samedi 12 décembre 2009

TRAVERSEE DE L'ATLANTIQUE

Pendant les traversées, pas de connexions Internet possible pour Jangada, donc pas de blog. Pour néanmoins donner de nos nouvelles, nous allons rediger un petit billet par jour, envoyé par e-mail (Sailmail) le lendemain matin pour la journée de la veille à Vincent, sans images bien sûr. Quand il aura un moment, Vincent le "forwardera" sur sa liste des "abonnes", ou bien le mettra sur le blog, ou les deux. C'est lui le Dircom de l'expe.

Ainsi, ceux qui veulent pourront, un peu, traverser avec nous...!


TRAVERSEE DE L'ATLANTIQUE (les suivants seront plus courts!)

Jeudi 10 Décembre 2009, 1er jour

Hier (mercredi 9), nous avons quitte Ziguinchor, nous nous sommes offerts un grand lavage du bateau a l'eau douce en tirant un tuyau depuis le ponton du Kadiandoumagne (un hôtel au bord du fleuve, bien connu des enfants pour sa piscine!), nous n'avions pas pu faire ça depuis Tenerife, il y a plus de 3 mois! Un jus de poussière marron s'est lentement écoule dans le fleuve. Nous avons par la suite fait route aval jusqu'a un mouillage sauvage situe entre Elinkine et Kachiouane. S'en est suivie une expédition en annexe avec le Marinou(le moteur HB Yamaha a marche comme jamais) pour aller récupérer a la nuit les 2 colis contenant notre nouvelle installation frigo, enfin arrives a Cap Skirring par avion taxi. Entre l'acheminement depuis la France, les taxes douanières sénégalaises (plus de 1000 euros...) et le rapatriement sur Cap Skirring, ça en fait le frigo de bord le plus cher in the world! Et pour autant, je ne l'installerai qu'au Brésil...

Veillée d'armes au mouillage, sous nos dernières étoiles de Casamance. Une escale dont tout le monde a bord se souviendra longtemps.

Jeudi a 05H30, un peu avant la pleine mer, je me lève, bouscule une aigrette qui avait choisi de dormir sur la batayole bâbord, me fais un petit café, allume un cigarillo, je lève l'ancre, et appareille dans l'obscurité vers Karabane, puis Djogué. Je me guide au radar entre les berges. J'aime ces moments de solitude passagère ou je relance notre voyage.

Les premières lueurs de l'aube voient Jangada s'engager dans la passe de sortie. Je reprends mes points GPS, mais ne vois au départ dans mes jumelles qu'une barrière impressionnante de rouleaux déferlants. Ou est l'étroit passage de la passe, avec son virage à 90° entre deux trains de déferlantes? Je force les moteurs, et retrouve progressivement le chemin du large.

Jangada frôle les rouleaux à une cinquantaine de mètres... Serrage de fesses de rigueur. Les vagues qui lèvent, avant de déferler une encablure plus loin, réveillent progressivement Marin, puis Adélie, puis Barbara. Pas le meilleur moment pour mettre le nez dehors, mais le plus dur de la barre est derrière.

Une fois le dernier couple de bouées franchi, nous envoyons la toile, et mettons le cap sur les Rochers Saint-Paul, au 228 à 1021 milles.

Plein vent arrière léger, 10 à 15 nœuds, solent en ciseau.

Les fonds, de 6 mètres au départ, ne seront que de 15 mètres à midi.

La mer, de vert sombre dans la passe, ne deviendra bleue qu'avec les fonds de plus de 100 mètres atteints seulement en fin de journée.

Début de traversée avec une petite appréhension collée aux tripes de mes 3 équipiers, que je rassure au maximum tout en leur rappelant les consignes de prudence: ne se faire mal sous aucun prétexte, ne prendre aucun risque pour soi, et faire gaffe au matos.

Les lignes de traine reprennent du service: l'objectif est d'avoir fait le plein des conserves de poisson du bord avant d'arriver à l'ile de Fernando do Noronha. Une trentaine de kgs au bas mot...

Ca commence mal, un premier mastard nous arrache le leurre de la canne bâbord, et on en manquera deux autres au cours de la journée... Damned!

On est verts de rage: on voit des bonites sauter partout autour du bateau!

Marin sauvera la mise du jour en attrapant au coucher du soleil un petit spécimen (40 cms) qui assurera le diner. A la poêle, avec un petit filet d'huile d'olive, après le ti-punch du cap'tain, qui signe le retour aux habitudes du large: un délice...

Autre fait marquant du jour, concernant la vie sur la planète: vous n'allez pas le croire, et pourtant c'est vrai, le captain s'est rase le crane!!! Rasibus, plus un poil sur le caillou! Un bagnard à cote peut aller se rhabiller! Il y avait longtemps que je voulais voir ce qu'il y avait là-dessous. Mais, question d'hygiène, vous n'en saurez rien! Simple difficulté passagère: j'ai l'impression que certains membres de l'équipage ne me reconnaissent pas au coin des coursives!

