samedi 27 février 2010

Billet N°46 - Abattage en carène à Chaguaramas (Trinidad) -par Olivier

Du 17 au 22 Février 2010


Hommage a Yaya au grand cœur…

Depuis la traversée Canaries- Cap Vert, pendant laquelle j’avais détecté un jeu un peu trop important dans les paliers inférieurs de gouvernail, nous nous demandions où j’allais bien pouvoir sortir notre catamaran de l’eau, pour remédier au mal. C’est que, une fois quittées les côtes européennes, les engins capables de sortir un catamaran de 8,60 m de large se font rares.

A Dakar, où nous avions reçu les paliers de rechange en provenance de Marans, rien, et dans le Nordeste brésilien, rien non plus.

J’avais donc jeté mon dévolu sur les chantiers de la baie de Chaguaramas, à Trinidad, bien équipés, et autour desquels on trouve pas mal de fournisseurs et de services pour réparer les bateaux.

En Afrique, sur les fleuves Saloum et Casamance, et plus encore en Guyane, les carènes se recouvrent, malgré l’antifouling, de nombre d’organismes vivants, crustacés ou végétaux, qui finissent par freiner sensiblement les voiliers. Un carénage s’imposait de toute façon avant la traversée de l’océan Pacifique, histoire de nettoyer les flotteurs et de les recharger, à prix d’or, en antifouling érodable.

Et puis, comme toujours sur les voiliers en voyage, la liste des points à traiter pendant l’arrêt technique commençait à s’allonger.

Pour changer ces paliers, les safrans doivent être démontés. Cela peut se faire à la limite à flot, mais c’est dangereux pour les mèches, et si on veut vraiment voir ce qui se passe, il faut sortir le bateau de l’eau.

Je connaissais déjà le chantier Peake pour y avoir laissé en hivernage un grand monocoque, et c’est finalement le seul sur la place qui dispose d’un travelift suffisamment large pour sortir Jangada.

Mais quand je (re-) découvre l’engin et sa darse de béton, je m’inquiète pour la largeur, et shangaïe illico Marin pour aller la mesurer. Résultat : ça va rentrer, mais au chausse-pied !

Je passe une demi-journée à préparer la dépose des deux safrans. Sur Jangada, l’appareil à gouverner est très bien fait : 3 paliers par mèche, un pilote automatique électrique à tribord, un autre hydraulique à babord, 3 bras de mèches en sus des 2 qui officient sur le pont arrière…

Il va falloir que tout ça « tombe » tout seul au moment où le travelift va hisser le bateau à plus de 5 mètres en l’air ! Les mèches, à elles seules, mesurent 3 mètres de long…

J’ai recruté les 4 autres skippers pour aider à la fois à la manœuvre d’entrée dans la darse et à la dépose des safrans.

Tout se passe nickel chrome.

Mais un cinquième homme de main est lui aussi présent : Yaya !

Yaya au grand cœur…Yannick de son prénom.

Et sans Yaya, les cinq jours de l’arrêt technique de Jangada à Chaguaramas n’auraient pas été les mêmes.

Il serait plus court d’indiquer ce que Yaya n’a pas fait dans sa vie, plutôt que ce qu’il a fait.

Marin marchand, breton de son état, équipier de Kersauzon, constructeur naval, grand voyageur surtout, Yaya est pour l’heure à Trinidad chef de projet du refitting d’un grand catamaran de 100 pieds, d’ailleurs passé par le chantier de Rochefort il y a quelques années.

Mais comme ledit grand yacht est en instance de chargement sur un cargo, Yaya va nous faire bénéficier pendant 1 semaine de sa connaissance de Port of Spain, et surtout de celle de la zone des chantiers navals de Chaguaramas, et de tous les fournisseurs nautiques qui y sévissent.

Nous trouverons ainsi en peu de temps et quelques allées et venues motorisées tout ce dont nous avons besoin pour mener à bien notre petit arrêt technique dans les 5 jours du forfait imparti par le chantier.

De l’antifouling Micron 66 (5 gallons) aux boulons inox de 8 x 100 pour les bras de mèche, en passant par le dérouillant-passivant et la nouvelle bouilloire (la précédente a rendu l’âme au bout de 6 mois de service, merci le made in China … !), nous avons appris à connaître la zone technique de Chaguaramas comme nos poches.

