jeudi 10 juin 2010

Billet N° 67 – A Tahanea, petit test avant de se baigner dans le lagon…

Par Olivier

Ce n’est pas une histoire pour Mamina.

Mamina est la grand-mère maternelle d’Adélie, et elle a déjà peur pour sa petite-fille lorsqu’ on la conduit à l’école en vélo, dans les parcs verdoyants de La Rochelle…

Alors là, vous pensez bien…



Tahanea, notre atoll préféré aux Tuamotus…

Pour le cas où vous viendriez un jour, seuls au monde, pointer votre étrave dans ce lagon enchanteur, je vous donne une information précieuse, les coordonnées géographiques approchées du plus joli mouillage que nous ayons trouvé là-bas. Il vous faudra biensûr entrer dans le lagon par la passe Teavatapu, faire ensuite route (en ayant l’œil) vers l’est en longeant pendant une douzaine de milles l’anneau corallien parsemé de motus, puis vous frayer une chemin, sinueux, entre les « patates » de corail, qui, en dessous de 20 mètres d’eau, fleurissent en relative abondance à l’approche du lieu idyllique dont je ferais probablement mieux de ne pas donner les coordonnées sur Internet, mais bon.

Notez : latitude 16°57,2’Sud longitude 144°34,8’Ouest. J’ai plus précis, mais je préfère que vous affiniez à vue, entre les « patates » de corail !

Je ne l’ai pas trouvé tout de suite, ce mouillage idéal. Il m’a fallu chercher un peu. J’ai mouillé tout d’abord Jangada dans la zone, après avoir effectué un premier slalom entre les cayes plantées, de çi de là, sur le fonds de sable corallien.

Mais à ce premier mouillage, nous n’avions pas un rayon d’évitage complet sur 360°, ce qui est dangereux à l’intérieur des atolls, sur lesquels s’abattent chaque jour des grains qui sont à l’origine de changements sensibles de direction du vent.

J’ai du, en utilisant notre annexe, et le sondeur électronique à main, faire un repérage, et finalement trouver une zone (mais il n’y en a qu’une !) dépourvue de dangers et nous permettant un rayon d’évitage sur 360° avec 60 mètres de chaîne à l’eau. Les « patates » les plus proches se situent alors à une trentaine de mètres alentour, ce qui est correct.

Avec Marin, nous marquons la position de mouillage idéale avec un flotteur et une ligne plombée par un grappin, et nous y amenons précautionneusement Jangada.

Une fois l’ancre profondément ensouillée dans le sable de corail, nous sommes … au paradis !

Nous avons aperçu deux voiliers à l’entrée du lagon, mais ils sont restés au mouillage proche de la passe, déjà très agréable.

Venir jusqu’à notre mouillage préféré exige un peu plus de courage, car il faut accepter de s’aventurer dans le lagon, non hydrographié biensur.

Tout a un prix, même dans les lieux les plus reculés de la planète…

La piscine naturelle qui nous entoure fait plusieurs hectares : eau translucide, visibilité parfaite, décor de rêve. Soleil éclatant, cocotiers à volonté, eau à 28°C, air ambiant 30°C.

Adélie n’a qu’une envie : sauter dans l’eau depuis la plateforme d’une des jupes arrière de Jangada. Un joli plongeoir. D’autant qu’aujourd’hui, c’est le premier jour des grandes vacances !

Cependant, une petite lumière rouge est allumée dans mon esprit, depuis que nous avons franchi la passe d’entrée dans le lagon de Tahanea. Au premier mouillage où nous avons séjourné, à droite après la passe, j’ai remarqué que deux ou trois requins de récif à pointes noires s’étaient mis à cercler autour du bateau, peu de temps après notre arrivée.

Comportement classique de prédateurs, toujours curieux, toujours à l’affût d’une opportunité, comme les grands fauves du Botswana ou du delta de l’Okavango, aux confins de la Namibie, toutes proportions gardées.

Ces requins de récif ne sont certes pas comparables aux requins tigres ou aux grands requins blancs !

Mais ils peuvent être dangereux, en fonction des conditions qui se présentent.

C’est l’essentiel de ce qu’il convient de savoir, lorsqu’on n’est pas, comme nous, spécialistes de ces animaux.

Aux Tuamotus, ce requin (carcharhinus melanopterus) est appelé mauri, ou vaki. Les adultes ne dépassent guère 2 mètres de longueur. C’est une des trois espèces les plus abondantes en Polynésie. Le mauri affectionne les eaux peu profondes, et il n’est pas rare de le repérer en surface, car sa nageoire dorsale, qui se termine par un petit triangle noir, est souvent visible hors de l’eau.

