mercredi 1 septembre 2010

Billet N°80 –Les ondes étranges de Mopelia…

Du Jeudi 19 au Mercredi 25 Août 2010.

Par Olivier


Tôt le 18 Août, dès que le soleil a franchi dans l’est la ligne d’horizon, alors qu’à bord tout le monde dort encore, je mets l’annexe à l’eau, et vais observer l’état de la passe de Maupiti.



Les conditions me semblent bonnes, le vent souffle à 15 nœuds de l’est-quart-nord-est (un quart, ou rhumb en anglais, représente un angle de 11° 15’. Il y a 4 quarts dans 45°, 8 dans 90°, et 32 dans 360°, bande d’ignares…). Le courant est sortant mais modéré. Le bateau est prêt à appareiller depuis hier soir. La passe m’apparaît effectivement praticable, sans grosse difficulté.

Je rentre à bord, réveille Marin, nous remontons l’annexe à son poste de mer sous les bossoirs, démarrons les moteurs, relevons le mouillage, et mettons en route vers la passe. Je verrouille tous les sabords, vérifie qu’aucun bout ne peut passer par-dessus bord, sort les brassières, enfile mes « méduses », et me fait chauffer un café noir.

Si j’avais eu un havane de Cuba, comme j’en ramenais récemment encore de mes voyages professionnels au pays de Fidel Castro, j’en aurais volontiers allumé un ce matin, peu avant de franchir la passe de Maupiti, histoire de me sentir vivre un peu plus fort encore…



Nous envoyons la toile, et prenons le cap de Mopelia, à une centaine de milles dans l’ouest, sans forcer l’allure puisque de toute façon il faudra attendre le jour (du lendemain), pour entrer dans le lagon.

Nous perdrons deux gros poissons aux lignes de traîne dans la journée, l’un se décrochera dans une violente secousse, ce qui nous apprendra à ne pas oublier de re-desserrer le frein quand on enroule au moulinet, l’autre cassera la ligne et partira avec le leurre dans la gueule…

Le genre de truc qui, sur le coup, énerve le Captain, qui aime bien le poisson cru à la tahitienne !



Je passe la nuit dans le carré pour un atterrissage particulièrement lent sur l’atoll de Mopelia.

Cela signifie peu de sommeil, car il ne ferait pas bon se mettre sur le récif de la côte au vent…

Au petit jour, Jangada se trouve légèrement sous le vent de l’atoll, à 2 milles de la passe.

Je fais chauffer de l’eau dans la bouilloire, et vais réveiller celui qui est devenu au fil du temps mon second à bord pour les manoeuvres: Marin, 13 ans dans quelques jours !

Aperçu par Samuel Wallis en 1767, l’atoll de Mopelia (ou Maupihaa) communique avec l’océan par une petite passe (Taihaaru Vahine) très étroite, mais droite, située dans le nord-ouest.

Je la repère facilement dans le jour qui se lève doucement, grâce au ruban de courant qui se déroule vers le large, dans l’axe de la passe. Voiles ferlées, nous nous approchons lentement. Les ouragans ont emporté le balisage initial, il ne reste plus que deux petites perches noires et blanches posées sur le platier, très accore au niveau de la passe. La passe elle-même est assez profonde, mais c’est au débouché dans le lagon qu’il faut parer des têtes de corail à fleur d’eau. L’essentiel est à laisser à gauche, mais il y en a une ou deux, sévères, à laisser à droite.

La difficulté de la passe de Mopélia, c’est le courant sortant, parfois fort, et bien sûr l’étroitesse du passage, qui oblige à passer près du platier, à quelque chose comme 5 mètres de chaque côté pour nous. Pas question de faire demi-tour dans le goulet, long d’environ 200 mètres. Le courant peut y être de 6 à 7 nœuds, s’il y a eu « ensachage » du lagon.

Je vais faire une ronde dans les salles des machines, puis, à plusieurs reprises, pendant que le soleil prend un peu de hauteur au-dessus de l’horizon, nous nous approchons de la passe, en remontant la bande très nette du tapis roulant généré par le courant sortant. Cela nous donne l’axe exact de la passe. Les manœuvres d’approche ont réveillé Barbara et Adélie, qui découvrent en silence cette nouvelle île. Devant nous, le récif, très bas sur l’eau, et plus loin, des motus recouverts de cocotiers.

Nous avons pris nos repères, malgré le logiciel Maxsea et sa cartographie qui, comme les traces électroniques dont nous disposons, nous mettent tous allègrement sur le platier, avec un décalage latéral d’au moins 200 mètres dans le sud de la passe… La carte est à l’évidence décalée en latitude et longitude, ce qui n’a pas beaucoup d’importance, puisque dans ces endroits-là, la navigation se fait à vue.

Marin, harnaché, monte au poste de vigie au premier étage de barres de flèches : il est chargé de repérer les têtes de corail dangereuses à l’entrée dans le lagon. Barbara est devant l’écran de l’ordinateur, et Adélie assure le relais vocal entre nous tous.

Depuis le large, la passe reste impressionnante, du fait de sa très faible largeur et des remous du courant qu’on y aperçoit.

Et puis, quand on sera engagé dans ce goulet, il faudra bien aller au bout… Le demi-tour dans la passe n’est guère à envisager !

Je fais un dernier tour, aligne le catamaran dans l’axe de la veine de courant, et fait monter les 2 moteurs à 2000 tr/mn. C’est parti !

