dimanche 18 mars 2012

Billet N°153 – Sainte-Hélène, une île forteresse perdue dans l’Atlantique Sud…

Billet N°153 – Sainte-Hélène, une  île forteresse perdue dans  l’Atlantique Sud…
Par Olivier

 Ce pays est mortel. Partout où les fleurs sont étiolées, l’homme ne peut pas vivre. Ce calcul n’a point échappé aux élèves de Pitt( William Pitt, Premier Ministre britannique, ennemi farouche de la Révolution Française, qui, revenu au pouvoir, réorganisa la flotte anglaise qui défit la marine de Napoléon à Trafalgar en 1805). Transformer l’air en un instrument de meurtre, cette idée n’était pas venue au plus farouche de nos proconsuls. Elle ne pouvait germer que sur les bords de la Tamise. »   Signé : Napoléon Bonaparte.



Le commissaire russe Balmain, arrivant à Sainte-Hélène en Juin 1816, écrira quelques jours plus tard : « C’est l’endroit du monde le plus triste, le plus inabordable, le plus facile à défendre, le plus difficile à attaquer,  le plus cher, et surtout le plus propre à l’usage qu’on en doit faire. »



Voilà le décor, et l’ambiance posés. L’isolation géographique prononcée de Sainte-Hélène en a fait un endroit idéal pour éloigner et emprisonner des personnes jugées dangereuses pour les intérêts de la Couronne britannique. Ces prisonniers, dont Napoléon Bonaparte fût de loin le plus célèbre, ont toujours contribué à la prospérité (temporaire en l’occurrence) de l’île, en accroissant sa population et en augmentant son industrie.



L’équipage de Jangada vous emmène aujourd’hui là, où, selon une grande probabilité (que vous tenterez de contrarier, je l’espère sincèrement), vous n’irez jamais.



Cependant, pas de doute, lorsqu’on arrive par la mer à Sainte-Hélène (et depuis des siècles et pour seulement 3 ans encore, on ne peut y arriver que par la mer ; après l’ouverture de l’aéroport, prévue en 2015, rien ne sera plus comme avant à Sainte-Hélène…), on a d’abord l’impression que cette île haute et sombre vous rejette à la mer. Ces falaises verticales ocres ou noires, menaçantes et ourlées de nuages, au pied desquelles se brisent violemment les vagues poussées par l’alizé de sud-est, et qui tombent de plusieurs centaines de mètres dans l’océan, sont particulièrement inhospitalières. Inutile de chercher une plage de sable blanc à Sainte-Hélène.

Mais cette première impression de rudesse, que le temps adoucit peu à peu, sauf au cœur des exilés, se modifie lorsqu’on se hisse sur les hauteurs, à l’intérieur de l’île. Certes, on chercherait en vain, sauf peut-être du côté de Longwood, quelque terrain plat. Il n’y en a guère, la spécialité de l’île, c’est plutôt la pente ! Pour ne rien arranger, les accès à la mer sont très peu nombreux, et restent difficiles, y compris à Jamestown, simple petite rade sans port ni quai, ouverte aux rafales rageuses et au ressac éternel.

Mais la vérité est ailleurs : Sainte-Hélène gagne à être mieux connue, au fil des jours d’une escale. Elle ne livre pas d’emblée ses charmes au marin qui tente de débarquer sur les marches taillées dans le roc battu par les vagues, au nord de la minuscule baie de Jamestown, une entreprise encore risquée aujourd’hui. A partir du rivage rocheux au niveau de la mer, et à l’exception des rares vallons abrupts et encaissés qui entaillent la côte, il n’existe qu’une maigre végétation désertique jusqu’à 500 mètres d’altitude, puis progressivement et rapidement le sol se couvre de pâturages verdoyants qui laissent eux-mêmes la place dans les hauts de l’île à une végétation luxuriante de type semi-tropical. Diana’s Peak, le sommet de ce grand navire à l’ancre au milieu de nulle part, culmine à 820 mètres d’altitude, le plus souvent dans les nuages retenus par le relief. Sainte-Hélène est une île volcanique austère de 17 km par 10 (en gros, la superficie de Jersey), isolée par 16° de latitude sud environ à près de 2000 km de l’Angola et 3000 km du Brésil. Cape Town, en Afrique du Sud, la base arrière du navire ravitailleur de l’île, le RMS Saint-Helena ( www.rms-st-helena.com ), est à 3100 km dans le sud-est. C’est un territoire britannique d’outre-mer (British Overseas Territory), dont font également partie les îles de l’Ascension (au nord-ouest, à 703 milles/1301 km) et de Tristan da Cunha (au sud-ouest, à 1200 milles/2222 km). Un gouverneur nommé par la Couronne britannique représente la lointaine Angleterre. L’île compte environ 4000 habitants d’un sang souvent extraordinairement mêlé (à l’exception des purs anglais envoyés par le gouvernement de Sa Majesté), dont 850 vivent dans la capitale, le petit bourg de Jamestown, établi au creux de son vallon encaissé débouchant au nord-ouest de l’île. Mais l’un des éléments les plus attractifs de Sainte-Hélène, ce sont les Saintais (Saints, pour St Helenians) eux-mêmes : accueillants, sympathiques, ils ont su conserver, malgré les vicissitudes de l’histoire qui ne les a pas épargnés, une hospitalité et une générosité naturelles  teintées d’humour et de joie de vivre qui ne peuvent que séduire le marin de passage.

Pas de doute, Sainte-Hélène, ce fut une bonne surprise pour l’équipage de Jangada, dont l’escale, prévue initialement de quelques jours, dura finalement de 2 semaines. Et nous avons levé l’ancre avec regret…



Sans doute trop inculte, j’aime l’histoire simple des îles, peut-être parce que, plus qu’ailleurs, je peux la lire presque à chaque pas, à chaque regard, dans une unité de lieu qui m’est immédiatement accessible.

