samedi 18 septembre 2010

Billet N°82 –De Suvarov à Niue Island, en passant par Rose Island, l’atoll interdit.

Du Mercredi 8 au Samedi 18 Septembre 2010.


Par Olivier

Avec quelques regrets, je pourrais l’appeler Dream Island.

Comme une autre petite île qui porte ce joli nom, et sur laquelle j’ai eu la chance de débarquer, il y a quelques années, à l’ouest de la péninsule antarctique, non loin de la base américaine de Palmer.



Mais ma Dream Island des tropiques est située, elle, dans le Pacifique Sud, quelque part entre Iles Cook, Samoas et Tongas. Plus exactement elle est américaine, fait partie du territoire US des Samoas, et est située à quelques 150 milles nautiques environ dans le sud-est de Pago Pago. Rose est un atoll inhabité, devenu récemment un « National Wildlife Refuge » géré par l’US Fish & Wildlife Service, dont le bureau pour Rose Atoll se trouve à Honolulu (Hawaï). Pratiquement carré, l’atoll ne mesure guère plus de 2 km de côté. Rose est qualifié de plus petit atoll du monde. Il ne porte que deux îlots, Sand Island, au nord, une petite langue de sable dépourvue de toute végétation. Et Rose Island, à l’est, haute de seulement 3,50 mètres. Un petit îlot de rêve… dont l’accès, fermé au public, est réservé aux scientifiques autorisés.



Mais le premier occidental à apercevoir l’atoll fut le français Louis de Freycinet, en 1819. Et cela me suffit à penser que nous avons, nous, équipage français à bord de Jangada, hérité naturellement de quelque droit de visite, naturellement hautement écologique, sur l’atoll de Rose...

Y faire une petite escale discrète, et parfaitement respectueuse des lois de la nature, me tente fortement.

A Suvarov, je prends connaissance confidentiellement d’un message envoyé une dizaine de jours plus tôt par un voilier qui y a relâché quelques jours, seul et sans encombre. Encourageant.

L’atoll de Rose appartient surtout aux tortues marines, à des milliers d’oiseaux de mer, et à une multitude de poissons de récif et autres prédateurs à nageoires. Comme dans toute cette région du Pacifique, les baleines à bosse (humpback whales) croisent volontiers autour de l’atoll pendant le printemps austral, le temps que leur jeune progéniture soit capable de prendre la route des eaux froides de l’Antarctique. Une passe d’une quarantaine de mètres, qu’il faut localiser avec soin avant de s’y engager, fait communiquer le lagon de Rose avec l’océan, au nord. J’ai une carte marine succincte, mais suffisante pour entrer dans le lagon.

Les américains de l’US Fish & Wildlife Service, ceux-la même qui sont en charge de la préservation de l’atoll de Rose, ont du regretter d’avoir donné contre quelques milliers de dollars une licence de pêche au long-liner taïwanais qui, en Octobre 1993, a fait naufrage sur le récif de Rose, déversant quelques 400 tonnes d’hydrocarbures sur ce petit joyau de la planète…Joli petit désordre écologique très officiel…

Nul doute que l’escale du voilier Jangada, autorisée ou pas, serait infiniment plus en symbiose avec le milieu naturel. Peut-être procurerait-elle même une distraction bienvenue à la population animalière de l’atoll ?



Le Mercredi 8 Septembre, nous quittons l’atoll de Suvarov avec un vent d’est soutenu. La passe est chahutée, nous la franchissons lentement, sous grand-voile à 2 ris et moteurs au ralenti. A Suvarov, nous avons indiqué aller vers Niue Island, ce qui n’est pas faut, mais nous n’avons pas signalé notre détour par l’atoll de Rose.

Dans la nuit du 9 au 10 Septembre, une large zone de grains s’abat sur nous. Le vent rugit à 40 noeuds, la mer se creuse, nous affalons la grand-voile, et poursuivons notre route vers Rose sous foc seul, à vitesse réduite pour attendre le jour. Une lueur pâle en tient lieu, et quelques 300 milles après notre départ de Suvarov, j’aperçois sur l’horizon à bâbord le court trait sombre formé par la ligne de faîte des cocotiers d’une petite île posée sur l’océan.

