lundi 7 novembre 2011

MESSAGE N°4 – TRAVERSEE REUNION – AFRIQUE du SUD

Lundi 7 Novembre 2011 – Jour 4
Distance parcourue à midi  :588 milles   Distance restant à parcourir :766 milles

Petit raccourcissement de la distance globale (- 2 milles) du au fait que nous avons accroché un peu plus tôt que prévu le vent de sud-est annoncé au sud de Madagascar. Lequel, au sortir du front, a commencé par souffler du sud, donc nettement sur l’avant du travers en ce qui concerne le vent apparent,  celui qui nous est utile à bord. Près bon plein quoi. Cela nous a incités à couper au ras du banc sud de Mada, et même un poil dessus pour conserver une bonne vitesse. Les fonds y deviennent inférieurs à 200 mètres, mais nous aurons quitté à nouveau le plateau continental à la nuit, et regagné la verticale des abysses. Ce plateau a mauvaise réputation, le vent fort, la houle et le courant (équatorial sud) y lèvent parfois des vagues dangereuses. Un accident mortel s’y est produit  récemment. Alors, cette petite incursion de quelques milles à peine de Jangada sur le plateau continental de Madagascar ne vaut que pour la journée, et parce que la mer n’est pas mauvaise et le vent tout à fait raisonnable. Pas question pour autant d’apercevoir le cap Sainte Marie, l’extrémité sud  de Mada, qui reste à plus de 35 milles dans notre nord.

Comme nous l’avions imaginé hier, le vent s’est maintenu au-dessous de 5 nœuds toute la nuit, très sur l’arrière tribord. Le désordre de la mer sollicitait beaucoup la grand-voile, alors nous avons préféré l’affaler pour la nuit. Seul le gennaker est resté à poste, pas mécontent, pour une fois, de travailler seul, car il est souvent gêné par le masquage de la GV. Il avait de la peine à se gonfler joliment, alors, toute la nuit, le moteur du même bord (sous le vent ! pour éviter les émanations de gaz

d’échappement) lui a raconté ses histoires de mécanique. Nous nous sommes enfoncés au fil des heures de la nuit dans un espèce de véritable pot au noir résultant de la proximité des deux masses d’air à relative haute pression, et au petit jour, gris et blafard, nous avons eu droit à toutes ces sortes de choses que le marin au long cours aime bien :

énorme barrière de nuages noirs, orage, éclairs et coups de tonnerre, vents variables et pluie battante sur le toit du roof… D’un coup, le vent est passé au sud et a vite atteint 25 nœuds. Les manœuvres se sont enchaînées : le gennaker a regagné son coffre, la grand-voile a  été arisée, le bas-étai a été mis à poste, et le solent enroulé a capté la brise de ce nouveau jour peu engageant. Le vent a ensuite adonné progressivement pour gagner le sud-est en se stabilisant à une quinzaine de nœuds. Le ciel plombé a fini par se laisser distancer dans le sillage, et je n’étais pas fâché de lui dire bye-bye ! Nous doublons aujourd’hui le sud de Madagascar, ce qui nous ouvre la route directe sur Richard’s Bay, à moins de 800 milles devant désormais. Bon, c’est pas encore gagné… Madagascar, c’est un regret bien sûr, mais je pense vraiment que le voilier n’est pas le meilleur moyen de visiter la grande île. Certes, il existe de jolis coins pour caboter dans le nord-ouest, mais l’essentiel de Madagascar se découvre de l’intérieur. Laisser seul un voilier à Mada, ne serait-ce que pour quelques jours, est chose impossible. Même si le pays ne bat pas des records d’insécurité, il reste pauvre, et les vols y sont fréquents. Pour l’heure, je me contente de mes souvenirs d’escales dans les ports malgaches, lorsque je naviguais au long cours à la NCHP (Navale et Commerciale Havraise Péninsulaire). Avant notre appareillage de La Réunion, nous avions pris des informations en vue d’une éventuelle escale à Fort-Dauphin (Taolagnaro), situé pratiquement sur notre route vers l’Afrique du Sud. Nos amis Guitaut, tous rentrés en France depuis, y exploitaient dans le temps des plantations de sisal, que j’aurais bien aimé visiter. Et Bertrand, le dernier de la fratrie à avoir quitté le coin, nous avait donné ses meilleurs contacts sur place, que nous aurions volontiers rencontrés, d’autant que parmi eux certains (merci Jacques pour les infos reçues à La Réunion !) sont spécialisés dans le commerce de … langoustes !

Seulement voilà, les autorités portuaires locales nous ont consciencieusement et exclusivement orientés vers le nouveau port en eaux profondes d’Ehoala, situé loin de tout dans un  no man’s land, sûrement très adapté pour les cargos, mais sans aucun intérêt pour nous.

Mais nul doute qu’avec davantage de temps, nous aurions probablement trouvé sur place un havre plus approprié. Mais plus encore, cette traversée vers l’Afrique du Sud étant souvent considérée comme l’une des plus difficiles d’un tour du monde, nous avions fait le choix de poursuivre notre route directement vers Richard’s Bay s’il apparaissait à l’approche de Fort-Dauphin que nous étions susceptibles d’éviter un coup de vent dans la deuxième moitié du parcours. Dans le cas contraire, un arrêt météo aurait été salutaire. Voilà pourquoi nous avons renoncé, pour l’heure, à l’escale malgache.

Allez,  route vers l’Afrique australe.

A demain !

Olivier