L’île fut découverte le 21 Mai 1502 par les marins portugais de l’escadre du navigateur  Joao da Nova, elle était alors inhabitée. Le rusé galicien fit jurer à ses marins (mais cette promesse était surtout étayée par la non communication de la position géographique de l’île, seulement détenue par quelques officiers) de ne rien révéler de cette découverte, conformément aux termes d’une bulle papale émise 8 années plus tôt par Alexandre VI, octroyant au roi du Portugal le droit de ne pas divulguer les ports d’escale ou de refuge dont ses navires pouvaient bénéficier sur la route des Indes. Mais en bon Capitaine, Joao da Nova savait qu’il n’y a rien de plus bavard qu’un marin saoul au fond d’une taverne portuaire. A son retour, il indiqua qu’il avait découvert deux îles, et les plaça à des positions géographiques imaginaires. C’est ainsi que l’existence de l’île de Sainte-Hélène resta des années durant secrète, pour le seul bénéfice du royaume du Portugal.



Le premier Saintais fut un autre portugais, dont l’histoire est originale. Il y vécut, et, finalement, y mourut heureux. C’était un prisonnier, ce qui doit sans doute se lire comme un signe précurseur d’une certaine vocation de cette île-forteresse. Fernao (ou Fernando) Lopez était un officier portugais, d’origine aristocratique, de l’Armée des Indes en poste à Goa (enclave portugaise), placé sous les ordres du vice-roi Affonso de Albuquerque. Albuquerque avait instauré aux Indes un régime de terreur, principalement dirigé contre la population musulmane de Goa. Lopez, qui était d’un esprit plus libéral (il est parfois considéré comme le premier combattant de la tolérance religieuse et raciale, et des droits de l’homme), désapprouvait les méthodes cruelles du vice-roi. Lequel faisait facilement couper les extrémités du corps humain. Lopez avait profité d’une campagne militaire de ce dernier pour abjurer la religion catholique et avait entraîné avec lui dans cette rébellion plusieurs de ses compatriotes, qu’il avait convaincus de se rallier à un despote local musulman, Hidal Khan. C’était en l’an 1512. Le vice-roi, à son retour, pût rétablir l’ordre dans la colonie, mais son châtiment  devait être terrible et exemplaire. Il obtînt du leader musulman la restitution des soldats portugais rebelles, sous la condition qu’on leur laissât la vie sauve…Les traîtres à la cause catholique et à la fidélité au roi du Portugal furent amenés en place publique, montés sur une estrade, attachés à des poteaux, entièrement dévêtus, puis épilés, avant d’être recouverts d’excréments. Le lendemain,  sur les ordres d’Albuquerque, au même endroit, on leur coupa les oreilles et le nez. Et le troisième jour, la main droite et le pouce de la main gauche. Albuquerque permit alors qu’on les libère, mais la plupart moururent. Albuquerque lui-même, Dieu ait son âme, mourut 3 ans plus tard, et Fernao Lopez, affreusement mutilé, choisit de rentrer au Portugal pour y retrouver sa famille. Mais, au fur et à mesure que le navire du retour se rapprochait du Portugal, Lopez redoutait de plus en plus l’accueil que lui réserverait son roi, mais aussi les siens, compte tenu de la déchéance physique à laquelle ses idées l’avaient conduit. Il supplia le capitaine du navire de le débarquer à Sainte-Hélène, lors de l’escale que celui-ci avait décidé d’y faire. A bord, le commandant portugais s’était pris de compassion pour cet homme intelligent que la souffrance avait mûri, et il décida d’accepter. (Selon les versions historiques, Lopez se serait peut-être enfui dans les hauteurs de l’île, mais finalement avec la bénédiction tacite du capitaine…) Il octroya même à Lopez  quatre esclaves noirs, qui débarquèrent avec lui, avec quelques outils et provisions (un baril de biscuits, de la viande et du poisson séchés, du sel, de quoi faire du feu et quelques vieux vêtements), et quelques plants. Lopez, ingénieux et débrouillard, installa la petite colonie dans des huttes de branchages, défricha une parcelle de terrain et y planta arbres fruitiers et légumes.

Nous étions en 1513 : les premiers colons de Sainte-Hélène avaient pris pied sur l’île.



Un an plus tard, un navire portugais fît escale dans la baie, mais Lopez, dont la présence sur l’île était désormais connue au Portugal, préféra se réfugier dans les montagnes, soucieux de se tenir loin du monde. Les esclaves en profitèrent pour embarquer, et le laissèrent à sa solitude insulaire.

Mais Lopez s’était bien adapté à son exil volontaire, et s’il continuait à se cacher chaque fois qu’un navire jetait l’ancre dans la petite baie, il laissait toujours à portée des marins des légumes et des fruits frais, et de l’eau en abondance. Il devint en quelques années un talisman pour les navires escalant à Sainte-Hélène. Les capitaines lui laissèrent, avec des provisions et des outils en provenance du pays, des lettres le remerciant et l’encourageant à se montrer, lui signifiant qu’il serait bien accueilli sans qu’il ne lui soit fait aucun mal. Un jour, un coq lui fût donné, qui devint son alter-ego, le suivant où qu’il aille, répondant à son appel, dormant à ses côtés et partageant chaque instant de sa vie. Le roi Jean III du Portugal eût vent des bienfaits  que ses capitaines retiraient de leur passage à Sainte-Hélène, du fait de la présence de Lopez sur l’île. Car l’exilé s’était enhardi, il pêchait maintenant dans la baie, ne savait plus quoi faire des chèvres débarquées par les navires, qui s’étaient multipliées, et il cultivait à présent une incroyable variété de fruits et de légumes, d’herbes aromatiques et médicinales. Mais chaque fois que la silhouette d’un navire apparaissait à l’horizon, Lopez continuait de partir dans la montagne, et les marins ne l’apercevaient jamais. Pourtant, l’éventualité d’un  retour au pays hantait de plus en plus souvent les pensées de l’homme de Sainte-Hélène. Quelques temps plus tard, un esclave originaire de Java s’échappa d’un navire et rejoint Lopez. Leurs relations furent difficiles, et l’on dit qu’elles auraient pu inspirer le roman de Daniel Defoe relatif à la vie de Robinson Crusoe et de Vendredi, davantage que la version plus connue basée sur l’histoire d’ Alexander Selkirk  débarqué sur l’une des îles de l’archipel Juan Fernandez, dans le Pacifique…Allez savoir ! Un jour, le roi lui fît déposer par l’un de ses capitaines, Pedro Gomez Texeira, divers présents et  une lettre signée de sa main lui enjoignant de regagner le Portugal, où il ne lui serait fait aucun mal, et où entier pardon lui serait octroyé. L’esclave javanais rembarqua sur ce navire, et Lopez se retrouva à nouveau seul sur son île.