Rose Island.

On ne devine pas encore le récif qui, avec la mer formée, doit briser violemment. Je corrige légèrement la route pour serrer l’atoll au nord, du côté de la passe. Le vent mollit provisoirement avec le jour, les grains s’éloignent, la mer se calme un peu au moment où Marin et Adélie apparaissent dans le cockpit.

Je leur montre Rose Island qui grossit à vue d’œil. Adélie, fidèle à son habitude, me demande :

- « Papa, combien de temps on va rester à Rose ? »



Prudemment, je me contente de lui répondre que nous n’y sommes pas encore.

Un détail m’inquiète.

Là-bas, droit devant, à 4 ou 5 milles, je viens d’apercevoir dans mes jumelles la silhouette de ce que je prends d’abord pour un navire de pêche.

J’aurais préféré qu’il aille exercer son activité halieutique ailleurs, celui-là, je me dis que s’il nous voit entrer dans le lagon de Rose, il peut facilement prévenir les Samoas américaines par radio de notre présence ici…

Au fil des minutes, nous nous approchons de la passe, et je deviens plus soucieux. A 2 milles, je constate que ce navire, qui mesure environ 80 mètres de long, n’a pas le profil d’un long-liner pratiquant la pêche au thon, mais celui d’un supply-ship ! J’aperçois même des containers sur son pont arrière, et tout un tas de matériels techniques. Plus alarmant encore, il cercle juste devant la passe…

Damned ! Notre discrète escale à Rose Island a du plomb dans l’aile !

Les yeux toujours rivés dans les jumelles, je vois maintenant une vedette pontée qui quitte le navire et fait route vers la passe. C’est la première rotation de la journée… !

Nous ne sommes plus qu’à un demi-mille, et je constate que la plage sous le vent de Rose, là-bas dans le lagon, est jonchée d’une multitude de tentes et de caisses de matériel. De nombreuses silhouettes colorées s’agitent sur la plage de mon île de rêve.

Toutes plus scientifiques les unes que les autres, à n’en pas douter.

Pas de chance pour nous, humbles navigateurs discrets : l’idée de passer quelques jours idylliques et sereins à Rose s’évanouit d’un coup.



Vous savez sans doute comment les américains font la guerre, avec une logistique énorme, abondance de matériels sophistiqués, et profusion d’équipements individuels et de vivres. Chez eux, l’aventure se prépare sérieusement.

On sait que pour autant, le succès n’est pas forcément au bout du chemin…

Eh bien, il semble que leurs expéditions scientifiques procèdent du même principe. La visite de la base scientifique américaine de Palmer, en Antarctique, m’avait déjà donné une bonne idée de l’approche américaine pour ce genre d’activité.

La réalité s’impose durement à nous : un débarquement US a eu lieu à Rose depuis peu !

La vie de l’atoll doit en être sérieusement perturbée ! Les noddis noirs doivent se désoler dans leurs nids, les tortues vertes doivent préférer l’extérieur du récif, les caveu doivent se terrer au fond de leur trou, seuls les rats, peut-être, se réjouissent ?

En même temps que j’annonce aux miens qu’il faut oublier la perspective de passer quelques jours tranquilles dans le petit lagon de Rose qui défile à 200 mètres sur bâbord, je me demande ce que je vais bien pouvoir raconter comme salade à ce navire, le M/V SILI (M/V pour Motor Vessel) qui fait route vers nous pour, sans nul doute, venir s’enquérir de ce que nous faisons là.

La VHF crépite au moment où nous franchissons l’axe de la passe, le cap toujours à l’ouest, le solent toujours à poste nous tractant à 6 nœuds.



- « French sailing boat approaching Rose Atoll, from US government supply ship SILI, what are your intentions please?”

- “Yes, SILI, good morning Sir, this is french sailing catamaran Jangada, up one!”

- “OK, going up!”



Puis, sur le canal 17:



- “Jangada, good morning, what are you doing here?”

- “Oh nothing special, Sir, we are just coming from Suvarov, going to Tongas, and passing close to Rose Atoll! Rose is a natural reserve from American Samoas, right?”.

- “Yes, that’s right. Rose access is forbidden, just authorized for scientific research!”

- “Yes, I know, I know!”



