jeudi 8 octobre 2009

Billet N°17 - A Sao Vicente et Santo Antao (Iles du Cap Vert)

Du 29 Septembre au 7 Octobre 2009

(Par Olivier)

Nous sommes vraiment en voyage, désormais.

L’Afrique est proche, ses senteurs, ses odeurs, ses chaleurs.

A l’aube du 29 Septembre, nous nous engageons sous voilure réduite dans le canal de Sao Vicente, entre l’île du même nom et sa voisine, beaucoup plus grande et beaucoup plus montagneuse, Santo Antao. Je connais la fréquente accélération du vent entre les deux reliefs, les rafales à plus de 40 nœuds n’y sont pas rares.

Vers 3 heures du matin, j’ai réveillé Marin pour qu’il m’aide à affaler la grand-voile. La présence de la corne de grand-voile (qui permet une augmentation de la surface de toile) complique un peu la manœuvre, plus facile à deux. Entre autres jobs, il a celui de grimper à 4 mètres de hauteur le long du mât pour aller déverrouiller le mousqueton de têtière. Marin a une énorme qualité pour … un marin : il se rendort très vite après la manœuvre (çà c’est pour rassurer sa Mamina…)

Je lui fais remarquer que notre hôte de la veille, une hirondelle capverdienne perdue en mer à plus de 200 kms de la terre la plus proche, qui s’est posée à bord à bout de forces, était toujours en vie, perchée sur la lampe à pétrole, à l’abri du roof. Toute la nuit, sa tête a disparu dans son plumage, mais elle a repris des forces, et aux premières lueurs d’un nouveau jour elle aura le bonheur d’apercevoir son île, à quelques milles devant les étraves. Elle virevoltera quelques secondes autour du bateau, partira vers la terre sur quelques dizaines de mètres, mais reviendra se poser quelques instants sur l’écoute de solent, comme pour dire au revoir et merci, avant de s’envoler vers son salut, portée par le vent…

Je suis heureux que ce jour commence ainsi.

Avant de parvenir dans l’archipel, nous avons tout entendu sur les problèmes de sécurité (vols, agressions) aux Iles du Cap Vert. Certains bateaux renoncent même à y faire escale.

Nous avons seulement rangé à l’intérieur du bateau tout le matériel voyant qui pouvait susciter l’envie.

Cela fait plus d’une semaine que nous sommes au mouillage de Mindelo, le plus grand port de l’archipel, et nous n’avons rencontré que des autochtones charmants, ou à peu près. Bien entendu, il y a toujours le quota de ceux qui ont abusé du « grog » (redoutable) et/ou des plantes « aromatiques » qui viennent des vallées de Santo Antao par le « Ribeira do Paul », le « bateau vomi » qui assure, en roulant et tanguant plus que nécessaire, la liaison avec l’île voisine. La nouvelle république du Cabo Verde, qui a abandonné son option marxiste il y a quelques années, et bénéficie aujourd’hui de l’aide internationale, est pauvre, mais pas misérable. Moi qui ai eu l’habitude de fréquenter les coupe-gorges, je ne ressens ici aucun sentiment d’insécurité.

Je m’ouvre de cette mauvaise réputation aux policiers avec qui je m’acquitte des formalités d’entrée dans le pays, et ils me répondent que le Cap Vert est le pays le plus sûr d’Afrique, et j’aurais tendance à les croire. La culture portugaise est très présente ici, les européens sont les bienvenus, et le gouvernement mise aujourd’hui beaucoup sur le développement touristique, encore très embryonnaire, sauf à l’île de Sal, où se trouve l’aéroport principal de l’archipel.

Je me méfie bien davantage de Dakar, où il conviendra d’être sur ses gardes.

Le mouillage est de très bonne tenue sur rade de Mindelo, bien que très ventilé. La poussière du Sahara, portée par l’alizé de nord-est, a recouvert le gréement, les antennes, et on la retrouve accumulée dans tous les recoins du bateau, au grand désespoir de Barbara.

Mélangée au sel, cette poussière ocre rend le bateau poisseux.

Les enfants observent les barques de pêcheurs, propulsées par les inévitables Yamaha, passer à proximité de Jangada pour aller pêcher à la senne dans la baie.

Prémices de l’Afrique continentale…

Le marché aux poissons de Mindelo est à 150 mètres du bateau. Il foisonne de poissons aux noms inconnus pour nous, mais on y trouve aussi thons, daurades, bonites, langoustes… et mouches, par milliers, dont quelques dizaines ont la mauvaise idée de s’installer à bord de notre catamaran.

Mais le poisson du bord est forcément pêché par l’équipage, pas question d’en acheter au marché !