Le plus oppose a ce projet (d'envergure) était Marin, Adélie était réservée, et Barbara a fond pour... Allez comprendre pourquoi? Les femmes, me suis-je dit, c'est complique, je me suis donc seulement assure que ce n'était pas une forme d'envie de changer d'homme... Pour le reste, j'ai renonce à savoir.

Mais sincèrement, j'avais envie, moi, le temps d'une traversee loin du monde, de connaitre la dure condition de certains de nos proches, dont c'est, hélas pour eux, le lot quotidien: je pense a Vincent, mon beau-frère (le webmaster), à Vincent (le Petit au grand cœur), a Gianni (l'italien), a d'autres qui n'ont pas encore fait leur coming-out (Thierry L, Philippe T...) mais doivent s'y préparer... et aussi a Laurent (Zibaut)que je soupçonne parfois d'avoir une perruque, pour séduire les jeunes femmes qui viennent aux réunions Tupperware organisées par Pascale.

Bref, une façon pour moi de montrer un peu d'humanité...

Euh, ben, c'est pas tout ça, ca repousse décent en combien de temps?

Donc hier, de l'événementiel en quantité à bord de notre double pirogue!

Le soleil réapparait en fin de journée et la mer commence à ressembler à l'océan.

Les carènes de notre voilier, sales après presque 2 mois d'Afrique pure et dure, retrouvent le bleu profond.

En route vers l'Amérique du Sud! En route vers le nordeste brésilien, en route pour le pays des jangadas!

A demain.

A bord de la caravelle rochelaise

Captain Oliver

Vendredi 11 Décembre 2009, 2eme jour

A 09H00 ce matin, après 24H00 de mer, nous avons parcouru 143 milles sur la route directe. Les Rochers Saint-Paul sont à 878 milles devant. Le vent a repris légèrement pendant la nuit, 10/12 nœuds. Ciel voile, on n'aperçoit que quelques étoiles. L'air est à 28°C, l'eau de mer a 27,4°C. La guigne a la pèche a continue aujourd'hui: d'abord un gros poisson a arrache le bas de ligne bâbord malgré notre manœuvre pour enrouler le solent et venir dans le vent. Le cliquet métallique n'a pas supporte le devirement vertigineux que lui a impose ce gros poisson muscle. Il a casse. Puis nous avons pris un joli sac en plastique un peu plus tard dans la matinée... L'après-midi n'a pas connu d'amélioration: un oiseau de mer s'est emmêle l'aile droite dans la ligne tribord, il a fallu le ramener a bord (il s'en souviendra car il a bu une sacrée tasse) pour le libérer. J'ai pu éviter les coups de bec en le tenant par le cou, mais pas les coups de griffes de ses pattes palmées qu'il m'a généreusement distribues. Il était probablement mal élève car il est parti sans dire merci!

Pour finir avec la pêche, un autre joli poisson a emmène le leurre de la ligne capelée sur le balcon arrière, avant que je ne décide d'intercaler un gros sandow... Pourtant tous mes montages sont en 80 ou 100/100... C'est qu'il y a visiblement du beau monde par ici!

Série noire!

Adélie termine son premier pave de Bobby Pendragon, Marin se tape "Le Roi Arthur", Barbara est plongée dans "Les Chutes" de Joyce Oates et je termine les "Poésies complètes" d'Arthur Rimbaud.

A demain

A bord de la caravelle rochelaise

Captain Oliver

Samedi 12 Décembre 2009, 3eme jour

Ce matin a 09H00, nous avons parcouru 303 milles en 48H00 sur la route directe, et 160 dans les dernières 24 heures. Les Rochers Saint-Paul sont à 715 milles devant. L'eau de mer est à 28,2°C, l'air a 30°C.

L'alize de nord-est donne les premiers signes de faiblesse, il ne souffle guère au-dessus de 10/12 nœuds, et nous nous "trainons" désormais entre 5 et 6 nœuds.

Il va falloir s'y habituer sur cette route, et ça ne va pas aller en s'arrangeant les jours prochains, à l'approche des calmes équatoriaux. Le ciel commence a être encombre, sans être charge ni menaçant, mais ce n'est déjà plus un ciel d'alize avec des cumulus qui courent a travers l'océan, et des grands pans de ciel bleu...

La pêche n'a donne aujourd'hui qu'une petite daurade coryphène, vite transformée par Marin et Barbara en poisson a la tahitienne en entrée du déjeuner. Nous avons à nouveau perdu un leurre avec un poisson trop gros.