Un moment de silence s’ensuit chez mon interlocuteur, le temps probablement qu’il se demande si je me moque sérieusement de lui. Mais nous avons maintenant dépassé l’accès à l’atoll, la passe est derrière nous, et je n’ai pas manœuvré, laissant notre voilier poursuivre sa route momentanée vers les Tongas… Le navire US ne peut pas nous reprocher grand-chose.

Alors il s’enquière du temps que nous avons eu la nuit dernière, lui s’est aussi fait chahuter.

Je poursuis, peut-être un peu jésuite :



- « And I can see you are supporting a big scientific expedition? »

- “Oh yes, since one week, we are here with many people and a lot of equipments to land! And the weather is bad!”



Je compatis. Le capitaine américain me confirme qu’il a trop de tirant d’eau pour entrer dans le lagon, il est condamné à rester en mer à proximité de la passe en bouffant du fuel… La vedette assure les navettes.

L’écologie et la recherche scientifique passent de temps à autre par des détours qui, à l’occasion, me font parfois sourire.



Cela me fait penser par exemple à l’abandon pur et simple, en l’état, du jour au lendemain, de certaines bases en Antarctique, réputées elles aussi scientifiques. Il n’y a pas lieu d’être fier, croyez-moi, de certaines traces du passage de l’homme sur le grand continent blanc…

Parfois il m’est arrivé de me dire, après les deux expéditions auxquelles j’ai participé en voilier en péninsule Antarctique (en 2003 et 2006, au départ d’Ushuaia) et jusqu’à une latitude proche de 70° sud, que si je pouvais décrocher le budget nécessaire (très raisonnable), je réaliserais bien un reportage photographique à sensation sur le sans-gêne très officiel, car très visible, de certaines nations finançant leur présence scientifique en Antarctique.

Evidemment, il ne serait pas du goût de tout le monde…

Je pourrais d’ores et déjà extraire de mes dossiers d’archives de voyages, pour vous les montrer, quelques photos à vous faire frémir de dépit…



Alors, non, voyez-vous, au moment où l’atoll de Rose commence déjà à s’éloigner dans notre sillage, et avec lui la silhouette du M/V SILI, je ne regrette pas d’avoir tenté d’y accéder pour quelques jours volés à l’administration américaine, quelques jours à passer en s’inscrivant discrètement dans le milieu naturel, sans autre trace écologique que celle de l’ancre de notre voilier, éphémère empreinte laissée pendant quelques heures dans le sable devant la plage, vite effacée par les courants marins.



Il faut faire face à la déception, je laisse filer encore quelques milles vers l’ouest en direction des Tongas, puis il ne nous reste plus qu’à serrer le vent vers Niue Island, notre destination officielle.

Le vent reste soutenu, et surtout, les multicoques, compte tenu de leur vitesse sur l’eau, ont une capacité avérée à créer du vent apparent et à le faire remonter vers l’avant. Alors nous renvoyons la grand-voile, à 3 ris cette fois, et enroulons un peu plus le solent ! A serrer le vent et la mer !

Cap sur Niue, à quelques 290 milles au près bon plein…



Pas le choix, deux colis nous y attendent, l’un avec les pièces de rechange qui doivent me permettre de réparer la pompe à eau de mer de réfrigération du moteur tribord, l’autre avec la deuxième partie des cours du CNED de 4ème des enfants !

Dans mon petit plan initial, j’avais prévu d’attendre à Rose une adonnante du vent vers l’est, éventuellement même le nord-est, ou tout au moins un retour du vent vers les 15 nœuds habituels, pour prendre la mer vers Niue, depuis Rose. Mais mon stratagème a volé en éclat, il n’y a plus qu’à torcher la toile sans se plaindre, et de préférence en évitant le regard noir chargé de reproches de … Barbara !

Rose s’éloigne sur l’horizon, nous serrons le vent, qui souffle du SE et s’établit à 25 nœuds avec rafales à 30, parfois 35 nœuds. Jangada fait route à 8 nœuds environ, escaladant les vagues, épaulant leur pente, traçant une route directe vers Niue en taillant la mer. Le pont devient humide, les sabords sont serrés au dernier cran, les prochaines 48 heures ne seront pas hyper-fun… !