Le mercado aux fruits et légumes regorge des produits venus de Santo Antao, l’île voisine, aussi montagneuse, arrosée et verdoyante que Sao Vicente est basse, sèche et aride, saharienne. Avocats, oranges vertes, citrons, papayes, mangues, bananes, patates douces, tomates, oignons, courgette, manioc, café… Pour 100 escudos capverdiens (environ 1 euro), on a 1 kg de fruits.

Barbara débusque du beurre hollandais en conserve qui fera l’affaire jusqu’au Brésil, et je localise une boulangerie (le pain est subventionné au Cap Vert) qui fabrique des petits pains individuels assez goûteux, le meilleur que nous ayons trouvé depuis que nous avons déserté la boulangerie Jaulin, du côté des parcs rochelais…

Je suis surpris par le nombre impressionnant de commerçants chinois qui ont colonisé la ville de Mindelo avec leurs petits bazars qui regorgent de tout un fatras de merdouilles made in China, venues par conteneurs entiers ; le plastique c’est … fantastique !

A l’alliance française, dont la jolie maison datant de l’époque coloniale portugaise arbore le pavillon tricolore et donne sur le front de mer, je prends un café (de Santo Antao) et feuillette rapidement Paris-Match. Sans nouvelles (de fonds) du monde depuis 2 mois (on s’en porte très bien, je le savais déjà), je retiens comme nouvelle essentielle que Georges Clooney s’est trouvé une julie italienne, ce qui porte, ai-je du moins cette impression, un léger coup momentané au moral de Barbara…Je m’empresse de lui dire que la ritale est biensûr canonissime, mais un peu vulgaire, et je sens que je sauve ainsi mon statut…

Nous n’avons pas croisé Césaria dans les rues de sa ville, mais nous nous sommes offerts un dîner dans un restaurant typique de Mindelo, où jouaient délicieusement de vieux musiciens capverdiens, qui eux ont échappé à la renommée, mais pas à la grâce de leur art.

Je suis, sans doute au fur et à mesure que j’avance moi-même en âge, toujours autant captivé par le talent que certaines personnes ont acquis au fil du temps, quelle que soit la discipline, le métier ou l’art pratiqués : cela me semble un bien infiniment précieux, peut-être parce que ce savoir-faire est appelé à disparaître avec chacune d’entre elles ?

Les enfants rattrapent progressivement le retard du CNED accumulé pendant la traversée depuis les Canaries. La maîtresse ne plaisante pas avec le sujet. Le proviseur s’aligne…

Pendant que le carré sert de salle de classe (le matin en général), j’entreprends de plonger pour tenter de localiser avec certitude l’origine du bruit sourd que j’ai entendu en mer pour la première fois, du côté de la jaumière babord. Je soupçonne le palier inférieur du safran babord d’avoir un jeu excessif qui s’accentue semble-t-il.

Seul petit problème : il y a des requins aux îles du Cap Vert, des requins marteaux et des requins citrons, entre autres. Mais je vois les pêcheurs à la senne sauter de temps en temps dans l’eau pour éviter que les poissons encerclés ne s’échappent du filet.

Certes les pêcheurs sont noirs, mais les requins ne doivent pas être racistes… ?

Je prends mon courage à deux mains, enfile combinaison, palmes, masque, tuba, et me glisse discrètement à l’eau. On ne voit pas à 50 cms, quelque part ça m’arrange !

Je fonce en bas du safran babord, puis du safran tribord, fait jouer l’ensemble : le diagnostic est vite fait, les paliers inférieurs ont pris du jeu.

Il faudra commander des paliers de rechange du côté de Marans, et probablement sortir le bateau de l’eau pour les mettre en place…

Marin me hisse (au guindeau) en haut du mât pour une autre vérification : tout va bien de ce côté-là.

Au mouillage de Mindelo, la BLU a du mal à passer et nous ne recevons plus les messages SAILMAIL. A terre, le wifi fonctionne très lentement, Internet n’en est qu’à ses débuts au Cap Vert… Les échanges d’e-mails sont difficiles.

Adélie a 11 ans le 2 Octobre ! Elle a passé commande à sa Maman de pâtes à la carbonara, et a confectionné elle-même un délicieux fondant au chocolat. Bougies, petits cadeaux, et tour de Sao Vicente en aluguer (pick-up Toyota) avec les petits amis du catamaran Gwenvidik, Félix et Rose, arrivés entre temps eux aussi des Canaries…

Joyeux anniversaire ma petite fille !

Depuis 4 jours, nos regards se portent vers les montagnes de Santo Antao, où nous nous sommes promis d’aller marcher…

Olivier

Mindelo, île de Sao Vicente, Cap Vert



Playa de San Pedro, Sao Vicente



Adélie, alias Toudou Rose, 11 years happy birthday, on a truck!