Mais, revenu aux principes du catholicisme, il était tourmenté et souhaitait secrètement obtenir le pardon du roi et l’absolution papale. Il se décida à embarquer sur un navire marchand qui faisait voile vers le nord et débarqua un jour à Lisbonne. Le bruit et l’agitation du port lui furent aussitôt insupportables, lui qui vivait depuis des années avec les seuls murmures de son existence insulaire. Il se cacha dans la demeure du capitaine, puis fût reçu plusieurs fois en audience par le roi et son épouse, qui lui accordèrent une grande bienveillance, et leur pardon. Ses tourments s’apaisant, il se rendît à Rome pour y confesser ses erreurs et ses transgressions, et son double crime d’apostat et de prise d’armes contre la religion catholique. Il reçut l’absolution papale, et le Saint Père lui proposa une place dans un monastère. Lopez refusa tout net, comme il avait refusé la proposition royale de terminer sa vie au Portugal. Le Pape lui demanda alors ce qu’il désirait le plus. Lopez lui répondit qu’il souhaitait retourner le plus vite possible à Sainte-Hélène, pour y finir ses jours dans la pénitence et la prière.

Lopez reprit la mer et retrouva son île où il rendit le dernier soupir en 1545 ou 1546, au terme de plus de 30 années d’ermitage dans ce qu’il considérait être … son paradis.

L’histoire de Fernao Lopez est intéressante parce qu’elle symbolise la situation des habitants de Sainte-Hélène depuis des siècles : une attirance permanente vers le monde extérieur contrebalancée par un attachement profond à la beauté intérieure et à la singularité de leur île…



Sainte-Hélène est le sommet d’un énorme volcan de près de 5000 mètres de hauteur, vieux de 14 millions d’année, dont la base repose sur le socle sous-marin à près de 4000 mètres de profondeur, non loin de la dorsale medio-atlantique, à l’activité volcanique et tectonique particulièrement soutenue. Sa particularité est que sa partie émergée est entourée par un mini-plateau continental profond de 200 mètres en moyenne, qui s’étend de 2 à 6 milles au large, tout autour de l’île. Un autre volcan sous-marin imposant, le Bonaparte Seamount, a tenté d’émerger à quelques 130 km à l’ouest de Sainte-Hélène ; mais il s’est arrêté à 105 mètres de la surface. Sainte-Hélène a ainsi failli avoir une île sœur. C’est une façon de présenter les choses, mais il y en a une autre, plus proche de la vérité géologique et climatique. Depuis la fin de la dernière ère glaciaire, le niveau de la mer est monté de 120 à 130 mètres. Il y a 20 000 ans, Sainte-Hélène était beaucoup plus grande qu’aujourd’hui, et le Bonaparte Seamount était une île, bien avant que l’Empereur expire dans la maison de Longwood…

Depuis la fin de l’activité volcanique sur l’île, il y a environ 7 millions d’année, l’érosion est à l’œuvre à Sainte-Hélène. Elle a, au fil du temps, radicalement changé la physionomie de l’île. La mer, dont le niveau a sensiblement changé, a taillé ces énormes falaises abruptes et sombres, faisant basculer dans l’océan des pans entiers de roches représentant des centaines de milliers de tonnes. Les vents et les pluies ont raviné quelques rares et profondes vallées qui sont parvenues jusqu’à la mer. Des roches différentes se sont érodées différemment, donnant naissance au paysage tourmenté de l’île d’aujourd’hui.

Pendant plus de 360 ans, la situation géographique de Sainte-Hélène a permis à des milliers de navires à voiles (plus d’un millier par an dans les années les plus actives de la Compagnie anglaise des Indes Orientales) d’effectuer une escale salutaire et de poursuivre leurs voyages dans de bonnes conditions sanitaires. La disponibilité de l’eau douce, de fruits et de légumes abondants (bien davantage qu’aujourd’hui…), d’animaux semi-sauvages (chèvres, porcs, moutons, vaches…) et de volaille fournissant de la viande de qualité, ainsi que de nombreux poissons (thons, wahoos, marlins, sailfishes) a longtemps assuré la relative prospérité de Sainte-Hélène, qui ne connaît pas l’ostentation cependant. Mais les forêts, en particulier d’ébène et d’acajou, ont également été surexploitées par les navires de passage, qui ont par ailleurs beaucoup dégradé l’environnement écologique de l’île, amenant avec eux chèvres, rats, merles des Moluques, et termites qui se multiplièrent par milliers, venant à bout de la majorité des espèces endémiques de l’île.

