samedi 29 août 2009

Billet N°9 - A Porto Santo

Du Mardi 25 au Samedi 29 Août 2009


A quai pour 3 heures, dé-salage général jusqu’au premier étage de barres de flèche ! Le bateau a ramassé… Eau douce à profusion… Un bonheur !

A Porto Santo, les voiliers des atlanticos (ceux qui s’apprêtent à traverser l’Atlantique) sont les bienvenus. Miguel y est pour quelque chose. Barbara se jette sur la machine à laver ENO de l’ami Antoine, qui enchaîne les cycles, associée au petit groupe électrogène Honda qui la fait tourner.
Nous prenons un coffre de mouillage dans l’enceinte du port. Les enfants se baignent en shorties, et même moi, je pique une tête ! La vie du port est réglée par les allers et venues du Lobo Marinho, le ferry qui assure la liaison avec Funchal, à 40 milles de là.

Petit tour à Vila Baleira, bourgade paisible où nous faisons quelques courses, et localisons la maison dans laquelle Christophe Colomb a vécu quelques années, avant de faire route par trois fois vers l’ouest sur la mer océane.
Il y avait épousé la fille du gouverneur portugais de l’île, et accumulé les informations auprès des pilotes des voiliers qui y faisaient escale, essentiellement pour faire de l’eau douce, et embarquer des vivres à destination de la côte occidentale d’Afrique.

Autant l’île de Madère est haute (1861 m), et donc humide et verdoyante, autant Porto Santo est basse, sèche et aride. Mais à la différence de la grande île de l’archipel (lequel comprend aussi les trois Ilhas Desertas et les deus Ilhas Selvagens), Porto Santo possède une incroyable plage de sable blanc de 6 kms de long, là où Madère ne peut afficher que quelques modestes plages de galets ou de sable noirs.

Je retrouve mon ami Miguel Mendès Moreira, sympathique navigateur portugais moderne, qui n’aurait pas dédaigné vivre à l’époque du Prince Henri. C’est lui qui a créé la marina et conseillé les autorités régionales autonomes de Madère pour développer l’accueil des voiliers de passage, et les infrastructures associées. L’escale à Porto Santo est plaisante, l’accueil chaleureux, et les prix raisonnables. Merci à toi, Miguel.

Pour le localiser, c’est simple, il suffit de le demander, tout le monde le connaît.

Pour l’heure, on m’indique qu’il construit son nouveau voilier sur le terre-plein du port. Barbara part à la plage avec les enfants, et je vais voir Miguel. La dernière fois que je l’ai vu, il y 3 ans environ, c’était … en Antarctique ! Il naviguait à bord d’ « Antipode », le Cigale 16m de Christophe Auguin, et je me trouvais à bord d’ « Ada 2 », le voilier d’Isabelle Autissier.

Rencontre inattendue alors au coin des icebergs à la dérive, au mouillage de la petite station de Port Lockroy !

La cinquantaine pas encore assurée, Miguel me reconnaît immédiatement, depuis le pont du voilier de 16 m (« ma future maison pour 20 ans ») qu’il a récupéré d’un naufrage à proximité de l’île, puis acquis, et qu’il aménage de ses mains, seul, pour retourner dans le Grand Sud dès que possible. Il me fait visiter son grand bateau bleu, Utopia, et nous échangeons des informations techniques.
Je lui propose de récupérer les deux anciennes voiles de notre catamaran, encore bonnes, restées chez Incidences à La Rochelle, et il me dit que son bateau était à l’origine monté en 24 Volts (et non 12, comme c’est le cas le plus fréquent)) comme Jangada, et qu’il a peut-être une ou deux pompes d’origine dont il ne se servira pas.

J’ai en effet décidé de modifier le circuit de vidange du réservoir d’eaux grises (lavabo, douche), qui passe par la pompe de cale principale babord, un système peu adapté installé par l’ancien propriétaire, et qui me cause des soucis depuis le départ. Hauteur d’aspiration trop forte, diminution successive des diamètres de raccords, prises d’air…

Miguel vient boire un coup à bord, il parle particulièrement bien notre langue, et nous apprend des tas de choses sur l’archipel où il est né.

Barbara est ravie (les enfants moins dès qu’on parle randos, n’empêche qu’à force de s’en taper avec Papa et Maman, ils sont devenus de très bons marcheurs), Miguel a commencé par être guide de randonnées dans les montagnes de Madère, et il nous conseille 2 ou 3 itinéraires !

