lundi 16 avril 2012

MESSAGE N° 3 – TRAVERSEE CAP VERT – ACORES

JOUR 3 – Lundi 16 Avril 2012 –
Distance de Horta (Ile de Faial, Açores) en route directe  1107 milles.
Distance directe à Furna (Ile de Brava, Cap Vert)  351 milles.
Distance réelle parcourue en 24 heures  171 milles.
Gain sur la route directe en 24 heures  157 milles.


Nuit bien meilleure que la précédente, avec un alizé stabilisé à une vingtaine de nœuds. Hier après-midi, il nous a fallu encore mettre en panne pendant une heure pour arranger définitivement (j’espère) notre problème de jonc polyester fuyard sur le trampoline bâbord. J’ai du jouer de la perceuse électrique et du groupe électrogène portable pour pratiquer un trou dans ce rond de polyester d’environ 20 mm de diamètre, histoire d’y passer un bout destiné à l’empêcher de se défiler. Ca a l’air de tenir, puisque ce matin, rien n’avait bougé. En dehors de ce petit souci, et du panneau de survie bâbord qui fuit (joint vieilli à remplacer, mais … en usine !) d’autant qu’il est aspergé d’eau de mer en permanence, ce qui m’oblige à assécher régulièrement (ma cabine ! où je ne vais jamais en traversée), techniquement le bateau va bien. La consigne de cette traversée dure pour le matériel, c’est ne pas forçer.

Nous enroulons du solent dès que le vent rentre, plusieurs fois par jour. Je surveille les points sensibles, y compris en tête de mât, aux jumelles. Si la mer devient trop cassante, j’abats un peu, le temps de saluer, puis je reprends du cap quand c’est passé. Tout va bien. Et il n’y a pas de raison que ça ne dure pas, OK ? Ceci dit, j’ai appris par les ondes qu’un voilier en aluminium qui remonte aussi vers les Açores quelque part sur la mer jolie avait cassé son bas-hauban au vent, exactement le truc pas cool.

Pour nous aujourd’hui, le vent et la mer sont un peu plus agréables (en réalité, c’est une question de disposition d’esprit, beaucoup diraient plutôt un peu moins désagréables ! mais il faut positiver), nous naviguons toujours à 60° du vent environ, au 335, ce qui est très appréciable. Allure de bon plein, voiles légèrement  débridées, notre voilier préfère et il laboure la mer comme un bon paysan charentais à une vitesse de l’ordre de 8 nœuds.

Si tout allait bien partout, si…, et si…, alors je dirais : « Elle est pas belle la vie ? » Louis a dormi dans sa coque tribord, au rappel, côté au vent. Mais, ombre au tableau, nous n’avons encore rien pêché à la ligne de traîne, et le frangin commence à s’exciter sur le sujet. Il regrette de ne pas avoir acheté un morceau de wahoo aux pêcheurs de Brava, qui en ramenaient une vingtaine au total chaque jour des îlots voisins de l’île au nord. C’est vrai qu’on ne voit pas beaucoup de poissons-volants dans le coin, très peu même. Or les prédateurs que nous ciblons s’en nourrissent essentiellement… Pas un seul exocet sur le pont au petit matin, pourtant largement arrosé. Bref, comme dit mon frère, la chaîne alimentaire (celle qui conduit à nos estomacs, on laisse pour l’instant la science planctonique de côté) n’est pas en place. J’ai changé le leurre ce matin, mais à l’heure où j’écris ces lignes, accroché à ma table à cartes, que dis-je, suspendu à mon clavier, toujours rien. Oh, c’est pas qu’on risque de crever de faim, on a encore de beaux légumes et des fruits, des œufs, du pain cap verdien dégueulasse pas cuit et parfumé à l’anis, et une quantité de pâtes et de riz qui nous permettraient de survivre pratiquement 2 mois avant qu’on commence à songer à se bouffer l’un l’autre (non, pas mon frère !). Mais le chef cuistot cherche à se renouveler, c’est inné, et ça c’est pas toujours un truc facile à réussir à bord d’un voilier économe en énergie et en dépenses. Salade de riz et nouilles aux petits légumes frais, avec un verre de vin sud-africain pour accompagner le délicieux fromage de chèvre fait main acheté dans le petit village de Cachaço, sur les hauteurs de Brava.

Nous avons eu des nouvelles de nos amis de Small Nest et Go Beyond (deux voiliers monocoques de 45 pieds différents qui, c’est suffisamment rare pour être signalé, naviguent exactement à la même vitesse dans les mêmes conditions de temps, ce qui, entre autres, les poussent à naviguer ensemble depuis des mois), qui rallient directement les Açores depuis l’île de l’Ascension. Ils sont à environ 500 milles dans notre sud-ouest, alors rendez-vous chez Peter (Azevedo), au fameux Café Sport de Horta sur l’île de Faïal, aux Açores, l’un des 10 bistrots les plus connus au monde.

Pas vu âme qui vive depuis notre départ de Brava, nous sommes au grand large. Seuls quelques rares oiseaux de mer viennent pêcher devant nos étraves… A demain !

Olivier