vendredi 12 mars 2010

Billet N°51 – Saint - Pierre, au pied de la Montagne Pelée…

Petite promenade en images dans une petite ville martyrisée où il fait bon vivre aujourd’hui…

15 Septembre 1635.

Au nom du Roi de France, Pierre Belain d’Esnambouc, gentilhomme normand, s’empare de la Martinique, alors occupée par les amérindiens.

Première capitale de la Martinique, Saint-Pierre se raffine au fil du temps : un théâtre ouvre ses portes, les idées révolutionnaires y circulent, et la ville deviendra le berceau de l’abolition de l’esclavage après les émeutes de 1848. En 1853, les évêchés coloniaux sont créés, et l’église du quartier du Mouillage devient la cathédrale de Saint-Pierre.

La ville, située au nord de l’île de la Martinique, a gardé davantage d’authenticité créole que les bourgades du sud, plus touristiques, et plus faciles d’accès.

L’atmosphère de la ville est particulière, on sent que quelque chose s’y est passée, les vestiges du drame, pierres noircies par le feu de la terre, sont très présents.

Rue Bouillé, ou rue Victor Hugo, on trouve de vieilles boutiques créoles avec collier choux et gran’robe.

Sur la place Bertin, des antillaises en madras tiennent des étals de fruits et légumes locaux.

On pêche encore parfois à la senne tirée, sur le front de mer, au son du lambi.

Saint-Pierre a la nostalgie de sa grandeur d’antan.

Au nord-est de la ville, à quelques lieues à peine, un volcan somnole : la Montagne Pelée.

A 1395 mètres d’altitude, le dôme accroche les nuages et le flux de l’alizé, qui porte les quelques fumerolles qui s’échappent du cratère directement vers la ville de Saint-Pierre, située, pour son malheur, sous le vent du volcan…

Je ne vais pas vous raconter l’histoire, passionnante, de ce drame, ses dessous politiques (on était en période électorale), ou encore la destinée tragique de chacun des navires marchands à voiles (et parfois moteur auxiliaire) qui sont restés à jamais au fond de la baie, coulés par les incendies déclenchés par l’éruption du volcan et la terrible nuée ardente qui l’a accompagnée.

La nuée ardente, c’est elle qui a le plus de morts sur la conscience. Comment y échapper ?

En 1902, Saint-Pierre, plus de deux siècles et demi d’existence, est la capitale commerciale de la Martinique. Elle abrite 30 000 habitants.

La raison principale de son essor est d’ordre maritime : la rade de Saint-Pierre, située sur la côte sous le vent de l’île (donc abritée du vent et de la mer), est ouverte au large coté Caraïbe, et la facilité d’accès qui en découle pour les navires à voiles peu manoeuvrants de l’époque lui confère un avantage certain sur la rade de Fort de France, plus centrale, mais moins profonde.

Le port de Saint-Pierre accueillait de nombreux navires marchands.

Les bâtiments battant pavillon français se voyaient affecter le mouillage situé au sud de la place Bertin, les bâtiments étrangers celui situé au nord, réputé plus rouleur…

La majeure partie des échanges de marchandises de la colonie passait par Saint-Pierre.

La métropole envoyait à la Martinique des chevaux, des mules, des conserves alimentaires, de

la charcuterie, du beurre, des fromages, des pâtes, des légumes, des huiles, des matériaux et des machines.

La cité créole exportait du sucre, des rhums et autres tafias, du cacao, de l’indigo, de la farine de manioc, des ananas, de la confiture, des vanneries…

Dès le mois de février 1902, le volcan donne des signes tangibles d’une activité soutenue, que chacun sait dangereuse.

La première interdiction de bâtir à Saint-Pierre date en effet de 1763…

Mais, à l’époque, la vulcanologie n’existe pas, en tant que science.

Début mai 1902, tous les signes avant-coureurs du drame sont en place.

Une très faible proportion de la population préfère quitter la ville…

Le 8 Mai 1902, c’est l’éruption majeure, qui, en sus de la projection de nombreuses bombes volcaniques et de la libération d’importantes coulées de lave, envoie vers la ville une gigantesque nuée ardente dont les gaz mortels et les cendres surchauffées font périr 30 000 personnes en l’espace de quelques minutes…

La légende veut que seul un prisonnier du nom de Cyparis, alors enfermé dans un cachot de la prison, sous le morne Abel, qui forme promontoire, ait survécu à l’éruption de la Montagne Pelée. L’exiguïté du lieu et la petitesse des ouvertures expliquerait que le bougre (qui n’était pas un meurtrier, seulement semble-t-il un habitué des taux d’alcoolémie outranciers et bagarreurs sur la voie publique) s’en soit sortie vivant, quoique sérieusement brûlé.

Ceux sont trois habitants du Morne Rouge, venus à Saint-Pierre récupérer des objets dans les décombres de la ville, qui auraient découverts le survivant, lequel venait de passer 4 jours et 3 nuits dans son cachot…

Conduit au Morne Rouge, Cyparis fut soigné par le père Mary, curé du bourg.

Par la suite, le célèbre survivant de la catastrophe du 8 Mai 1902 termina sa carrière au cirque américain Barnum, pour le compte duquel il exhibait ses brûlures.

Aujourd’hui, des capteurs sismiques et des analyseurs de gaz volcaniques surveillent le volcan de la Montagne Pelée, le rhum Depaz peut vieillir tranquillement et la ville de Saint-Pierre rêver à son prestigieux passé…
Jusqu’au jour où, peut-être, les entrailles de la terre se réveilleront à nouveau…

Olivier
La baie de Saint-Pierre et la Montagne Pelée.

La baie de Saint-Pierre et la Montagne Pelée.

La ville détruite au lendemain de l'éruption...

Les ruines du théâtre, aujourd'hui...

... et celles de l'ancienne prison.

Le cachot de Cyparis...

... bienheureux prisonnier!

La cloche de la cathédrale de Saint-Pierre, après l'éruption.

Passager du vent (de la liberté)...
... et son équipage!

L'ancienne chambre de commerce, reconstruite à l'identique.

Saint-Pierre, aujourd'hui.