L’occupation laxiste des portugais fut concurrencée à partir du XVII ème siècle, d’abord par les Hollandais de la VOC, puis par les Anglais. Il était fréquent que des incidents hostiles interviennent entre les Portugais, les Hollandais et les Anglais (et les Français, mais pas à Sainte-Hélène), qui, dans cet ordre chronologique, allaient emporter la suprématie du commerce sur l’Asie au cours des siècles. Les choses se gâtèrent en 1625, lorsque sur rade de Sainte-Hélène, les Hollandais, qui utilisaient l’île pour se ravitailler depuis 1561, coulèrent un navire portugais à l’ancre.  Ces derniers débarquèrent alors des canons et commencèrent à bâtir les premières fortifications de Sainte-Hélène. En 1633, les Hollandais clamèrent leur souveraineté sur Sainte-Hélène, mais ils étaient avant tout des marchands, et non des colonisateurs, et ils ne développèrent jamais sur l’île une véritable colonie, seulement un comptoir destiné à ravitailler leurs navires, ce qui laissât le champ libre aux Anglais. La VOC attachait à juste titre plus d’importance à sa colonie du Cap, et se montrait désormais agressive envers les navires anglais qui pointaient leurs étraves de plus en plus fréquemment en Orient. La East India Company (Compagnie anglaise des Indes Orientales) avait de l’ambition et, après s’être vue octroyer par la Couronne l’île de Sainte-Hélène en 1657 pour y développer ses activités commerciales, elle dépêcha deux navires, le Marmaduke et le London, avec à bord des colons, hommes et femmes, et un détachement militaire, commandés par le Captain John Dutton. Les premiers colons britanniques débarquèrent le 5 Mai 1659 dans la vallée de la Chapelle, érigée de longue date par les Portugais, qu’ils s’empressèrent de rebaptiser James Valley, en l’honneur du roi James II. Le petit village qu’ils construisirent fut appelé Jamestown. Dutton avait reçu l’ordre de faire escale sur l’île de Santiago au Cap Vert, avant de toucher Sainte-Hélène, pour y prendre quelques esclaves. Par la suite, les capitaines britanniques qui rentraient d’Orient reçurent l’ordre de ramener à Sainte-Hélène des esclaves malais et chinois : l’incroyable mélange des sangs était dès lors à l’œuvre à Sainte-Hélène. Mais le peuplement de l’île fut long à s’établir. En 1661, on ne comptait qu’une trentaine de personnes à Sainte-Hélène. En 1663, 26 colons et esclaves supplémentaires arrivèrent sur le Constantinople. Et, à la suite de l’incendie de Londres en 1667, 30 britanniques s’exilèrent sur l’île. En 1670, on dénombrait à Sainte-Hélène 48 blancs et 18 esclaves. Si les premiers esclaves étaient originaires d’Afrique de l’Ouest, d’autres furent amenés par les navires depuis Madagascar, l’Indonésie, le sub-continent indien et l’Asie. Des natifs des îles Maldives, trouvés à la dérive dans l’Océan Indien par un navire de l’East India Company, furent débarqués à Sainte-Hélène en 1735. Plus tard, en 1795, un navire hollandais fut capturé et 300 prisonniers principalement hollandais mais aussi danois, norvégiens, suédois et malais furent débarqués à Jamestown… A la fin de l’année 1815, peu après l’arrivée de Napoléon à Sainte-Hélène, le premier recensement ordonné par l’amiral Cockburn dénombra environ 3000 blancs (dont plus de 2500 soldats et marins britanniques fraîchement arrivés et dévolus à la garde de Napoléon), 1200 esclaves noirs et 400 Indiens, Malais et Chinois.



Il était écrit que Sainte-Hélène, située à la croisée des routes maritimes pendant plus de 3 siècles, allait être peuplée d’un incroyable melting-pot humain, qui se lit encore aujourd’hui à chaque pas que l’on fait dans Main Street, la rue principale de Jamestown.



Mais le pavillon britannique flotte sur la plupart des monuments de la petite bourgade, y compris la Jaguar noire du gouverneur Capes. Le portrait de la QE2 est souvent accroché dans les petits commerces, même si le gouvernement de Sa Grâcieuse Majesté a refusé pendant très longtemps, jusqu’à ces dernières années, le statut de citoyen britannique à part entière aux Saint-Helenians, qui étaient jugés suffisamment britanniques pour envoyer des troupes combattre dans l’armée anglaise mais pas suffisamment britanniques pour jouir de la pleine citoyenneté, ce dont ils furent longtemps meurtris. Dans Main Street, ou dans Napoleon Street, les deux seules rues de Jamestown, on voit circuler le van rouge du Royal Mail. La plupart des voitures sont des Land-Rover, des Austin, et les camions Bedford sont encore au travail. On voit aussi quelques Peugeot (dont la 206 cabriolet du très sympathique consul honoraire de France,  Michel Martineau, entre autres chauffeur attitré d’Adélie), venues de Cape Town, comme pratiquement tout ce que l’on voit à Sainte-Hélène. Mais depuis peu, signe des temps qui changent, les Toyota Hilux bleus et blancs de la société sud-africaine Basil Read, qui a décroché le faramineux contrat de construction de l’aéroport de Sainte-Hélène, ont tendance à envahir les petites routes, souvent à voie unique, de l’île, sur lesquelles la règle intangible de priorité veut que le véhicule qui descende laisse le passage (parfois à des centaines de mètres de distance) à celui qui monte. Aucun croisement, jusqu’à maintenant, ne se faisait sur les petites routes de l’île sans qu’on se salue, car ici, tout le monde se connaît. Même le visiteur de passage a droit à cet égard.

Cela ne va peut-être pas durer, car la mise en service de l’aéroport va radicalement changer Sainte-Hélène, et la vie qui, aujourd’hui, va avec. Les lieux ont pour nom Mount Pleasant, Lemon Grove, Devil’s Garden, Gates of Chaos, Lot’s Wife,  Half Tree Hollow, Alarm Forest, Blue Hill, Longwood, ou encore Halley’s Mount, du nom du célèbre astronome Edmund Halley qui, en 1676, à peine âgé de 20 ans, fixa sur la sphère céleste la position de 341 étoiles visibles dans l’hémisphère sud, ce qui lui valut son admission à la Royal Society de Londres. Depuis 1792, les gouverneurs britanniques de Sainte-Hélène et leurs familles habitent Plantation House, une vaste demeure de style géorgien de 35 pièces  établie dans un cadre verdoyant à l’intérieur de l’île, que nous avons pu visiter, y compris la pièce du premier étage réputée hantée, et où, de ce fait, personne ne dort plus depuis des lustres. Le gouverneur recevait ce jour-là à déjeuner, et la belle table georgian vintage était dressée, avec des plats d’argent et des verres en cristal légués par la vénérable East India Company. Sous les fenêtres de cette demeure so british évolue (lentement) le plus ancien résident de Sainte-Hélène : Jonathan, une tortue ramenée des Seychelles par un navire, âgée de 178 ans.

Me proposant d’évoquer dans le billet suivant l’époque de l’exil napoléonien (1815-1821) à Sainte-Hélène, qui fut à l’origine de la période la plus prospère de l’île, et aussi de sa célébrité dans le monde entier, nous voici à la fin de l’ére de l’East India Company (1659-1833).

Le commerce avec l’Orient avait perdu, au début du XIXème siècle, beaucoup de son importance et l’East India Company n’avait plus les moyens d’assurer, là comme ailleurs, la souveraineté britannique. En 1833, le Parlement britannique prit un décret qui prévoyait le passage de Sainte-Hélène sous gouvernement de la Couronne l’année suivante. Les activités de l’East India Company cessèrent complètement, et le déclin économique de Sainte-Hélène fut encore accéléré par la suite par l’arrivée de la propulsion à vapeur sur les navires, et par le développement des premiers systèmes de réfrigération embarqués, qui enlevèrent rapidement de l’intérêt à l’escale de Sainte-Hélène. En 1840, un navire chargé d’esclaves venus du Brésil fut remorqué en rade de Jamestown. Il était en très mauvais état et fut démantelé sur place, le bois de ses membrures et de ses ponts ayant été utilisé comme bois de construction dans l’île. Malheureusement ce bois était infesté de termites, qui depuis, se sont répandues dans l’île, créant un fléau qui perdure encore de nos jours. Mais le coup de grâce économique fût donné à Sainte-Hélène en 1869 avec l’ouverture du Canal de Suez, qui raccourcit sensiblement la route vers l’Orient.