Le vent ne mollit pas, et aucune rotation vers l’est n’est prévue par la carte météo que je prends sur Saildocs.

Je règle le bateau avec soin, veillant à ne pas trop solliciter la structure. Notre catamaran est large, donc puissant, les efforts peuvent vite grimper. Mais avec cette voilure réduite, je ne le sens pas forcer, et il abat sans effort ses 8 milles à l’heure en remontant un champ de mines.

Je reprends le mou du haubannage sous le vent avec un cordage, renforce le saisissage de l’annexe sur ses bossoirs, parfais le rangement du pont. J’optimise la forme de la grand-voile, reprends le nerf de chute, vérifie l’absence de raguage de la bosse du 3ème ris, sur laquelle la tension est forte. Je pulvérise un peu de WD 40 sur son réa, qui a tendance à couiner sous l’effort. Il finit par se taire. Je contrôle la route suivie sur le fond au GPS, corrige d’un ou deux degrés le cap affiché au pilote, pour prendre un peu de dérive.

Il n’y a plus qu’à tailler la route en conservant des forces pour soi, et une bonne humeur.



Mais les visages de mon petit équipage se sont un peu fermés, plus soucieux que d’habitude. Barbara, je la comprends, n’aime pas cette allure où les catamarans ont des mouvements brutaux, souvent en diagonale.

Au fil des heures, je vois son moral s’effriter, prend sur elle, mais intériorise son malaise, ce qui n’est pas une très bonne solution. Difficile, cependant, de faire autrement, quand l’appréhension et l’inconfort vous gagnent. Les enfants, qui savent que l’on en a pour au plus 48 heures, en prennent leur parti avec plus de facilité. Les jeux électroniques, alternés avec un peu de lecture, le tout couplé avec l’absence de CNED, les y aident beaucoup.

Au cours de cette traversée, que j’appelle « la punition de Rose », les creux atteindront parfois 5 mètres, et le vent la force 7, rafales à 8. Le ciel est couvert, gris, de lourds nuages bas défilent rapidement vers l’ouest. Cela me rappelle certaines navigations en Manche…

J’ai d’ailleurs ressorti une veste étanche Musto, pas la grosse grosse veste des cinquantièmes ou soixantièmes, mais celle des latitudes intermédiaires..

Repas type soupes chinoises et semoule vite faite, la chef-cuisinière est au niveau de prestation minimal. On ne lui en veut pas. D’autant qu’un mal de dent sournois ajoute à son mal-être du moment.

Je l’entends promettre aux enfants un vrai hamburger (la viande est rare à bord depuis le départ) à l’arrivée à Niue, et moi je promets à Barbara une Steinlager (la bière la plus connue de Nouvelle-Zélande) bien fraîche au Yacht-Club de Niue, avec lequel nous sommes en relation pour la réception de nos colis. (Nous avons épuisé, depuis quelques jours, notre petit stock d’Hinano !).

Le 11 dans l’après-midi, j’annonce que nous arriverons vers 02H00 du matin sous le vent de Niue, et vers 03H00 en rade d’Alofi. Dans la soirée, je m’installe pour la nuit dans le carré, préférant envoyer Barbara dans sa bannette, en bas, bien au chaud et dans l’obscurité de la coque babord. Adélie squatte, comme à son habitude en mer, la banquette babord. J’entends son souffle régulier qui m’indique qu’elle dort paisiblement. Elle appelle cela « faire le quart avec Papa ». Une nuit sans lune est tombée sur l’océan agité. Seul, en tête de mât, le feu stroboscopique de Jangada, non conforme à la réglementation mais beaucoup plus efficace au large que les feux de navigation classiques (et beaucoup plus économe en énergie) signale notre présence. Mais à qui ? Il n’y a personne dans ce coin du Pacifique, il y a longtemps que nous avons rencontré notre dernier cargo.

Au fil des heures, je corrige la route d’atterrissage, et vers minuit, j’aperçois sur l’horizon une vague lueur : Niue Island approche.