Le bateau gagne de moins en moins au fur et à mesure qu’il s’enfonce dans la passe, mais sur le fond, il progresse toujours, mètre par mètre. Je pousse à 2200 tr/mn, et nous remontons lentement le goulet. Des minutes, un peu longues, pendant lesquelles la concentration de chacun est maximale. Les deux petites balises viennent par le travers. On a passé le plus étroit, là où règne le plus fort du courant. Le bateau accélère sur le fond maintenant, je réduis à 2000 tr/mn, nous sortons progressivement de l’entonnoir hydraulique.

Marin nous guide entre les « patates », puis nous retrouvons des fonds de 15 à 20 mètres. Nous mouillons provisoirement, pour attendre nos amis canadiens de « Tyee ! », et les guider dans la passe, avec notre annexe, maintenant que … nous la connaissons !

A Maupiti, Robinson m’avait dit que la « goélette », un solide petit bateau en acier (genre chalutier transformé) qui dessert de temps à autre, irrégulièrement, et essentiellement pour y collecter le coprah, ces îles éparses aux confins de la Polynésie française, devait parfois racler le corail pour entrer dans le lagon, au débouché de la passe…



Mopelia est administrativement rattachée à la commune de Maupiti, de même que les petits atolls isolés de Scilly (ou Manuae) et Bellinghausen. (ou Motu One), inaccessibles pour nous car dépourvus de passe.



Je sais deux choses, très différentes, sur Mopelia.



Le comte Felix von Luckner et son trois-mâts corsaire « Seeadler ».



La première remonte à la première guerre mondiale.

Un aristocrate germanique, et plus encore prussien, le Comte Felix von Luckner (1881 – 1966), a marqué l’atoll de Mopelia du sceau de l’histoire, celle de la « grande guerre ». Corsaire allemand, von Luckner commandait le « Seeadler » (« Aigle des Mers »), un trois-mâts carré en acier de 1700 tonneaux, ayant l’apparence paisible et trompeuse d’un navire de commerce de l’époque, battant pavillon le plus souvent américain ou britannique…

Mais en réalité, le navire de von Luckner, initialement construit à Glasgow en 1888, et immatriculé à Boston, avait été capturé par un U-boot allemand, en 1916. Passé peu après par les chantiers navals de Bremerhaven, il fut transformé en navire corsaire camouflé, équipé d’un moteur auxiliaire de 1000 ch, et doté de 2 canons de 105 mm dissimulés, et de 2 mitrailleuses lourdes…

La mission assignée par la Kriegsmarine à von Luckner et à son « Seeadler » était de repérer, d’attaquer, de piller, et de couler le maximum de cargos alliés à travers le monde…

Et von Luckner allait s’y employer avec une rare classe, joignant le plus souvent à ses actes de guerre une élégance renouvelée…

Quittant l’Allemagne fin 1916, von Luckner réussit à franchir - on se demande comment – le blocus naval britannique, malgré le contrôle du croiseur anglais « HMS Avenge », le premier à être berné par le navire corsaire, maquillé pour l’occasion en transport de bois norvégien.... Parvenu en Atlantique, l’équipage, trié sur le volet, du « Seeadler », procéda au montage de ses canons. Sur la route des alizés, alors encore très fréquentée par les grands voiliers de commerce, von Luckner arraisonna puis coula pas moins de …14 navires, dont les trois-mâts français « Charles Gounod » de retour d’Australie avec 2200 tonnes de maïs, « La Rochefoucauld » et « Dupleix » ramenant chacun 2200 tonnes de salpêtre du Chili, ou encore l’ « Antonin », quatre-mâts barque de l’armement nantais Bordes, avec à bord plus de 3000 tonnes de salpêtre embarqué à Valparaiso…

Passé de l’Atlantique Sud au Pacifique, le « Seeadler » intercepta encore 3 navires américains, de moindre tonnage, qui subirent le même sort.

La tactique de von Luckner n’était pas dénuée d’une certaine humanité.

Une fois le navire marchand trompé, intercepté et capturé, von Luckner faisait transférer à son bord ce qu’il estimait avoir de la valeur, outre la caisse de bord du navire, et les vivres. L’équipage du navire intercepté prenait le même chemin, car le « Seeadler » avait été ré-aménagé pour recevoir à son bord les prisonniers.

Puis le navire abandonné était coulé au canon.

Von Luckner semblait mettre un point d’honneur à ce que ses actes de corsaire de guerre ne laisse jamais, sur le théâtre des opérations, la moindre victime directe.



Pour se ravitailler et laisser souffler son équipage, sans être repéré, von Luckner fit relâche à l’atoll de Mopelia, le 29 Juillet 1917. L’étroitesse de la passe, et probablement aussi l’insuffisance des fonds au débouché de celle-çi dans le lagon (3,50 à 4,00 mètres environ), ne permettaient pas au « Seeadler » de pénétrer à l’intérieur de l’anneau corallien.

Il est possible aussi que von Luckner n’ait pas souhaité prendre le risque de se faire intercepter lui-même à l’intérieur de l’atoll.