L’histoire est ironique. Pendant plus de 3 siècles, les navires ont été dépendants de Sainte-Hélène pour pouvoir poursuivre leurs voyages maritimes ; puis les temps ont changé et c’est Sainte-Hélène qui est ensuite devenue dépendante des navires. Plus encore, depuis quelques décennies (1978 en ce qui concerne le navire actuel) l’île n’est reliée au reste du monde que par un seul navire, le cargo mixte RMS St Helena, le dernier courrier ravitailleur britannique (RMS pour Royal Mail Ship), le dernier représentant des liners de la vieille et respectable Union Castle.



De 1890 à 1897, les Anglais combattaient en Afrique du Sud pour tenter de s’imposer dans la colonie de l’Afrique australe. Le chef zulu Dinizulu, qui s’opposait à la présence anglaise (sur ses terres), fût condamné à 10 ans de détention et envoyé à Sainte-Hélène avec 2 de ses oncles, leurs familles et leurs serviteurs. Ils furent retenus dans une maison qui existe toujours dans les hauts du petit vallon de Jamestown.

De 1900 à 1902, près de 6000 prisonniers boers d’Afrique du Sud furent envoyés à Sainte-Hélène, pour s’être opposés eux aussi à la colonisation anglaise. Ils furent d’abord logés sous des tentes, puis dans des cabanes, mais la plupart avaient le droit de se déplacer dans l’île, et de travailler chez les insulaires. Au moindre incident, ils étaient enfermés dans le fort militaire de High Knoll, qui domine toujours la vallée de Jamestown. Les prisonniers de la Guerre des Boers contribuèrent eux aussi à la prospérité de Sainte-Hélène à cette époque. La population de l’île avait alors plus que doublé, on y comptait 10 000 habitants ! Pendant leur période de détention, une centaine d’entre eux trouvèrent cependant la mort à Sainte-Hélène, principalement victimes de la typhoïde, et l’on visite aujourd’hui le petit cimetière qui leur fût dédié sur une pente escarpée et verdoyante du centre de l’île.

En 1907, 25 rebelles zulus furent encore incarcérés à Sainte-Hélène pendant 2 ans.

L’île prison hébergea aussi, de 1917 à 1921, le sultan de Zanzibar (et sa suite), récalcitrant à la domination britannique.

A partir de 1922, les St Helenians commencèrent à émigrer vers l’île de l’Ascension, dont la position stratégique commençait à intéresser les Anglais et les Américains après la Première Guerre Mondiale, et où ils trouvaient un travail mieux rémunéré que sur leur île natale. 75 d’entre eux partirent cette année-là. Ce fut le début d’un mouvement migratoire qui ne s’est jamais démenti depuis, qui voit plus d’un millier de Saints travailler sur l’île de l’Ascension et aux Falklands encore aujourd’hui, provoquant au sein des familles restées à Sainte-Hélène un déséquilibre humain et social qui marque la vie des insulaires.



Son isolement du reste du monde a fait de Sainte-Hélène l’endroit le plus sûr de la Terre.

La rubrique policière des 2 gazettes locales, le St Helena Herald et le St Helena Independent, ne parlent que de quelques rayures de carrosserie faites par des enfants, pour lesquelles des enquêtes sont en cours…

Le principal élément de l’économie de l’île, la production du flax, s’est effondré en 1966, quand une directive centrale du British Post Office, qui devait probablement ignorer l’existence  de cette île lointaine (pourtant célèbre pour son activité philatélique, allez comprendre…) décréta que les ficelles de flax, une fibre végétale naturelle extraite d’une plante qui pousse en abondance sur les hauteurs humides de l’île, devait être remplacé par de la cordelette en nylon synthétique… Sainte-Hélène était le principal fournisseur de ficelle des postes britanniques, et cette activité traditionnelle disparut en quelques mois. C’est bien connu, il faut toujours se méfier des administrations trop centrales… Aujourd’hui, la réelle pauvreté n’existe pas à Sainte-Hélène où tout le monde mange à sa faim, mais la vie y est chère et peu de personnes y sont riches. L’ouverture de l’aéroport va certainement changer la donne, en faisant exploser le prix du foncier, et en permettant les investissements, et avec eux l’arrivée de riches sud-africains et de quelques fortunes britanniques et nord-américaines en quête d’exotisme accessible autrement qu’en une semaine de mer depuis Cape Town.

Le tourisme va se développer, passant d’un millier de visiteurs par an (hors paquebots, plutôt rares, et qui ne restent qu’une journée sur rade) à quelques 200 par semaine à compter de 2015 ! Juste 10 fois plus ! Et à terme 30 000 par an… Dépêchez-vous d’aller à Sainte-Hélène…

La pêche au thon (principalement, au marlin et wahoo de façon secondaire) est une activité lucrative qui a justifié l’implantation à Rupert’s Bay d’un entrepôt frigorifique qui traite et stocke le poisson en attendant l’arrivée du RMS St Helena. Sainte-Hélène produit son propre café, un arabica, entièrement bio (The Island of St Helena Coffee Company n’utilise que de l’eau de source provenant des montagnes et du guano comme engrais naturel), et excellent, mais le plus cher du monde : 100 US$ le kilo en grains ! Enfin, la vente de timbres est une activité récurrente, mais dont j’ignore … le chiffre d’affaires !