Il nous raconte aussi la pire de ses randos, il y a quelques années, comme accompagnateur désigné de Théodore Monod venu honorer de sa présence un congrès sur la faune et la flore exceptionnelles de l’archipel.
A plus de 90 ans et au crépuscule de sa vie, celui-çi avait décidé, contre les conseils de Miguel, d’aller arpenter les sentiers étroits des hautes levadas à la recherche d’une fleur rarissime, mais le côté caractériel du personnage associé à une obstination de fer que son état physique ne servait plus depuis des lustres a transformé cette mauvaise idée en sauvetage, 18 heures durant…

Le lendemain, Miguel nous emmène tous les quatre visiter son île. Puis nous allons chiner dans son container de 40 pieds, qui lui sert d’atelier, au pied de son bateau.

Barbara et les enfants découvrent avec horreur que ce genre de conteneur se rencontre parfois à flot, en mer… Du temps où Miguel était directeur de la marina, c’est là qu’il l’a trouvé, au large, à la dérive. Certains conteneurs ont une assez bonne étanchéité. Une fois qu’ils ont quitté le pont d’un navire porte-conteneurs (désarrimage des pontées par gros mauvais temps), certains coulent, mais d’autres se remplissent lentement d’eau de mer, jusqu’à ce qu’un équilibre s’établisse entre le poids et la poussée d’Archimède.
L’obtention de cet équilibre passe par l’existence de pièges à air, comprimé de fait, à l’intérieur du conteneur. De la sorte, certains conteneurs flottent pendant des jours et des semaines, en n’émergeant de la surface que de quelques dizaines de cms, à peine, constituant un danger réel pour la navigation. Ils représentent alors une inertie de plusieurs dizaines de tonnes, et s’apparentent, en terme de danger pour les voiliers, à des écueils non cartographiés. A bord de Jangada on mise sur le fait qu’il y a de la place pour passer à côté…

Eurêka, dans le conteneur de Miguel, on trouve 3 petites pompes Jabsco identiques en 24 Volts ! Bon, elles ont eu une vie avant de reprendre éventuellement du service, mais elles semblent récupérables. J’en prends 2, et cela me rappelle mon service militaire à bord du trois-mâts Bel-Espoir II du père Michel Jaouen : une bonne école de débrouillardise, un joli cours de travaux pratiques pour l’apprenti marin que j’étais…

Je me mets au travail tout de suite à bord de Jangada: démontage, vérification de l’état et du fonctionnement, décapage, peinture, début de modification du circuit. Miguel m’a emmené dans la meilleure quincaillerie de l’île, mais on est loin du compte au niveau raccords… J’ai, momentanément, la nostalgie (technique) de la zone artisanale des Minimes à La Rochelle…
J’essaie de choisir les moins mauvaises solutions possibles, forcément provisoires, mais je peux vous dire que moi qui ai travaillé pendant une vingtaine d’années dans un chantier naval qui avait 450 fournisseurs triés sur le volet pour construire des bateaux compliqués, cette réadaptation au standard a minima des fournitures disponibles sur place, en voyage, est psychologiquement difficile…

Nous prenons congé de Miguel, qui a été adorable de disponibilité et de générosité, et le Samedi 29 Août à 15H00, nous quittons Porto Santo.

Nous faisons un petit détour pour voir si le mouillage sauvage dont nous a parlé Miguel au sud d’Ilheu de Baixo est pratiquable pour la nuit, mais le vent est soutenu, la houle y entre, ça déferle sur les roches, et les hautes falaises noires sont sinistres.

Le regard de Barbara me convainc sans mal de faire route sur Madère…

Nous envoyons la toile, Marin commence à bien maîtriser la manœuvre, on sent qu’il apprécie l’exercice, et nous faisons toujours ce travail tous les deux.

Barbara est aux commandes, elle effectue les gestes demandés par le Captain, mais avec de plus en plus d’autonomie au fur et à mesure que son nouveau métier rentre. Et le matelot léger Adélie est en charge de l’écoute de grand-voile, une fonctionnalité dans laquelle les efforts sont conséquents eu égard au gabarit de notre minette…

Les conseils de prudence du Captain, qui sait avoir la voix forte pendant les manœuvres, fusent toujours en nombre conséquent lors de ces séquences.

Le bateau vient au cap de route libre, et dans la foulée, on pêche notre deuxième daurade coryphène… 2 à 1

Olivier


Porto Santo



Tour de Porto Santo



The young crew



Mon ami Miguel à bord de son Utopia



Adélie sur le radeau de plongée



Premier rendez-vous avec ma coiffeuse



La balise Argos prêtée par mon frère Louis