Toujours est-il qu’il décida de mouiller à l’extérieur du récif, apparemment juste au sud de la passe. Une position éminemment inconfortable et dangereuse pour le navire corsaire, les fonds descendant très rapidement à l’accore du platier, ce qui l’obligea à jeter l’ancre très près du récif. On dit qu’un tsunami fit déraper le navire, et le drossa sur le platier, le 2 Août 1917. Ce qui est sûr, c’est qu’il en faut peu pour qu’un navire ainsi mouillé soit jeté à la côte. Ainsi l’épave du trois-mâts corsaire allemand gît par une trentaine de mètres de fond, là, dans le sud immédiat de la passe…

L’équipage allemand et ses prisonniers américains, tous naufragés, vécurent de la sorte plusieurs semaines sur l’atoll de Mopelia, dans des campements de fortune.

Mais à l’évidence, il en fallait davantage au tempérament de Felix von Luckner pour s’avouer vaincu…

Le commandant voulait continuer le job. Il fit gréer une voile sur un canot à moteur de 6 mètres de long du « Seeadler », et mit le cap sur les Fidji, avec cinq de ses hommes.

Quatre semaines plus tard, ils réussirent à se faire enrôler sur un navire … américain ! Mais ils furent rapidement découverts, faits prisonniers et emmenés en Nouvelle-Zélande. Evadés, ils s’emparèrent d’un canot, puis d’une goélette. Interceptés par le croiseur anglais « HMS Iris », ils seront alors bombardés et devront se rendre. A nouveau prisonniers, Von Luckner et ses hommes seront détenus en Australie, cette fois sous bonne garde, et ils ne reverront l’Allemagne qu’en 1919.

Quant à l’équipage allemand resté sur l’atoll de Mopelia, il s’emparera d’une petite goélette d’une centaine de tonnes battant pavillon français, le « Lutèce », à bord de laquelle il rejoindra l’île de Pâques ! Les autorités chiliennes l’y feront prisonnier, et il lui faudra attendre 1920 pour être rapatrié en Allemagne…

Ce Von Luckner, tout de même, une sacrée trempe !

Plus rien n’est visible, sur place aujourd’hui, sur le récif, du naufrage du « Seeadler ». Les ouragans du Pacifique ont tout nettoyé. Mais je me suis laissé dire que, de temps à autre, quelques plongeurs bien informés affrétaient un poti-marara de Maupiti pour aller plonger sur l’épave de l’aigle des mers du comte Felix Von Luckner, là, sur le tombant du récif de Mopelia, tout à côté de la passe…



En 2010, la guerre continue à Mopelia…



L’esprit humain est parfois consternant de bêtise, ou de manque de sagesse.



A Mopelia, les milliers d’oiseaux de mer vivent en bonne intelligence avec les tortues marines (décimées par la population pour la consommation et le commerce des carapaces, depuis des lunes, malgré l’interdiction officielle), les poissons-chirurgiens, les perroquets, les labres et les carangues partagent le lagon avec quelques centaines de requins, et les bernard - l’ermite se répartissent le ménage des motus avec les tupos, les petits crabes de cocotiers, parce que les caveu, eux (les gros crabes de cocotiers, pouvant atteindre 4 à 5 kgs), ont presque totalement disparu, mangés par les polynésiens.

Bref, il y a encore de quoi vivre heureux sur l’atoll de Mopelia. Et en paix.

L’on n’y est pas, c’est le moins qu’on puisse dire, censé être embêté par le voisin !

Et pourtant…

L’atoll de Mopelia est constitué de plusieurs motus, dont le principal, le motu Maupihaa, ne mesure pas moins de 8 à 9 kilomètres de long, sur environ 1 de large. Tout de même.

On y compterait les cocotiers en dizaines de milliers.

Le poisson abonde dans le lagon (nous y pêcherons un excellent thon « dent de chien »), les langoustes affectionnent les environs de la passe, les coquillages s’y ramassent plus facilement que sur la chaussée de Sein, et tout pousse à Mopelia, où les grains de pluie ne sont pas rares, si tant est que l’on veuille bien se donner le mal de cultiver un jardin.

En l’an 2000, 45 personnes vivaient sur l’atoll : elle y travaillaient principalement à l’élevage et à la capture du naissain des nacres perlières. Mais la crise de l’industrie de la perle, et le vieillissement naturel de la population ont ramené le nombre d’habitants de Mopelia à une dizaine aujourd’hui.

Largement de quoi occuper en bonne entendeur, à la récolte du coprah - plus rentable de nos jours mais subventionné par le gouvernement polynésien pour encourager le maintien des familles sur les îles éloignées de l’archipel – les deux familles polynésiennes qui y vivent aujourd’hui.

Oui, mais ce serait trop simple.

L’une est originaire de Maupiti. L’autre des Australes, l’archipel polynésien perdu dans le sud.

Entre eux, la guerre !

Voici ce que j’ai appris de la bouche même du maire de Maupiti, quelques jours avant de jeter l’ancre dans le lagon de Mopelia.

Pendant que Barbara utilisait le seul wifi disponible sur l’île, à la mairie, l’édile m’avait salué avec convivialité, et nous avions entamé une longue conversation, alimentée par ma curiosité naturelle. Je l’avais entrepris en particulier sur la production d’eau douce à Maupiti, et j’eus connaissance à cette occasion du fait qu’il y a davantage d’eau douce dans les nappes phréatiques situées sous les motus que sous celles de l’île centrale de Maupiti. Comme dans tous les lagons.

