samedi 18 février 2012

MESSAGE N°0 – TAVERSEE WALVIS BAY (Namibie) – JAMESTOWN (Sainte-Hélène)

JOUR 0 – Jeudi 16 Février 2012
Walvis Bay – Jamestown, 1216 milles de traversée

Le jour est gris, toujours frais sur cette côte namibienne baignée par les eaux froides et chargées du courant de Benguela. Au lever de l’équipage à 07H30 du matin, la polaire est de rigueur, pendant une heure ou deux. Petit-déjeuner frisquet. Le régime des vents côtiers est toujours le même en cette saison. En fin de nuit et pendant la matinée, un petit vent de secteur nord souffle le long de la côte. Il s’affaiblit et disparaît en milieu de journée, pour laisser la place en début d’après-midi à un vent de secteur sud-ouest à sud en général plus soutenu, souvent accompagné de quelques rayons de soleil. Parfois, le ciel parvient à se dégager de la brume, et la température grimpe alors aux alentours de 20°C. Mais la différence est énorme entre les conditions rencontrées sur l’eau, et celles qui commencent à 2 kilomètres à l’intérieur des terres, là où le désert prend le relais. Du mouillage dans la baie, on aperçoit avec envie le ciel bleu presque permanent qui stagne au-dessus des dunes du Namib. Dès que l’on se rend à terre, dans la petite ville de Walvis Bay, il fait vite chaud, et l’on se demande pourquoi on a amené sa petite laine… Contraste des eaux froides et du sable brûlant. Cela fait des jours que l’on regarde les phoques résidents dans la baie  nager dans le sillage des quelques catamarans de charter qui promènent d’assez rares touristes. Ils attrapent au vol les poissons que leur lancent les équipages et montrent une adresse incroyable pour se hisser d’un bond sur le pont des bateaux en marche au milieu des passagers ébahis, empruntant les marches des tableaux arrières avec une facilité insoupçonnable. Les pélicans s’invitent souvent à la distribution, après quoi ils rejoignent les flamands roses là-bas, sur la langue de sable extérieure qui barre l’horizon du mouillage et ferme la baie à l’ouest.

Ce matin, pour la première fois depuis 8 jours, les enfants n’ont pas CNED. Les ultimes devoirs à envoyer sans faute avant notre départ ont été postés hier après-midi. Les enregistrements audio des devoirs d’anglais et d’espagnol vont partir par Internet ce matin. Et le colis tant attendu (enfin, cela dépend par qui…) qui contient les cours de la deuxième partie de l’année scolaire de 3ème est miraculeusement arrivé hier à la poste de Walvis Bay, alors qu’on n’y croyait plus. 6 semaines… Les enfants traînent un peu au lit.  Je mets l’annexe à l’eau et entreprends, en attendant que tout le petit monde de Jangada s’éveille, d’aller défaire le joli paquet de noeuds que les 3 aussières (qui nous amarrent depuis plus de 15 jours au solide coffre que l’on nous a prêté) ont magnifiquement réalisé au fil de l’inversion des vents et des courants. L’eau est froide, 15,4°C précisément, bien qu’en latitude nous soyons légèrement au nord du tropique du Capricorne. Il aurait fallu plonger sous les coques pour nettoyer au moins les prises d’eau, les capteurs de navigation, les hélices. Mais l’eau de la rade est tellement chargée en plancton que l’on n’y voit pas à 10 cm. Et elle n’est pas chaude. Il y a 3 jours, nous avons essayé d’échouer le bateau sur la petite plage devant le Yacht-Club, en profitant des marées de la pleine lune (1,90 m de marnage ici), mais la pente était trop faible, et le courant latéral trop fort. Il a fallu renoncer. Notre séjour en Namibie aura bien sali les carènes, la vie aquatique est intense ici. Une bande noire sale de 20 cm de largeur recouvre les bordés de Jangada au-dessus de la flottaison. Vivement l’eau bleue profonde des alizés !

Hier, nous avons rempli 2 énormes caddies de courses au Spar de Walvis Bay. Un mois et demi de nourriture. Les possibilités de ravitaillement à l’escale de Sainte-Hélène et à celle de l’île de l’Ascension sont extrêmement réduites, et la nourriture y est vendue très cher, avec priorité annoncée aux insulaires. Les formalités de départ ont été expédiées également la veille, et je n’ai plus qu’à récupérer ma grosse bouteille de gaz Total, embarquée à La Réunion, mais vide hélas. La gazinière va fonctionner sur sa sœur jumelle, et nous ferons le plein aux Iles du Cap Vert. Namib Marine Services n’a pas pu la faire remplir, la sempiternelle histoire de raccords différents… Nous avons aussi été faire du gas-oil dans le small craft harbour, bien crasseux et pollué, au milieu des bateaux de pêche, 940 litres partagés entre les deux réservoirs, en prévision des calmes équatoriaux qui nous attendent entre l’Ascension et le Cap Vert. Alan, le boss, n’accepte que du cash avec les voiliers, alors je suis allé chez lui, à l’autre bout de la ville, du côté de Pelican Bay, dans un Toyota BJ qui avait dépassé le million de km, et on a compté les biffetons de 100 dollars namibiens, avec le sourire. Mais les pleins sont faits. Ce matin, il ne reste plus qu’à faire l’eau douce, et à récupérer le gros linge à la laundry.

Nous mouillons l’ancre au vent du petit appontement de bois des bateaux charters, passons une aussière à l’arrière et gréons notre tuyau d’eau douce à rallonges. Le débit est lent, mais on parvient à nos fins ; on remplit aussi des bidons en réserve, on lave un peu le pont. Barbara arrive d’un dernier tour en ville avec les draps propres et du pain frais. Nous sommes prêts.

L’annexe est saisie à son poste de mer, immobilisée par plusieurs cordages, mais moteur à poste.

Chaque objet a retrouvé sa place. La ligne de flottaison est enfoncée, il y a les pleins partout !

Seul le portefeuille…Après un mois d’escale en Namibie, nous remontons doucement vers le nord de la baie, sans reprendre le chenal. Nous déjeunons à l’abri de la langue de sable extérieure, sur un moteur à 3 nœuds. Les enfants épuisent la charge de la clé 3G de MTC, l’opérateur local de téléphonie, en regardant des vidéos. Nous rédigeons un message à plusieurs mains adressé à Timothée, à Bordeaux. Aux premiers mouvements de houle qui entrent dans la baie, nous envoyons la grand-voile, puis le solent. Pour l’instant, nous ne faisons pas le cap, le vent est trop ouest.

Ca devrait s’améliorer au fil des heures, en s’éloignant de la côte, avec une rotation progressive dans la nuit.

On y croit !

Au creux des vagues grises, les derniers phoques apparaissent, et regardent passer ce voilier qui se dirige vers des eaux plus ensoleillées dont ils n’ont rien à faire.

Il est 13 heures, adieu la Namibie, cap sur Sainte-Hélène !

Olivier