vendredi 1 avril 2011

Billet N°98 – A Whale Bay, Matapuri (NZ), l’onde du tsunami…

- Samedi 12 Mars 2011
Par Olivier


Après une nuit passée au mouillage rouleur de Tutukaka, nous rejoignons une petite baie au nord immédiat du hameau de Matapuri : Whale Bay.

Une avancée rocheuse de la côte y crée un abri relatif par vent de sud-est, lequel souffle modérément depuis quelques jours. Le bateau bouge un peu au mouillage, avec le ressac, mais rien d’alarmant. Nous sommes ancrés devant une ravissante petite plage immaculée, bordée de pohutukawas. Nous y attendons la visite de nos amis Rhian et Andy, de Zephyrus, qui ont loué un bach pour le week-end.

Il fait très beau, le temps est calme. Vents faibles prévus les jours prochains.

Nous n'écoutons jamais la radio, les nouvelles sont rarement bonnes… Nous avons quitté le monde de l’information, ou plus exactement celui de la surabondance des informations. Par réaction sans doute pour une part, mais pas seulement car j’adore lire la presse lorsque j’en ai sous la main, mais aussi parce que j’ai déjà eu l’occasion, au cours de mes voyages, de constater que l’on s’en passe très bien lorsqu’on ne peut pas faire autrement. Hélas, à chaque fois que j’ai eu l’occasion de vivre une période sans information, j’ai toujours constaté à mon retour que le monde n’avait guère changé. En mieux.

Alors, pendant notre voyage, nous n’essayons même pas d’écouter la voix lointaine de Radio France Internationale. Réception aléatoire, horaires décalés, intérêt pas toujours évident… La VHF non plus, à cause des nombreux bavardages, anglo-saxons surtout ... En Nouvelle-Zélande, le réseau VHF de sécurité est très développé, avec plusieurs diffusions de bulletins météo journaliers. Mais j’ai l’habitude de prendre les prévisions de vent et de nébulosité tous les 2 jours sur mon ordinateur, par le réseau BLU Sailmail. La VHF reste donc la plupart du temps silencieuse, ce qui est appréciable.

Samedi 12 Mars, 09H30 du matin. Un semi-rigide venu de Tutukaka avec une petite famille néo-zélandaise nous rejoint dans la baie, devant la petite plage ombragée où nous débarquons régulièrement. L'embarcation s'approche de nous, et le papa m'interroge:

"Hi! Vous êtes au courant pour le tsunami? » Je regarde mon interlocuteur, surpris. «Yes, il y a eu un fort tremblement de terre au Japon, hier, et un tsunami se dirige vers la Nouvelle-Zélande!" Moi: "Wouah, un tsunami? Important?" Le gars: "Non, normalement, la vague ne devrait pas dépasser 6 inches..., peut-être un peu plus, mais les autorités recommandent la vigilance!"

Premier réflexe, je regarde la ligne d'horizon, pour vérifier qu'un mur d'eau de plusieurs mètres de hauteur n'est pas en train d'entrer dans la baie...

"OK, we will take care! Thanks a lot!"
Le gars repart avec son Zodiac vers Tutukaka. J'allume la VHF sur le canal 16, mais celle-ci reste silencieuse.

Nous sommes tous à bord, à une centaine de mètres de la plage.

Vers 11H15, Marin m'interpelle:

"Papa, regarde la plage, comme l'eau est haute!"

Effectivement, le niveau est brusquement monté un peu plus haut que la limite supérieure de l’estran. Mais en douceur. Nous observons le phénomène. Puis la mer se retire, en quelques secondes, de plusieurs mètres sur la plage, comme à son niveau de mi-marée. Quelques secondes encore, et le niveau s'élève à nouveau comme précédemment, plus haut que le niveau de la pleine mer.

En l'espace de 2 minutes, tout redevient normal.

Non loin de la plage, Jangada n'a pratiquement pas bougé, juste, peut-être, un léger balancement sur ses coques. Le tsunami est passé. Nous apprendrons plus tard que l’onde parvenue avec presque 24 heures de décalage en Nouvelle-Zélande mesurait en réalité 90 cm. Vers 11H45, le semi-rigide revient dans la baie: il nous apporte le New Zealand Herald, tout neuf, version week-end, épais comme un livre. Plusieurs pages de photos cataclysmiques du Japon. Les néo-zélandais sont incroyables. Sur la petite plage de Whale Bay, la vie, paisible, reprend son cours...

Nous découvrons l’ampleur de la catastrophe dans le journal : le plus fort séisme enregistré au Japon - 8,9 sur l’échelle de Richter – la plus grande catastrophe subie par le pays depuis la deuxième guerre mondiale ; plus de 10 000 morts, la centrale nucléaire de Fukushima en perdition avec des réacteurs entrés en fusion, et un tsunami dévastateur avec un mur d’eau de 10 à 15 mètres au nord-est du pays…

Entre le tremblement de terre meurtrier survenu récemment à Christchurch, dans l’île Sud de Nouvelle-Zélande, et celui qui vient d’atteindre le Japon, nul doute que des forces incommensurables s’agitent, là, sous nos pieds, et dans les profondeurs abyssales de l’ouest Pacifique…

Olivier

Jangada au mouillage de Whale Bay, à Matapuri.

Sur la plage, les enfants jouent avec les vacanciers néo-zélandais.

Jangada bougera à peine au passage de l'onde du tsunami...

Mais au Japon, la vague a dévasté le nord est du pays...

... et fait des milliers de morts...