Apprenant que nous allions bientôt à Mopelia, son visage était devenu brutalement soucieux. Il m’informa qu’il avait reçu la veille au soir un appel radio en BLU de la famille de Maupiti, (dont la maison d’habitation, appartenant à la commune de Maupiti, est une « maison MTR », du nom de cette société de Tahiti qui réalise des maisons anticycloniques en préfabriqué sur catalogue), un appel alarmiste lui faisant savoir que la guerre opposant sur le motu Maupihaa les deux familles de Mopelia avait franchi un seuil dangereux…

Je ne sais s’il s’agissait de coupe-coupe, de hache, ou de tronçonneuse, mais il y avait eu menaces de mort de la part du chef de famille des Australes contre celui de la famille de Maupiti. Le maire, qui connaissait bien l’affaire, avait déjà été obligé de se rendre à Mopelia l’année précédente, pour tenter de calmer le jeu, en répartissant les terrains de la cocoteraie et les concessions pour la récolte du coprah. Il avait ainsi eu l’impression, à force de pourparlers, d’avoir réglé l’objet principal de la discorde, avant de remonter, à 72 ans, dans le poti-marara affrété pour l’occasion par la commune, pour affronter à nouveau les quelques 100 milles nautiques qui séparent Mopelia de Maupiti, contre le vent et la mer cette fois…

Mais peu de temps après, les histoires avaient recommencé, et la BLU installée dans la maison MTR avait au fil des mois donné des signes de plus en plus évidents d’une montée en puissance des menaces du chef du clan « austral ».

Et maintenant, avec ce dernier appel, l’élu craignait le passage à l’acte, et le drame.

C’est qu’il faut imaginer que sur un atoll perdu où coexistent seulement quelques âmes, en l’absence totale de représentation de la moindre autorité, l’esprit humain, surtout s’il ne sort pas directement du Collège de France, peut facilement partir en « live »…

Pour ceux qui en douteraient, les exemples ne sont pas rares sur les atolls…

Le maire avait donc décidé de demander au chef de famille de Maupiti de quitter immédiatement Mopelia, pour calmer le jeu, et de rentrer à Maupiti, avec son poti-marara. Son épouse resterait à Mopelia, pour occuper le fare MTR, car, avant qu’il n’y ait plus que deux familles à Mopelia, il y en avait eu trois, mais celle-çi avait retrouvé, à son retour d’une absence de quelques jours, son fare complètement brûlé…

Encore un coup des sudistes !

Et là, devant moi, le maire de Maupiti relisait en silence sa lettre officielle au Procureur de la République de Papeete, lui demandant l’expulsion manu militari de Mopelia de la famille venue des Australes…

Avant de le quitter, je lui demandai si notre déplacement prochain à Mopelia pouvait lui être d’une quelconque utilité ; il parut réfléchir, mais déclina l’offre.

Je racontai ensuite cette histoire à Robinson. Tout le monde la connaissait à Maupiti.

Seule la perspective de voir débarquer prochainement à Mopelia un officier de police judiciaire et deux gendarmes était réellement nouveau.

Mais Robinson m’en appris encore un peu plus.

Il avait été lui-même plusieurs fois à Mopelia, avait navigué sur un bonitier armé par sa famille, qui relâchait de temps à autre dans l’atoll.

Mais c’est par son beau-père, qui tenait aujourd’hui l’unique dépôt de carburants de Maupiti (que nous avions rencontré en allant chercher de l’essence pour le moteur hors-bord de notre annexe et celui de notre petit groupe électrogène portable), qu’il connaissait le dernier épisode de la saga de la famille des Australes.

Le beau-père de Robinson avait longtemps été marin sur la « goélette » qui, une fois par mois environ, selon les conditions météorologiques, se rendait dans les atolls épars à l’extrémité occidentale de la Polynésie française :Mopelia, Manuae, Motu One, et Tupai.

Sur Manuae, un atoll dépourvu de passe situé à une quarantaine de milles dans l’ouest-nord-ouest de Mopelia, vivait le frère du chef de famille des Australes, occupé à la récolte du coprah sur cet îlot par ailleurs désert. Or le capitaine de la « goélette » avait raconté à tout Maupiti que lors de sa dernière rotation, l’homme de Manuae avait refusé de restituer l’une des deux embarcations utilisées pour entrer dans le lagon par dessus le récif et y charger les sacs de coprah à transborder ensuite sur la « goélette »…

Apparemment, l’homme de Manuae n’avait pas poussé son raisonnement jusqu’à imaginer que son geste n’allait probablement pas encourager le capitaine de la « goélette » à faire le détour par Manuae à sa prochaine rotation, sauf à ce qu’il ait à bord deux messieurs en uniforme noir et bleu…

Décidément, les membres de cette famille faisaient des dégâts dans les esprits paisibles des habitants de Maupiti…

Robinson me dit aussi que le maire de Maupiti lui-même n’était pas complètement à l’aise avec les histoires de Mopelia. Il semblait craindre, me dit-il, que sa demande auprès du Procureur ne génère la dénonciation, par la famille des Australes, de son propres fils, lequel serait connu pour venir à Mopelia y braconner les tortues…

Bref une histoire à la polynésienne, dans laquelle il est bien difficile d’y voir clair, et dont il ne faut surtout pas se mêler…



De retour à bord de Jangada, je m’aperçois qu’il y a une fuite d’eau de mer importante sur le moteur tribord, au niveau de l’arbre de la pompe eau de mer. Apparemment, le joint spi de sortie de corps de pompe a rendu l’âme. Merde ! Je ne suis pas sûr d’en avoir un de rechange à bord.

