisième fois du voyage, alors que nous le laissons partir vers le hall d’embarquement, j’essaie de cacher mon émotion, comme chacun de nous je crois. Bon retour au pays Tim ! Nul doute qu’il se souviendra de son passage au Vanuatu et peut-être plus encore de notre séjour dans l’archipel des Louisiades. On n’y va pas tous les jours dans une vie !

Avec Philip, notre taxi driver papou des montagnes, le deal fonctionne bien. Après l’aéroport Jackson, il revient nous chercher à l’heure convenue et nous emmène flâner au RH Hypermarket, pompeusement appelé par ses promoteurs Vision City. Ca me rappelle mes voyages à Dubaï, ces dernières années, même s’il y a du chemin à faire pour égaler Emirates Mall. On a franchement et objectivement rien à y foutre, mais c’est tout de même quelque chose de voir ces papous tous droits descendus des montagnes se confronter avec la société de consommation et un mode de « distribution » auquel ils sont encore complètement étrangers. Soyons clair, le RH Hypermarket est construit dans une enceinte clôturée de hauts grillages avec poste de garde et vigiles de toutes parts. La plupart des papous lambda restent à l’extérieur… On croise surtout le staff des ambassades, les familles du gouvernement, et celles des blancs attirés en PNG par le boom des ressources du sous-sol. C’est que la Papouasie Nouvelle-Guinée, 6 millions d’habitants pour 463 000 km2, démocratie parlementaire, indépendante depuis 1975, 600 îles, autant de tribus et 800 dialectes différents, est en plein essor depuis quelques petites années. Son sous-sol est riche. Pendant longtemps, la terre abordée par le Captain anglais John Moresby et annexée par ses soins à la couronne britannique en 1873, une dizaine d’années avant l’arrivée des premiers colons européens, est restée essentiellement vierge, sauvage et primitive. Depuis 2 ans, Exxon-Mobil développe en PNG un gigantesque projet d’extraction de gaz naturel liquéfié qui booste l’économie du pays. Mais l’industrie pétrolière n’est pas en reste, et l’exploitation minière est également très importante. Le cuivre, le nickel-cobalt, mais surtout l’or, qui occupe 6 des 7 sites miniers de PNG, contribuent au développement du pays, bien qu’on ait surtout l’impression pour l’instant que ces richesses ne profitent que peu à la population locale, dont 85% vit encore dans une économie de simple subsistance… Plus traditionnelles, l’exploitation forestière et les pêcheries, la culture du café, du cacao, et la fabrication d’huile de palme exportent vers l’Asie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.. La Papouasie va certainement beaucoup changer dans les trois décennies à venir !