Nous gagnons progressivement l’abri de l’île, je réveille Marin qui m’aide à affaler la grand-voile, et nous faisons route vers la zone de mouillage d’Alofi, où je sais trouver des coffres installés par le Yacht-Club. Les fonds tombent très vite à proximité de la côte, et ce mouillage n’est pas particulièrement bien protégé. Barbara et Adélie nous ont rejoints. Nous finissons par dénicher dans la nuit une bouée avec l’aide du projecteur à main, et, une fois amarré à son solide anneau, Jangada peut souffler après l’effort. Le sondeur indique 40 mètres.



Peu après notre arrivée, Barbara est prise de ce qui semble avoir été des crises d’oppression douloureuses au niveau du thorax : elle se tord de douleur, essaye de respirer profondément, bref m’inquiète ! Evidemment nous sommes Dimanche, il est 04H00 du matin, nous n’avons pas fait les formalités d’escale, et je ne suis pas sûr qu’il y ait un hôpital à Niue…Une situation pas terrible. J’hésite à appeler le centre radio-médical de Toulouse (Hôpital Purpan), à débarquer Barbara pour l’emmener au dispensaire, mais elle s’y refuse.

J’espère que ces crises sont seulement liées aux conséquences du stress, c’est probable et c’est mon impression, mais c’est intense, inquiétant, et je me sens bien impuissant. Elles finiront par s’espacer, par diminuer d’intensité, mais Barbara en conservera pendant deux jours de fortes courbatures et un joli mal de tête.

Deux heures plus tard, j’émerge avec quelque difficulté d’un sommeil trop court, et je découvre Niue Island au petit matin.



Barbara aura un jugement tranchant sur l’intérêt d’une escale à Niue :

« Niue, la Contournable : A moins de se trouver sur votre route, d’avoir besoin de relâcher après des jours de mer particulièrement éprouvants, d’avoir une rage de dent, de devoir récupérer deux colis au Yacht Club, d’étancher un peu le retard du CNED, de renflouer un minimum la cambuse, ce qui était malheureusement notre cas, l’escale à Niue ne se justifie guère. Sinon passez votre chemin … »



Mon avis est plus nuancé, même si nous avons connu plus intéressant comme escale ces derniers mois.



Niue est une île indépendante, située entre l’archipel des Cook et celui des Tonga. C’est un micro-état autonome. Peuplée depuis 1000 ans par les polynésiens, l’île fut découverte en 1774 par James Cook, qui l’appela « l’ île Sauvage ». Les insulaires lui refusèrent le débarquement. Passée sous protectorat britannique en 1900, Niue a conclu en 1974, comme les îles Cook, un accord de libre association avec la Nouvelle-Zélande, distante de 2400 km dans le sud-ouest.

A l’évidence, Niue n’a ni les moyens, ni la population suffisante pour s’assumer en tant que nation autonome. Elle reste complètement tributaire, économiquement et financièrement, de la Nouvelle Zélande. C’est d’ailleurs le dollar néo-zélandais qui a cours à Niue. Un avion hebdomadaire assure la liaison entre Auckland et l’île, le vendredi, et celui qui a amené nos colis est arrivé d’Auckland il y a deux jours.



Niue est constituée d’un plateau corallien, sans charme particulier, qui s’est élevé sur les restes d’un volcan sous-marin. L’île n’a pas de lagon, elle est ceinturée par des falaises de 25 mètres frangées d’une étroite barrière de corail, et son accès n’est pas aisé. Le sol est assez pauvre, torturé, le corail mort est partout. Une végétation dense d’arbustes la recouvre entièrement, ne cédant la place que rarement à quelques arbres, dans la forêt d’Huvalu, au sud-ouest de l’île.

Niue continue de se dépeupler chaque jour qui passe. Aujourd’hui il n’y a plus guère que 1 300 habitants, il fut un temps où ils étaient 20 000…



Nous découvrons rapidement deux particularités de Niue.

La première, c’est que du fait du ressac qui parvient dans la baie d’Alofi, chaque fois que l’on va à terre, on doit gruter l’annexe hors de l’eau sur la petite jetée du port, pour éviter qu’elle ne subisse des dommages. Les enfants adorent effectuer cette manœuvre, la grue est à usage libre, et la main d’œuvre ne vient jamais à manquer. On en profitera pour la caréner facilement

La deuxième , moins plaisante, c’est qu’on s’aperçoit vite que le plan d’eau d’Alofi est fréquenté par des … serpents de mer ! De petits serpents venimeux, des Laticauda schystorhyncha, dont on nous dit qu’ils ne peuvent nous mordre, leur gueule étant trop petite.