La mer est peu agitée, gris-bleu, avec peu de houle. Journée lecture et musique. J'ai pris la météo sur Skyfile ce soir, et d'après les fichiers Grib reçus, nous aurions encore 24 heures, peut-être 36, a courir avec ce petit alize moribond, puis ce sera le début de la ZIC (zone intertropicale de convergence): vents erratiques, grains, orages violents, pluies torrentielles...

A moins qu'on ait de la chance! Il va falloir s'accrocher le moral au plafond du carre, et gérer ce passage un peu difficile psychologiquement, et physiquement: voiles qui battent, vitesse moyenne lamentable, nombreuses manœuvres, prières pour éviter le plus fort des orages, les éclairs et la foudre...

Au moins 2 mauvaises journées à passer (lundi et mardi), peut-être 3 (mercredi), avant de toucher la première risée de sud-est qui relancera le bateau au bon plein. Inch'Allah!

Cet après-midi, j'en ai eu marre de voir la grand-voile lattée battre violemment par insuffisance de vent (à cet égard, la corne de la grand-voile, façon course, n'arrange clairement pas les choses, elle accentue le phénomène), alors nous avons sorti "John Deere".

"John Deere", c'est le spinnaker triradial vert (et blanc), qui, une fois amure court sur les deux étraves, tracte Jangada sur l'océan. C'est un spi de vent arrière, assez plat. Quand "John Deere" est au travail, le solent et la grand-voile sont au placard. On a donc tout rentre, et ce soir, le grand spi vert doit se voir de loin sur la mer, mais a priori il n'y a que les poissons-volants pour s'étonner de le voir passer.

Je vais tenter de le garder toute la nuit, mais ça c'est plus hasardeux...

D'ordinaire Barbara prend le quart de 20H00 a 24H00, puis je vais jusqu'au matin, et la journée se fait pour le moment hors-quart, l'océan est désert. Mais ce soir, la Barbouille est barbouillée, petit mal de mer latent ou bien petite gastro, nul ne sait. Je l'ai envoyée se coucher pour une longue nuit dans l'obscurité de notre cabine, ça devrait aller mieux demain.

Et puis j'aime autant surveiller "John Deere" de prés, le bougre devient vite sportif quand le vent rentre...

Alors je vais passer la nuit à alterner la veille et les courtes tranches de sommeil de 20 minutes dans le carre. Car un porte-conteneurs qui fait route vers vous à 25 nœuds et qui est encore juste sous l'horizon au moment de votre précédent tour d'horizon (veille visuelle) est sur vous 25 minutes plus tard...

On n'y tient pas.

Marin dort dans la cabine milieu tribord, et Adélie tient toujours à dormir dans le carre à bâbord, elle appelle cela "faire le quart"...!, de temps a autre elle parle en rêvant et cette douce présence me tient joliment compagnie.

Bon Dimanche!

A bord de la caravelle rochelaise

Olivier

Dimanche 13 Décembre 2009, 4eme jour

Ce matin a 09H00, les Rochers Saint Paul sont a 579 milles devant, la passe de la Casamance a 440 milles derrière. Nous avons parcouru 136 milles sur la route directe ces dernières 24 heures.

Nous avons garde "John Deere" (le grand spi vert)toute la nuit, il a gentiment tracte Jangada a environ 5 nœuds. Sans faire des siennes! J'ai donc pu somnoler entre mes tours d'horizon de cette longue nuit de 12 heures. Pas vu âme qui vive! Nous sommes toujours plein vent arrière, une allure qui n'est pas tres favorable aux catamarans question vitesse, surtout par brise legere. Avec 10 à 11 nœuds de vent vrai, le vent apparent n'est que de 5 a 6 nœuds, vous voyez le genre: pas violent...

Mais il a fait beau toute la journée, grand bleu!

Mon cuir chevelu a du bronzer un peu...

Barbara a bien dormi (genre 12 heures)et va mieux, sinon bien. C'est plutôt moi qui suis faiblard aujourd'hui!!!: fievre, courbatures,j'ai pris froid (mais si, la nuit on supporte une polaire!)la veille du départ lors de notre viree sauvage en annexe (et chemisette) a Cap Skirring avec Marin, et depuis je me traîne. Mais Barbara est très motivee pour retaper son skipper (elle a tres envie d'arriver de l'autre cote, c'est bien evident, c'est la première raison qui me vient a l'esprit!), et je bouffe plus de Doliprane 1000 en ce moment que de daurade coryphène...

Dans la soiree, nous aurons franchi la mi-route entre Casamance et Rochers Saint-Paul (510 milles).

Aujourd'hui, fabrication de pain a bord: une "jangadeenne" (nom donne par les enfants)cuite a la poêle, et un pain au four. Un peu de CNED pour Marin et son professeur particulier et de la lecture pour tous. Marin a fini "Le Roi Arthur" et attaque "Vendredi ou la vie sauvage", Adélie se fait gouluement le deuxieme pave de Bobby Pendragon,Barbara termine ses "Chutes" et j'ai commence "Shantaram".