Nous traversons le lagon de Mopelia sur un seul moteur, et nous faufilons, en deux temps, entre les « patates » de corail et les filières d’huitres perlières abandonnées, qui parfois flottent entre deux eaux, menaçant les safrans et les hélices.

Marin et moi avons été reconnaître le passage en annexe, et avons mouillé une bouée-repère sur laquelle il suffit de se diriger pour aller jeter l’ancre à 200 mètres de la plage du motu Maupihaa, au sud-est du lagon, le meilleur mouillage de l’île.

Nous y avons un rayon d’évitage complet.

Barbara et les enfants partent à terre visiter les lieux avec l’équipage de « Tyee ! ».

Nous apercevons sur la droite une barque tirée sur la plage, et les traces d’un campement. Plus au nord, un deuxième campement est visible. D’après Robinson, à qui j’avais posé la question, le plus au sud est celui de la famille des Australes, le plus au nord celui de la famille de Maupiti. Mieux vaut savoir ici où on met les pieds…

D’habitude, les équipages des voiliers de passage sont les bienvenus dans ce genre de lieu. Un peu de visite, des enfants, deux ou trois bricoles à troquer…

Mais là, ce sont d’abord des chiens, avec une sale gueule, qui viennent à votre rencontre.

Ils sont une douzaine, pas moins. John, le canadien de « Tyee ! », un costaud, a pris un bâton à la main. Mais il tombe tout de suite sur le chef de clan, massif, rustre, qui lui demande de jeter son bâton… Il lui explique que ses chiens sont dressés justement pour attaquer les porteurs de bâton !!! S’ensuit un discours guerrier, agressif, surprenant sur un atoll perdu où l’on s’attendrait plutôt à trouver la paix. Une forme de mise en garde.

L’accueil n’est pas particulièrement chaleureux, plusieurs hommes sont là, sans doute pour la récolte du coprah. Une femme épaisse aussi, la femme du chef de famille.

Et un enfant. Curieusement réservé. Il doit en savoir un rayon, le pauvre.

Le campement est sale, des débris traînent partout : fûts, vieux filets, flotteurs de filières, tôles ondulées, ferrailles. Des abris pour sécher le coprah. Il y a aussi un quad et curieusement, un scooter, alors qu’il n’y a qu’un petit sentier qui traverse le motu pour aller du côté du platier, à l’est. Des poules errent de çi de là, des cochons tournent en rond dans un enclos trop petit pour eux.

Ce n’est pas le coup de foudre entre l’équipage et ce clan.

Plus au sud encore, vers l’extrémité du motu, à 300 mètres environ, je découvrirai le fare qui a brûlé.

Et en longeant la plage, vers le nord, à 5 ou 600 mètres, le campement de l’autre famille, plus propre celui-là, mieux tenu, mais dans lequel je ne verrai personne.

Je me dis que ces deux familles auraient pu mettre plus de distance entre elles, le motu a plus de 8 kilomètres de long.

Mais c’est à la pointe sud-est que la plage est la mieux abritée, que l’eau du lagon est la plus calme, qu’il y a une petite lagune qu’il suffit de fermer par un filet de pêche, la nuit, pour ramasser plus de poissons que de besoin.

Là aussi que viennent pondre les tortues, en saison…

Pourtant l’ancien village était à l’opposé, tout au nord. Il y avait aussi, il y a longtemps, une station météorologique, à Mopelia. Il ne reste que quelques ruines, et un cyclone a démoli le vieil appontement en béton qui desservait l’ancien village.

Barbara a du mal à se faire à cette ambiance pesante, surtout après notre escale de rêve à Maupiti. C’est vrai que séjourner dans un endroit qui pourrait être paradisiaque mais où sévit une gué-guerre détestable génère des ondes étranges.

Mais la vie continue.

Pour ne rien arranger, à peine le bateau mouillé, des requins à pointes noires viennent rôder autour du bateau. Barbara aura du mal à effectuer ses longueurs de nage en toute tranquillité…

Et puis vendredi 20 Août est un grand jour à bord de Jangada : c’est la rentrée des classes ! De la classe (de quatrième), devrais-je plutôt dire. Eh oui, Adélie saute la cinquième, et rejoint Marin en quatrième. Ce sera plus simple pour la maîtresse.

Rentrée avec un peu d’avance, mais après 2 mois et ½ de vacances en Polynésie !

Plus besoin de faire les présentations, chacun connaît son rôle.

Bonne nouvelle pour Adélie, euh…comment dire ? peut-être un peu moins bonne pour Marin…

Et la prof est toujours la même !

Mais de mon côté, j’ai un autre souci en tête.

Je dois plonger dans mon moteur tribord !



Panne moteur et solidarité des marins…



Il me revient en mémoire qu’il y a deux ou trois mois, j’avais du repositionner la durite d’alimentation en eau de mer de la pompe de réfrigération du moteur tribord, qui fuyait. J’avais tout nettoyé, rincé à l’eau douce, et l’incident était rentré dans l’ordre.