Ce qui est dommage et toujours choquant pour le visiteur, à Sainte-Hélène comme dans la plupart des îles sub-tropicales et tropicales, c’est que le mode de vie actuel, les circuits modernes de l’économie mondiale, et la fréquente ineptie de la gestion gouvernementale centralisée de ce qu’il reste des poussières des empires font que les insulaires préfèrent attendre la prochaine rotation du navire ravitailleur pour se pourvoir au prix fort de fruits et légumes venus d’Afrique du Sud plutôt que de cultiver eux-mêmes, à quelques centaines de mètres de chez eux, là où Fernao Lopez avait prouvé que tout pouvait pousser, ce dont ils ont besoin pour vivre…



Mais avec la décision, longtemps controversée, longtemps ajournée, de construire un aéroport international sur Sainte-Hélène, c’est toute la vie des Saints qui va basculer. Un changement irréversible qui va profondément modifier la physionomie de l’île dans les années à venir. Il avait d’abord été envisagé de relier Sainte-Hélène avec l’Ascension  une ou deux fois par semaine avec des avions de 20 places. Car l’île de l’Ascension dispose d’une très longue piste à usage militaire, et des vols réguliers de la RAF (Royal Air Force) relient l’Ascension à la base militaire de Brize Norton en Grande-Bretagne. Mais ce projet, pas suffisamment ambitieux, ne répondait pas aux critères de l’autonomie économique recherchée par le gouvernement. C’est la deuxième option, celle de l’aéroport international qui a été choisie.

L’aéroport, c’est la grande affaire de Sainte-Hélène aujourd’hui !

S’il n’y en a pas eu jusqu’à maintenant, c’est tout simplement que le terrain plat n’est pas la spécialité de Sainte-Hélène. Je me suis laissé dire que l’exploitation déficitaire des 26 rotations annuelles du RMS St Helena coûtait au bas mot 20 millions de livres (25 millions d’euros) par an de subventions au gouvernement britannique… Sans compter la perspective de devoir bientôt remplacer ce vieux navire… Alors, le gouvernement britannique a décidé de sortir une dernière fois son chéquier, en échange de l’autonomie économique de l’île qui doit impérativement suivre. Pour une fois, le gouverneur a du pain sur la planche…Les spécialistes envoyés par la Couronne ont fini par imaginer qu’on pouvait construire une piste, à peu près face au vent, dans Prosperous Bay Plain, un plateau de roches désolé situé dans le nord-est de l’île, sur les hauteurs, coupé de profondes ravines qu’il faudra boucher. En 2006, des avions (qui ne pouvaient évidemment pas se poser) aux commandes desquels on avait placé les meilleurs pilotes d’essais britanniques, étaient venus faire des séries d’atterrissage et de décollage simulés, qui avaient permis de valider l’idée et de tracer l’emplacement idéal de la piste. Le 3 Novembre 2011, le parlement britannique a voté la décision de construction de l’aéroport de Sainte-Hélène, dont le contrat a été confié à la société sud-africaine Basil Read. Ouverture Décembre 2015.

Un joli contrat de 201,5 millions de livres pour la conception et la construction de l’aéroport, assorti d’un montant additionnel de 10 millions de livres pour le partage des risques, et d’un dernier volet de 35,1 millions de livres pour les 10 premières années d’exploitation.  La piste est prévue pour accueillir deux types d’avion : les Boeing 737-700 et les Airbus A 319. L’île de Sainte-Hélène sera reliée une fois par semaine au continent nord-américain via les Bermudes, et deux fois par semaine à l’Afrique du Sud et à l’Europe via Windhoek (Namibie). La construction de l’aéroport est accompagnée de celle d’un luxueux hôtel 5 étoiles et d’un golf de 18 trous aux standards internationaux…

Le plus grand changement que l’île perdue au milieu de l’océan aura eu à connaître depuis sa découverte au soir du 21 Mai 1502 par les vigies de l’escadre de Joao da Nova…



Il y aurait une dizaine de milliers de Saints vivant à l’étranger, dont la grande majorité ne rentre jamais du fait de la longueur et du coût du voyage retour. Au-delà, nul doute que l’ouverture de l’aéroport va entraîner le développement économique et la création d’emplois dans l’hôtellerie, le transport, les infrastructures, les services, le commerce et les loisirs. Si vous voulez faire du business à Sainte-Hélène, c’est le moment !

Si l’aventure overseas vous tente, vous êtes les bienvenus auprès de la St Helena Development Agency ( www.shda.co.sh )

Dans la population de Sainte-Hélène, il se dit que la moitié est favorable à l’aéroport (les jeunes essentiellement, obligés de quitter l’île pour trouver du travail), et les affairistes. Les vieux sont plutôt contre, redoutant d’y perdre l’inégalable quiétude de leur caillou au milieu de l’océan, leur mode de vie, leur âme, et de voir débarquer le tourisme de masse et ses affres, la drogue et le sida, dont l’île est aujourd’hui quasiment préservée.



Moi, je suis simplement heureux d’avoir visité Sainte-Hélène avant que le premier avion ne s’y pose.



Il y en a un à qui il conviendrait de demander son avis, or les Anglais, ingrats, c’est sûr, ne l’ont certainement pas fait : c’est Napoléon.

Il a déjà assuré la notoriété de l’île chez les écoliers du monde entier, et nul doute que ses habitations de Briars et de Longwood vont avoir plus de visites que jamais !

Construire un aéroport, voilà qui aurait plu à notre empereur, qui, pour fuir l’ennui, s’était mis à jardiner à Longwood…



Petit guide commenté de Jamestown, seul village de Sainte-Hélène…



  • La petite rade de Jamestown, située dans le nord-ouest de l’île (sous le vent des alizés de SE) est ouverte du sud au nord par l’ouest ; le mouillage est donc relativement agité, les catamarans y bougent moins que les monocoques, parfois pris de crise de roulis aigu. On mouille par 18 mètres de fond environ, 70 à 80 mètres de chaîne. Nous y avons nettoyé nos carènes en plongée avec Marin. Les requins qu’on y rencontre principalement sont les requins-baleines, qui fréquentent les eaux de Sainte-Hélène entre Janvier et Juin. Pendant nos travaux sous-marins, un couple impressionnant de wahoos n’a cessé de cercler autour de nous, parfois à moins de 3 mètres.
  • Le débarquement à terre aux  wharf steps est sportif, parfois même dangereux, surtout en annexe. Le ressac y est sensible, et parfois terrible. Un service de ferry est assuré à l’heure ronde par une barque motorisée (1 £ par jour et par personne), qu’on appelle sur VHF 16.

