samedi 18 février 2012

MESSAGE N°2 – TAVERSEE WALVIS BAY (Namibie) – JAMESTOWN (Sainte-Hélène)

JOUR 2 – Samedi 18 Février 2012
Distance parcourue en 24H00 sur la route directe 182 milles.
Distance restant à parcourir 893 milles.

Depuis hier après-midi, nous avons retrouvé le souffle régulier des alizés de sud-est qui tournent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre autour de l’anticyclone de Sainte-Hélène. 18 nœuds sur l’arrière du travers bâbord, cela permet de faire de la route. Nous avons marché à

8 ou 9 nœuds toute la journée, parfois 10, avec quelques embruns sur le pont car les vagues arrivent relativement de travers. Et quelques mouvements en crabe qui ont le don d’incommoder Barbara, qui y est très sensible.

J’ai fait l’inventaire alizéen, tout y est : fond de ciel largement bleu, cumulus épars relativement nombreux, soleil fréquent parfois masqué le temps du passage d’un nuage, température de l’air en hausse (proche de 25°C), température de l’eau de mer en ascension vertigineuse (nous sommes passés de 15,4°C au départ à 19,2°C hier midi et 22,1°C ce matin !), une bonne trentaine de poissons-volants (longueur moyenne 25

cm) sur le pont ce matin et 3 calamars (que j’ai hésité à me préparer pour le petit-déjeuner !), les oiseaux de mer se font rares, l’eau est redevenue couleur grand large… Pas de doute, les derniers tourbillons océaniques du courant de Benguela ont disparu dans le sillage.

Hier après-midi, séance de lecture collective de rappels historiques relatifs à la vie de Napoléon Bonaparte. Sainte-Hélène, petite île perdue au milieu de l’Atlantique Sud, doit bien sûr sa célébrité aux dernières années (1815 – 1821) passées par notre Empereur sur les hauteurs ventées et arrosées de Longwood, sa prison et dernière demeure de son vivant, férocement gardée par les Anglais. Dans mon ignorance historique crasse, je ne me souvenais pas, probablement parce l’enseignement scolaire omet volontairement de s’étendre sur ces détails sanglants, que Bonaparte ne reculait devant aucune démonstration de violence guerrière pour asseoir ses victoires. C’était le prototype du conquérant, un brillantissime stratège militaire bien sûr, mais qui n’a guère pris le temps de régler les problèmes d’intendance derrière lui, ce qui lui a régulièrement fait perdre l’avantage de ses nombreuses victoires sur les champs de bataille.

Plus jeune, j’avais retenu que deux choses lui avaient toujours posé problème et finalement lui (nous) avaient coûté cher pendant la bonne quinzaine d’années de son pouvoir autoritaire : les Anglais d’abord, qu’il a rencontrés en face de lui tout au long de sa vie, et jusqu’à son dernier jour ; lesquels lui ont fait payer cher à Sainte-Hélène les deux plans d’envahissement du Royaume-Uni qu’il avait fomentés ; et la mer d’autre part, je veux dire les choses de la mer, la stratégie maritime, et le bon usage de la marine militaire, auxquels il n’entendait à l’évidence pas grand-chose, ce que les Anglais avaient semble-t-il bien compris dès le début de son ascension européenne. Sans doute ne peut-on pas être à la fois artilleur de génie et se mesurer sur l’eau avec l’amiral Nelson… De la destruction de la flotte française à Aboukir à la fin du rêve français en Louisiane (avec l’échec de l’expédition maritime à Saint-Domingue et aux Antilles), sans oublier Trafalgar et l’ultime échec maritime de Napoléon lorsqu’il rallia Rochefort pour embarquer sut les frégates françaises (qui devaient conduire sa fuite vers l’Amérique), épisode au cours duquel il fut intercepté par la flotte anglaise dans le pertuis d’Antioche, et finalement embarqué à l’île d’Aix à bord du Bellérophon pour être finalement transbordé (7 Août

1815) à Portsmouth (sans toucher la terre d’Angleterre) à bord du Northumberland qui l’amena à Sainte-Hélène pour son dernier voyage, Napoléon a du se rendre au « plus constant de ses ennemis », qui lui, maîtrisait au mieux la science maritime… Lors de sa séquestration à Sainte-Hélène, le plus dur pour Bonaparte, dont l’esprit avait eu l’occasion de croiser les idées de grandeur jusqu’à la mégalomanie, fut probablement d’avoir à supporter la mesquinerie journalière et le manque d’envergure de son geôlier principal, Hudson Lowe, choisi sur mesure par la perfide Albion pour son tempérament docile à sa hiérarchie, dépourvu de toute grandeur d’âme, et suffisamment terne pour que Napoléon refuse catégoriquement de le rencontrer après leurs premières entrevues.

Ah, vivement que nous allions visiter les « Domaines français de Sainte-Hélène », rachetés aux Anglais en hommage au grand homme !

Cette nuit, les étoiles étaient au rendez-vous, le vent a faibli, la vitesse a chuté, d’autant que nous avions pris le 2ème ris hier soir avant la nuit dans un vent de 22 nœuds.

Barbara enchaîne les bouquins, les filles ont émergé de leur cabine tribord ce matin vers 11H00. Marin a attaqué Shantaram, un pavé de 900 pages. Adélie écrit son deuxième roman, le premier étant actuellement à l’impression et à la reliure aux Editions Marichette (5 exemplaires).

Pour ma part, je suis retourné dans les îles du Pacifique avec James Norman Hall, pour essayer de mieux cerner la vie de Robert Dean Frisbie, cet américain débarqué un jour, au début des années 20, sur un quai de Papeete, et qui passa toute sa vie entre les îles de Puka-Puka, archipel des Cook du nord (où il se maria avec Nga, une splendide polynésienne, dont il eût 4 enfants), Manihiki, Rarotonga, Suvarov et les Samoa où il allait pour se soigner. Ce sont ses écrits qui inspirèrent au néo-zélandais Tom Neale ses longs séjours sur le magnifique atoll de Suvarov. Mais il y a une énigme, je ne retrouve pas dans les écrits de Hall la citation de « Island of Desire », un livre de Dean Frisbie dans lequel Neale puisa l’essentiel de son inspiration pour ses séjours à Suvarov. Le livre s’appelait-il Amaru, ou bien Dawn Sails North ?

Aurait-il changé de titre chez ses éditeurs américains ? La solution est sans doute dans une recherche Internet, alors il faudra attendre.

A demain !

Olivier