Distance parcourue à midi 115 milles Restant à parcourir 1241 milles
Nous avons longtemps hésité, ces dernières semaines, sur la route à suivre au départ de La Réunion. Initialement, quand le développement de la piraterie maritime dans l’Océan Indien nous a interdit le retour par le Golfe d’Aden et la Mer Rouge, ainsi que les Seychelles, nous souhaitions passer par le nord de Madagascar, doubler le Cap d’Ambre, et visiter la côte nord-ouest de la grande île, la plus propice aux escales d’un voilier. De là, nous pouvions gagner Mayotte, puis descendre le Canal du Mozambique en nous arrêtant si possible dans deux ou trois des îles éparses françaises de l’Océan Indien, Juan da Nova, Bassas de India, ou Europa J’avais aussi un vieux copain à voir à Madagascar, Jean-Guy, ancien collaborateur du Chantier de Rochefort. Mais les évènements survenus récemment et les informations collectées sur Internet à La Réunion indiquaient que des pirates rôdaient dans les parages du Cap d’Ambre. Certains avaient même été arrêtés par la police malgache alors qu’ils tentaient de refaire leurs pleins d’essence (pour les skifs, propulsés par moteurs hors-bord) dans une petite baie au sud de Diego-Suarez. Certains marins malgaches étaient d’ailleurs détenus par des pirates, en attendant le versement très peu probable d’une rançon… Et puis, finalement, j’avais pu voir mon ami Jean-Guy, de passage à La Réunion : nous avions été descendre ensemble une Dodo (la bière Bourbon de La Réunion) et déjeuner créole au Forban, la gargote de la marina de la Pointe des Galets. Et nous étions tombés d’accord sur le fait que Madagascar valait mieux qu’un petit cabotage : un voyage par l’intérieur, un de ces jours. L’escale réunionnaise se prolongeant par ailleurs, nous avons finalement renoncé à passer par le nord, et choisi de doubler Madagascar par le sud. Il n’était pas question de s’exposer à un acte de piraterie, la tendance étant à la pandémie dans l’ouest de l’Océan Indien. Direction Richerd’s Bay, en Afrique du Sud, au nord de Durban, à 1356 milles de La Réunion. Avec, sur notre route, le plateau continental sud de Madagascar, de mauvaise réputation. Un coin où les vents accélèrent, en s’opposant, sur des fonds faibles, à la houle générée par les dépressions des quarantièmes, qui se succèdent au sud.
En moins critique, mais tout de même, un avant-goût de ce qui nous attend pour atteindre, le long des côtes sud-africaines, le Cap de Bonne-Espérance, et l’Atlantique… Les premières heures de navigation ont été calmes, presque douces. La brise côtière toujours plus soutenue à proximité de l’île Bourbon a vite perdu de sa vigueur, et notre regard a pu se porter jusqu’à une heure avancée de la nuit vers les hauteurs illuminées de La Réunion. Le bateau s’est déhalé à faible vitesse, 4 ou 5 nœuds, toute la nuit, sous grand-voile et gennaker.
Au matin, j’ai encore aperçu la silhouette de l’île, très loin, à près d’une centaine de milles dans le sillage. Et puis cette belle escale a fini par se ranger au nombre de nos souvenirs. L’équipage est quelque peu nauséeux, assez peu d’attaque au lendemain d’un long séjour à terre.
C’est classique, habituel. Nous avons capturé une grande daurade coryphène avant que le vent ne nous lâche dans l’après-midi. Barbara a décidé d’en faire des conserves, le niveau des stocks de poisson étant au plus bas dans les cales. Les moteurs Volvo ont pris doucement le relais, un d’abord, puis deux. Le vent s’est absenté….
Olivier