Le calendrier de l'avent a fait son apparition a bord ce matin, plus tard qu'a terre, sans doute parce qu'ici nous sommes loin de l'agitation de Noel. Le decor naturel qui nous entoure ne l'evoque guère, et les magasins joliment decores sont rares au coin des vagues.

Nous allons attendre d'être passes aux Rochers Saint Paul, et de faire route sur l'ile de Fernando do Noronha, pour mettre en place la deco de fin d'annee.

Pour nous, ce sera probablement cette annee Noel au mouillage a Fernando, et le 1er de l'an quelque part au Bresil, entre Natal et Fortaleza.

A la nuit, et malgré un ciel encore etoile au-dessus de nous, j'ai aperçu des eclairs immenses loin dans le sud: des orages. Ceux sont les signes avant-coureurs du pot au noir.

Le vif du sujet n'est plus tres loin.

Je vais sans doute debrancher les antennes de la BLU, de la VHF et du telephone par satellite pour tenter de preserver ces appareils de la foudre (mais je sais, pour l'avoir vecu, qu'elle passe aussi bien par les alimentations...).

Vous n'aurez peut-être donc pas de nos nouvelles pendant le franchissement du pot-au-noir.

Nous allons sans doute aussi inflechir un peu notre route vers le sud.

A plus tard

Olivier

Lundi 14 Décembre 2009, 5eme jour:

ENTRES DANS LE POT AU NOIR PAR 06°25'NORD Ce matin a 09H00, les Rochers Saint-Paul sont a 462 milles devant les étraves, la passe de la Casamance a 556 milles derriere. Ces dernières 24 heures, nous avons parcouru 117 milles, notre plus mauvais score depuis toujours avec ce bateau: la faute aux calmes équatoriaux! Pourtant, "John Deere" (le grand spi vert)n'a pas demerite, il est reste a poste toute la nuit derniere! Mais le gas-oil commence a manquer dans le tracteur...

Barbara a fait son quart de 20H00 a minuit, et j'ai pris la suite. J'ai observe toute la nuit des eclairs zebrer les cieux dans le sud, mais nous avons ete epargnes. J'ai pris des fichiers Grib ce matin, ils montrent que nous entrons effectivement dans la ZIC(ZIC:zone intertropicale de convergence, le pot-au-noir des marins français, les "horses latitudes" des marins anglais: les chevaux transportes vers l'Amérique du Sud crevaient de deshydratation,de stress,sur les voiliers encalmines pendant des jours et des jours). Le vent va haler l'est, mais il me semble aussi que la ZIC n'est pas trop trop large en ce moment, de l'ordre de 3° de latitude, donc 180 milles nord-sud. Pour nous désormais, puisque nous y sommes, l'objectif est de traverser la ZIC le plus vite possible, pour en sortir cote sud le plus tot possible. Pour cette raison, ce matin, nous avons remis "John Deere" au garage, et avons renvoye la grand-voile et le solent en adoptant un cap plus sud que la route directe de 30°environ, au 195. Objectif double: franchir la ZIC le plus orthogonalement possible (c'est comme ça qu'on la franchit au plus court)et aussi se retrouver un peu au vent de la route directe au moment de toucher notre du, c'est a dire les alizes de sud-est, ce qui permettra de choquer un peu les ecoutes vers Saint-Paul. Vous me suivez? Du coin de votre cheminee, j'entends d'ici le bois sec crepiter chaleureusement...

Les grains de pluie se sont enchaines a partir de midi, sans guère de vent dedans. Nous avons pu lessiver le bas de la grand-voile, et le haubannage a rendu un jus marron dont il faut chercher l'origine dans l'harmattan africain.

Les manœuvres de voiles ont rythme la journée, mais globalement, nous sommes passe entre les plus gros grains qui nous entouraient. On a fait route sur un moteur dans les calmes plats, ce qui nous a permis de refaire de l'eau douce avec le dessalinisateur. Nous consommons environ 50 litres d'eau douce utilitaire par jour, hors eau de boisson (eau minerale en bouteille de 10 litres).

Barbara nous a fait des crepes delicieuses dans l'après-midi, le moral reste bon!

