Distance à l’arrivée : 1076 milles/Distance au départ: 908 milles Distance journalière parcourue vers Rodrigues : 198 milles
Avec moins de toile, la moyenne journalière a augmenté d’une vingtaine de milles… Pas de mystère, le vent a forci, et souffle sur la hanche bâbord, à 25 bons nœuds établis. Les fichiers météo Grib sont tous en-dessous de la réalité du terrain. Mais le vent apparent, quand il souffle à 25 nœuds sur l’arrière du travers, on ne va pas s’en plaindre. Le voilier allonge la foulée vers sa destination.
C’est l’état de la mer qui provoque un certain inconfort. J’aimerais savoir pourquoi la mer, dans cette partie de l’Océan Indien, est assez vite désagréable. J’ai lu quelque part que ce serait les tempêtes des latitudes sud qui enverraient leurs trains de houle vers le nord, qui se conjugueraient, avec des directions de propagation différente, avec la houle générée par les alizés de sud-est, lesquels soufflent majoritairement en cette saison, et avec ce qu’on appelle la mer du vent, qui, localement peur varier de quelques dizaines de degrés par rapport à la direction moyenne. (J’ai par exemple remarqué que, ces jours ci, durant la nuit, le vent halait davantage le sud.) Mais pour tout dire, je n’y crois guère, l’Océan Austral fait bien le tour de la Terre, et les tempêtes des quarantièmes et cinquantièmes sud n’épargnent pas, que je sache, l’Atlantique Sud et le Pacifique Sud. Et pourtant, on n’y retrouve pas le même phénomène. Allez savoir ! Cette traversée de l’Océan Indien vers le sud-ouest n’a pas, en tous cas, et apparemment à juste titre, usurpé sa mauvaise réputation. Elle fait souffrir les bateaux, les appareils à gouverner, les safrans. Et les équipages. Je suis d’ailleurs étonné de constater le nombre de catamarans autour du monde qui ont perdu un safran, par rupture de la mèche, certains à plusieurs reprises. Pour les monocoques, cette traversée entre Cocos (Keeling) et Rodrigues doit être assez éprouvante.
Certains coups de roulis doivent être sévères, et je pense que le harnais de sécurité doit assez vite être nécessaire dans les cockpits.
Alors, voilà, il faut faire le dos rond, en rêvant du mouillage idyllique de Direction Island, aux Cocos, derrière nous, ou bien à celui du lagon de Rodrigues, droit devant.
Hier soir, même scénario que la veille. Un 2ème ris avant la nuit, un dîner crêpes (particulièrement bien réussies) pris tôt, un changement d’heure (1 heure de moins de décalage, TU – 6, soit 4 heures de différence avec la patrie, on se rapproche !), et le clan des filles au complet au dodo à bâbord peu après le coucher du soleil… Un bout de solent à l’avant, et la nuit s’est lentement étirée, à vitesse satisfaisante mais avec quelques mines sur la trajectoire… Ce matin, ciel cotonneux, le ciel bleu a disparu. Une couverture nuageuse totale, une atmosphère à laquelle nous n’étions plus habitués depuis l’extrême ouest du Pacifique.
Mer grise, vagues grises ourlées de pas mal de crêtes déferlantes. Le bateau fonce sur les vastes étendues marines qui ne semblent jamais devoir finir. A part trois oiseaux bruns que je ne sais pas identifier, et qui nous suivent parce que le passage du voilier les aide à pêcher leur pitance à la surface des flots, pas vu âme qui vive depuis le départ.
Ce soir se prépare un petit évènement, vers 21H00 bord : nous franchirons la mi-route, et le compteur du GPS, calé depuis le départ sur le waypoint de la passe nord de Rodrigues, passera sous le chiffre des 1000 milles en perdant un chiffre.
On aime bien ce genre de choses à bord. Psychologiquement, attaquer la deuxième moitié d’une traversée, c’est pas désagréable. La moitié de la route en 5,5 jours, c’est un poil mieux que prévu, une demi-journée de gagnée.
D’autant qu’aujourd’hui, et en tous cas jusqu’à maintenant (17 heures bord), Jangada a fait parler la poudre, avec une moyenne assez soutenue.
Si cela devait continuer cette nuit, on couvrirait probablement plus de 200 milles en 24 heures. Mais ce n’est pas le but.
Un peu de douceur dans ce monde de brutes… Au déjeuner, Barbara avait préparé des pâtes chinoises aux carottes fraîches et à l’huile d’olives aux piments de Bali, et un succulent gâteau aux pommes néo-zélandaises (achetées à près de 10 dollars australiens le kg aux Cocos (Keeling)) et à la vanille de Raiatea.
On arrive à survivre dans notre petit coin d’océan… A demain !
Olivier