dimanche 22 avril 2012

MESSAGE N° 9 – TRAVERSEE CAP VERT – ACORES

JOUR 9 – Dimanche 22 Avril 2012 –

Distance de Horta (Ile de Faial, Açores) en route directe  206 milles.
Distance directe à Furna (Ile de Brava, Cap Vert)  1235 milles.
Distance réelle parcourue en 24 heures  134 milles.
Gain sur la route directe en 24 heures  132 milles.



Dans les calmes, au cœur de l’anticyclone des Açores !

Cela manquait à mes expériences de voyages maritimes ! Nous voici plongés au cœur de l’anticyclone des Açores, à quelques centaines de kilomètres au sud de l’archipel. Je suis heureux de traverser cette zone plutôt méconnue que les marins à la voile cherchent à éviter habituellement, lorsqu’ils suivent les routes nord-est/sud-ouest qui conduisent de l’Europe aux Caraîbes et inversement. Il en est de même pour les coureurs qui reviennent du grand sud, pour lesquels un plantage malheureux dans les calmes anticycloniques peut être fatal au classement. Venant du sud-est sur une route peu fréquentée, et souhaitant faire escale aux Açores, nous n’avons guère le choix. Je m’attendais, après que nous soyons sortis des alizés, à devoir traverser les zones de calmes qui s’étendent largement au sud des Açores. Depuis

48 heures, nous avons pu limiter les dégâts en glanant des petits airs qui nous ont permis de couvrir à la voile plus de 300 milles qui n’étaient pas assurés. Alors, à quelques 200 milles de l’arrivée à Horta, il faut être réaliste : le vent est en train de s’affaiblir d’heure en heure, et le bruit de la mécanique va prendre le relais sous peu, et probablement jusqu’à l’arrivée.

La nuit a été calme, la mer était sereine, le ciel largement étoilé. Le gennaker nous a déhalés à 6 nœuds de moyenne avec la grand-voile haute.

Une nuit de rêve pour le marin de quart. Au matin, il a fallu slalomer entre les grains de pluie, en cherchant à leur passer au vent, pour conserver de l’air. Et puis ils ont disparu vers 09H00, laissant la place à un immense ciel bleu. Dans cette région, l’air est très pur, la visibilité excellente, la mer apparaît sans limites, et on ne voit personne. Pas d’oiseaux de mer non plus, juste de nombreuses physalies et des dauphins joueurs.

Nous avons déjeuné de bonnes tranches de thon passées à la poêle, avec un peu d’huile d’olive et des oignons. Accompagnées de riz cuit au rice-cooker chinois du bord, qui fonctionne sur le 220V du petit groupe électrogène Honda (2000 W). Mais désormais, malgré différents montages, la pêche ne donnera plus rien, nous avançons trop lentement pour espérer pouvoir tromper les poissons avec des leurres. Louis, pour sa deuxième fournée, a réussi un joli coup ce matin : un joli pain rond d’un kilo, très réussi, nettement mieux que le premier, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur. Le bateau bouge peu, naviguant comme sur un lac, même la houle est quasi inexistante. Les heures s’écoulent doucement, en lecture pour mon frère ; de mon côté, je m’efforce, découragé, de remettre de l’ordre dans le seul ordinateur qui me reste après le vol, à l’île de Fogo au Cap Vert de celui où j’avais toutes mes photos et tous mes textes du voyage, outre de nombreux documents personnels et professionnels. Je n’avais pas connu auparavant ce genre de traumatisme, mais le coût psychologique est sensible : j’avais passé pas mal de temps sur mes images du tour du monde, parfaitement classées, tout ça pour en arriver là. C’est peut-être une forme de tribut à payer aux pauvres quand on est soi-même plus aisé, et qu’on voyage chez les autres, mais la perte des images, c’est dur.

Cela me reconduit, contraint et forcé, à l’essentiel de ce qu’il convient de ramener d’un voyage : les souvenirs, et l’envie de repartir.

Tout le reste est futile.

J’aimerais, un jour, être capable de voyager avec le strict minimum. Des bonnes chaussures, un vieux sac à dos, mon chapeau néo-zélandais, mon leatherman (couteau à fonctionnalités multiples américain en inox), une lampe frontale, une carte. Un carnet et un stylo peut-être aussi. Le voyage à pied va à l’essentiel. Pour les rencontres, il est imbattable.



Allez, on va affaler la grand-voile, le vent s’éteint doucement à la surface de la mer. Le gennaker seul, au grammage plus léger, portera mieux sans elle.

Et puis, on va mettre un moteur en route, pour faire remonter le vent apparent vers l’avant, et l’augmenter de quelques petits nœuds… Il faut maintenir une vitesse de l’ordre de 5 nœuds pour arriver Mardi dans la journée et ne pas se prendre  sur la gueule au finish les vents forts et contraires qui vont souffler sur les îles à partir de Mardi soir.

Course de lenteur, mais contre la montre tout de même!

A demain !

Olivier