Yaya conduira ces dames au supermarché de Port of Spain, surveillera pour le compte de leurs maris l’échauffement des cartes bleues, négociera les prix chez les shipchandlers, divisera par deux le prix du litre de diesel pour les accros du bidon (soit 20 centimes d’euro), nous fournira l’insecticide local total killer, nous apportera des Carib bien fraîches à l’heure la plus chaude de nos journées de travail, mettra la main au rouleau de peinture, nous emmènera à sa cantine, et même, en fin de chantier, quand la victoire sur la liste des points techniques « à traiter sans faute » sera acquise, dans la piscine de son hôtel.

Yaya nous fera mettre de côté en Martinique les filtres de déssalinisateur introuvables à Trinidad et sans lesquels les Tuamotus seraient pour nous un désert aride, il organisera à distance le remplacement au Marin du câble inox de martingale de Jangada (qui tient l’étai, et donc le mât…), dont trois torons sont rompus au niveau du sertissage tribord.

(Jangada est un catamaran particulièrement large, donc puissant, entendez par là qu’il a une forte stabilité, laquelle soumet le gréement, la mâture et les voiles, à des efforts importants.)

Nous remontons les safrans et remettons Jangada à l’eau, propre comme un sou neuf, après un mega-lessivage général orchestré en famille.

Yaya, merci à toi de t’être trouvé sur notre chemin à Trinidad, et … à bientôt en Matinik !

Mais une ombre se dessine au tableau : depuis le début de notre séjour à Trinidad, des informations assez alarmistes s’échangent entre voiliers voyageurs sur l’augmentation sensible d’ actes de piraterie violents constatés contre les voiliers en escale sur la côte nord et dans les petites îles du large du Venezuela. Les journaux s’en font l’écho, des avis sont affichés dans les bureaux des chantiers. Le grand responsable semble bien être le gouvernement vénézuélien lui-même, et son président, Hugo Chavez, dont la « révolution bolivarienne » et le populisme n’ont pas que des bons côtés, tant s’en faut, et encouragent de fait ces actes non réprimés.

Notre programme initial prévoyait, au départ de Trinidad, de faire route vers l’ouest et le Canal de Panama en passant par les Testigos, la Blanquilla, Las Roques, Los Aves, des destinations autrefois (il y a encore un an…) agréables et sans histoires.

Plusieurs récits détaillés d’attaques récentes contre des voiliers dans ces îles, et une agression à la machette d’une extrême violence contre l’un de nous, un soir à proximité du chantier, nous font prendre à regrets la décision commune de ne pas aller tenter le diable chez des gens pour qui la vie humaine a si peu de valeur.

En ce qui nous concerne, nous décidons d’un lot de consolation aux Tobago Cayes (Grenadines), sur la route de la Martinique, où nous devons désormais impérativement nous rendre pour aller chercher nos filtres de watermaker et remplacer le câble de martingale qui menace notre mâture d’horizontalité…

Et, après la Martinique, puisque nous n’irons pas au Venezuela, nous allons essayer d’aller à Carthagène en Colombie, sur la route du Canal.

Nous faisons une liste, qui s’allonge très vite, des tas de choses que nous pourrons faire en Martinique… de la visite chez un chirurgien-dentiste pour Adélie et Marin, à l’expédition des évaluations du CNED, en passant par l’achat de la dernière BD de Tramp (chère au Capitaine)

ou celui du dernier numéro de Multicoques Magazine, où, paraît-il, on parle de la récolte du vin de palme en Casamance par l’équipage de Jangada ! Et puis, comment le passer sous silence, ce sera évidemment l’occasion d’un pèlerinage solennel sur les marches de la mairie du Diamant (tu t’en souviens Timothée, toi qui nous aspergeait de grains de riz, et vous chers Olivier et Emmanuelle ?), où le 20 Avril 1996, j’épousais Barbara sous le soleil de l’île aux fleurs !

Adieu Chaguaramas ! nous laissons le pétrole flotter à la surface de ta baie et …

Cap au nord ! en route pour les Cayes, et Petit Tabac !

Olivier
Jangada entre tout juste dans la darse du travelift de Peake Yacht Services...

Mauvais temps pour les berniques!

Anniversaire de Zéphyr à bord de Jangada, à Chacachacare.

Rare, 5 couples, 5 voiliers, 10 enfants, en escale à Trinidad, avant que nos routes ne se séparent...

Nous utilisons les taxi-co de Trinidad, en respectant les consignes...

Sur le chantier, les enfants ont construit leur cabane...

Fin de chantier...


Joli travail de l'équipage!
Retour à l'eau...
... et en route pour de nouvelles aventures!