La manœuvre y est plus sécurisée, et cela évite d’avoir à laisser l’annexe amarrée au quai et mouillée sur un grappin à l’arrière, une option que nous avons beaucoup utilisée mais qui n’est pas complètement sans risque.

  • Le visiteur (de plus de 12 ans) qui arrive à Sainte-Hélène doit s’acquitter d’une landing fee (taxe de débarquement) de 12£ jusqu’à 4 jours de séjour, de 14 £ jusqu’à 10 jours, et de 16 £ jusqu’à 21 jours, etc… Le yacht de passage se voit appliquer une taxe portuaire de 27 £ valable pour un  mois. Mais ces taxes sont perçues avec une extrême gentillesse…
  • Pas de débarquement sur l’île sans avoir apporté la preuve préalable de sa couverture personnelle (et celle de ses enfants) en terme de maladie, d’accident, et de rapatriement, par une assurance médicale adaptée. Bon, en ce qui nous concerne, nous avons montré nos cartes Vitale obsolètes, et ça l’a fait… Car nous n’avons aucune assurance de ce genre !

  • Le RMS Saint Helena lui-même mouille sur rade, et les opérations commerciales du navire se font à l’aide de barges motorisées pour le fret et de vedettes à moteur pour les passagers. Pas de port, pas de quai, même les barges ne peuvent accoster. Les deux grues mobiles du port allongent leurs flèches pour soulever les conteneurs et autres colis.  En moyenne, le cargo mixte effectue 26 escales par an à Sainte Hélène, avec Cape Town comme port de tête de ligne, et une rotation vers l’île de l’Ascension entre deux escales à Sainte Hélène.
  • Deux épaves gisent sur le fond devant le vallon de Jamestown. Le Papanui, victime d’un incendie ravageur en 1911, a été volontairement échoué à quelques dizaines de mètres du front de mer, dans moins de 12 mètres d’eau. Le Darkdale, un ravitailleur militaire britannique, fut coulé en 1941 par une torpille tirée d’un U-boat allemand. Les deux épaves offrent des plongées intéressantes.
  • Les paquebots de croisière font parfois escale à Sainte-Hélène. Nous y avons vu le MSC Melody, venant de Walvis Bay et remontant sur Dakar. 800 passagers dans la journée en visite à Sainte-Hélène ! Tout le monde dans l’île, et tous les moyens techniques sont alors réquisitionnés pour l’escale !
  • Quand on pénètre pour la première fois dans le petit vallon de Jamestown, on découvre que les parois abruptes qui surplombent le petit bourg ont été recouvertes de filets et de barrières métalliques empêchant les blocs rocheux de s’effondrer sur la ville. C’est une société française, CAN, qui a décroché ce joli contrat de travaux acrobatiques, terminés l’an dernier. 12 millions d’euros je crois, financés partiellement par … l’Europe !
  • L’équipage de Jangada a souvent été vu dans la piscine municipale en plein air de Jamestown, située sur le front de mer, juste avant de passer sous l’arche construite après les douves des fortifications. Construite par les Royal Engineers de Sa Grâcieuse Majesté.
  • Immédiatement à gauche après l’arche (1832), sur Grand Parade (la grand place), le Castle, qui était la résidence des gouverneurs  du temps de l’East India Company. Aujourd’hui, on y trouve les bureaux administratifs du gouverneur, ainsi que The Council Chamber.
  • Sur la droite, un incroyable escalier, Jacob’s Ladder, de seulement … 700 marches conduit de la ville basse à Half Tree Hollow, 180 mètres plus haut, là-haut sur la colline. Nous l’avons gravi, en faisant de plus en plus de pauses au fur et à mesure que nous nous approchions du sommet. La nuit, il est joliment éclairé.
  • Non loin de là, la prison de Sainte-Hélène a l’air assez sympathique. J’ai parfois dormi dans des endroits bien pires. Elle n’a abrité aucun prisonnier célèbre, que des petits malfrats. J’ai demandé à un Bobby, elle est vide.
  • En remontant Main Street, on trouve ensuite sur la gauche, juste après le poste de police et le tribunal, Castle Gardens. Nous y avons déjeuné au Anne’s Place, avec Michel Martineau le consul honoraire de France, à l’invitation de Jean-Louis Clemendot, ce « vieux marin » à la barbe blanche de 62 ans dont c’était l’anniversaire, qui termine à bord d’un yawl de 42 ans d’âge un tour du monde en solitaire mais avec 3 reins, commencé sous dialyse… Chapeau l’ami, et merci ! Dans les jardins, j’ai vu une plaque commémorative de la conférence que donna ici le premier navigateur solitaire à boucler un tour du monde à la voile, Joshua Slocum. C’était en 1898. (Je rêve toujours d’aller à Boston. Qui veut venir avec moi ?)
  • En face, Saint James Church, la plus vieille église anglicane de l’hémisphère sud. Dès la découverte de l’île en 1502, les charpentiers de marine de Joao da Nova construisirent à cet endroit une petite chapelle de bois. L’église actuelle date de 1772. Le diocèse de Sainte-Hélène (qui couvre Ascension et Tristan da Cunha) date de 1859.
  • Un peu plus haut à gauche, Porteous House était la taverne où Napoléon passa sa première nuit dans l’île, après avoir débarqué du HMS Northumberland en 1815. Elle a disparu dans un incendie en 1865.
  • Toujours en remontant Main Street, mais sur la droite, Wellington House est l’un des 3 petits hôtels de Sainte-Hélène. L’histoire a parfois de ces détours…

Sir Arthur Wellesley, qui n’était pas encore le Duc de Wellington, était logé dans cette demeure lors de son escale à Sainte-Hélène en 1805, de retour des Indes. Il avait alors 36 ans, mais était déjà général de l’armée britannique. Il se fit la main en battant les troupes napoléoniennes à Vitoria en Espagne, puis envahit le sud de la France jusqu’à Toulouse (1814). Avant d’infliger à Napoléon Bonaparte la tragique défaite de Waterloo le 18 Juin 1815, à la tête des forces alliées royalistes ! Il commanda ensuite les forces d’occupation en France de 1815 à 1818. Alors imaginez la scène, en Octobre 1815 : l’empereur, définitivement vaincu 4 mois plus tôt par Wellington remonte, sous bonne garde (des centaines de soldats en armes) la petite rue de Main Street.  On l’emmène visiter Longwood, dont les travaux, effectués à la hâte, ne sont pas terminés. Son escorte lui montre la maison qu’habitat Wellington 10 ans plus tôt. L’empereur se détourne. L’histoire a basculé…

  • A gauche, dans un petit bâtiment de style victorien est installé le siège de Solomon & Company, l’entreprise qui, à Sainte-Hélène coiffe l’essentiel du business. La société est bien entendu aussi le shipping agent du RMS Saint-Helena.