On s’habitue vite à sa présence, mais il faut rester méfiant. A plusieurs reprises, Marin et moi avons aperçu un mauri à une dizaine de mètres de nous, alors que nous étions en plongée de surface (snorkelling) avec palmes, masque, tuba, et fusil sous-marin. D’ordinaire, le mauri évite la présence d’un plongeur sous-marin sûr de lui. Néanmoins sans fuir précipitamment.

Barbara, un peu plus tard, alors qu’elle faisait consciencieusement ses longueurs de nage, a commis l’erreur de sortir d’une trentaine de mètres de la crique dont je lui avais recommandé les limites naturelles, se retrouvant ainsi à l’ouvert de celle-çi, dans 4 à 5 mètres d’eau. Elle s’est retrouvée à moins d’une dizaine de mètres de deux requins qui l’avaient immédiatement repérée. Nous étions dans l’annexe à ce moment précis avec Marin, à quelque distance, occupés à enfiler nos palmes, et nous avons entendu l’appel de Barbara et vu ses signes qui ne laissaient guère de doutes… Je me suis précipité sur le moteur et l’annexe n’a jamais déjaugé aussi vite !

Il est probable également que Barbara ne soit jamais montée aussi rapidement dans une annexe…

Petite distraction qui peut s’avérer dangereuse. J’avais vérifié la crique auparavant, et j’estimais qu’à l’intérieur il n’y avait pas de danger : eau très peu profonde (moins d’1,80m), et nombreuses solutions de repli immédiates.

Dès que le mauri reçoit une sollicitation, son comportement change radicalement, et le squale devient vite agressif. C’est un requin capable de nager vite, et il a l’habitude de chasser dans de faibles profondeurs, 3 mètres d’eau par exemple.

En repassant devant la passe de Tahanea, pour nous enfoncer vers l’intérieur du lagon, nous avons pêché deux mérous aux lignes de traîne. Malheureusement non comestibles, car les mérous du lagon fixent consciencieusement la toxine de la ciguatera.

J’ai également fléché deux poissons-chirurgiens à l’arbalète, sur le platier.

Qui normalement sont consommables, mais nous ne prendrons pas de risque…

Avant de donner mon feu vert à Adélie, qui se méfie elle aussi des requins, mais a du mal à résister à l’appel de l’incroyable piscine naturelle qui nous entoure, je décide de faire un petit test. Utile précaution…

J’utilise l’un des deux palans de bossoirs qui d’ordinaire servent à remonter l’annexe, et j’y fixe d’abord, en le suspendant par la queue avec un bout tressé de 4 mm, un poisson-chirurgien.

Le test étant … probant, je me vois obligé, pour pouvoir prendre quelques images de ma petite expérience, de remplacer rapidement le chirurgien, promptement avalé par les squales très vite apparus, par un mérou plus conséquent…

Regardez plutôt le résultat…

Nous avons tous assisté à la scène, d’une soudaineté et d’une rapidité incroyables.

Alors que dans les minutes qui précédaient la mise en place de ma « sollicitation », les requins de récif à pointes noires nageaient d’une allure placide et débonnaire autour du bateau, mouillé dans 3 mètres d’eau, à une centaine de mètres du rivage, l’attaque de l’appât a été extrêmement brutale, et il est clair que dans une telle situation, les squales perdent toute notion de prudence par rapport à l’environnement immédiat, fut-il un plongeur.

Ils sont en compétition pour se nourrir, et n’ont montré aucune réserve à venir sous nos yeux, à deux mètres de nous, entre les deux coques de Jangada, pour attaquer l’appât.

A la suite de cette petite expérience, nous avons renoncé à nous baigner autour du bateau, et la petite Adélie est allée barboter dans 1 mètre d’eau, sur la plage, avec son Papa…

C’était plus sûr, et Mamina pouvait ainsi continuer à dormir tranquillement en pensant à sa petite fille naviguant en famille, en toute sécurité, dans l’archipel des Tuamotus…


Olivier
Dans le lagon de Tahanea,aux Tuamotus, il doit faire bon se baigner! Soleil éclatant, eau à 28°C, température extérieure 30°C!

Mais, avant de piquer une tête depuis les jupes arrière de Jangada, un petit test s'impose, avec un poisson chirurgien fraîchement pêché par exemple...

... juste histoire de vérifier que tout est clair pour la petite Adélie, 11 ans, et 30 kgs toute mouillée!

Ah! Oh...! Ben finalement non, Adélie, tu vas peut-être attendre un peu, on dirait qu'il y a un peu de monde dans la piscine...!

Ah oui, du beau monde, même, ma chérie...!

Tu sais, ma chérie, la piscine est grande, et gratuite, mais elle n'est pas surveillée. On s'y trempe à ses risques...

... et périls! Et justement, là, on dirait ...

... que ça se gâte un peu, vois-tu!

Bon, tu sais quoi, tes longueurs, tu vas allez les faire, avec Marin, Maman et moi...

... dans 1 mètre d'eau, au bord du platier, c'est pas mal aussi, tu sais!