mardi 16 mars 2010

Billet N°52 – De Los Roques à Las Aves, au large du Venezuela. (par Barbara)

Olivier n’aime pas renoncer à ses projets… A Trinidad, nous avions décidé de laisser tomber les îles du Venezuela compte tenu de l’odeur de piraterie qui s’en dégageait, de l’avis général.

Et puis l’escale martiniquaise était devenue incontournable techniquement pour le bateau.

Nous envisagions d’autres escales avant Panama, Carthagène en Colombie par exemple, devenue sinon sûre du moins jouable, et classée au patrimoine de l’Unesco.

Puis en Martinique j’ai vu qu’Olivier recommençait à reparler des Roques et des Aves, les archipels les plus à l’ouest des îles vénézuéliennes, réputées magnifiques.

L’escale à Carthagène semblait également compliquée, administrativement. Sans retrouver subitement à ces îles isolées une odeur de sainteté, Olivier avançait, après réflexion, et pas mal de lectures, des arguments plutôt convaincants, quoique partiellement opposés à ceux qui nous y avaient fait renoncer quelques semaines plus tôt…je n’étais pas dupe, mais vous l’aurez compris, le maître à bord c’est lui…

Après étude des cartes marines, deux des plus beaux mouillages de l’archipel ont été identifiés, situés à l’ouest, dans la partie la moins fréquentée et la plus sauvage de l’archipel.

Le dimanche 7 mars, nous appareillons du mouillage de Saint Anne en Martinique, direction Los Roques. 3 jours de mer plus tard, alors que la nuit tombe, nous jetons l’ancre à Gran Roque, seul mouillage accessible de nuit et seule île habitée de l’archipel des Roques constitué d’une cinquantaine d’îles et de plus de 200 îlots et bancs de sable.

Cet archipel corallien, qui s’étend sur 22 milles de long sur 13 de large, est classé parc national depuis 1972.

Nous passons la nuit à Gran Roque, sans débarquer ni nous faire remarquer, et appareillons très tôt le lendemain matin pour Carenero.

Le temps nous est compté, Panama nous attend, nous ne resterons que 3 jours sur place. Autant entrer directement dans le vif du sujet et ne pas perdre de temps dans des formalités qui nous gâcheraient au minimum une ½ journée. Rétrospectivement nous avons bien fait, aucun contrôle lors de notre court séjour sur place…

Vers 10h00, nous nous approchons de ce qui est sans doute le mouillage le mieux protégé des Roques, le soleil dans le dos, une condition indispensable pour naviguer dans ces coins truffés de cayes (pâtés de coraux) à fleur d’eau, sans compter que la cartographie électronique pour les Roques est complètement fausse, idem pour les cartes papier…

Marin, le vaillant, désormais le véritable second du bord, monte au premier étage de barres de flèche du mât pour tenter de guider Jangada dans ce labyrinthe turquoise.

A la barre, Olivier est tendu, et davantage encore quand il s’aperçoit qu’il est difficile de lui dire suffisamment tôt si les tâches sombres, là, à quelques mètres des coques de Jangada, sont des cayes ou des herbiers… J’avoue qu’avant d’avoir le nez dessus, avec un masque et un tuba en prime, il est difficile de faire le distingo…

Nous jetons l’ancre dans un écrin de bleus, de ciel et de bancs de sable.

Le lieu est incontestablement magique, au loin une barrière de corail.

Nous mettons l’annexe à l’eau et allons à terre observer les oiseaux. En effet bon nombre d’espèces y nichent, y pêchent et pour certains y séjournent à l’année. Il en est ainsi des fous bruns à pattes jaunes, des sternes marron, des pélicans…

Nous pouvons observer les nids à même le sol et voir des oisillons à différents âges, juste nés, ou déjà de beaux bébés tout blanc et patauds. Les mères veillent et nous conservons une distance respectable pour ne pas les déranger.

Devant notre mouillage une toute petite chapelle de coquillages (des lambis) haute de 80 cm, une Vierge Marie plutôt kitch et la flamme d’une petite bougie qui vacille à l’intérieur d’une bouteille en plastique. Des pêcheurs doivent y passer régulièrement pour l’entretenir.

A la nuit tombée, cette petite lumière sur la plage est pleine de grâce.

Le lendemain matin, nous changeons de mouillage pour Cayo de Agua, Cayo Tinosa et West Cay, plus à l’ouest, c’est encore plus beau…

Le site offre de longues promenades sur la plage et des baignades magnifiques.

Marin et Adélie se baignent avec un enthousiasme et un plaisir qui me ravissent, ils sont complices dans leurs jeux et savent apprécier l’instant.

Je savoure d’être avec eux dans des endroits pareils. Leur joie et leur bien-être font du bien.

Le spot est remarquable pour celui qui aime la Nature sauvage, les mouillages déserts, (nous serons toujours seuls, pas un voilier en vue, une ou deux barques de pêcheurs au loin), les couleurs pures.

Cayo de Agua et West Cay (l’îlot le plus à l’ouest de l’archipel, sur lequel est planté un petit phare), sont reliés par une langue de sable léchée par les vagues que l’on peut emprunter à pied, de toute beauté.

Le vendredi matin, avec regret, nous quittons cet endroit unique pour Las Aves, 30 milles plus à l’ouest.

Ces îles sont un cran en dessous des précédentes, toutes aussi désertes, moins abritées, sans les couleurs de lagon, une forte odeur de guano nous parvient de la mangrove où nichent des oiseaux par milliers, que nous irons en annexe observer.

Il existe aux Aves, dans cette mangrove surpeuplée de volatiles, les plus grands palétuviers qu’il m’ait été donné de voir : de véritables arbres qui, pour certains, atteignent une vingtaine de mètres de hauteur.
Nous quitterons les Aves le lendemain matin direction l’isthme de Panama. Les Roques valaient largement le détour. Elles feront partie du palmarès des escales dont je me souviendrai !
Barbara
Mouillage à Carenero, aux Roques

Petite chapelle kitch construite avec des lambis.

Toudou Rose au pays du bleu...

Marin sur la plage déserte de Cayo Tinosa.

Les habitants de Becqueves.

Fou aux pattes jaunes et son petit.

Petit fou qui s'aventure hors du nid.

Jangada dans sa piscine de Cayo de Agua...

Pélican à la cime de son arbre rabougri.

Langue de sable entre Cayo de Agua et West Cay.

Une escale qui restera gravée dans nos mémoires.

Les palétuviers géants des Aves...