Et voilà que maintenant c’est le joint du corps de pompe qui lâche. Je commence par évacuer les quelques 20 litres d’eau de mer qui stagnent dans la cale, ferme la vanne d’arrivée d’eau de mer, et rince l’ensemble à l’eau douce.

Puis j’inspecte minutieusement mes 4 caisses de pièces de rechange, logées au fond des coquerons arrière, dans chaque coque, en croisant les doigts.

Damned, il faut se rendre à l’évidence, je n’ai pas ce joint en spare !

Ca change la donne, car ne disposer que d’un seul moteur, sur un catamaran, ne facilite pas les manœuvres, en particulier à vitesse réduite.

Et puis, zigzaguer entre les têtes de corail, et franchir les passes avec un seul propulseur désaxé, ce n’est pas l’idéal.

Bon, là, je me souviens de deux choses : j’ai fait mon service militaire sur le trois-mâts « Bel-Espoir II » du père (jésuite) Michel Jaouen, et à son bord, on apprenait implicitement à se démerder par soi-même, avec pas grand-chose, car les moyens financiers étaient très limités. Je ne remercierai jamais assez cet homme exceptionnel, auprès de qui nous étions à bonne école, celle de la Jaouen’s line comme nous l’appelions, même si elle était très …typée, et pas en matière de religion ! C’est aussi sur ce grand voilier d’une quarantaine de mètres de long que j’ai réellement appris à manœuvrer, en particulier dans les ports de la Manche, normands, bretons et britanniques, qui constituaient notre menu journalier. Y compris à l’occasion d’un échouement inopportun en baie de Seine, alors que je venais d’être nommé Capitaine du bateau, à 22 ou 23 ans. Michel Jaouen faisait confiance, alors qu’à l’époque, bien que sorti de 3ème année de l’Hydro du Havre, je savais honnêtement peu de choses. Et mon expérience n’était pas non plus celle d’aujourd’hui. Mais j’ai bien appris la leçon.

Et je me souviens aussi que j’ai été, un temps (c’était obligatoire pour le cursus que je suivais), Officier Mécanicien de la Marine Marchande sur des navires armés au long-cours.

Allez, au boulot.

Je m’empare de mes deux caisses à outils, et démonte la pompe. Je ne possède malheureusement pas d’ « éclaté » (schéma) de cette pompe eau de mer, alors je découvre de visu comment elle est faite. Je finis par faire un constat : OK le joint spi est usé et pas très joli à voir, et la fuite vient bien de ce joint. Mais l’arbre de pompe a un jeu anormal, et c’est là la véritable cause technique de la fuite. Allez, il faut ouvrir plus avant, et examiner les paliers, constitués de roulements à billes.

Je fonce sur « Tyee ! », le catamaran canadien au mouillage à côté de nous, et John me prête un petit extracteur.

Lorsque je réussis à ouvrir le corps de pompe, une surprise m’attend : il n’y a plus qu’un roulement en place, l’autre est désintégré ! Les billes en graphite ont été pulvérisées en poussière noire qui s’est répandue partout, et c’est la turbine en néoprène qui fait office de deuxième palier… Les anneaux intérieur et extérieur du roulement, en acier, sont restés « soudés » au corps de pompe.

Un aller-retour vite fait vers les 2 voiliers au mouillage à côté de nous me voit rentrer bredouille. C’eût été miraculeux d’y trouver un roulement compatible !

Il va falloir faire avec. Se démerder quoi !

(J’adore me démerder de problèmes maritimes…)

J’envoie des messages e-mail à mon frère en France. Il sait être d’une redoutable efficacité.

Il se trouve à Cherbourg, en représentation de la Société pour qui il travaille, CLS Argos, à l’arrivée de la Solitaire du Figaro. Mais il se démerde pour foncer chez le concessionnaire Volvo Penta du coin, se fait communiquer les web-sites de pièces de rechange pour moteurs marins, visionnent les éclatés des différents types de pompes montées sur les moteurs MD 22 L, et en ressort avec 2 joints spi neufs. Les roulements et les joints complémentaires suivront plus tard, avec le concessionnaire de La Rochelle. Beau travail.

Ensemble, en quelques clics, nous trouvons une adresse d’expédition fiable au Yacht Club de Niue Island, parfaitement bien organisé. (L’île de Niue, située dans le Pacifique entre les îles Cook et les îles Tonga, est un micro-état sous concordat avec la Nouvelle-Zélande.)

Nos amis Pierre et Geneviève prendront le relais à leur retour imminent de vacances, à La Rochelle. Jolie chaîne d’assistance, non ?

Mais mon problème du moment reste entier : la pompe eau de mer du moteur tribord est hors service, je n’ai pas de quoi la réparer, et je dois faire sans jusqu’à Niue, même si je change notre programme de navigation.

Or je tiens à aller à Suvarov, l’île où vécut, pendant près de 20 années, en ermite solitaire, le néo-zélandais Tom Neale, entre 1952 et 1977.

Je me doute que bien des choses ont du changer depuis à Suvarov, et je n’ignore pas que l’atoll perdu dans le Pacifique se trouve sur la route des voiliers de voyage américains, naviguant le plus souvent en flottilles très organisées, bavardant en permanence à la radio, route qui va de Bora-Bora à Pago-Pago, dans les Samoas américaines.

Car les américains naviguent comme ils font la guerre : avec une débauche de moyens, en grand nombre, et avec organisation…

Pas vraiment notre style frenchy , plus bohème, décontracté, et aventureux.