Je vous disais qu'avant Marin et Adélie MESNIER, celebres petits rochelais, qui s'appretent a y faire escale d'ici 3 a 4 jours, Charles DARWIN lui-meme a pose le pied sur les Rochers Saint-Paul: c'était le 16 Fevrier 1832. J'ai trouve dans ma bibliotheque de bord le livre de Darwin "Voyage d'un naturaliste autour du monde". Resituons le bazar: le 27 Décembre 1831, un voilier battant pavillon britannique quitte Davenport pour un voyage de cinq ans autour du monde, a buts scientifiques. C'est le HMS BEAGLE, petit vaisseau de 240 tonneaux, commande par le capitaine Robert FITZ-ROY, 26 ans, avec a bord 76 hommes d'équipage et passagers, dont 3 naturels fuegiens que le BEAGLE ramene chez eux... A bord, un jeune homme de 22 ans, naturaliste, tout juste diplome de Cambridge: Charles DARWIN. Je vous livre quelques passages relatifs a sa courte visite (une matinée)sur les ilots de Saint-Paul.

"En traversant l'Atlantique, nous mettons en panne, pendant la matinée du 16 Fevrier, dans le voisinage immediat de l'ile Saint-Paul. Cet amas de rochers est situe par 0°58' de latitude nord et 29°15' de longitude ouest... Le point le plus élève de l'ile Saint-Paul se trouve a 50 pieds seulement au-dessus du niveau de la mer; la circonference entiere de l'ile n'atteint pas trois quarts de mille. Ce petit point s'élève abruptement des profondeurs de l'Océan... Les Rochers de Saint-Paul, vus d'une certaine distance,sont d'une blancheur eblouissante. Cette couleur est due, en partie, aux excrements d'une immense multitude d'oiseaux de mer, et, en partie,a un revetement forme d'une substance dure, brillante, ayant l'eclat de la nacre, qui adhere fortement a la surface des rochers... On ne trouve que deux sortes d'oiseaux sur les rochers de Saint-Paul: le fou et le benet. Le premier est une espece d'oie, le second un sterne. Ces deux oiseaux ont un caractere si tranquille, si bete, ils sont si peu accoutumes a recevoir des visiteurs, que j'aurais pu en tuer autant que j'aurais voulu avec mon marteau de geologue...Le fou depose ses oeufs sur le roc nu; le sterne, au contraire, construit un nid fort simple avec des herbes marines.A cote d'un grand nombre de ces nids se trouvait 1 petit poisson-volant que le male,je le suppose, avait apporte pour la femelle en train de couver. Un gros crabe fort actif qui habite les crevasses du rocher me donnait un spectacle fort divertissant; des que j'avais derange la couveuse, il venait voler le poisson place aupres du nid. Sir Symonds, une des quelques personnes qui ont debarque sur ces rochers, me dit qu'il a vu ces memes crabes prendre les jeunes oisaux dans les nids et les devorer. Il ne pousse pas une seule plante, pas meme un seul lichen sur cette ile; cependant plusieurs insectes et plusieurs araignees l'habitent... Il y a tout lieu de croire que la description si souvent repetee, d'après laquelle de magnifiques palmiers, de splendides plantes tropicales, puis des oiseaux et enfin l'homme s'emparent, des leur formation, des iles..., il y a tout lieu de croire, dis-je que cette description n'est pas tout a fait correcte. Au lieu de toute cette poesie, il faut malheureusement le dire pour rester dans le vrai, les premiers habitants des terres oceaniques nouvellement formees consistent en insectes parasites qui vivent sur les plumes des oiseaux ou se nourrissent de leurs excrements, outre d'ignobles araignees..."

Bon, ben on va aller verifier tout ça!

Captain Oliver

Mardi 15 Décembre 2009, 6eme jour FRANCHISSEMENT et ... SORTIE du POT AU NOIR!!!

Aujourd'hui a 09H00, les Rochers Saint Paul etaient a 351 milles devant,la passe de la Casamance a 668 milles derriere. Et l'ile Fernando do Noronha a 676 milles devant. Soit 111 milles parcourus en 24 heures, encore pire que la veille, mais la, en pleine ZIC (zone intertropicale de convergence), c'est pas si mal. Nous avons navigue toute la nuit derniere dans la ZIC donc, avec des vents tres faibles ou nuls, et avons fait route avec un des deux moteurs , a 4 nœuds, grand-voile haute et sans voile d'avant. Les lignes de grains ont balise la nuit, avec des eclairs et de la pluie, mais pas de foudre et seulement quelques modestes rafales. Je trouve que nous avons eu de la chance: nous sommes passes a cote des grains les plus denses, dont la formation et l'approche la nuit est rapide et toujours impressionnante. Je n'irai pas jusqu'a dire que je suis decu, mais a vrai dire je comptais sur des pluies plus violentes pour laver le haut de la mature et des voiles des traces de notre sejour africain. Je m'attendais a traverser la ZIC sur 3° de latitude, or ce matin vers 10H00, par 04° 35' de latitude nord, le ciel s'est rapidement eclairci, une petite brise s'est mise a souffler gentiment du 130, et 30 minutes plus tard, le ciel était redevenu un ciel d'alize, le soleil brillait, l'alize de sud-est était au-rendez-vous, avec 24 heures d'avance sur ce a quoi nous nous attendions!!! Prudemment tout de meme, j'ai donne mon sentiment a Barbara, puis aux enfants, qui cette nuit, par securite, par rapport aux risques d'orage, (je me suis trouve par 2 fois, par le passe, sur des voiliers foudroyes, et j'ai une petite idee de ce que cela peut donner...)avaient tous deux dormi ensemble en-bas, dans la cabine tribord milieu.

