mercredi 19 août 2009

Billet N°7 - De Leixoes (Porto) à Cascais (Lisbonne) avec Timothée on board !


Du Mercredi 12 au Mercredi 19 Août 2009

Après une brève escale à Vigo (j’y achète une bobine de 1000 m de fil de pêche de 80/100 en vue de nos futures activités de pêche pélagique au plus ou moins gros), nous arrivons à 4H00 du matin à Leixoes, le port de Porto, proche de l’embouchure du Douro.

Grand jour pour nous tous, car nous y avons rendez-vous avec Timothée !

Il a pris un bus Eurolines à La Rochelle la veille et a passé la nuit à rouler à travers l’Espagne et le Portugal ! A 11H00 le 12, il débarque d’un taxi et nous sommes à nouveau réunis.

Les enfants lui sautent au cou, ils adorent leur grand frère.

Mon gaillard, à qui je devrai bientôt parler poliment (je m’y prépare psychologiquement, fiston, si si), a récemment pris de l’ampleur : Bac S avec mention « bien », permis de conduire du 1er coup, entrée en 1ère année de médecine à Bordeaux…

Je suis fier de lui, lui qui a longtemps pensé le contraire… Vois-tu, fiston, ton père se devait de montrer de l’exigence envers toi, non ?

Et je suis profondément heureux qu’il soit avec nous, regrettant seulement qu’il ne puisse participer davantage à notre voyage, études obligent.

Nous savons que nous n’allons pas le voir beaucoup au cours des trois années qui viennent, et plus particulièrement cette première année (2500 candidats pour 350 places en fin de première année de médecine à Bx).

Timothée amène avec lui plusieurs kgs de cours du CNED d’Adélie : elle est ravie ! Allez comprendre…

Nous appareillons aussitôt de ce port sans intérêt pour Aveiro, et sa lagune. Nous embouquons la passe d’Aveiro, souvent mauvaise et dangereuse, au milieu des remous de courants qu’on devine puissants. Le meilleur moment pour franchir une telle passe est toujours la fin de la marée montante. De l’eau sous la quille, un reste de courant portant, des vagues amoindries.
Nous mouillons à Sao Jacinto, et visitons, le lendemain, la petite ville d’Aveiro. Le 14 Août, nous avons rendez-vous à Coimbra, à une cinquantaine de kms d’Aveiro (bus), avec nos amis Alain et Bela. En attendant leur arrivée, nous visitons l’antique cathédrale (« Sé »), son cloître magnifique, et observons, dans le jardin du presbytère, un olivier qui a passé le millénaire ! Je n’arriverai pas au même résultat, et c’est pour cela que je n’ai pas voulu trop attendre pour partir faire ce voyage…
Retrouvailles sur le parvis de l’Université (la plus ancienne d’Europe après Séville), déjeuner dans les ruelles de la ville basse, et histoires portugaises par Bela, notre guide du jour, originaire de la région.

J’ai remarqué que les eaux froides qui circulent le long de la côte provoquent le matin une brume épaisse, et je décide d’appareiller à la nuit de la lagune, à la faveur du courant entrant, qui certes nous ralentit sensiblement, mais qui aplatit la mer dans la passe.

Route au large, cap sur l’île Berlingua.

Malgré notre départ au crépuscule, une brume épaisse nous enveloppe bientôt, et je passe mon quart de nuit (les 12 heures !) à veiller l’écran radar. Je laisse dormir Tim qui a besoin de récupérer, et la patronne, qui a toujours besoin de sommeil…

A 11H30, l’ancre tombe sous les meurtrières du fort de Sao Joao Batista, bâti par les moines lassés des attaques de pirates de tous poils. L’ïle, située à une dizaine de milles au large de Péniche, regorge de grottes marines et d’arches de pierre.
Les tempêtes d’ouest viennent y fracasser des vagues parfois monstrueuses sur sa côte exposée : je me souviens d’avoir eu des creux de houle de 15 mètres en cargo dans ces parages.

Je débarque Barbara et les 3 enfants en annexe au petit hameau de Bairro dos Pescadores, et les reprends au fort. En fin d’après-midi, les deux garçons, qui ont remarqué la présence de jolis poissons (bars ou simples mulets?) dans la baie sud de l’île, entreprennent une expédition aléatoire :
ils mettent à l’eau le kayak du bord, y embarquent à deux, s’équipent d’un fusil sous-marin (là je fais un tas de recommandations de prudence !) et partent avec l’idée de harponner un specimen local !

Je m’enquière de temps à autre, avec l’annexe, du déroulement de la chasse, et de la stabilité de l’esquif, mais les deux aventuriers finissent par revenir avec un butin perçé de toute part :
un splendide poisson de 40 cms de long, les optimistes diront un bar, les pessimistes un mulet local, nous n’avons pas de spécialiste de la pêche côtière à bord. Nous, on préfère le large !

Je vais vous dire, franchement : là, je suis fier de mes deux fistons ! Ils ont là, ensemble, un joli souvenir de fratrie.