Mais voilà, je veux aller à Suvarov, juste voir les lieux où Tom Neale a vécu son rêve…

Cela motive et donne des idées.

D’autant que j’ai bien vu, dans les yeux de Barbara, que l’éventuelle suppression du détour vers le nord que représente le passage par l’atoll de Suvarov, pouvait vraisemblablement constituer le bon côté de la mauvaise nouvelle…

Je me souviens que lors de notre escale à Porto Santo, la petite île proche de Madère, l’année dernière, nous y avions revu mon ami Miguel, l’ancien responsable de la marina. La dernière fois que je l’avais aperçu, c’était en Antarctique, à bord du voilier de Christophe Auguin ! Miguel reconstruisait ce qui allait devenir son nouveau voilier, fait pour aller loin, et, entre autres, et visiblement, dans le Grand Sud : « Utopia ». Il en avait récupéré l’épave, dérivante au large de son île, et avait désossé la coque avant de tout réaménager. Son travail commençait à avoir de l’allure. A l’époque, j’étais emmerdé avec le système de vidange des eaux grises (lavabo et douche) de Jangada, que l’ancien propriétaire avait conçu pour fonctionner avec la pompe de cale principale de la coque babord.

Une solution qui ne me plaisait pas beaucoup. J’étais à la recherche d’une pompe indépendante fonctionnant en courant continu 24 volts, et Miguel m’avait emmené au pied de son bateau, dans son conteneur (lui aussi récupéré à la dérive), où il entreposait son matériel et qui lui servait d’atelier. Là, Miguel m’avait trouvé mon bonheur.

Il m’avait donné 2 pompes qui avaient connu le naufrage, mais semblaient pouvoir fonctionner après un bon nettoyage. Equipant son bateau en 12 volts, il n’en avait pas l’utilité.

Je m’étais aussitôt attelé à la tâche, et le lendemain, mon circuit de vidange des eaux grises avait été modifié, une pompe de récupération - nettoyée et repeinte - installée, et le nouveau circuit fonctionnait parfaitement.

Je parlai à Miguel des deux voiles d’occasion de notre catamaran, qui étaient loin d’être hors d’usage, mais que j’avais préféré remplacer par des neuves dans la perspective du tour du monde projeté. Je les mis à disposition de Miguel. Plus tard, j’appris qu’il les avait récupérées pour « Utopia », et j’étais heureux que la solidarité des marins soit encore une réalité de nos jours.

La turbine de la deuxième pompe nécessitait d’être remplacée, et je décidai de commander un rouet néoprène de rechange, au cas où.

Bien m’en a pris, car aujourd’hui, dans le lagon de Mopelia, je songe à monter cette deuxième pompe en secours sur le circuit de réfrigération eau de mer du moteur tribord !

Je commence par virer les supports et accessoires de la pompe attelée d’origine, la courroie d’entraînement, le tendeur, etc…

Il n’existe aucune quincaillerie sur le motu Maupihaa, alors je me débrouille pour adapter des raccords, laiton ou PVC, dont je soigne l’étanchéité. J’utilise même une vanne pour raccorder mon nouveau circuit aux durites du moteur, je coupe des tronçons de tuyaux de différents diamètres, je multiplie les colliers inox, je consomme un ruban entier de téflon, je refais le joint du corps de pompe en tapant dans la réserve de chemises en papier du CNED, je fixe la pompe sur une embase, prend mon multimètre électrique, tire deux fils du tableau 24 volts, soude des embouts au fil d’étain, et raccorde le bazar.

Je le sens bien, mais c’est l’instant de vérité. On y va !

Démarrage moteur. Démarrage pompe. Amorçage réussi. Débit. Refroidissement, ça crache dehors. Je regarde la multiplicité des raccords. Pas une fuite !

Je sors de la salle des machines, puis de la coque tribord, vois les visages un peu tendus de mon petit équipage, et amorce un grand sourire…

« Popo, popo, popo… !!! » (« Bravo, bravo, bravo », en tahitien)

C’est le cri libérateur, utilisé à bord de Jangada en cas de succès (grands ou petits) dans les péripéties de la vie du bord.

Allez, le montage de secours fonctionne, et moyennant une surveillance accrue du moteur tribord, le programme de la croisière peut rester inchangé.

Jusqu’à la réparation définitive, à faire à Niue Island.

On s’en sort pas mal, et on disposera de nos deux propulseurs pour sortir de Mopelia, entrer à Suvarov, et peut-être plus tard à Rose Island, ou à Beveridge Reef.

Eh Miguel, « muito obrigado » pour la pompe !



13 ans à Mopelia…



Le 23 Août, une date dont je me souviens, Marin fête son deuxième anniversaire successif à bord. Pour l’occasion, la prof du CNED a décrété la relâche scolaire…

Bonne décision stratégique !

De concert avec Lucie et John, de « Tyee ! », prévenus de l’évènement, nous décidons de faire un barbecue sur la plage. Tôt le matin, nous partons avec Marin en annexe pêcher dans la passe. Nous emmenons 3 lignes de traîne à main, un couteau, un fusil sous-marin, des gants, de l’essence, et en route. Nous franchissons plusieurs fois la passe, mais on ne peut pas dire que la pêche soit miraculeuse. On se fait rincer, secouer, on bouffe de l’essence, mais le mahi-mahi imaginé pour le BBQ restera dans son élément… Caramba !