Mais une heure plus tard, la brise de sud-est était toujours là, etablie a une quinzaine de nœuds, et l'on a vu disparaitre loin sur l'arrière les gros cumulo-nimbus du pot-au-noir...!!!

Yeeeeeeeeh!!!

Super! Jangada a donc franchi la ZIC large de 120 milles environ en 24 heures, une tres bonne operation!

S'en est suivie une grande journée d'alize au bon plein/petit largue, avec 14 a 17 nœuds de vent, et une vitesse de 7 a 8 nœuds constante sur la route directe de Saint Paul que nous avons reprise.

En matinée, nous avons aussi franchi la moitie du parcours entre notre point de départ et le mouillage qui nous attend a Fernando do Noronha. La deuxieme partie des traversees est toujours plus facile a gérer psychologiquement.

De plus, désormais, il y a peu de risque que l'on soit encalmine, Jangada carbure sans forcer, le vent est tout de meme sur l'avant du travers, une allure que n'apprecie guère Barbara a cause des mouvements parfois brutaux qu'elle genere.

Je commence donc a regarder une vague ETA (estimated time of arrival)pour Saint Paul.

Par exemple, si on continue comme ça, l'après midi du Jeudi 17 Décembre pourrait nous voir atterrir sur les Rochers Saint-Paul. Reste a savoir quelles conditions de vent et de mer nous auront!

LE COIN DU MARIN

C'est vrai que je commence toujours ces billets du large en vous parlant de milles marins. Qu'est ce donc qu'un mille marin? Le mille marin, dans la pratique maritime internationale, c'est la minute sexagesimale de meridien (distance, mesuree a la surface de la Terre, correspondant a une minute d'angle prise selon un meridien a partir du centre de la Terre)a la latitude de l'observateur. Il varie donc, le bougre, suivant la latitude, de l'equateur (1843m) aux poles (1862m, car la Terre n'est pas spherique, c'est une ellipsoide de forme, elle est aplatie aux poles). La plupart des nations maritimes ont adopte comme unite de mesure immuable des distances en mer le mille marin international, soit 1852 mètres. C'est en fait la valeur de la minute de meridien a la latitude de 45°. Ben voila!

Et le noeud, alors? Ben le noeud, c'est l'unite de vitesse en mer. Un noeud, c'est un mille par heure. Donc 1,852 km/h, ou 1852m en 3600 secondes, soit 0,514 metre par seconde. A l'origine, le noeud était une unite de longueur.

Allez, une devinette: pourquoi l'espacement entre deux nœuds sur la ligne de loch faisait-il theoriquement 15,43 mètres, et en pratique 14,62 mètres? Trop facile!

A demain

Olivier

Mercredi 16 Décembre, 7eme jour

A 09H00 ce matin, les Rochers Saint Paul etaient a 193 milles devant, la passe de la Casamance a 826 milles derriere. L'ile Fernando a 520 milles. Nous avons parcouru 158 milles sur la route directe, dans un alize de sud-est variable en force. Nous avons passe l'essentiel de la journée dans une zone de grains noirs, qui nous ont fait traverser quelques averses intenses, accompagnees de rafales encore gerables sans reduction de voilure. J'en ai profite pour sortir le ballet brosse! Le soleil a fait son apparition en début d'après midi. J'ai visionne pour ma part le film "Mission", tandis que Marin et Adélie, qui ont decouvert la serie de documentaires "C'est pas sorcier" que nous avons acquise avant le départ se regalent depuis hier avec ça.

J'ai regarde les quelques cartes et schemas des Rochers dont je dispose, et j'ai prepare une trajectoire d'approche et un point de mouillage precis d'après ces donnees. Le Bresil entretient sur le minuscule archipel une petite base scientifique occupee en principe par 4 scientifico-militaires. En dehors de l'interet des etudes relatives a quelques "insectes parasites et horribles araignees" citees par DARWIN, il est probable que le Bresil etend ainsi a pas cher sa Zone Economique Exclusive!

La vraie question scientifique que je me pose ce soir est plutôt de savoir si ils ont avec eux de quoi nous faire notre première caipirinha (sachant que nous avons a bord des citrons verts africains), en echange de la bouteille de vin rouge bien de chez nous que je m'apprete a leur offrir si l'on peut debarquer!!!