Entre l’île et l’embouchure du Tage, je décide d’essayer le spi symétrique triradial, siglé Incidences biensûr, de notre précédent catamaran, que j’ai conservé. Je compte pas mal sur sa stabilité pour le vent arrière, une allure que les catamarans n’apprécient guère.
Avec Timothée et Marin, nous envoyons la jolie voile verte et blanche, seule et directement amurée aux étraves, que j’ai pourvues à cet effet de deux poulies stand-up. Les dimensions sont parfaites, et je découvre avec bonheur que la voile tolère de recevoir le vent sur la contre-panne jusqu’à 30° du vent arrière. Bonne nouvelle !
De plus, point d’amure et point d’écoute sont quasiment fixes, et donc très stables.

Le vent monte, force 3 puis 4 puis 5. La vitesse grimpe 8, 10 puis 12 nœuds. A l’approche de Cascais, le phénomène local est connu, le vent grimpe encore, force 6 et bientôt 7.
Grisé par la vitesse (les étraves fument, et j’aime çà !), je laisse faire encore un peu, en me disant que l’affalage, surtout sans grand-voile pour masquer le spi, et avec l’augmentation brutale à prévoir du vent apparent de 20/22 nds à 35 ! (qui rejoint alors le chiffre du vent réel), va être sportif…

En attendant, j’appelle ce spi « le tracteur », alias « John Deere », pour la couleur.

Bon, l’affalage a été limite limite comme prévu, mais je suis resté à bord (on ne refera pas), les 150 m2 de nylon sont vite rebelles à 35 nœuds, et j’ai senti peser sur moi le regard lourd de reproches de Barbara qui n’apprécie guère ce type d’expérience…
Je lui dis toujours qu’on apprend surtout dans la douleur, ce qu’elle réfute toujours et encore.

Au mouillage bien ventilé de Cascais, les maître-mots seront, malheureusement pour Timothée, quincaillerie, bricolage, et réparations, plusieurs jours durant.

Entre le déssalinisateur installé en dépit du bon sens, la BLU et le modem Pactor qui ne marchent pas, le logiciel de navigation Maxsea qui n’ouvre pas certaines cartes marines, je me prends la tête avec les hotlines. Je me souviens de mon premier « Jangada », mouillé dans cette même rade de Cascais quelques 27 ans plus tôt (1982).
Il n’avait pas de déssal, pas de BLU, pas de logiciel de navigation, mais il m’a quand même emmené loin, avec mon sextant, un sondeur à éclats, un régulateur d’allures, et surtout « ma bitte et mon couteau », comme disent les marins…
Aujourd’hui, Jangada ressemble davantage à un chalutier russe du temps de la guerre froide qu’au premier Jangada, et tout cela me confirme ce que je sais depuis bien longtemps : à chaque fois que vous embarquez un appareil à bord, vous embarquez avec lui surtout les emmerdements qui vont avec…

J’ai réussi à faire venir à bord les techniciens de Nautiradar, l’agent Icom de Lisbonne, mais il a fallu d’abord attendre pendant 3 jours l’autorisation d’intervention sous garantie d’Icom France, via Icom Espagne, qui coiffe Icom Portugal…
Une organisation japonaise simple. Ils viennent avec une BLU neuve complète, mais diagnostiquent vite que celle du bord ne se porte pas si mal, ce que je subodorais, car c’est d’ordinaire du très bon matériel. Ils passent des heures et des heures, deux jours de suite, à localiser les 2 mauvais branchements du modem Pactor effectués par les techniciens de chez Pochon à La Rochelle…
Et ils vont trouver, réparer et faire fonctionner le bazar, avec une gentillesse rare.

En attendant, Timothée nous quitte déjà pour rejoindre La Rochelle, puis Bordeaux, où l’attend une semaine de prépa intensive à l’entrée en 1ère année de fac.

Il prend le train à Cascais, puis à Lisbonne et arrivera le lendemain.

Je suis désolé pour lui que cette courte semaine à bord n’ait pas été plus ludique, c’est le risque des séjours de courte durée à dates imposées.

Je suis surtout ému, sur le quai de son départ, de savoir que, pour la première fois, je ne le reverrai pas pendant des mois…

Pour la première fois devant mon fils, les larmes me viennent aux yeux.

Moment difficile, mais j’ai confiance dans mon fiston, et je le crois solide : sa jeunesse, pas idéale, mais qu’il a toujours acceptée sans broncher, y a contribué. Il est aussi particulièrement motivé par ses études, une chance que j’apprécie tous les jours.

Merci à toi, fiston, d’être venu nous rejoindre.

A bientôt, Tim, ce sera plus loin la prochaine fois, en avion, et pour plus longtemps !

Ta cabine, tribord milieu, t’attends déjà.

Donnes-nous souvent de tes nouvelles.

Tu me manques

Papa


Arrivée à l'île Berlingue


Mouillage sous le fort de Sao Joao Batista


Pêche au gros à l'île Berlingue


Les deux frères


Barbara et le tracteur triradial John Deere


Le sillage de Jangada à 12 noauds sous spi


A bientôt Timothée!


Photo Tim spéciale Facebook!