Timothée parti, notre séjour à Port-Moresby touche à sa fin. Le tourisme n’est guère à l’ordre du jour. J’étudie sur les cartes marines le franchissement du Détroit de Torrès. Nous récupérons nos passeports à l’ambassade d’Indonésie le lundi matin, et demandons aussitôt le passage des autorités pour faire notre clearance de départ. La fenêtre météo semble favorable à partir d’aujourd’hui vers le détroit, à quelques 200 milles plus à l’ouest. Nous attendrons près de 3 heures au Yacht Club l’arrivée d’un douanier encore plus corrompu que le premier ! Il nous a éconduit pour accompagner à l’aéroport un couple italo-canadien arrivé de Nouméa avec un monocoque et pas mal d’avaries. Outre le coût des visas qu’ils n’avaient pas, la note à payer cash et sans reçu du douanier papou a du être particulièrement salée pour eux. Mais sa lucrative journée n’est pas finie, du moins le pense-t-il. Lorsque je le vois arriver, ma première réaction est la répulsion. Lui, il suffit de lire sur son visage, c’est marqué en clair, c’est un bandit. Il doit peser, apparemment c’est un critère de recrutement des customs ici, 120 bons kilos de muscles, et il doit avoir des biceps trois fois comme les miens… C’est à lui qu’Alain et Lydie de Paradoxe avaient du verser une somme rondelette à leur arrivée. L’énergumène les reconnaît avec plaisir ! Wilson est son prénom. Mais on ne va pas se battre avec Wilson, la preuve, c’est qu’il nous emmène loin du desk du RPYC, il s’assoit à une table du bar extérieur, loin des oreilles indiscrètes. Je le vois venir gros comme un immeuble, et vraiment je déteste ce genre de types. Je sens que je vais avoir du mal à me contenir… Je demande aux enfants de rester avec moi, et de s’asseoir tout près, je sais que ça va gêner Wilson, et contribuer à me calmer. Alain et Lydie sont là aussi, prêts à résister. Ce genre de partie désagréable se joue pour l’essentiel à l’intellect, au cran, au tempérament. Wilson est physiquement impressionnant, et il a une sale gueule sans se forcer. Nul doute qu’il use beaucoup de ces atouts pour tripler ou quadrupler son salaire mensuel en kinas… Bon, je m’assois ostensiblement exactement en face de lui, et d’emblée je prends une attitude peu conciliante, peu docile, limite agressive. Je constate immédiatement que Wilson évite de me regarder droit dans les yeux, et je note l’avantage dès le départ. Reste à l’exploiter plus avant, quand il va accoucher de son aveu de corruption. Il commence par la clearance de Paradoxe, autre bon signe. Alors qu’il n’a qu’à tamponner les passeports et à écrire 5 mots sur la clearance de départ du pays (qui nous est systématiquement demandée à l’arrivée dans le pays suivant) et à la tamponner, je le vois qui tourne, qui vire, regarde les visas, prend son tampon, le repose, le reprends. Je place ostensiblement quelques gestes d’impatience, histoire de lui mettre un peu la pression. Il finit par tamponner les passeports d’Alain et Lydie, par remplir et tamponner la clearance de Paradoxe, et, au moment où il n’a plus qu’à la remettre au skipper, il accouche : « There is a departure tax to be paid. 50 kinas/person ! » Alors là, j’aboie. Il est surpris. Alors que je ne suis pas encore directement concerné, je lui dis droit dans les yeux qu’il n’y a rien à payer pour ces formalités, et que je vais de ce pas avertir le manager du Yacht Club qu’on a un problème sérieux avec lui, Wilson. Tant qu’à faire, je parle aussi de la french embassy, if need. Il me répond « Ok, in this way, I go back ! » Je me lève et fonce au desk, ce geste le surprend. J’y informe la flopée de charmantes papoues en uniforme de la réception qu’on a un problème de corruption avec le « customs officer », qui nous réclame 50 kinas par personne (une fortune en PNG) alors que j’ai pris soin juste avant l’arrivée du sbire de me faire confirmer par le Yacht Club qu’il n’y avait rien à payer à la douane au départ. Elles me regardent, sidérées. Sans attendre une réponse, je retourne m’asseoir devant Wilson, l’air mauvais. Devant moi, il donne la clearance à Alain, de mauvaise grâce, mais il le fait. La partie est à moitié gagnée. Dès lors, je m’efforce de faire peser sur lui un regard lourd à souhait, et je le vois s’exécuter laborieusement, à contre-cœur. Je m’inquiète en silence d’une possible visite de Wilson à bord pour se venger (mais je n’ai rien à cacher), et, pendant 2 minutes, il me questionne sur le départ de Timothée pendant l’escale. Mais je ne désarme pas. Il sait qu’il a perdu la partie pour cette fois. Il joue avec son tampon, finit par l’apposer sur nos documents, et me les rend, l’air las, presque dégoûté. Je fais l’erreur de lui dire merci. De mon côté, je me contente de me satisfaire de savoir que Wilson a désormais davantage de respect pour moi que si je lui avais donné les 200 kinas de son arnaque. Mais ça ne va pas changer la face du monde, on est bien d’accord. Voilà, les formalités sont finies, nous avons notre clearance, nous pouvons appareiller pour l’Indonésie. C’était juste la petite histoire de la corruption ordinaire.

Nous regagnons le bord, larguons les amarres du coffre, traversons la rade et mettons le cap sur Basilisk Pass. De temps à autre, je me retourne pour vérifier qu’une vedette des Customs ne se dirige pas vers nous ! Mais, après tout, j’ai tous mes documents en règle !

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Bye-bye, Papouasie Nouvelle-Guinée !

Allez, à envoyer la toile vers le détroit de Torrès…
Photo 1 - Jangada sur coffre dans la marina de Port-Moresby, PNG. A gauche, la guérite de l'ange gardien...
Photo 2 - Le hall du Royal Papua Yacht Club, côté cour
Photo 3 - La terrasse du Yacht-Club, côté marina.
Photo 4 - Seul intérêt majeur pour nous, douches à volonté.
Photo 5 - Le rendez-vous du tout Port-Moresby, et une cinquantaine de serveurs et bar-maids...
Photo 6 - Sur la route de l'aéroport Jackson, un truck joyeux...
Photo 7 - Nous passons à côté de la brasserie nationale, SP Lager Beer.
Photo 8 - Samedi 25 Juin 2011, à l'aéroport de Port-Moresby,Timothée grimpe dans un Boeing d'Air Niugini pour Singapour, Londres et Paris...