Cela ne convaincra pas suffisamment Barbara, qui ne reprendra pas à Niue les longueurs de nage qu’elle effectuait avec les requins de lagon de Suvarov…



Dimanche soir : j’ai rattrapé mon manque de sommeil par une petite sieste, et nous faisons du stop pour gagner le « Washaway Café », dans le sud de l’île, avec nos amis du catamaran canadien Tyee, retrouvé à Niue, mais qui lui est passé par Aïtutaki et Palmerston, la route directe. Les enfants dévorent leur hamburger, et Barbara et moi savourons notre première Steinlager. Nous faisons les formalités le Lundi matin, passons par la banque retirer des dollars NZ, croisons Keith, le commodore du minuscule Yacht-Club de Niue, récupérons nos deux colis dans un timing rare mais impeccable.

Je trouve même un dentiste compatissant au petit hôpital d’Alofi, qui fait un pansement provisoire à Barbara, dont le moral remonte progressivement.

A force de fouiller dans les 2 épiceries du village, notre intendante a trouvé des œufs, du lait, du riz et des pâtes, et même quelques carottes et un chou vert… Les enfants ont aussi droit à une glace ( promise elle aussi pendant la traversée Rose-Niue pour remonter le moral des troupes).

Nous louons une voiture avec nos amis canadiens John et Lucie (qui ont également deux enfants, Téo et Simi), faisons le tour de l’île, et nous passons une belle journée ensemble. Nous allons à Togo Chasm, descendons dans une grotte profonde et difficile d’accès. Heureusement pour nous, John le canadien est guide de haute montagne et il a su nous encorder avec sûreté pour accéder aux piscines naturelles qui se trouvaient au fond des cavités. A Vaikona Chasm, toujours sur la côte au vent, nous découvrons, après une marche tortueuse dans le corail tranchant, une oasis quasi saharienne dissimulée dans les plis de la roche côtière.



Les tentatives pour développer le tourisme à Niue n’ont guère eu de succès, le dépeuplement gagne du terrain, les maisons abandonnées sont légion, les cultures agricoles rares.

Niue vit , petitement, sous perfusion avec la Nouvelle-Zélande.



Le mouillage restera calme pendant notre séjour à Niue.

Je remettrai en place des paliers tout neufs dans la pompe à eau de mer du moteur tribord, avec de nouveaux joints, et enlèverai le montage provisoire de réfrigération que j’avais effectué à Mopelia avec une pompe électrique 24 Volt. Les enfants feront du CNED chaque matin, la cambuse retrouvera un niveau, non pas orgiaque, mais plus conforme aux rêves secrets de l’intendante, et nous quitterons Niue au matin du 18 septembre, cap sur les Tongas.

Olivier
L'atoll de Rose, au large des Samoas américaines, vu du ciel.
Passage de Jangada a proximite de Rose Atoll, au matin du 10 Septembre 2010.
Rose Island posée sur son anneau corallien.
Le mouillage de Rose restera un rêve du Captain!
Le minuscule Yacht-Club de Niue, tenu par Keith Vial, a réceptionné nos colis de spare parts et du CNED.
Le minuscule Le mouillage sur coffre dans la baie d'Alofi, ouvert à l'ouest et  parfois rouleur.

Sur la petite jetée d'Alofi, on grute l'annexe lorsque l'on va à terre, pour éviter les dommages causés par le ressac. 
 Une reconstitution de pirogue maorie au mouillage de Niue Island. 
L'ancien bureau de Niue Airlines, désormais abandonné... 
Les vagues de l'Océan Pacifique viennent se briser...
 ... sur le corail de la côte orientale de Niue. 
Arche creusée dans le plateau corallien surélevé au nord-ouest de Niue.

Descente dans les cavités naturelles de Niue, John, le guide canadien, assure!

A Barbara de s'y coller!

Oasis de sable sur la côte orientale de Niue.

A Niue, l'équipage se remet de la traversée chahutée depuis Rose Atoll.