Reponse demain soir?

Olivier

Jeudi 17 Décembre 2009, 8eme jour.

Juste 7 jours de mer! La Casamance est a 1001 milles derriere, et les Rochers a ... 16 milles devant! On a carbure toute la nuit, avec prise du premier ris vers 01H00 du matin. Barbara adore!

Je vous laisse, il faut quand meme que je ne passe pas a cote des Rochers, mais sans nous mettre dessus non plus!

Il y a 20 nœuds de vent et la mer est un peu formee, que donnera le mouillage, meme pour quelques heures?

A suivre!

Bonne journée, on vous embrasse, tout le monde va bien a bord, le captain est retabli, après Saint-Paul aujourd'hui, Fernando dans 2 a 3 jours!

Inch'allah

Olivier

Vendredi 18 Décembre, 8 jours de mer.

Dédié à mon frère Louis, pour nos souvenirs communs dans ces eaux.

Atterrissage sur FERNANDO do NORONHA demain matin Samedi!

Week-end chez l'oncle Fernando!

La Casamance à 1185 milles derriere, Saint Paul à 172 milles dans le sillage, et l'ile de Fernando do Noronha à 162 milles devant ce matin a 09H00!!! Jangada allume dans l'alizé, toujours au petit largue 18/20 nœuds pour une vitesse constante de 9 a 10 nœuds. Le GPS me donne une ETA a 3H00 du matin a Fernando, on va donc ralentir un peu pour arriver au petit jour sur cette ile splendide, que je connais déjà pour y avoir passe le premier de l'an de grace 1983, avec mon frère Louis, à bord du premier Jangada.

Nous avions traverse en 13 jours, ce sera seulement 9 avec Jangada V.

T'en souviens-tu cher frere?

Hier fut une journée exceptionnelle, qui fera l'objet d'un Billet dans le blog des que possible (pour les images!). D'abord le passage, court mais intense, aux Rochers Saint Paul, cela restera un souvenir rare pour chacun de nous a bord tellement l'endroit est étonnant, même s'il ne fut pas question de débarquer. Et puis, en quittant les Rochers vers Fernando, la prise à la ligne de traîne tribord d'un magnifique poisson-voilier (sailfish) de de de ..... 2,26 mètres de long...!!!! Et quelque chose comme 40 kgs? Vous avez bien lu! Nous avons eu du mal à remonter le bazar à bord, et Jangada s'est aussitôt transformé en chalutier-usine, un peu sanguinolent.

Les cocotte-minutes ont ronronne toute la nuit..., le stock de conserves est full up! Eh oui, grand frère, là on a mis la barre assez haut, tu auras du mal à faire mieux à la pêche à la traîne...

Enfin hier soir, notre double pirogue a fait irruption dans l'hemisphere sud, franchissant l'équateur vers 20H00.

Autre pensée émue, Barbara et moi ne serons pas présents ce soir au "petit Noël des Gloor", mais loin des yeux, près du cœur...

Depuis l'Atlantique Sud, eau de mer à 27°C, air à 31°C Couvrez-vous bien!

Le Captain

vendredi 18 décembre 2009 - 8ème jours (BONUS de Barbara)

Bonjour,

Bon je ne vous cache pas que ces dernières 48h00 je trouvais que la mer, le ciel, les vagues, ca commencait a bien aller. Le temps devenait longuet, l allure du bateau desagreable avec ses mouvements brutaux de crabe, le Bresil bien loin encore. Bref un bon coup de mou.

Mais voila que la journée d aujourd hui a elle toute seule...! Je vais vous la faire breve, car j en connais un qui va se lacher grave dans le descriptif par le menu du detail du D Day...

Donc cela a commence ce matin par la decouverte des fameux rochers, battus par les vents et par les vagues, mais bien reels au milieu de cet océan si grand, et c était magique de les y trouver. Puis les premiers bresiliens, pecheurs de metier,qui mouillaient par la et qui nous ont apporte des langoustes en guise de bienvenue, comme premier contact avec le Bresil, difficile de faire mieux. Ensuite ce fut en quittant les rochers, la prise d un sail-fish (poisson-voilier), un spécimen de 2,26 m !, remonte a la ligne par Toto mon heros. Jangada qui s est alors transforme en bateau usine toute l après midi avec l équipage au complet pour transformer the monster en 30 bocaux de conserves. Ensuite il y a eu le passage de la ligne (l'equateur)vers 20H00, et en fin de journée la musique a fond sur le pont avec toute la petite famille qui s agitait frenetiquement pour feter ce jour faste!

Bon a present les milles sont plutot derriere que devant, donc le moral est regrimpe au beau fixe!