  • Un peu plus haut à gauche, le Consulate Hôtel, le plus chic de Jamestown (mais  cool et accessible à tous), avec, à l’étage, ses salons, sa bibliothèque, sa salle à manger ultra chic, et son balcon. Une statue de Napoléon en bois (très peu fidèle, il a franchement l’air d’un clampin) portant un drapeau français est changée de place tous les jours. La salle du bar est tapissée d’images de l’Empire. Les poteaux de la véranda sont des rails de chemin de fer. Et ceux de la so british dining room sont des mâts de bateaux. L’hôtel se veut un lieu de réconciliation. Mais c’est l’Union Jack qui flotte à la hampe du balcon. Un matin, j’ai voulu intervertir les deux drapeaux, pour faire plaisir à Napoléon. Mais les enfants m’ont en empêché… sans doute soucieux de la … vérité historique. C’est là que nous venions « faire Internet ». Et grâce à l’antique société britannique Cable & Wireless, avec le tarif le plus cher du tour du monde (mais le même partout dans les 3 établissements de l’île équipés wi-fi): 6£60 l’heure, soit 8,25 euros.
  • Encore un peu plus haut à gauche, cette sale boîte de Cable & Wireless, qui n’achemine que 3 chaînes de télévision sur l’île, au prix fort. C’est pour ça que Marin et moi avons loupé le match France-Ecosse du Tournoi des 6 Nations… J’ai été obligé de passer par eux pour envoyer à l’Ile de l’Ascension, à vocation militaire, ma demande de permis d’escale.

Près de 4 £ le fax.

  • Séparant Main Street de Napoléon Street, l’Office de Tourisme de Sainte-Hélène, sans qui rien ne se fait sur l’île. On peut y louer des voitures appartenant à des particuliers qui arrondissent ainsi leur fin de mois. Sinon, il faut grimper un peu plus dans Napoléon Street et aller chez le garagiste Colin Williams.
  • Le Post Office Building, un ancien mess d’officiers, est juste à droite. Le Philatelic Bureau y vend des timbres de Sainte-Hélène, de l’Ascension, et de Tristan da Cunha.
  • Légèrement plus haut, à un angle de rue, en face du petit marché (mais on n’y a jamais vu de marché), la Bank of St-Helena. La seule banque de l’île. Pas d’ATM (mais nul doute que cela va changer bientôt). On y retire des pounds, moyennant une jolie commission bancaire, en présentant son passeport et sa carte bleue.
  • En face un peu plus bas, l’un des rares bistrots de Jamestown, le White Horse Tavern. La consommation d’alcool est très contrôlée dans l’île, pour éviter les dérives ravageuses que l’on voit parfois ailleurs.
  • Disséminées alentour, les épiceries Queen Mary, Thorpes et The Star. Nous y passions pratiquement tous les jours, pour y glaner au prix fort un kilo de carottes par ci, 2 kilos de pommes de terre par là, parfois une salade ou 3 petits concombres, quelques pommes importées d’Afrique du Sud (25 cents de £ la pomme…). Et un pain de mie typiquement glaouche et donc parfaitement dégueulasse. Ah, l’Afrique du Sud est déjà loin, et plus encore la Nouvelle-Zélande : les approvisionnements en nourriture, fraîche ou pas, de toutes sortes,  viande comprise, y était si variés et si plaisants, et à des prix sensiblement plus accessibles qu’en France…
Allez, place à l’ Empereur !

Photo 1 - On fait parfois de drôles de rencontres, en mer...
Photo 2 - Dans le ciel de l'Atlantique Sud, un phaéton annonce Sainte-Hélène...
Photo 3 - Arrivée à Sainte-Hélène...
Photo 4 - Le vallon de Jamestown, vu du mouillage...
Photo 5 - David, le navigateur solitaire américain de Shearwater, et Marin, en rade de Jamestown...
Photo 6 - Le vallon de Jamestown, vu de la route de l'intérieur...
Photo 7 - Le cargo mixte RMS ST Helena, le navire ravitailleur de l'île...
Photo 8 - Déchargement sur rade...
Photo 9 - Sur le quai de Jamestown, des Land Rover...
Photo 10 - ... en tous genres!
Photo 11 - Grand Parade, la grande place de Jamestown, juste après l'arche fortifiée...
Photo 12 - Les armes de l'East India Company, au-dessus de la porte du Castle...
Photo 13 - Le Castle, vu de Grand Parade...
Photo 14 - Joshua Slocum était passé par là, en 1898, lors du premier tour du monde à la voile en solitaire...
Photo 15 - Le petite prison de Jamestown, où il n'y a jamais personne...
Photo 16 - Jacob's Ladder, un petit escalier de 700 marches...
Photo 17 - Le front de mer de Jamestown, vu du haut de Jacob's Ladder...
Photo 18 - The Castle, Castle Gardens, St James Church et à gauche, la piscine...
Photo 19 - Les hauts de Jamestown,village  tout en longueur...
Photo 20 - Marin chez les British...
Photo 31 - Au loin, le site du futur aéroport, à Prosperous Bay Plain...
Photo 32 - Les reliefs tourmentés...
Photo 33 - ... de l'intérieur de l'île...
Photo 34 - Sainte-Hélène a son évêque, et sa cathédrale, Saint-Paul, l'équivalent d'une église de campagne...
Photo 35 - Le vallon de Sandy Bay, une des rares vallées de Sainte-Hélène conduisant à la mer...
Photo 36 - Dès qu'on redescend vers la mer, la végétation se raréfie...

Photo 37 - Randonnée avec David de Shearwater, navigateur solitaire américain , et chef d'orchestre...
Photo 38 - Sur le sentier de Lot's Wife Ponds, au sud-est de l'île...
Photo 39 - Les falaises abruptes  de Sainte-Hélène,...
Photo 40 - ...particulièrement inhospitalières...