Il faudra se contenter d’un empereur, un poisson du lagon, que l’on évitera de consommer pour cause de risque de ciguatera.

Heureusement, John et Lucie ouvriront leur congélateur et fourniront le mahi-mahi manquant. Cela me vaudra un discours très pro-congélateur de la patronne, qui n’entend pas le groupe électrogène et l’éolienne de « Tyee ! » tourner aussi souvent que nécessaire…

On n’a rien sans rien !

Adélie concocte un délicieux fondant au chocolat pour son frère, Barbara lui bichonne un cramble aux pommes, le déjeuner sur la plage commence par du thon (« dent de chien ») cru à la tahitienne, se poursuit par du mahi-mahi grillé au feu de bois en papillotte accompagné de riz au rice-cooker, et se termine par les gâteaux préférés de Marin.

Les cadeaux sont légion pour notre nouveau teen-ager : un superbe T-shirt « Hinano-Tahiti », un bermuda polynésien, un méga mots croisés réalisé par Adélie, des Ray-Ban offertes par ses grands-parents, un jeu de dominos et un dessin nord-américain par Theo et Simi (les enfants de « Tyee ! »), son stage de niveau 1 en plongée (effectué à Tahaa), et une séance de kite-surf offerte par super-John !

Joyeux anniversaire à Mopelia, fiston !

Dans l’après-midi, nous jouons sur la plage, puis décidons de nous débarrasser de l’empereur, le poisson de 5 ou 6 kgs pêché le matin, et que nous avons hésité, puis renoncé à manger.

Les enfants ont trouvé une petite corde sur la plage. Je la passe dans les branchies du poisson mort, et le poisson est balancé aux petits requins, de 30 à 40 cm de long, qui nagent dans 15 cm d’eau. Ils s’y attaquent, mais ont du mal à mordre dans la chair. Je finis par ouvrir le poisson d’un coup de couteau, et là, c’est tout de suite plus facile. Ils sont maintenant 4 ou 5 à se le disputer, et le raffut finit par attirer des individus plus sérieux parmi leurs congénères.

Nous voyons d’abord approcher un requin à pointes blanches, puis un requin gris. Je m’empare du poisson toujours attaché à la corde, m’avance dans l’eau jusqu’au genou, et le lance à une quinzaine de mètres. Les deux requins se jettent dessus, se le disputent, et l’un d’eux l’avale. C’est ce à quoi je m’attendais !

Alors la corde se tend, et le requin (gris), surpris, est retenu prisonnier … par l’estomac ! Il se débat, se tortille dans peu d’eau, donne de grands coups avec sa nageoire caudale, mais je le ramène doucement vers moi. Peut-être mesure-t-il 2 mètres ?

Sur la plage, les équipages de « Tyee ! » et Jangada regardent la scène insolite qui se déroule sous leurs yeux.

Je me demande quelle va être la suite, en me disant que je tiens à mes pieds, quand le requin abusé me donne la solution : dans une dernière contorsion, la corde a du passer sur l’une de ses dents, elle casse net. J’essaie de l’attraper par la queue, mais ma tentative manque un peu de conviction… Dans une gerbe d’eau, le requin réussit à se déséchouer, puis s’éloigne.

Fin du spectacle spécial anniversaire !



Le 25 Août au matin, nous appareillons de Mopelia vers l’ouest, en route pour l’atoll de Suvarov, à 570 milles.



Dans l’après-midi, nous laissons l’atoll de Manuae sur tribord.

Avec lui, nous quittons la Polynésie française, après presque 4 mois d’un séjour enchanteur.

Soudain, la ligne de traîne tribord dévire à fond ! Je prends la barre, vient en grand sur tribord, foc à contre. Le bateau ralentit, nous enroulons la voile d’avant, démarrons le moteur babord, et mettons à la cape sous grand-voile.

S’en suivra plus d’une demi-heure de bataille avec la bête… qui s’avérera être un marlin de 2,05 mètres de longueur !

Mais cette fois, ce sera un sans faute pour Marin et moi, et Jangada retrouvera, dans les heures qui suivront, ses allures de chalutier-usine.

Tous les bocaux de verre de la cambuse seront remplis jusqu’au dernier, puis passés dans les cocotte-minutes du bord, jusqu’à une heure avancée de la nuit.

Des filets seront mis au frigo pour les jours à venir, mais il nous faudra rejeter du poisson à la mer…

Dernier cadeau de la Polynésie au voilier qui s’en va vers l’ouest.



Olivier


Devant la passe de Mopelia.

Jangada au mouillage dans le lagon de Mopelia.


Séchage du coprah sur le motu Maupihaa, à Mopélia.

Sur le motu aux oiseaux, à Mopelia.

Qui me dira qui je suis, à Mopelia.

Terre de combat, à Mopelia...

 Tronc noueux d'arbuste, à Mopelia.

Animal étrange, à Mopelia (joke).

Barbara et Adélie, du côté de la lagune, à Mopelia.

 L'équipage de Jangada du côté du platier, à Mopelia.

Les hôtes du lagon, à Mopelia.
Leçon de kite-surf pour Marin, par John. Captif d'abord...

 ... puis lâché ensuite!


Dernier cadeau de la Polynésie pour la cambuse de Jangada, un marlin de ... 2,05 mètres!