Les enfants sont en forme, ils lisent, ils manoeuvrent, ils cuisinent donc, ils ne font pas cned, ils gerent bien les passagers maux de mer, ils sont bronzes, ils sont gais, bref ils sont bien sympas et c est quand meme une sacrée joie de partager tout ca avec eux.

Je vous embrasse toutes bien fort comme je pense a vous.

Bons baisers a toutes, j ai passe un agreable moment avec vous a vous raconter ma journée, encore 2 bonnes heures de quart pour moi et ensuite direction ma banette et gros dodo, a moins que la cap taine me sorte du lit pour prendre un ris dans la grand voile...ce sont des choses qui peuvent ( malheureusement ) arriver...

Barbara

Samedi 19 Décembre, un peu moins de 9 jours de mer.

ARRIVEE à FERNANDO do NORONHA!

Hier soir, veille d'arrivée, nous avons reçu un message de Gwenvidik, encore en Casamance, qui nous indiquait qu'un voilier du nom de "Tahiti" avait heurté un cachalot "à 2 jours de Fernando", et avait une voie d'eau qu'il avait du mal à contenir. Nous avons tenté de le joindre sans succès, mais en l'absence de position précise, et à 60 milles seulement de l'île, pas grand chose à faire... J'ai quand même envoyé un message indiquant que nous avions rencontré 5 bateaux de pêche aux Rochers Saint Paul, et que le secours le plus proche pouvait consister à les rejoindre.

Puis vers 21H30 heure française, nous avons pu joindre par Iridium notre amie Geneviève (Gloor)pour souhaiter une bonne soirée à tous ses invités du "petit Noël", une tradition inamovible, et hautement gastronomique, à laquelle nous sommes absents avec moult regrets cette année.

Puis le vent a refusé et forci pour nos dernières heures de traversée, histoire sans doute de nous rappeler qu'une traversée océanique reste une partie de haute mer. Nous naviguions déjà avec 1 ris, mais vers 23H30, je sors Marin de sa banette, lui chausse une frontale, et nous prenons un 2ème ris, puis reprenons notre route au 215 avec un peu moins de solent. Le vent apparent frise 25/30 nœuds, nous sommes au près, et pour ces dernières dizaines de milles, ça tape et ça mouille! On ne ralentira guère, et j'aperçois vers 2H00 du matin les premières lueurs de Fernando do Noronha. A 04H30, tout le monde est sur le pont pour affaler, puis nous entrons prudemment dans la Baia de San Antonio, et gagnons le mouillage houleux au pied d'El Pico, le fameux pain de sucre de l'ïle. Des rafales nous tombent dessus, la houle qui contourne l'île vient déferler lourdement sur la grève dans un fracas assourdissant, cela n'a pas changé.

Nous sommes arrivés! J'embrasse Barbara, Marin, et Adélie, en les félicitant pour leur première traversée.

La Casamance est à 1350 milles derrière, les Rochers Saint Paul à 332 milles dans le sillage. Et le Brésil continental à 36 heures de mer.

Le vent siffle dans les haubans, tout le monde au dodo.

Demain sera un autre jour.

Olivier

Fin de la traversée : Ile Fernando


22 Décenbre 2009 : Merci Fernando, et bye-bye

Belle journée de ballade sur l'ile (avec le "red buggy")et sur la splendide plage Praia de Leao. Tout le monde a batifole dans les rouleaux. Escale de charme bientot en images sur le blog. Le voilier "Tahiti", qui a heurte puis s'est fait attaquer par un cachalot a la latitude des Rochers Saint Paul est arrive hier au mouillage a cote de nous. Les degats sont importants, cloisons explosees, varangues rompues, borde enfonce, voie d'eau 100 litres heure...

Il ne faut pas perdre de temps, je leur ai passe une pompe volante, nous appareillons donc ce matin lundi 21 ensemble vers Cabedelo/Joao Pessoa et allons les escorter jusqu'a Jacare, a vitesse reduite pour nous. 235 milles au 218, nous voulons y être le 23 pour passer Noel la-bas. J'y remonterai notre nouveau frigo, il faut demonter un alternateur qui ne marche plus, nous irons a Olinda (belle cite coloniale preservee), et peut-être meme a Salvador par la route, a voir. Ensuite, nous remonterons vers le nord.

Nous vivons désormais a TU moins 2.

Barbara a ecluse sa première vraie caipirinha bresilienne, et je crains qu'il y en ait d'autres qui suivent.

Bonnes vacances de Noel a tous

Depuis l'Atlantique Sud

Olivier

(PS 1: Merci Tomana, j'avais repere Jacare sur internet a Ziguinchor, et il faut surveiller El Nino, il peut nous compliquer la vie dans le Pacifique...

PS 2: je vais recharger la balise ce jour, 6 heures off PS 3: air a 30°C, eau a 27°C PS 4: Timothee, revise bien!!! et bon courage de la part de Papa)